Que dire ? Les mots n’ont plus aucun sens – je pourrais passer des heures à expliquer qu’on ne toucherait pas le nerf de la guerre. Je me suis ouvert à toi (malgré moi, même), et ça n’a pas bien fini. Fin de l’histoire ; et pourtant, je ne peux m’empêcher de vouloir la continuer, de forcer ouvert ce livre de conte pour en noircir les pages et changer la route de notre destinée hasardeuse. Tu me pardonnais tout, tout sauf d’être exactement moi-même. Une part de moi est remplie d’amertume, voudrait te dire que toi aussi, tu as changé et que j’apprenais à t’aimer avec ces différences, avec ces trous de mémoire et ce nouveau corps. Mais j’ai commis l’impensable et j’en collecte maintenant les résultantes. Normal, tout à fait normal ; la vérité, c’était que je savais, que j’avais anticipé cette version des faits, mais espéré avec ardeur que nous n’en arriverions pas là. C’est là tout le problème – j’ai foncé droit devant sans planifier toutes les issues, en quelques sortes. Je savais que ça arriverait, mais j’ai préféré ne pas me faire un plan de contingence.

Alors pour moi, c’est la monotonie des journées régulées à la minute près qui m’a pris. Se lever le matin, nourrir Canard, prendre le petit-déj, faire mon stream torse-nu, aller au gym, travailler un peu plus, toujours plus. J’ai perdu le compte des heures passées dans le sous-sol de mon appartement, penché sur la planche de travail, à dessiner de mémoire le cerveau cybertronien et ses composantes. Parce que je sais que je peux me transformer, maintenant, même si je devrai aménager le sous-sol pour pouvoir rentrer dedans et avoir l’espace pour faire la chirurgie. Chirurgie ? Je vous vois déjà vous demander ce que je suis en train de vraiment traficoter.

Simple : je me débarrasse de la partie de moi qui est Cheetor.

Parce que comme ça, tu hésiteras moins à m’aimer, n’est-ce pas ?

Et Cheetor – la partie de lui qui est en moi, c’est très clairement la raison du retour de mes émotions. Mais malgré mes émotions qui me poussent dans mes retranchements, la vérité, c’est que je reste un être logique. Cheetor m’a rendu mes émotions, et donc, pour retirer le Cheetor pris dans mes données, il me suffit d’abord de retirer mes émotions. Simple, efficace, et diablement douloureux comme processus, mais comprends : pour toi… Pour toi, je souffrirais cette douleur et encore plus s’il le fallait.

Mais le processus, malheureusement, était très long. Parce que je n’avais qu’une chance de le réussir, et que le processeur de mes motions cybertroniennes était près d'autres composantes délicates et importantes que je ne pouvais pas endommager dans le processus. Aussi, il fallait non seulement que je me rappelle de la chirurgie (c’est une affaire qui prend du temps, mais qui est facilement faisable), mais surtout que j’adapte mon besoin de matériel pour des composantes humains ou, tout du moins, de moindre qualité. Et comme je ne compte pas faire n’importe quoi à mon cerveau, disons que ça a pris beaucoup de temps, d’essai et d’erreurs, aussi. Mais aujourd’hui je suis confiant que ça ira.

« Bon matin, tous » dis-je en posant un petit devant la caméra ; « C’est rare que je vous adresse la parole » continuais-je, repoussant d’un geste fluide ma chevelure qui collait à mon corps qui brillait sous les néons à cause de la sueur qui arrivait inévitablement quand je faisais de la construction de matériaux et que je filmais, les deux processus créant beaucoup de chaleur. « Je travaille depuis quelques semaines sur un procédé, et je suis arrivé à la phase de test » ma voix est grave, mon intonation doucereuse. C’est que je [i]sais[i] que tu es de l’autre côté de cet écran, même si ni l’un ni l’autre nous ne voulons l’avouer. Alors c’est à toi plus qu’à eux que je m’adresse. « Je vais devoir couper la diffusion pour quelques heures, comme je ne souhaite pas partager le processus » je tente une moue comique, qui fait mécanique pour le coup. « À bientôt » souffle dit avec amour, l’émotion qui me prend à la gorge alors que je m’étire vers la caméra pour la fermer pour la journée. Demain je serai un autre bot – c’est le plus important.

