(abandonné) (( the disappearance of harry potter )) — .･✧ james & tom.

Terrence était assis sur l’un des sièges de la salle d’attente du commissariat. Il portait sur sa chemise blanche le blason de sa prestigieuse université. Son vêtement n’avait aucun pli. Son col était parfaitement plié tout comme ses manches remontées jusqu’à ses coudes. Il était parfaitement coiffé, suivant la mode masculine des années cinquante en la matière : ses cheveux étaient rabattus sur le côté, comme toujours. Les vaguelettes de son ondulation capillaire naturelle le rendaient moins austère, mais sa paire de lunettes arrondie lui durcissait quelque peu le visage. Son pantalon de feutre noir ainsi que ses chaussures vernies étaient de la même facture que le reste : parfaits. Il n’était pas rare de le voir, à intervalle régulier, repousser ses lunettes jusqu’à la naissance de son nez tout en fixant inlassablement devant lui. Terrence se fondait parfaitement dans la peau d’un étudiant modèle et respectable en doctorat à l’université. Aujourd’hui, l’individu que nous suivons avait décidé que son sujet d’étude serait l’économie, en particulier le système boursier — il fallait que le domaine colle avec son apparence chic. Il se disait qu’un étudiant débraillé ne pouvait étudier un sujet aussi pointu comme un élève tiré à quatre épingles ne pouvait pas étudier quelque chose de futile comme l’art ou la littérature.

C’est à partir de cet avis arrêté que l’on peut affirmer que Tom Jedusor aurait dû mieux suivre les cours d’Étude des Moldus à Poudlard. Parce que le fond de sa pensée n’était qu’un ramassis de clichés puants. Mais qu’importe. Il n’était pas venu là, dans ce commissariat, pour jouer le rôle d’un élève modèle et bien sous tout rapport, mais plutôt celui d’un étudiant paniqué. Alors, pour parfaire son rôle de composition, sa jambe tressautait sous l’impulsion de sa fausse nervosité. Il lui arrivait même de se ronger les ongles en balayant les alentours du regard, l’heure, puis l’agent au kiosque qui répondait d’un air blasé aux personnes se présentant à l’accueil pour diverses raisons. Pour ajouter de la crédibilité à sa mise en scène, il arrivait même à Tom de se lever, de pousser tout le monde, suscitant des réactions offusquées et scandalisées, et de demander d’un air affolé : « Pourrais-je savoir quand je serai reçu par un officier de police ?! Mon ami a disparu ! Depuis deux semaines ! Et tout le monde s’en moque ! Alors qu’il est peut-être déjà mort ! » Il haussait le ton, tapait même du poing. Parfois, la personne présente à l’accueil se laissait même avoir par l’autorité naturelle dans son regard et sa voix qui reprenait le dessus. « C’est quoi votre nom déjà ? » Tom prenait toujours un air exaspéré, répétant avec lassitude : « Terrence McCallister. Je vous l’ai dit au moins une bonne centaine de fois ! » Elle tapait son nom sur le clavier de son ordinateur. Effectivement, ça faisait déjà quatre fois en une semaine qu’il venait taper le même scandale. Ça explique pourquoi il était si convaincant dans son rôle d’ami éploré. Pour se présenter, il ne pouvait pas utiliser l’identité de Kenneth Swanson qui était compromise à cause de tout un tas de raisons. Mais la personnalité de Terrence était plus appropriée pour ce genre de cas — le caractère de Kenneth collait trop à la personnalité de Tom tandis que Terrence était plus… dans l’empathie. Même si chaque jour était une occasion de parfaire son rôle, Tom espérait quand même être vite reçu. Il n’en pouvait plus de jouer le même ramassis de conneries. Comme toutes les fois où il était venu et que son identité fut vérifiée, la personne à l’accueil lui répétait : « Allez vous asseoir. On vous appellera. » À peine posé sur son siège en plastique inconfortable, Tom reprenait le plus naturellement du monde ses tics nerveux : jambe qui tressaute, ongle un peu rongé, tapotement contre sa sacoche de cours en cuir sans manquer de bougonner.

