(abandonné) Histoires et friandises ▿ Johanna

Sabrina ne prévoyait pas de passer chez Ambrose, aujourd'hui. Il fallait dire que sa cousine avait une vie bien remplie : étudiante et sorcière, elle partageait sa vie entre différents endroits et cherchait activement leurs proches. Autant dire que sa vie était bien remplie et Ambrose y voyait quelque chose de positif : elle n'avait pas autant le temps qu'avant de faire des bêtises - grosse erreur, évidemment, de croire ça, mais enfin. Alors, Ambrose avait agi comme tout mortel agissait lorsqu'il avait du temps libre et un frigo complètement vide : il était sorti faire quelques courses. Après avoir acheté quelques aliments essentiels, Ambrose s'était arrêté dans un rayon où avait été exposé tout un tas de sucreries pour fêter Halloween qui approchait. Amusé, il avait donc mis quelques paquets de bonbons dans son panier, imaginant que Sabrina se ferait une joie d'en distribuer la journée d'Halloween - et ils en mangeraient une bonne partie avant, évidemment.

En rentrant chez lui, il avait entrepris le rangement des courses, tout en se préparant un café. Distrait par son rangement, le jeune homme avait versé ce qu'il croyait être un peu de sucre dans sa tasse. A peine fut-il installé sur l'une des chaises de sa cuisine, qu'il porta la tasse à ses lèvres et recracha aussitôt. Son café était salé. Ambrose avait déjà goûté des choses aux goûts plus que douteux, mais ça, c'était immonde ! Sans attendre davantage, il avait donc jeté le reste de son café dans l'évier avant de se jeter sur son canapé, poussant un long soupir d'ennui. Ce qu'il s'ennuyait aujourd'hui. Il avait passé la matinée à fouiller ses livres, son début d'après-midi à faire les courses. Il n'avait aucune envie de sortir ou de regarder la télé. Il était à peine 16h et il n'avait rien à faire, en d'autres termes. Il avait été tenté de contacter Sabrina, mais il ne voulait pas l'ennuyer alors qu'elle était occupée. La sorcière devait bien vivre sa vie, après tout. Le jeune homme passait donc en revue toutes les possibilités qui s'offraient à lui. Comme il n'avait pas discuté avec Johanna - l'une de ses voisines - depuis un petit moment déjà, il eut l'idée de lui rendre visite. Il n'avait plus qu'à espérer qu'elle ne soit pas occupée.

Ambrose, après avoir attrapé l'un des paquets de bonbons qu'il venait d'acheter, histoire de ne pas arriver les mains vides, était sorti de son appartement pour aller toquer chez sa voisine. Il attendait, sachet de bonbons levé à la hauteur de son visage afin d'attirer son regard en premier lieu sur ce dernier - comme s'il s'agissait d'un argument de poids pour ne pas se faire envoyer balader si elle était occupée. « C'est un peu tôt pour fêter Halloween, mais que dirais-tu de vider ce sachet de sucreries tout en discutant un peu ? » Souffla-t-il, un sourire amusé sur les lèvres.

Sans prévenir, comme bien souvent, Ambrose s'était retrouvé à sonner chez sa voisine, un sachet de sucreries dans les mains. S'il était un peu tôt pour fêter Halloween, il n'était jamais trop tôt pour discuter tout en dégustant ces délicieuses sucreries. Et Ambrose appréciait tout particulièrement discuter avec Johanna. Il ne saurait l'expliquer précisément, simplement, ils partageaient des points communs et il appréciait cette jeune femme. Pourquoi ne pas en profiter pour passer un moment ensemble alors, puisqu'il n'avait rien de particulier à faire ? Il fallait simplement espérer que Johanna n'avait rien de particulier à faire, elle non plus.