Alors je soupire, je m’assure que Canard a tout ce qu’il lui faut pour la journée, et puis je m’attelle à la tâche, me transformant maladroitement pour m’installer, et oui, directement sur le plancher parfaitement nettoyé, les tables et bureaux étant poussés contre les murs. J’utilise ma main télépathique pour attraper les outils dont j’ai besoin, pour brancher le tout, et moi, je m’attelais à ouvrir mon torse, à travers duquel on se faufilera jusqu’au processeur d’émotions. Ensuite, avec de toutes petites soudures qui prendraient très longtemps, on arriverait à affaiblir le métal qui contenait mon processeur d’émotion et le retirer. Le hic, c'est qu’en général, ce genre de truc, on le ferait idéalement quand le bot est en mode hors ligne, mais comme je suis à la fois le patient et le chirurgien, je devrai simplement serrer les poings et endurer cette douleur.

Et douleur, il y eut. J’ai eu du mal à contenir mes cris, quand bien même je savais qu’ils ne m’aideraient pas. Quand je n’avais plus la force de continuer, c’était ma main télépathique qui prenait le relais, et ainsi de suite – il prit quelques heures, mais nous y sommes arrivés, les outils microscopiques se retirant de mon châssis pour que je puisse le refermer et…

Pendant un instant, je suis [i]lui[i]. Plus tout à fait moi, mais ce Shockwave que l’univers a appris à connaître et à détester, à craindre, aussi. Je ne ressens pas le vide qui me remplit – parce que je ne ressens pas, point. Enfin, tout, sauf cette douleur sourde dans mon poitrail qui persiste, mais je l’ai connue avant, puisque ce n’est pas ma première fois. Je suis pour le moment prisonnier de mon sous-sol parce que s’il y a de l’espace sur le plancher pour m’étendre, monter l’escalier vers l’appartement, ça, ce ne sera pas possible. Je me redresse simplement, ne ressentant même pas de satisfaction ou de soulagement quant au fait que [i]maintenant[i], il n’y aura plus de doute dans ton esprit par rapport à qui je suis. Tous les doutes qui m’accablaient deviennent d’une clarté effrayante, et un à un, je les résous avec une précision monstre. Machine ; il n’y a plus de cœur dans mes considérations, mais je ne ressens plus non plus cet [i]amour[i] que j’ai pour toi, pas plus que je ressens fortement le besoin de ta compagnie. Mais mon admiration pour ton travail reste, mon respect pour toi, également. Il est tout naturel que je cherche ta compagnie – parce que logiquement, tu es un des rares qui pourraient vraiment maintenir une conversation avec moi.

Et puis, l’horreur.

Ouais – parce que vous pensiez que d’arracher une partie de mon être n’était pas assez horrible ? Il fallut bien que je redevienne humain pour passer l’escalier. Et en plus de la douleur intenable qui m’envahit, me pliant en deux de douleur, moi qui m’étendis pathétiquement contre le carrelage de mon sous-sol parce qu’il était frais, je les sentis. Revenir un à un ; mes doutes et mes aspirations, les [i]sentiments[i] que pour une heure, je n’avais plus. La douleur provoqua en moi un violent au-le-cœur, mais j’eus la chance de ne rien expulser, pour cette fois. Je me suis lamentablement hissé en haut des escaliers, un processus long et étourdissant, moi qui avançais une marche à la fois, assis sur une et poussant avec mes pieds pour me soulever jusqu’à la prochaine.

Le reste m’est flou – je ne sais pas combien de temps cela a pris, mais je me suis rendu dans mon lit où je me suis vautré pour… Pleurer. Toutes les larmes de mon corps ; pour ma défaite, pour ma douleur, pour le traumatisme que je venais de vivre, mais aussi, et surtout, parce que cela voulait dire qu’il n’était pas possible, de cette manière en tout cas d’exciser Cheetor de ma conscience.

