I'm comin' up so you better get this party started
Disco Heaven
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Ronald finit de ranger les rayons pile à l’heure de la fin de son poste. Il était plus aisé d’éviter les heures supplémentaires quand on n’avait pas de supérieurs excentriques, ou de démons pour compliquer le travail. Quoiqu’il se méfiât des femmes au carré un peu trop court qui demandait à parler à son manager. Probablement tout droit venues de l’enfer, ces créatures-ci. Il avait trouvé la parade, et disparaissait dans la réserve pour laisser ses collègues se débrouiller avec elles. Ils ne pouvaient rien dire, puisqu’il ne se la coulait pas douce pendant sa fuite – il souhaitait seulement éviter les personnes qui ralentiraient son travail.
Avant que son supérieur ne puisse tenter une interception, il s’élança en dehors du magasin, se préparant mentalement à affronter la dernière partie de la journée avant qu’il ne puisse filer à une boite de nuit. Son colocataire pouvait être sympathique, en plus d’être un très bon fournisseur, et ils avaient tous deux le goût de la fête, mais chaque jours Ronald craignait qu’ils ne se fassent virer. Enfin, il craignait qu’on le vire. Barty, il l’avait prévenu maintes et maintes fois qu’il faudrait qu’il se décide à faire quelque chose de sa vie ; en commençant par ranger et payer le loyer.
Il était insupportable, au moins sur ces points, néanmoins Ronald était bien trop investi dans ce chaos quotidien pour le sortir de sa vie. A défaut d’avoir des âmes à récolter, il se plaisait à faire des paris avec lui-même sur l’espérance de vie de son entourage. Son colocataire était étonnement résistant, d’autant plus que l’ancienne faucheuse était parfois tentée de le faire taire à tout jamais. Il entra dans l’appartement d’un pas enthousiaste, enleva ses chaussures et sa veste, puis décida de vérifier que son humain (?) favori (??) n’était pas passé de vie à trépas.
- Barty ! T’es encore vivant j’espère ? J’ai pas envie d’appeler les flics pour qu’ils viennent chercher ton corps, j’ai un rencard ce soir.
Il saisit un paquet d’enveloppes posé sur la table, sélectionna celles dont il était le destinataire, et laissa tomber les autres avec désintérêt là où il les avait trouvés. Dieu de la mort, ou humain bien vivant, il semblerait qu’il était condamné à faire de l’administratif. Il soupira bruyamment, pour l’effet dramatique.
- Puis j’aurai espéré que tu ranges ton bazar avant que la grande faucheuse ne vienne chercher ton âme.
Avant qu’il ne remette la main sur sa faux et qu’il ne lui fasse goûter les lames rotatives... Ronald n’allait évidemment pas le faire. Trop de problème, trop de travail. Mais il pouvait toujours imaginer.
- Les pizzas arrivent dans quinze minutes.
Peut-être que, finalement, ce serait lui le premier à décéder de stress.
L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, pourtant il est déjà plus de dix-huit heures et Barty est debout depuis seulement une trentaine de minutes. Pour lui, la journée ne fait que commencer, ce qui n'est guère surprenant après la soirée mouvementée qu'il a passée hier, et qui laisse encore des marques sur lui. Épuisé, il a eu énormément de mal à se tirer hors de son lit pour essayer de préparer le dîner, une tentative qui s'est soldée par un désastre culinaire. L'échec de sa mission l'a immédiatement poussé à reprendre son rôle de pacha en s'affalant sur le canapé. Ses jambes étendues sur un vulgaire bloc de bois qu’ils osent appeler table basse, Barty attend impatiemment le retour de son colocataire pour régler leurs comptes, mais surtout pour manger. Retrouver des forces avant de prendre la route vers le Pandemonium, sa deuxième maison, est devenu une nécessité à ce stade.
La pièce est dans un état pitoyable, les conséquences d'une cohabitation entre deux fêtards — bien que Ronald fasse plus d'efforts que lui — et l'appartement tout entier est imprégné par une odeur de brûlé. Avant même d'entendre la porte s'ouvrir, Barty sait qu'il devra supporter les reproches de son colocataire. Celui-ci ne manquera pas de se plaindre de l'état des lieux et lui rappellera une fois de plus de trouver un vrai travail, bien qu'il profite lui aussi des substances illicites qu'il vend. La voix de Ronald résonne dans le couloir jusqu'à parvenir aux oreilles de Barty, qui esquisse un sourire amusé en entendant sa question.
« Tu penses pouvoir te débarrasser de moi aussi facilement ? », il le dit assez fort pour être entendu et se retient de lâcher un commentaire puéril à la mention du rencard. Du genre : "Qui voudrait sortir avec un gars comme toi ?", parce qu’il doit bien admettre qu'il n'est pas horrible à regarder.