Finalement, un officier de police judiciaire vint le chercher au bout d’une heure. Seigneur… Comme il fut difficile pour Tom de retenir ce sourire sadique qui pointait le bout de son nez quand il ne vit nul autre que James Potter émerger du couloir. Il aurait pu nourrir une colère et une haine sans merci à son égard, mais le souvenir de son petit-fils qu’il avait torturé puis tué dans son magasin prenait le pas sur tout le reste. Tom mourrait d’envie de lui raconter les suppliques d’Albus qui avait eu pour effet de gorger sa soif de sang plutôt que de l’apaiser. Il rêvait de lui décrire le moment où toute étincelle de vie s’était extirpée du regard d’Albus avant qu’il ne lui assène le fameux sortilège impardonnable pour lequel Tom était notoirement connu. Sa pupille gonflait d’extase en fantasmant ce moment, surtout lorsqu’il pensait au fait que James apprendrait dans la foulée qu’il était grand-père de trois bambins avec le benjamin plus froid que les autres… Maître de ses émotions, le seigneur des ténèbres arrivait malgré tout à rester de marbre face à l’un de ses ennemis majeurs dans sa quête de l’immortalité. « Enfin ! C’est pas trop tôt ! » Il se levait d’un bon de son siège, campant toujours le rôle de cet étudiant stressé et agacé quant au fait que personne ne prenne son cas au sérieux. Son rôle et sa vraie nature étaient constamment en conflit, un tourment exacerbé dès que son regard croisa celui de James — Tom revoyait le moment où il l’avait délicieusement mis à mort. Avec une facilité déconcertante d’ailleurs. Avec le recul, il se dit dans toute sa perversion que tuer Lily sous ses yeux puis l’anéantir ensuite aurait été encore plus satisfaisant que tout le reste, bien qu’il ait échoué lamentablement à tuer leur fils unique. Tom rejetait cette partie de l’histoire au fin fond de sa mémoire quand il gagnait avec James son bureau, histoire de ne pas s’énerver inutilement. Ce n’était pas vraiment le moment.

Maintenant qu’il était enfermé avec lui dans cette petite pièce, le sorcier avait une montée d’adrénaline très satisfaisante qu’il réprimait immédiatement afin de ne point gâcher sa petite prestation (pathétique si vous voulez mon avis). Il s’assit en face du bureau de James quand il lui fit signe, puis il s’empressa de lui déballer la raison de sa venue : « Comme je l’ai dit à la personne tout bonnement incompétente à l’accueil… » Il poussait un profond soupir. Sincère. Il n’en pouvait plus de vivre parmi la crasse des moldus et d’avoir l’affront d’être confronté chaque jour à leur sous-intelligence manifeste. Il réajustait ses lunettes dans un tic nerveux. « Je viens pour signaler la disparition de mon ami. » Son regard glacé se plantait sur James. On notait quelque chose de différent dans ses yeux qui avaient la couleur de l’océan — pas ce bleu clair que l’on trouve sur le rivage, mais plus ce bleu nuit dans lequel on baigne une fois dans les profondeurs des abysses. Il y avait des éclats de perversion au milieu de cette noirceur marine. Tom avait bien du mal à rester dans son rôle qu’il avait préparé pendant des semaines dès qu’il avait appris que James Potter était dans les parages. Il aurait pu le tuer. Là. D’un coup sec lancé avec sa baguette pour en faire jaillir cette lueur verte meurtrière. Mais sadique comme il était, Tom avait la fâcheuse tendance à faire durer le plaisir — mettre à mort n’était plus du tout satisfaisant, les préliminaires en revanche… Pour ne rien laisser transparaître, il mit son silence et son attitude étrange sur le compte de la nervosité. « Excusez-moi. » Il s’éclaircissait la gorge. « Mais je suis très inquiet. Ça ne ressemble pas du tout à mon ami qui est très sérieux, mais surtout très impliqué dans la vie estudiantine de disparaître ainsi. Il ne ratait jamais aucun cours. » Tom soupirait. Sincère encore une fois : ça lui brûlait la bouche de faire des compliments sur cet individu qu’il haïssait plus que tout au monde, même plus que sa propre mère. Il repensait à la mort d’Albus, à celle de James et de Lily pour éviter de sombrer dans une fureur trop prenante — leur mort l’apaisait. Après quelques minutes de silence, Tom reprenait, le regard larmoyant. « Tout le monde le cherche ! Il s’appelle Harry. Harry Potter. » Inutile de vous décrire l’état second dans lequel Voldemort se trouvait en prononçant ce nom maudit devant celui qui l’avait engendré. Il aurait aimé lui balancer son sourire éclatant plein de jubilation, mais il restait dans cette attitude pitoyable supposée attirer la pitié. Il jouissait aussi du fait que James ne savait pas qui il avait devant lui alors que Tom avait toutes les cartes en main. La seule inconnue à son équation était de savoir si James avait retrouvé sa baguette ou non. Dans le doute, celle de Voldemort était coincée à l’arrière de son pantalon, cachée. En un éclair, il la dégagerait si les choses tournaient mal. Il n’avait qu’une hâte désormais : voir la réaction de son interlocuteur.