Et puis- et puis il y a la dégradation du corps et des pensées. Je reste dans mon lit des heures durant, ne me levant lamentablement que pour nourrir Canard et m’assurer qu’il allait bien. Parce qu’il m’était plus facile de prendre soin de lui que de moi. Est-ce que mon attachement pour la petite bête me venait de Cheetor, elle aussi ? C’était plus que possible, dans les faits. Mais qu’importe ; pour le moment, je sombre dans un lourd sommeil accompagné de rêves qui me pèsent sur la conscience. Il ne suffirait que de peu pour me sauver ; mais ce dont j’ai besoin, c’est justement ce que je ne peux pas aller chercher, parce que j’ai échoué. Je suis un triste échec, rien de plus, et au fond, est-ce que cette vie vaut vraiment la peine que je me démène pour elle ? Et alors que ces pensées lugubres m’assaillent, le temps passe sans toutefois que je prenne une action drastique. Cela demanderait de toute manière trop d’énergie – énergie que je n’ai pas, surtout que j’ai du mal à avaler quoi que ce soit…

À la porte, ça sonne. Je fais mine de n’avoir rien entendu, je m’enfonce plus profondément dans mes couvertures avec l’intention ferme de simplement macérer dans ma douleur. Mais au-delà de la protection de mon cocon de couvertures, j’entends les toc toc toc habituels d’une personne qui insiste. D’une personne qui sait, profondément, que je suis là. Alors je m’étire bien lâchement et laisse ma main errer sur la console à côté du lit, attrapant mon téléphone cellulaire pour activer la caméra à l’avant de mon appartement ainsi qu’éventuellement le microphone qui me laissera parler à al personne inopportune. Dehors, là où tu es, tu peux entendre le mouvement familier de l’objectif de la caméra qui zoom et focus sur ta personne – bruit qui évidemment vend le fait que je suis bien, sinon pas là, en trian de regarder pour vérifier qui est là.

Et moi, de mon côté- je te vois, toi. Mon cœur fait un bond qui m’envoi en spirale tout entier, qui fait trembler à nouveau mon corps qui croule sous le poids de mes erreurs. Et pourtant, malgré tout, te voilà là, au pas de ma porte, comme inquiet de ce qui m’arrive. J’ai au moins l’intelligence de savoir que ta présence ici, aujourd’hui, n'est pas dû à un fortuit hasard, je ne peux y croire. Je sais (espérais) que tu suivais mon OnlyFans, alors peut-être as-tu vu que j’étais en train de préparer quelque chose et mon silence, par la suite, t’auras inquiété. Je retiens un bouillon, un sanglot qui veut sortir – parce qu’encore une fois je te dérange avec les aléas de ma personnalité, comme quand on m’a retiré mon visage pour ne me donner qu’un œil. Cette fois-là aussi, tu avais tout laissé tomber pour venir me voir, pour t’occuper de toi.

Et - et je ne peux pas te faire l'affront de prétendre que tu n’es pas là. Tu mérites mieux- tellement mieux que moi, ma carcasse blessée et mon égo démesuré. Lourdement, comme si mes membres pesaient une tonne chacun, je me redresse dans mon lit, je repousse le duvet qui me protégeait du monde extérieur et je frissonne – chaque mouvement, même si minuscule, de mon corps me provoquant des douleurs nauséeuses. Pourtant je me redresse. Je passe devant le miroir et je passe le peigne dans mes cheveux pour leur donner une allure semi-présentable. Et puis je me dirige vers la porte, que j’ouvre tout doucement.

« Jack? » dis-je, me mordant la langue pour ne pas t’appeler par ce surnom affectueux que je t’ai trouvé. « As-tu… besoin de quelque chose? » je tente d’avoir l’air digne mais je tangue sous mon propre poids, me maintenant debout par la force de mon bras qui se retient contre le cadre de porte. J’ai des cernes à n’en plus finir, des sillons de larmes misérables, mes vêtements sont fripés et, malgré l’heure, je suis dans un pyjama de flanelle confortable, chaud, doux parce que mon corps ne supporte rien d’autre. À quand date la dernière douche? Est-ce que je me suis brossé les dents ce matin? Et puis je craque et j’ajoute : « Entre » [i[si tu veux[/i], que je finis par dire, me fendant en deux pour te laisser de l’espace pour entrer dans mon appartement. Et malgré mon état lamentable (psychologiquement), mon appartement, lui, est toujours aussi bien rangé qu’à l’habitude, sinon qu’en ce moment il donnait plutôt l’impression d’être rarement utilisé…

