Isidore aimait se confronter aux divers mystères de la ville ; il ne s’ennuyait jamais, bien qu’il regrettât souvent les vastes paysages français et suisses, pays à la riche culture qu’il pouvait parfois apercevoir dans les musées et l’architecture, et provoquait assurément une profonde nostalgie. Pour échapper au sentiment de ne pas être à sa place, dans cette modernité qui lui échappait quelquefois, il était souvent occupé à parcourir les rues, à la recherche d’occupations qui viendraient à lui, lorsqu’il n’avait pas un sujet précis sur lequel menait une enquête, ou de travaux à rendre pour ses enseignements.

Alors qu’il profitait d’une promenade à vélo, sous un soleil estival des plus agréables, il reconnu une figure dont la présence signifiait que des événements intriguant s’étaient récemment déroulés. Il s’arrêta à côté de l’autre homme, sur le trottoir, un pied à terre pour maintenir son véhicule droit. Isidore retira sa casquette béret pour révéler des cheveux hirsutes et des joues rougies par l’effort, s’éventant alors avec son chapeau pour tenter de repousser la chaleur.

-  Monsieur Holmes, il y a longtemps que nos routes ne se sont pas croisées. Seriez-vous par hasard intéressé par l’affaire de disparition qu’il y a eu dans ce coin ?

L’étudiant avait eu vent d’un étrange enlèvement, avec un unique témoin qui n’était pas certain de ce qu’il avait perçu. La jeune femme disparue n’avait laissé aucun indice chez elle, pas une lettre, pas un message dans son téléphone, comme si elle s’était volatilisée, emportée par l’ombre. La ville étant curieuse, Isidore ne serait pas étonné que ce soit réellement le cas, ou bien l’œuvre d’une créature qui rodait la nuit.

-  Ou est-ce autre chose ?

Il avait pour projet de se greffer à l’enquête du détective, peu importe ce que dont il s’agissait, surtout, peu importe son avis. Il ne fallait pas laisser échapper les bonnes occasions lorsqu’elles se présentaient.

Isidore fût ravi d’être nommé « monsieur ». Les familiarités modernes le rendaient quelquefois confus, habitué au vouvoiement et à l’usage des noms de famille pour s’adresser à autrui – ou d’être ainsi adressé par plus âgé que lui. Le respect était bien différent. Ainsi Sherlock lui permettait de revivre sa regrettée époque, pour quelques heures. Le jeune homme secoua la tête à sa première question, alors qu’il s’accouda à son vélo pour se reposer.

-  J’ai bien pour projet de mener l’enquête, néanmoins je n’ai pas encore de piste, puisque je viens d’ouïr la nouvelle. En réalité je profitais seulement du beau temps, en réfléchissant à tout cela. Nous pourrions enquêter ensemble.

La dernière phrase n’était pas une question : il avait prévu, comme à son habitude, de se greffer à l’enquête du détective. Isidore n’avait rien de mieux à faire en cette journée, et il espérait obtenir un nouveau sujet pour son podcast. Sans doute avec le temps réussira-t-il à convaincre Sherlock Holmes d’animer une émission avec lui. Il connaissait bon nombre de ses comparses étudiants qui apprécieraient la présence du britannique, et les paroles pleines de bon sens de ce dernier.

-  Je suis même prêt à me déguiser en jeune fille, s’il s’avère qu’un, ou une, criminel se cache derrière cette disparation. Vous savez, pour servir d’appât...

Sherlock ignorait cependant, et Isidore se gardait bien de le dire, que le jeune homme n’avait aucun talent pour le déguisement. Ses avis et idées étaient plus convaincants que n’importe quelles robes et perruques il pourrait enfiler pour essayer de se faire passer pour femme.