Tu avais décidé de te rendre au stand de te tir, afin de vérifier que les compétences que tu avais autrefois acquis en chassant démons et autres créatures, dans ton monde d’origine, n’avaient pas disparu. Affublé de tes fidèles (fausses) lunettes, seulement présente pour cacher tes yeux vifs et afin de paraitre aussi innocent que possible, tu entras dans le lieu en faisant tout ton possible pour te faire discret. Chose aisé : c’était une de tes spécialités. Tu avais prévu de devenir un habitué – non pas que tu comptais user de ton arme sur quelqu’un – il était hors de question de tuer qui que ce soit. Néanmoins, tu avais confectionné un pistolet qui tirait un grappin, utile pour te sortir de situations délicates, et tu préférais vérifier que tu étais capable de le manier correctement.
Tu t’avanças jusqu’au stand, et posas le casque sur tes oreilles, avant de saisir l’arme que tu observas un moment. Elle était étrange en main. Tu étais habitué au tokarev, difficile à manier et dont le tir était ridiculement puissant… En plus de ne pas être si précis. Oubliant momentanément que tu étais censé jouer le rôle de nerd introverti, tu pris position pour tirer plusieurs balles d’affilées ; sur tes lèvres prit place l’habituel sourire en coin que tu avais lorsque tu étais Joker, le voleur fantôme, dont la mission était de sauver les innocents de cœurs corrompus. Les épaules redressées, soudain plus grand que tu ne le faisais croire. Sûr de toi, un vrai frimeur. Ce ne fût qu’après avoir vidé le chargeur dans la cible, que tu réalisas que ce n’était pas le genre de comportement que devait avoir un jeune homme équilibré et innocent.
Tu posas l’arme du crime et le casque avec délicatesse, puis remontas les lunettes sur ton nez. Tu vérifias que personne ne t’avait remarqué, avant d’enfouir les mains dans tes poches et tourner les talons. Il était temps de prendre la fuite comme un voleur, échine courbée. La prochaine fois, tu veilleras à ne pas te laisser emporter par ces habitudes.
La plupart du temps, Jesper ne faisait que de la surveillance assis devant son modeste bureau où il observait les allées et venues à travers les caméras. Il laissait toujours sa porte ouverte au cas où son assistance était requise, mais les habitués devenaient autonomes avec le temps. Il fallait dire que cette armurerie était particulière en bien des aspects, à commencer par la propriétaire et son caractère explosif. Il y avait les activités illégales qu’elle y couvrait et la clientèle qui foulait le sol du stand, n’était pas toujours conventionnelle. Ainsi Jesper avait aussi appris à se faire discret quand il le fallait, mais voilà qu’un nouveau visage attira son attention.
Il était prêt à se lever pour apporter son aide au jeune homme qui venait d’entrer, mais l’assurance de ce dernier face au matériel le troubla et la curiosité eut raison de lui. Il s’approcha suffisamment pour l’observer, mais pas assez pour être remarqué. Il n’y avait rien qui dénotait un certain talent pour le tir chez ce garçon ; il était d’allure plutôt chétive et ses airs candides contrastaient avec la brutalité des rafales qui touchèrent leur cible sans ratures. Jesper en resta bouche bée quelques instants, mille et une pensées bataillant dans son esprit trompé et si distrait, qu’il faillit se faire prendre alors que le garçon quittait déjà son box. Il semblait bien pressé de s’en aller, mais Jesper en avait décidé autrement.
Un sourire étira ses lèvres et il sortit du décor avant que le mystérieux garçon ne passe la porte. Il révéla alors sa présence en claquant ses mains pour féliciter la performance à laquelle il venait d’assister. “Pas mal pour un gamin.” Il avait l’air jeune en plus de ses airs intellectuels. “Où as-tu appris à tirer ? Je ne t’ai… jamais vu ici.” Et il ne ressemblait guère à ces brutes délinquantes auxquelles il s’était déjà confronté, dans les coins les moins recommandables de la ville. Il voulait bien croire que certaines personnes étaient douées de nature, mais la cible n’avait eu aucune chance face au jeune homme. Il reconnaissait là l’étoffe d’un tireur et son intérêt fut piqué, d’autant plus face à la discrétion dont il essayait de faire preuve. Alors Jesper ne pouvait s’empêcher de se demander pourquoi tant de modestie.
Alors que ta fuite semblait se dérouler sans accrocs, des bruits de pas et un applaudissement te firent sursauter – tu étais tellement pressé que tu en avais oublié d’être sur tes gardes. Tu n’eus aucune réaction lorsque tu fus qualifié de « gamin » ; l’autre homme n’avait pas l’air bien plus vieux que toi, difficile d’être offensé. Tu avais depuis la fin de ton adolescence gagné des centimètres, plus grand que la moyenne pour tes origines quand ton dos n’était pas vouté, mais tu admettais que ton visage gardait une certaine candeur, qui jouait souvent en ta faveur.