Ça ne passe pas inaperçu – tu te reprends quand tu m’appelles Waverly et je tique un peu, parce que je ne sais pas comment ça me fait sentir. Waverly n'est qu’un nom, ça ne devrait logiquement pas me déranger – je suis ton Shockwave et au fond, ne devrais-je pas préférer ce nom à celui que j’ai emprunté pour les humains? Au fond c’est comme notre secret à nous deux, quelque chose qui nous lie. Alors oui; je tique d’abord parce que je suis sensible en ce moment, mais après consultation interne, j’ai décidé que c’était pour le mieux, que c’était comme un signe que tu m’acceptais comme tel, comme ton Shockwave, et ce malgré les… détails de mon retour à la vie. Je suis, toutefois, trop éclaté pour remarquer qu’au fond, nous avons les mêmes considérations; toi tu ne sais pas si tu dois m’appeler Waverly ou Shockwave (ou Shocky…), et moi j’hésite entre Jack et Jackalope. Et puis une petite pointe de culpabilité me prend, parce que je ne t’appelle pas Wheeljack. Pourquoi? Après tout c’est ton nom. Mais j’avais avec égoïsme voulu te trouver un surnom rien que pour toi et moi, et puis jack fait bien parti de ton nom cybertronien.

Je ferme la porte derrière toi – légèrement soulagé que tu aies voulu entrer. Mais pourquoi te serais-tu rendu ici si ça n’allait pas être le cas? « C’est-ce que je faisais » dis-je d’abord, pas sur la défensive, mais simplement de manière logique (preuve, peut-être, que je reste moi dans les détails les plus importants de ma personne). Mais je conçois que c'est un peu abrupte, comme manière directe de le dire, alors j’ajoute : « Mais c’est gentil de passer » et puis suivis d’un  « Comment… as-tu su? » alors que je fronce des sourcils, une activité habituelle qui en ce moment me fais mal au front. Peut-être est-ce simplement un hasard, mais je n’y crois pas trop. « Je… je ne sais pas de quoi j’ai besoin »  que j’admets, et puis ma voix, traitresse, craque alors que je tente de continuer à parler.

« Mais à défaut de savoir ce dont j’ai de besoin, je sais ce que je veux » épaules affaissée, je me sens comme une loque humaine – et je déteste me sentir humain. Lèvres qui hésitent et puis j’ajoute : « Je- » non. Je n’ai pas le droit de demander. De m’attendre à obtenir quoi que ce soit, moi qui suis dans le tord sur toute la ligne. Et pourtant me voici, l’ombre d’un homme et certainement pas digne d’un Cybertronien, à me décomposer devant toi à vu d’œil. « Retourner dans mon lit, déjà » et puis… « Tu peux… venir dans ma chambre si tu veux. Je ne dis pas non à entendre le son de ta voix, même si je ne serai pas bon converseur » voilà – j’ai demandé ce que je voulais (à moitié, j’aurais préféré encore des câlins). Et puis j’ajoute au hasard; « Tu peux aller chercher Canard aussi. Lui te sera de meilleure compagnie »

Et puis- juste comme ça, je glisse dans la direction de ma chambre (tu n’y es jamais entré, je crois, tu seras peut-être choqué par la quantité de mauve un peu partout. Mais c’est mon antre à moi, alors qu'on ne juge pas trop ma décoration, elle n'est là que pour moi. Chaque mouvement un supplice que je mérite, je ne plains pas mais la douleur se lit sur mon visage. Et puis je m’effondre tout bonnement dans mon lit, me fondant dans les draps de soie violets et me recouvrant de ma douillette assortie, seul un petit bout de ma tête en dépassant. C’était pathétique – et pourtant, il y avait quelque chose de presque doux de savoir que malgré mon humeur et ma disposition, tu pouvais être juste… là.