C'était donc debout devant la porte de la jeune femme, en agitant le paquet de bonbons, que le jeune homme fut accueilli par ce qui se rapprochait le plus d'une amie dans ce monde. Johanna n'avait pas dit un mot et n'avait pas l'air d'humeur, pourtant Ambrose était entré, à son invitation silencieuse et l'avait suivi en silence jusqu'au salon. Arrivé, il s'était installé dans le canapé - ou il s'était affalé, selon le point de vue - comme s'il était chez lui, sans même attendre la moindre invitation. Sans disparaître, sa bonne humeur se faisait davantage discrète face à la mine de son amie. « On peut aussi remettre cette après-midi friandises et histoires à plus tard et tu peux me raconter ce qui ne va pas. » Dit-il en tapotant la place à côté de lui, l'invitant à s'asseoir, alors même qu'elle était chez elle. « Tu sais, je suis plutôt doué pour écouter les problèmes des autres et pour essayer de les résoudre. » Après tout, il avait de l'expérience avec Sabrina. Combien de fois sa cousine s'était-elle confiée à lui à propos de ses problèmes ou de ses bêtises ? Combien de fois avait-il tout fait pour l'aider, pour trouver une solution ? A défaut de pouvoir aider Johanna, peut-être pourrait-il, au moins, être une oreille attentive qui la soulagerait ? « Qu'en dis-tu ? Tu me racontes ce qui ne va pas et on voit si on peut résoudre ton problème ? » Tenta-t-il, en lui souriant pour la rassurer et lui montrer qu'il était là, pour elle, si elle en avait besoin.

Sans la moindre gêne, Ambrose s'était installé sur le canapé de Johanna lorsque celle-ci l'avait invité à entrer. Il était venu pour qu'ils puissent profiter d'une après-midi à discuter tout en mangeant des friandises, mais puisque son amie n'avait pas l'air d'aller bien, il lui proposait de remettre cet après-midi à plus tard afin qu'elle lui raconte, à la place, ce qui semblait la faire aller si mal. Alors, il tapotait la place à côté de lui, tout en lui assurant qu'il était doué pour écouter les problèmes des autres. Ambrose avait passé des heures entières à écouter les problèmes et les malheurs de Sabrina, alors il pouvait bien écouter son amie, si ça pouvait lui faire du bien.

La jeune femme lui indiqua qu'elle n'allait pas mal, qu'elle s'était simplement couchée trop tard et qu'elle avait été réveillée juste avant l'arrivée d'Ambrose. Puis, elle lui parla de ce cauchemar qui l'avait réveillée. Ambrose fronça les sourcils, mais ne put lui poser la question, puisque la jeune femme avait repris la parole. Sa réflexion le fit sourire. Ambrose lui tendit le sac, un sourire au coin des lèvres. Enfin, la jeune femme en venait à ce qui la tracassait réellement. Elle se confiait à Ambrose à propos des difficultés qu'elle rencontrait pour une enquête. Johanna lui parla alors d'une enfant, Mae, qui avait disparu et qui vivait dans leur immeuble. Ambrose en avait, en effet, été informé et c'était une chose terrible qui semblait donc l'empêcher de trouver le sommeil. Difficile, donc, de régler le problème en un claquement de doigts. « Tu n'as aucune piste ? » Commença-t-il par lui demander, comprenant, évidemment, son inquiétude et son envie de voir cette enquête se résoudre de la meilleure des façons. « Que tu te tues au travail en ne dormant plus, ça n'aidera ni la mère, ni la fille, tu sais ? » C'était la vérité. Il comprenait ce besoin de travailler avec acharnement, mais si elle se tuait au travail, elle n'aiderait personne. « Tu veux que je te donne un coup de main ? » Proposa-t-il. Alors, évidemment, il n'était pas détective, mais il avait d'autres cordes à son arc - et un pouvoir fraîchement récupéré, ce qui aidait forcément.

Ambrose la comprenait. Il ne pouvait pas lui reprocher de faire tout son possible pour retrouver une enfant disparue. Néanmoins, en tant qu'ami qui tenait sincèrement à elle, il pouvait lui reprocher de se tuer doucement au travail. Travailler avec acharnement était important - surtout dans des cas comme celui-ci où il était question d'une vie humaine, et plus encore de la vie d'une enfant - mais il ne fallait pas le faire au détriment de sa propre santé. Pas par pur égoïsme, non, mais simplement parce que se tuer au travail n'aiderait personne. Il la fallait en forme, pleine d'énergie et de ressources pour que cette petite fille ait un espoir. Alors, sans lui faire la morale, il lui expliquait très clairement ce point de vue.

Johanna ne protestait pas et ne semblait pas mal prendre les propos d'Ambrose - ce qui était une bonne chose puisqu'il disait les choses en pensant à elle, pas pour l'ennuyer. Il lui fallait du repos. Il lui fallait penser à autre chose et alors, peut-être, la solution lui apparaîtrait plus facilement, peut-être que des éléments qu'elle n'avait pas vus jusqu'à présent lui sauteraient aux yeux. Ambrose était un acharné du travail, lui aussi. Il savait passer des heures sur quelque chose lorsque c'était véritablement important et il savait à quel point il était difficile de décrocher, mais il savait également que c'était parfois plus qu'utile. C'était essentiel.

