Une nouvelle lune se lève (Stolitz)

Allongé sur une paillasse qui transperçait mon dos de ses ressorts rouillés, je regardais pensif le plafond de cette pièce lugubre. Je ressassais sans cesse les évènements qui s’étaient produits il y a tout juste un mois. Mon contrat d’assassinat manqué, l’incendie d’une partie du quartier commerçant de Baker Street, et cette femme… cette maudite garce qui s’en était tirée en me lançant un regard hargneux qui semblait dire « Dommage manqué… tu vas prendre perpette mon chou ». Si seulement je n’avais pas laissé mon arme dans ce fichu magasin, j’aurais au moins eu la satisfaction de lui tirer une balle en pleine tronche avant de me faire arrêter par les flics.

Le procès qui s’en suivit fut une horreur, un véritable cauchemar. Un véritable cauchemar. Bon sang qui aurait pensé que ce serait possible d’être dans un endroit où pour un simple incendie et destruction de matériel vous vous en prenez pour 5 ans d’emprisonnement et de travaux généraux ? Et la cerise sur le gâteau ? Un juge qui me regarde d’un air condescend et qui me balance que cette peine pourrait être commuée en des dommages et intérêts qui se chiffrent à plusieurs millions de dollars ? Quelle bonne blague ! Ouais ben désolé mais non… non j’ai pas une telle somme sur moi. Désolé de pas être né du bon côté du Styx.

Mais le pire de tout ça été de voir s’éteindre dans les yeux de ma fille, de ma petite Loonie adorée, l’étincelle d’espoir de voir son père sortir libre de ce tribunal. Je n’ai même pas eu le temps de lui dire au revoir ou de la serrer dans mes bras avant d’être emmené derrière les barreaux… ma pauvre Loona qui devra se débrouiller toute seule dans ce monde de fou durant 5 ans ? Livrée à elle-même sans même un ami pour la guider ? Je ne pourrais même pas compter sur Millie et Moxxie vu que mes employés, mes très chers frère et sœur de sang infernaux, ne seraient pas là pour la soutenir. Quand je sortirais de là elle aurait presque 30 ans et je ne la reconnaitrais peut-être même plus ? En quittant la salle, je lui criais que tout irait bien et finirait par s’arranger. Mais comment ? Comment est-ce que je pourrais tenir mes promesses ? Il n’y avait aucun moyen… il me faudrait un miracle pour que je puisse tenir ma parole. Et si cette île m’avait appris une leçon c’est que c’était une denrée rare sur cette île. Quand on croyait avoir touché le fond, non. Il y avait toujours un moyen de s’enfoncer encore plus dans le sol. Quel enfer cette île !

Et maintenant je me retrouvais là, comme le dernier des loosers, à attendre qu’il se passe enfin un truc positif dans ma vie. Que quelqu’un vienne me chercher ? Il ne fallait pas y compter. En dehors de Loona, je ne connaissais pas grand-monde sur cette île et ceux que je connaissais n’allaient pas bouger le petit doigt pour me faire libérer. Et il fallait pas compter sur le richto à qui je devais ma place ici pour venir me chercher. Il me rappellerait qu’on avait un contrat que je n’avais pas respecté. Après tout je n’étais qu’un moins que rien… un être inférieur qui ne méritait pas qu’on se batte pour lui. Et vous savez quoi. Je l’emmerde. Lui, le juge, cette grognasse qui a réussi à m’échapper, cette île et TOUS ces privilégiés qui croient que leur pognon et leur statut leur donne le droit de tout se permettre… tous vraiment ?

Songeur, je me relevais de ma paillasse et soulageais par ailleurs mon dos qui commençait à en avoir ras-le-bol du mauvais traitement que je lui faisais subir et qui ne manquait pas une occasion de me le faire remarquer. Je partis m’asseoir sur le tabouret bancal à trois pieds qui se balançait dangereusement. Je posais mes mains et ma tête contre les barreaux gelés de ma cellule. Mon regard se porta alors vers le ciel étoilé. Tiens, je ne savais pas que ce serait pleine lune cette nuit. Je sentis mon cœur se fendre à cette seule pensée alors que j’étais hypnotisé par cette maudite lune rougeoyante qui nous avait amené ici… cet œil astral qui me narguait de tous ses reflets. Aussi rouges et brillants que…

J’essuyais alors une larme qui coulait sur ma joue. Bien sûr que je ne comptais pas pour du beurre pour tout le monde. Je le savais, même si j’avais tellement de peine à l’admettre. Il y avait au moins une personne qui ne serait pas totalement insensible à ma cause. Ouais mais il n’était pas là. Il était aux abonnés absents et il n’y avait aucune chance pour que je le revoie. Pas après 5 ans d’absence. Pourtant, s’il était ici, peut-être qu’il m’écouterait et qu’il m’aiderait. A condition que je le demande à genoux bien évidemment… vu que c’était la seule position acceptable pour lui.