Tu baissas la tête pour cacher ton visage, à l’aide du verre de tes lunettes, et des mèches de ta frange que tu vins saisir nerveusement. Des gouttes de sueur roulaient déjà le long de ta joue, jusqu'à col de ta chemise. Que pouvais-tu lui répondre ? « Une créature démoniaque qui ressemble à un célèbre gentleman cambrioleur français est apparu dans une espèce d’univers parallèle, tous deux créés par la cognition humaine à partir de la manière dont cette dernière perçoit la réalité m'a prêté ses pouvoirs car apparemment il est l'âme rebelle qui habite en moi et je suis lui, et les compétences au tir sont alors venues naturellement. » Non. Cela soulèverait davantage de questions dont les réponses devaient rester secrète, au risque de révéler ta double identité.
- ... Hm. En... Faisant des batailles d'eau. A la... A la plage. Et du laser game... Et du paintball...
Tes yeux se baladèrent rapidement aux alentours, repérant tous les possibles échappatoires. Quand la victoire n’était pas certaine, il n’y avait aucune honte à partir pour sauver sa peau.
- Et je sais viser grâce aux fléchettes.
Annonças-tu ensuite, cette fois avec assurance – car ce n’était pas un mensonge ; tu avais pu souvent y jouer avec tes amis, dans ton ancien monde, et tu n’étais pas du tout mauvais.
Le jeune homme avait montré une adresse étonnante, mais c’était en partie pour sa gueule d’ange que Jesper était sorti de son nid. C’était pour le contraste entre l’image qu’il renvoyait et le talent qu’il cachait sous des prétextes, comme ceux qu’il lui citait en guise de réponses. Est-ce que cela expliquait sa maîtrise quasi parfaite à l’effet de recul ? Le paintball semblait une assez bonne excuse et même si Jesper n’était qu’à moitié convaincu, il décida de ne pas insister pour le moment. De plus, le garçon avait l’air nerveux et ce n’était pas dans ses intentions de le faire fuir, au contraire.
“Et donc… après tes prouesses à la plage et au laser game, tu as décidé de ne plus faire semblant ?” Dit-il en s’approchant doucement, sans le quitter une seule fois du regard. “Ce ne sont pas des jouets, tu sais.” Finit-il avec un léger sourire en coin. Il comprend que d’une façon ou d’une autre, son jeune client cherchait à déguerpir comme un criminel pris entre les filets, alors que son seul crime avait été de lui inspirer une certaine concurrence. Il avait touché sa fierté de tireur d’élite, lui fit même songer un instant qu’il pourrait cacher une particularité comme c’était le cas pour lui et pour d’autres sur cette île ; des miraculés, diraient certains.
“A qui tu pensais devant cette cible ? Non parce que t’avais plutôt l’air déterminé et je n’envie vraiment pas cette personne.”
Il fit mine d’être traversé par un frisson, mais son sourire demeurait présent et avec lui, son plus sincère intérêt. Il était curieux et l’occasion de rencontrer des personnes de son type, c’est-à-dire mignonnes, se faisait bien rare en ces lieux alors il en profitait un peu. Il n’avait pas le profil du mauvais gars, mais s’il y avait une chose que son monde lui avait appris, c’était bien de ne pas se fier aux apparences. “Je dois avouer que tu m’impressionnes, mais je doute que tu sois un simple amateur de paintball.” A cela, il ouvrit sa veste de sorte à ce que ses révolvers soient visibles car non, il ne les quittait pas souvent. “A chacun ses secrets, mais t’as réussi à m’tilter, là. Je ne rate jamais mes cibles.” Dit-il l’air sérieux, puis : “enfin, quasiment jamais.” Finit-il avec modestie, un clin d'œil pour appuyer ses tentatives de le mettre en confiance avec l'humour.
Dernière édition par Jesper Fahey le Dim 25 Juin - 3:15, édité 2 fois
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Lun 12 Juin - 15:58
Le sens du spectacle
Jesper
Tes épaules se baissèrent davantage lorsqu’il s’approcha, essayant de te faire plus petit qu’il n’était possible avec ta stature. Tu ne fus pas tellement étonné qu’il ne gobe pas ton mensonge. Ce n’était pas ton talent. Un rire failli s’échapper d’entre tes lèvres, à cause d’une private joke que tu pourrais expliquer ; évidemment ce n’étaient pas des jouets. Mais tu aurais pu dire que : « si, dans mon monde, les jouets se transformaient en vrai arme car les créatures qui habitaient cette espèce d’univers parallèle pensaient qu’elles l’étaient, et donc le devenait par conséquent. ». Décidément, aucune de ces explications ne feraient sens, surtout si tu te trouvais face à quelqu’un n’ayant jamais connu de telles bizarreries.