« Je sais » dis-je lentement, chaque mot arraché comme une nouvelle douleur à vivre. Et pourtant je ne pourrais m’ne empêcher – parce que les mots sont la seule chose qui me permet de me raccrocher à toi. Tant que nous parlons, alors il existe un nous. Et puis, comme réalisant à quel point il était hautain de ma part d’admettre que je savais avec certitude que tu avais regardé certains de mes streams, j’ajoute, plus humblement; « Je peux voir les usernames de ceux qui passent. J’ai déduit lequel était le tiens » pas que ce fût difficile, en soit, parce que je te connais bien. Et puis – un rire s’échappe de moi, ses tremblements comme autant d’épines de douleur qui affligeait mes muscles fatigués et endoloris. Il ne dura pas, ce rire (voir la phrase précédente), mais il était honnête, quoiqu’un peu âpre et rude. « Connerie… c’est le bon mot » soufflais-je ensuite – comme confirmant là tes pires intuitions. C’est un drôle de jeu, que de tous les deux savoir de quoi il s’agissait sans le mentionner vraiment à l’autre, de peur d'avoir raison. Mais je sais que tu sais et tu sais que je sais, alors restons-en là. Je ne m’attarde pas sur la chose (toi, peut-être), parce que je ne sais pas si je suis prêt à parler à la fois de ce que j’ai osé faire – ainsi que de mon échec.

« Non, en effet, ce ne serait pas bon » et sur ça non plus, je n’ai pas envie de m’attarder, mais mon esprit s’arrête un peu. Parce que tu es venu ici, et que je ne sais pas dans quel but. Peut-être juste pour vérifier que j’étais pas mort suite à une expérience ratée, peut-être (j’en doute). Peut-être ne le sais-tu toi-même pas, au fond. Mais c’est vrai qu’il est mieux de garder tes distances, Jackalope, parce que mon cœur est dans un état de fragilité avancé et que d’espérer pour rien pourrait l’achever (quel dramatisme, je sais).

Et puis- je tique.

Ah – donc nous allions en parler. « Deux fois juste. C'est bien moi et ce que j’ai tenté de faire » depuis la présence rassurante de mes couverture et de mon lit, il me dérangeait un peu moins de mettre à nu ma connerie. « J’me suis changé en route vers le gym » que je dis, comme si c’était ça le bout d’explication que tu voulais avoir sur la chose. Comme si de se transformer avait été le point central de notre discussion. « Et comme tu peux voir… ça m’a donné des idées » et puis-

Et puis tu me complimentes (je crois) sur ma chambre, avec ses tons de violets et ses décorations qui contrastaient avec le côté austère de mon laboratoire. Ici, il y avait un sentiment de vie qui surprend.
Mais moi, ce n’est pas à ça que je pense. Je pense à mes idées folles et à mon échec, et ce qu’elle veut dire pour le futur de notre relation. « Je suis désolé- » les larmes me piquent les yeux et finissent par couler, et je me retourne dans le lit pour ne plus te faire face (mais j’étais de toute manière couvert par les couvertures); « J’ai vraiment essayé, Wheeljack » et peut-être seras-tu surpris que je m’excuse d’avoir raté mon coup et non pas d’avoir mis ma vie en danger. « Je croyais que sans mon module d’émotion, je pourrais effacer… la partie de moi qui est de lui. Mais j’ai échoué. Je ne pourrai pas redevenir la personne que tu aimes » et puis je me roule en boule sous les couettes, et pendant un moment, je ne dis rien – je me laisse aller à cette terrible émotion qui me fait sangloter comme un enfant. Mais comprends; j’ai le cœur brisé et la certitude que je ne serai plus jamais la personne avec qui tu partageras tes câlins et tes rêves et ta vie. C’est comme ça – j’avais une chance et je l’ai ratée, comme tout le reste.