« Arrête Blitz, tu te fais du mal pour rien. »

Je me dirigeais alors vers ma paillasse, me roulant en boule essayant de me tenir chaud comme je le pouvais n’ayant pas même une couverture. Je me laissais aller à la mélancolie de la nuit à cette heure où dans ce couloir où les cellules se succédaient nous rêvions tous de liberté et d’une autre vie. Désespéré, je me lançais cette prière sourde qui ne serait entendue par personne d’autre que moi.

« Où que tu sois, viens me tirer de là. J’ai tellement besoin de toi… Stolas. »
 

Ça avait sonné comme un murmure dans ma tête, un appel lointain qui me ramenait loin si loin dans le passé, à l’époque où je me réveillais dans des draps de luxe et pas sur cette paillasse remplie de punaises. Cette voix qui m’avait tirée le plus souvent du sommeil quand j’étais encore dans ce merveilleux paradis qu’on appelle Enfer. Un endroit où on vous fout pas en prison parce que vous avez le malheur d’avoir buter 5 démons en une nuit. Il me fallu quand même quelques minutes pour me rendre compte que ce n’était pas que le fruit de mon imagination. Mon cœur manqua alors un battement en prenant conscience de cette réalité.

« Stolas… »

J’avais prononcé ce nom en murmurant de sorte que les autres personnes présentes dans la pièce ne puissent pas m’entendre. J’étais alors tourné contre le mur et ce n’était peut-être pas plus mal dans le fond. Je pouvais donner l’impression que j’étais encore en train de pioncer. Juste quelques secondes, le temps que je puisse réfléchir à ce que j’allais lui dire. C’était pas comme si ma relation avec Stolas était la plus tordue qui existe aussi ! Qu’est-ce que j’avais envie de lui dire ? La première chose qui me vint à l’esprit quand il parlait de ma paillasse était un truc du genre « Et tu comptes m’avoir en me faisant croire que partager ton plumard ça serait la plus belle promotion dont je puisse rêver en ce moment ? » Mais non… non c’était pas le bon angle d’approche ! Surtout qu’il venait de confirmer au gardien qu’il avait payé ma caution pour me faire sortir d’ici. C’était tellement inespéré. Alors pour une fois, la première chose que je ferais serais de fermer ma grande gueule et de l’accueillir comme il se devait.

Je sentis un frisson envahir ma colonne vertébrale en pensant à ça. S’il y a un chose que je savais c’est que Stolas, comme tous les autres démons, ne faisait rien gratuitement. Il attendrait un retour sur investissement surtout avec une somme pareille. Est-ce que ça veut dire que je retournerais sous sa coupe ? Qu’il ferait de nouveau de moi son gigolo pour l’occuper durant les longues soirées sur cette île ? Je serrais alors les dents l’espace d’un instant. C’était vraiment à ça que je serais réduit ? J’avais atterri sur cette île et offerts cette nouvelle chance pour tuer mes espoirs de liberté dans l’œuf ? Non, il fallait que je mette les choses au clair et que je lui fasse comprendre que plus jamais je nourrirais par obligation ses fantasmes lubriques. Mais alors est-ce qu’il me laisserait ici et m’abandonnerait à mon sort ? Est-ce qu’il fallait vraiment que j’en vienne à me prostituer pour retrouver ma fille ? Fermant un instant les yeux, j’entendis le gardien s’éloigner en riant.

« Parce que vous croyez vraiment que cette vermine mérite un meilleur traitement ? Allez votre seigneurerie, je vais remplir vos papiers et il pourra partir. Je reviens. »

Je rouvris alors les yeux et fis mine de me réveiller à cet instant. Prêt à lui faire mon numéro de charme ? Pas vraiment… mais c’est pas comme si j’avais le choix. J’essuyais alors le reste de larmes qui avaient coulé sur mon visage. Hors de question de paraître faible devant lui. Je m’y refusais. Demeurant allongé sur ma paillasse, je me tournais vers lui et lui adressais un clin d’œil.