Néanmoins, il comprenait l'envie de son amie et il ne pouvait s'empêcher de lui demander si elle voulait de son aide. Ambrose n'était pas détective, mais il avait de l'expérience et des pouvoirs - enfin, un pour l'instant, mais c'était déjà mieux que rien. Peut-être ne pourrait-il pas grand-chose de plus que lui apporter un soutien moral, mais n'était-ce pas déjà beaucoup, dans ce genre de cas ? Son regard, face à sa proposition, en disait long sur la forme de désespoir qui l'habitait face à cette enquête impossible. Ambrose était heureux de pouvoir être utile et de pouvoir aider une amie. « Eh, c'est moi qui ai proposé, non ? » Souffla-t-il face aux réserves de Johanna. « Alors ça m'dérange pas. » Sinon, il n'aurait rien proposé du tout, c'était aussi simple que cela. « J'vais pas te laisser comme ça. » Elle avait besoin d'aide, quel genre de personne serait-il s'il ne l'aidait pas à la hauteur de ses moyens ? « Allez, dis-moi ce que tu aimerais que je fasse ? » Relire quelque chose ? Chercher quelque chose qu'elle n'avait peut-être pas vu ? L'aider à y voir plus clair sur un point ? Faire un petit tour de magie ?

Ambrose n'était pas détective. Néanmoins, Ambrose était un sorcier. Plutôt doué en son genre, d'ailleurs. Le problème était qu'il n'avait pas récupéré tous ses pouvoirs dans ce monde, sa puissance en était forcément affectée, mais il pouvait tout de même être utile et aider, non ? Si sa magie ne pouvait rien, peut-être pourrait-il, au moins, soutenir son amie dans son travail ? Apporter une vision extérieure et neuve à cette situation ?

Comme à son habitude, Johanna avait du mal à accepter d'être aidée - ou plutôt, elle s'assurait encore et encore qu'Ambrose était vraiment d'accord pour l'aider, alors même qu'il était celui qui avait proposé son aide. Alors, de toutes les façons possibles, Ambrose lui avait assuré que oui, il voulait lui donner un coup de main. Quel genre d'ami serait-il s'il la laissait se débrouiller toute seule sans lui apporter d'aide alors qu'elle en avait, selon lui, besoin ? Pas le genre d'ami qu'il voulait être, en tout cas.

Convaincue, cette fois-ci, Johanna s'était levée pour se diriger vers une autre pièce et en ressortir avec tout un dossier. Pendant ce temps, Ambrose avait sagement attendu, installé sur le canapé, en dévorant des bonbons. De retour, Johanna lui expliqua ce qu'il pouvait éventuellement faire. Elle lui tendit donc un paquet de feuilles en lui expliquant qu'il pouvait les lire afin de voir si elle n'avait pas loupé une information. Il était bien connu, après tout, qu'à force de lire les mêmes choses en boucle, notre cerveau ne voyait plus les erreurs ou les oublis, les évidences et les certitudes. Si elle était passée à côté de quelque chose, Ambrose espérait de tout coeur le voir pour l'aider.

Ambrose hocha donc simplement la tête, pour dire qu'il acceptait. Il n'ajouta rien, puisque Johanna reprit presque aussitôt. Cette fois-ci, elle lui expliquait qu'elle avait déjà visité la chambre de Mae, mais qu'ils pouvaient peut-être y retourner, tous les deux. « Jeter un coup d'oeil ne coûte rien. » Souffla Ambrose en lui souriant, histoire de se montrer rassurant et déterminé à l'aider. « On va aller visiter l'appartement, si ça ne pose aucun problème. » tant au niveau de l'organisation, que des possibilités de s'y rendre sans que personne ne les en empêche. « Tu veux bien me raconter ce que tu sais à propos de la disparition ? » Des informations, il en trouverait dans le dossier, bien sûr, mais avoir une première idée de ce qui avait pu se passer l'aiderait sûrement beaucoup, dans un premier temps.