« Parfois j’ai l’impression de te connaitre par cœur » et j’expulse de l’air comme si je voulais rire, mais aucune rire ne me vient. « Mais j’ai manqué de gros bouts de ta vie. Mais ton pseudonyme… ton pseudonyme facile à identifier, il me donne un peu l’impression d’avoir manqué trois fois rien. Comme si on jour on allait pouvoir recommencer là où on s’étaient arrêté » J’ai mal- j’ai mal, mais les mots ils sortent tous seuls. Il se trouve qu’après quelques semaines sans toi, j'ai ressassé mille fois les choses à te dire et à ne pas te dire, mais là c’est mon cœur qui parle et pas ma raison. Et puis un éclat entre le rire et le sanglot, peut-être, que je ne saurais pas décrire autrement. « Tu gênes pas, Wheeljack. Tu n’as jamais gêné et tu ne gêneras jamais. Que ce soit à trois heures du matin parce que t’as eu une nouvelle idée ou à n’importe quel moment parce que quelque chose t’as fait penser à moi. Même si t’as rien à dire ou si tu parles à cent milles à l’heure. Ce n’est pas ça le souci. C’est pas toi le soucis » et je veux être fort, et je veux ne pas me complaire dans ma misère, vraiment. Parce que mes blessures sont infligées par moi-même, mais le souci c’est que la seule personne qui peut me faire sentir mieux, c’est toi, et à quelque part, ce n’est pas juste pour toi. Tu ne devrais pas avoir ce poids là sur les épaules. J’aimerais être celui dont on a besoin, au fond. Celui dont tu as besoin.

« Pardon » que je murmures, fermant les yeux. « T’as raison, tu mérites mieux que des excuses » c'est pas ce que t’as dit, je sais, mais je- voilà. Et puis je ris; « je dis que tu mérites mieux mais je préface avec un pardon. C’est à rien y comprendre » oui; analyser mes bêtises par la logique, en soit, ça a quelque chose de calmant. La logique est pour moi comme une béquille, parce qu’elle explique tout sauf l’inexplicable. « J’crois que certaines personnes diraient que y'a rien de logique dans tout ça » oh, et je sens la tirade qui vient; « Certains diraient qu’il n’y a pas de logique dans le fait d’aimer un autre. Mais moi je sais qu’ils ont tort » et puis un autre souffle-rire, un peu plus sincère cette fois, quand bien même chaque spasme me tire des douleurs horribles. Mais tu es là et pour moi qui t’aies attendu pendant si longtemps – c’est comme de pouvoir respirer de l’air frais à nouveau, qu’importe combien ta présence ici puisse être bancale. Et puis c'est drôle parce que comme toujours, j’assume – non, je connais- ma position supérieure en tant que libre penseur.

« T’aimer… » je doute, et ma voix aussi; ais-je même le droit de dire que je t’aime? « T’aimer c’est à la fois la choses la plus facile et la plus difficile du monde » soufflais-je. Je te fais toujours dos, je n’ose pas te regarder droit dans les yeux, parce que je comprends la fragilité du moment. Il y a de ces choses qui tombent sous le sens que je n’ai jamais dites, pourtant, et peut-être que cela a été une erreur de ma part. « T’aimer c'est aussi facile que respirer. Il m’a fallu un seul regard vers ta bouille excitée en train de me parler de tes expériences et j’ai su » c’est la vérité, mais le sais-tu même? Parce qu’à ce moment-là j’en aimais un autre, et que j'avais eu des réserves à me lancer dans une autre possible relation. Mais j’ai toujours aimé les gens dans ton genre. Passionnés. Intelligents. « Mais t’aimer c’est dur, aussi. À cause de tout ce cheminement que je dois faire sur moi, tous les jours. C’est dur parce que tu es dans mes veines même quand tu n’es pas là, parce que je me distrait moi-même de mon travail en pensant au prochain message texte que je recevrai ou que je ne recevrai pas »