L’inconnu sembla te faire confiance, ou t’encourager à parler, puisqu’il te montra les armes qu’il cachait sur lui. N’importe qui serait méfiant face à cela, mais tu n’étais pas du genre à juger rapidement autrui – tu en avais été toi-même victime, d’un mauvais jugement et de rumeurs circulants sans pouvoir contredire quoique ce soit. Tu étais conscient de tes lacunes quant à deviner les mauvaises intentions ; néanmoins tu pensais être doué pour repérer ceux qui n’en avaient pas. Tant pis si tu commettais une erreur : tu ne pouvais laisser passer la chance de découvrir un nouvel allié. Un confident. Ta nervosité se transforma soudain en confiance, que tu ne montrais réellement que lorsque tu portais le masque de justicier.
- J’imagine des adultes corrompus. Ou, plutôt, une manifestation physique de leurs plus sombres désirs.
Tu t’approchas à ton tour, afin que votre conversation ne soit entendue de personne. C’étaient habituellement les autres qui entraient dans ton espace vital sans demander ton avis, mais il fallait parfois sortir de sa zone de confort pour surprendre.
- J’ai appris dans mon monde, mais ce serait compliqué à expliquer… Pas ici ? C’est quelque chose que je ne peux pas vraiment montrer en public.
Un sourire assuré, et quelque peu provocateur, étira le coin de tes lèvres. C’était l’expression du voleur fantôme qui riait devant les criminels, affronter le danger en crânant, plutôt que le jeune et frêle homme à peine sorti de l’adolescence.
- Moi aussi, je rate rarement mes cibles. En général, elles ne voient rien venir.
Il avait côtoyé assez de malfrats ces dernières années, dans son monde et entre ces murs, pour reconnaître leurs patterns. La propriétaire de ce stand était impliquée dans de sales affaires auxquelles Jesper ne se mêlait guère, mais il n’y fermait pas complètement les yeux non plus. Il permettait à ces clients véreux d’entrer et sortir comme bon leur semblait, mais il retenait leur visage et quand l’information venait à lui : leurs noms et alias, aussi. Il n’était pas un exemple de vertu lui-même, mais sans Kaz et les Dregs, il ne se considérait plus vraiment du côté ‘criminel’ de la balance. Alors, devant les propos du jeune homme qu’il interrogeait sans aucune légitimité, les yeux de Jesper s’arrondirent de surprise. C’était surtout le changement d’attitude qui le prit de court, comme s’il venait d’appuyer sur le bon bouton. Le silence autour d’eux en devenait presque tendu et Jesper tenta un regard vers le magasin, pour s’assurer qu’ils étaient bien seuls comme s’il s’apprêtait à entendre un secret. D’autant plus quand le garçon s’approcha de lui pour lui confier, à demi-mots et avec un air de malice, qu’il cachait plus d’un talent. Du moins, c’était ainsi que Jesper le comprit.
“C’est une motivation honorable… qui habite nombre de justiciers, souvent trop idéalistes.”
Il avait trop souvent vu la corruption régner dans son propre monde pour ne pas avoir une vision plus étriquée de la justice. Il comprenait le combat, cela dit et l’assurance lisible sur les traits du jeune homme l’intriguait au moins autant que ses talents de tireur. Qui était-il dans son monde pour avoir une telle confiance dans le regard, et pourquoi lui avouer tout ça ? Il suggéra même de continuer leur petite conversation ailleurs… et qui était Jesper pour refuser pareille tentation ?
“Je te prendrais presque pour un chasseur de primes à parler comme ça, mais au vu de tes… aveux, tu dois plutôt chasser le crime.” Dit-il avec malice, comme s’il en était déjà persuadé. Il se pencha vers lui pour garder cette volonté de discrétion, mais lui parler contre l’oreille était une audace de sa part. “Et si on sortait pour cette… chose que tu ne veux pas montrer ici ? La corruption et moi, on est d’vieux ennemis, ce qui nous met dans le même camp, non ?” Il se redressa en lui claquant gentiment l’épaule, brisant ainsi le semblant de tension qui s’était installée. Puis il le dépassa pour sortir le premier, un coup d’œil porté à sa montre avant de se retourner vers le jeune homme et l’attendre ; une invitation.
“Tu viens, le héros ? Tu m'as rendu curieux et je pourrais me montrer bavard, si t'es convaincant.”
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