Ronald parvient, à bien des égards, à le supporter, mais comme tout le monde, il a ses limites. Leurs disputes les poussent parfois à se mettre mutuellement le couteau sous la gorge, mais aussi explosives qu'elles puissent être, elles se résolvent souvent à la mention d'une fête ou d'un joint à partager. Le terme colocataire semble trop impersonnel pour décrire leur lien et dire qu'ils sont amis serait exagéré, même s'il l'apprécie malgré lui (ce qu'il ne dira jamais à voix haute). Le peu d'affection qu'il ressent à son égard ne l'empêche toutefois pas de rouler des yeux lorsqu'il l'entend finalement se plaindre de l'état de l'appartement. Barty quitte le confort de son siège, ses jambes le poussant, contre son gré, à suivre le son de sa voix, afin de faciliter leur échange — qui risque probablement de devenir moins cordial incessamment sous peu.
Ronald semble légèrement plus tendu que d'habitude, si c'est à cause de lui ou son boulot de merde, Barty l'ignore, et il n'est pas suffisamment intéressé pour poser la question. À l'heure actuelle, tout ce qu'il veut savoir, c'est où se trouve sa bouffe.
« Quinze minutes ? », répète le brun, comme s’il venait de lui annoncer la pire des nouvelles. Il passe une main dans ses cheveux en bataille, une preuve de son réveil récent. « T’aurais pu les prendre sur place et me les ramener directement, au lieu de me donner de faux espoirs. », grommelle-t-il en s’adossant contre le mur.
Barty l’observe trifouiller son courrier, ce qui lui rappelle la lettre véhémente que leur propriétaire lui a envoyée. Il suppose qu'il y a de fortes chances qu'elle lui en ait également adressé une.
« J'espère que tu ne t'attends pas à un merci. C'est le minimum que tu puisses faire après avoir foutu en l'air mes vêtements et fouillé mes poches. », réplique-t-il. Par réflexe, sa main cherche à se glisser dans la poche de son jean à la recherche d'un briquet et de quoi se rouler un joint, mais il ne trouve rien car il n'a pas pris la peine de s'habiller convenablement en sortant de son lit. « Touche plus à mes affaires. Sinon, tu sais ce que je vais faire rétrécir la prochaine fois. », ajoute-t-il d'un ton faussement menaçant, mais la plaisanterie est perceptible.
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Ronald ne répondit rien à sa question, préférant ne pas révéler ô combien il avait réfléchi aux différentes manières de se débarrasser de l’autre homme, sans récolter de problèmes en retour. Si seulement la lune rouge pouvait lui redonner son statut de Dieu de la mort – il n’était pas tenté de s’ôter la vie pour voir s’il retournerait à la case départ. Ronald souhaitait les avantages (sa fidèle faux et les particularités physiques qui venaient avec l’immortalité) sans les inconvénients (mourir douloureusement). Barty n’avait, en tout cas, pas besoin de savoir ce qu’il effectuait dans sa précédente vie, même si ses blagues morbides récurrentes avaient forcément dû lui mettre la puce à l’oreille.
Il ne retint pas une grimace en voyant la tenue de son colocataire – qui collait parfaitement à l’esthétique de la pièce ainsi qu’à son mode de vie. Dire qu’il y a quatre années de cela, Ronald n’était habillé que de vêtements de luxe, et son entourage également. L’époque semblait lointaine et, bien qu’il n’eût absolument rien contre des habits destinés à un budget plus accessible, il estimait qu’un effort était de mise.
- Si j’avais pu je l’aurai fait.
Lui aussi avait faim, il n’avait pas toujours le temps de manger correctement, surtout en période de rush. Et puis les pizzas se mariaient parfaitement avec la bière. Il remarqua la lettre de la propriétaire parmi les autres, et s’empressa de la rouler en boule pour l’envoyer dans la poubelle au loin. Des années d’entrainement à cette difficile pratique lui permit de mettre un panier du premier coup.
- Barty… On a déjà eu la conversation par sms. Je te l’ai dit : si tu rangeais tes affaires je n’aurais pas à vérifier que tes possessions ne passent pas dans la machine… Et puis ne soit pas jaloux de ma taille. C’est moche de compenser, quand tu pourrais employer l’énergie à apprendre à t’en servir.
Il se désintéressa finalement de son courrier et le rangea dans un des tiroirs. Intrigué plutôt par l’état de la cuisine, il se rendit dans cette dernière afin d’évaluer l’ampleur des dégâts. Au moins Barty avait fait l’effort d’essayer de cuir des pâtes, bien que le résultat fût désastreux. Il n’allait pas commenter ; Ronald savait choisir ses combats, et savait que celui-ci était perdu d’avance. Finalement rattrapé par sa journée, il se dirigea vers le canapé pour s’y échouer dans un soupire exagérer, la tête penchée en arrière contre le dossier pour contempler ce qui, il espérait, semblait être des tâches d’humidité.