T’es silencieux, surtout. Je crois que t’écoutes – et sans voir ton visage, il est difficile de savoir ce que tu en penses. Mais tu dis quelque chose et je réalise que- que peut-être que les mots que j’utilise sonnent comme une accusation. Et peut-être que je t’en veux, à quelque part, même si je ne veux pas l’avouer, parce que je n’ai aucune raison de l’être. De nous deux, dans cette histoire, le plus rationnel, c’est toi. « T’es pas idiot, Wheeljack. T’as le droit d'avoir tes sentiments et tes réserves. Je les aurais à ta place. C’est juste que – que tout serait tellement plus simple si… » oh; où s’arrêter? « Je sais même pas jusqu’à où remonter. Ça aurait été plus simple si je n’avais pas été affecté par le spark de Cheetor. Mais aussi, ça aurait été mieux si je n’avais pas décidé de corrompre l’Allspark. Ça aurait été mieux si j’avais priorisé notre relation plutôt que la guerre, ça aurait été mieux si je n’avais pas rejoint les décepticons. » et puis quoi d’autre? On peut revenir des milliers d’années en arrière - « mais on peut pas changer l’état présent des choses » et puis un faible, pathétique rire, aussi pathétique que je me sens. « En tout cas c’est mieux si je le vois comme ça, sinon je risque de passer les trente prochaines années de ma vie à trouver un moyen de revenir en arrière et- à dire vrai c’est plus douloureux, et plus difficile, mais c’est mieux de faire face à la musique maintenant. » la vérité c’est que je ne me vois pas passer des années sans toi. Ça finirait d’achever toute étincelle de vie en moi, je crois. Parce qu’on peut être vivant sans l’être réellement.

« C’est pas- t’as raison, le problème c’est pas mes émotions. Mais c’est de savoir si ce sont mes émotions et- et tout ce que je peux te dire c’est que je peux pas prouver hors de tout doute qu’ils ne sont pas changés par la touche de Cheetor qui vit en moi. Par contre, ce que je peux te dire… » et douloureusement, je me redresse, j’adosse mon dos à la tête du lit et je laisse ma tête aller vers l’arrière. « Tout ce que je peux dire c'est que c’est moi, maintenant. Même moi je ne pourrais dire où Shockwave commence et où Cheetor finit. Ce n’est qu’une poussière de lui que j’ai, mais elle est là, c’est indéniable. Et autant – autant je la déteste parce qu’elle fait douter, autant elle fait parti de moi et je ne veux pas le détester. Parce que la vérité c’est que je crois que je suis une bien meilleure personne avec. Mais que si tu me disais que c’était Shockwave et pas Cheetor que tu aimais, alors… alors je serai obligé de recommencer à essayer de le purger. Quand bien même il fait de moi une meilleure personne, à quoi me sert-il d’être meilleur si tu n'es pas là à mes côtés? »

Et puis je laisse mes yeux s’ouvrir et se poser sur ton visage. Un œil brun qui fouille, qui cherche dans ton regard la clef de notre destin. « Parce que la vérité, Wheeljack, c’est qu’après des millénaires passés sans toi, maintenant, dans ce corps humain, je ne peux m’imaginer passer une minute de plus sans toi. J’ai besoin de toi comme les fleurs ont besoin de soleil et pluie tout à la fois. Et c’est pas juste – pas juste de te mettre tout ce poids sur les épaules. Mais te retrouver donne du sens à tout ça. J’ai envie de te dire que j’attendrai que tu sois près pour autant de temps que tu voudras, et je le pense vraiment, mais juste ces quelques semaines ont été les plus difficiles de ma vie. Comme tu dis, tu as été là depuis bien, bien plus longtemps que la perte de mes émotions. Mais tu sais, en rétrospective, ces moment-là étaient faciles, parce que tu étais là. Perdre son corps pour ses idéaux n’est pas si dur quand on a quelqu’un a nos côtés qui voit le spark derrière l’œil unique et pas juste les choix qui y ont mené. »

Mes lèvres s’agitent. J’en ai trop dit, mais j’ai aussi l’impression d’avoir dit si peu. « Je t’aime » humidité qui se noie dans mes yeux pour perler au bord de ma paupière, je te demande, finalement; « Est-ce que tu peux voir un monde où ce serait suffisant? » et l'espoir, et la terreur, aussi; je sais que je suis sensible et émotif parce que j'ai mal, autant dans ma cœur que mon âme et mon corps. Je n’aurais pas dit ces choses-là autrement. Maintenant, reste à savoir si cela donnera quoi que ce soit de bon ou pas…