Peut-être qu'Ambrose ne serait finalement d'aucune aide, mais peut-être qu'un oeil nouveau sur cette affaire pouvait s'avérer utile ? Tout était nouveau, il était en train de découvrir tous les éléments, alors peut-être qu'il pouvait voir ce que quelqu'un qui avait le nez plongé dedans ne pouvait pas voir ? Une sorte d'évidence ? Dans tous les cas, il voulait être un soutien pour Johanna, alors même s'il ne pouvait rien, il voulait aider. Elle le méritait. Ambrose avait les documents entre les mains et s'apprêtait à visiter l'appartement dans lequel la petite fille avait disparu : peut-être pourrait-il y trouver des indices intéressants ? Il avait un avantage certain : il possédait certains pouvoirs. Il n'avait pas encore tout retrouvé, mais un rien pouvait s'avérer utile parfois. Il suffisait de faire le bon choix.

Puisque Johanna supposait qu'ils pourraient visiter l'appartement dès qu'ils le voudraient, il lui demandait d'abord de lui dire tout ce qu'il savait de cette disparition. Il lui fallait au moins ces informations pour comprendre au mieux et chercher les bonnes choses. Autrement, il était facile de partir dans tous les sens et de ne pas se concentrer sur ce qui était important. L'enquêtrice lui expliquait donc les choses simplement - et tout paraissait si simple, si banal, si habituel, d'ailleurs - une mère qui couche son enfant et qui la borde et qui retrouve un lit vide le lendemain, sans aucune trace. Ce devait être un sentiment terrible de peur et d'incompréhension, de douleur et de terreur.

La disparition était étrange, évidemment, mais le fait que les caméras n'apportaient aucune information était plus étrange encore. Comment était-ce possible ? S'était-elle réellement volatilisée ? « Je vois... » Souffla-t-il dans un premier temps, cherchant à aborder la suite de la façon la plus simple possible. Il ne fallait pas braquer Johanna et encore moins qu'elle le prenne pour un fou. « Que les caméras n'apportent rien, c'est étrange. Si personne n'est entré ou sorti, alors la petite... » Il faisait une pause, cherchant des mots qui ne paraîtraient pas trop étranges pour la jeune femme ou trop surprenants. « Et si elle s'était véritablement volatilisée ? Si celui qui l'a enlevée était simplement apparu dans sa chambre avant de disparaître de la même façon ? » Il n'y avait plus, désormais, qu'à attendre sa réaction et espérer ne pas se faire mettre à la porte.

Spoiler:

La conversation était... difficile. Difficile parce qu'Ambrose ne savait pas comment aborder certaines choses, craignant de brusquer Johanna. Ou craignant d'être pris pour un fou. Difficile de faire part de ses hypothèses lorsque ses hypothèses étaient magiques et que l'on ignorait tout de l'avis de la personne en face. Ambrose prenait donc des pincettes, tentait de dire les choses sans les dire pour les faire comprendre à la détective. Il la testait, en quelque sorte, pour voir ses réactions. Si elle le jetait dehors, c'était qu'elle n'était pas réceptive et qu'il était préférable qu'il taise sa magie et ses connaissances. Autrement, cette magie pouvait être une aide précieuse, il en était certain.

Puisque la jeune fille avait disparu sans laisser aucune trace - pas même sur les caméras de surveillance - Ambrose essayait de faire comprendre à son amie que cela donnait l'impression qu'elle s'était volatilisée. Littéralement. Comme par magie. Quelqu'un avait très bien pu se téléporter dans la chambre de l'enfant et l'enlever. Il n'y avait ainsi aucune trace, aucun passage devant aucune caméra. Tout pouvait s'expliquer de cette façon. Néanmoins, il fallait croire en la magie pour croire en cette hypothèse. Alors, c'était avec une certaine appréhension que le jeune homme observait son ami et ses réactions. Le bon point était qu'elle ne l'avait pas encore jeté dehors et qu'elle n'était pas morte de rire, pour se moquer de lui.

C'était même mieux que ça. Beaucoup mieux. Johanna avait la même intuition, elle pensait la même chose. Mieux encore, elle évoquait d'elle-même le surnaturel, précisant qu'elle pensait que ça n'existait pas ici. Le visage d'Ambrose s'était illuminé. Bien sûr, la situation n'avait rien de réjouissante, mais elle le croyait. Ils partageaient encore bien plus que ce qu'il s'était imaginé. « Tu crois en tout ça ? » S'aventura-t-il à la questionner par précaution - presque inutile. « Et si je te disais que j'ai des preuves. Des preuves que le surnaturel existe bel et bien ici. » Qu'il était revenu, tout du moins. Ses pouvoirs en étaient la preuve, mais avant de les dévoiler, il préférait s'assurer qu'il n'avait pas mal compris les réactions de son amie.