- Je te rachèterai des vêtements, c’est pas possible d’avoir un style aussi désastreux…
Une fois de plus, il roule des yeux, agacé par sa réponse. Le geste n'est pas visible pour le blond qui ne daigne pas lever la tête pour le regarder, et qui, de toute façon, ne semble pas se soucier de ce qu'il peut dire de plus à ce sujet. Devoir attendre plus longtemps ne l'enchante pas (dieu sait qu'il n'a pas une once de patience en lui, du moins pas lorsque la récompense n'en vaut pas la peine), mais au moins, devant ses yeux se trouve la meilleure distraction possible. Et elle prend la forme d'un blond aux yeux d'un vert profond.
Jusqu'où il compte aller et qu’est-ce qu'il compte faire, ça, il l'ignore encore. Pour une fois, ses actions ne sont pas motivées par un quelconque intérêt, même si cela risque de changer tôt ou tard. Pour l'instant, il se contentera de leurs taquineries, et ne se sent nullement offensé par tout ce que Ronald peut lui lancer. Parce que rien de ce qu'il lui dit ou fait ne le met réellement en colère. Enfin, pas totalement. Ou du moins, pas pour très longtemps.
« En plus tu blâmes la victime ? », il le dit avec un air faussement sidéré, bien que le mot "victime" ne soit absolument pas fait pour lui.
Tout ce qui touche à l'innocence ne lui convient pas du tout. Criminel, meurtrier et colocataire épouvantable. Une liste qui n'attirerait pas grand monde, à moins qu'il ne s'agisse d'une personne pire que lui, à la morale aussi douteuse. Et c'est précisément ce qu'est Ronald. Certes, il est plus calme que lui, mais il est loin d'être aussi sage qu'il ne le laisse paraître et il l'accepte (ou le supporte) malgré tout — quelles que soient les raisons qui le motivent, mais il suppose que son secteur professionnel et le divertissement qu'il tire de lui jouent en sa faveur.
« Compenser ? On sait tous les deux que je n'ai rien à compenser. », la lueur d'amusement dans ses yeux indique son intérêt grandissant pour la direction que prend la conversation. « Je pourrais te montrer à quel point je sais bien m'en servir, si seulement tu n'en avais pas si peur. », conclut-il avec un sourire narquois.
Alors qu'il perd finalement l'intérêt qu'il portait à son courrier, Barty le suit à la trace, le colle presque, jusqu'au salon, refusant de laisser le sujet de côté. Une fois lancé, il est presque impossible de lui faire lâcher prise. Il observe Ronald s'effondrer sur le canapé, à l'endroit où il était assis un peu plus tôt, mais ne le rejoint pas.
« Je n'ai pas besoin que tu me rachètes quoi que ce soit. Je ne veux pas de ta charité. », et cette fois, il est légèrement agacé par ses paroles. « Mais tu devrais être un peu plus honnête avec toi-même. Au lieu de ruiner mes beaux vêtements et blâmer mon style vestimentaire... Tu peux juste avouer que tu aimes quand je me balade comme ça. », il fait un geste vers sa figure presque dénudée. « Peut-être que je te laisserais voir ça plus souvent si tu me le demandes poliment, qui sait. »
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Barty était habituellement enquiquinant, mais lorsqu’ils plaisantaient ainsi il pouvait presque oublier ses envies de meurtre. En guise de réponse, il se contenta de rouler des yeux, veillant à ce qu’il remarque cette gestuelle exagérée. Ronald fit un bruit amusé quand son colocataire défendit l’usage de son entrejambe avec une provocation. La conversation ne volait jamais bien haut, et son colocataire le forçait à plonger tête baissée dans des gamineries qu’il aurait jugé en temps normal. Echoué dans le canapé, il redressa la tête pour lui répondre une fois qu’il avait terminé de monologuer.
- Je n’ai même pas besoin de demander, Barty, je sais que tu aimes te balader en sous-vêtement. Le fait que je ruine tes vêtements c’est juste une excuse pour tes désirs exhibitionnistes.
Ronald ricanait, faisant mine de le regarder de haut en bas, avant de gesticuler une de ses mains dans le vide, l’expression de son visage narquoise.
- J’ai bien meilleurs spectacles quand je me rends au bar cela dit. Et plus impressionnant au lit que ton petit jouet. Il faut arrêter d’en vanter les mérites si tu ne veux pas que je pense que tu essais de compenser…
Il secoua la tête avec un soupire exagérer. En rentrant, il n’avait pas l’énergie pour se battre avec Barty, mais son colocataire ne manquait jamais de faire sortir ses mauvais côtés. Il lui était impossible de laisser passer toutes les occasions de lui rabattre le caquet. Le problème à cela étant que l’autre homme ne semblait avoir aucune limite, aucune honte. Il fallait être aveugle pour ne pas le remarquer – l’état catastrophique de l’appartement, et le concernait lui-même, en disaient long. D’expérience, il savait qu’il ne ferait pas long feu. Ronald refusait de s’attacher à lui pour cette raison ; il ne fallait pas aimer les animaux avec une espérance de vie aussi limitée sur leur intelligence.
- Mais tu as raison de t’appeler « victime », ça te définit bien.