« Tiens… tiens. Ca fait longtemps que je ne m’étais pas réveiller devant une telle vision de rêve. »

Je me redressais alors et me relevais de ma paillasse l’air toujours aussi décidé. J’arrivais devant lui, posant sans hésitation mes mains sur les siennes. Je devais bien admettre que ça me faisait bizarre de ne pas sentir ses ailes et ses plumes sous mes doigts. Pratiquement aussi étrange que de plonger mon regard dans ses grands yeux noisette qui avaient remplacés ses orbes rouges luminescentes. Si j’avais un peu moins de fierté, j’aurais admis que je le trouvais… mignon ? Mais ça bien sûr je ne l’admettrais pas ça serait me faire prendre à mon propre piège.

« Je t’inviterais volontiers à rentrer mais le lit est pas confortable et la bouffe est dégueulasse. On se rattrapera quand tu pourras m’offrir une bouteille de champagne et draps de soie ? »

Bon sang ! Pourquoi est-ce que je me sentais aussi mal à devoir jouer les jolis cœurs avec lui ? C’était pas nouveau pourtant et je savais comment m’y prendre d’habitude. Alors pourquoi j’avais l’impression qu’à cet instant tout sonnait terriblement faux ? Peut-être parce que c’était faux justement… ou tout du moins la major partie de mon discours. Parce qu'il y avait aussi une petite (toute toute petite) partie de moi qui aurait bien voulu goûter à son nouveau costume d'humain et rattraper les années perdues. Appelez ça la curiosité.

Je finis par relâcher mon emprise sur lui au moment où je vis le gardien disparaitre du couloir et entendis la porte claquer. Je repris alors sur un ton plus déterminé et qui me ressemblait plus.

« Par pitié Stolas, dis-moi que tu es arrivé sur l’île avec ton foutu grimoire et que tu as un moyen de nous réexpédier Loona et moi tout droit en Enfer. »
 

Est-ce que mon petit numéro avait marché ? Difficile à dire. Je me trouvais face à un Stolas totalement interdit face à mes paroles. Ca le surprenait, vraiment ? C’était pourtant comme ça que ça marchait entre nous. C’était pas la première fois qu’il me sauvait les miches dans une situation assez similaire à celle-ci ? Et comment je l’avais remercié ? En lui sacrifiant lesdites miches pour qu’il prenne son pied dans une nuit passionnée. Je pensais donc forcément que cela finirait ainsi une fois de plus. Je ne faisais qu’anticiper sa demande. Et pourtant… je ne savais pas quand ou comment, mais j’avais l’impression que quelque chose avait changé dans sa vie ? Mais quoi…

Je n’avais pas le temps de m’y attarder. Ce n’était pas ce qui me préoccupait le plus en ce moment de toutes manières. Je lui demandais donc sans gêne s’il avait emporté son grimoire avec lui. Je voulais éloigner ma Loonie loin de cet Enfer. Lui rendre la vie qu’elle avait toujours connu et qu’elle méritait. Plutôt que de se retrouver perdue dans ce monde qui partait totalement à volo. Mais le prince Goetia chassa vite mes espoirs d’un coup d’aile. Pas de possibilité de nous enfuir de cette île ? Est-ce que c’était écrit dans les étoiles que j’aurais une existence pourrie jusqu’au bout ? Je fronçais les sourcils. Lui lâchant une première pique.

« T’es sérieux là ? Je croyais que ton rayon à toi c’était les astres… et tu me dit qu’une putain de lune nous a envoyé ici mais que t’as aucune idée de comment rentrer. Tu me fais marcher ? »

Frustré ? Ah oui là je l’étais vraiment. Et j’étais bien décidé à me faire entendre. De toutes façons, il me connaissait assez bien pour savoir que ça allait arriver, non ? Et là c’était que le début. Laissant le sujet de côté, je l’écoutais me parler du fait évident qu’il avait payer ma caution… Eeet que bien sûr le service n’allait pas être gratuit. Ben tiens, comme c’est étonnant. Je levais les yeux au ciel avant de soupirer.

« Pour toi tu veux dire ? Je suis flatté de savoir que t’estime que mes services valent bien 5 millions de dollars, mais pour un garde du corps ça fait cher payer. Ca te manquait donc tant que ça de plus pouvoir me tenir en laisse ? »

Parce que là clairement c’était ce qui était en train de se passer. Depuis quand est-ce qu’il se permettait de conclure un marché ME concernant sans même ME consulter avant ? Et puis garde du corps quoi… il y avait pas de boulot plus chiants que celui-là. Moi mon job c’était serial killer et mon kiff c’était de tuer des gens. Je voulais pas être payé pour servir de nounou (ou plutôt d’escort boy) à son altesse le prince Stolas. Je pouffais légèrement en l’entendant prétendre que je resterais sage une fois sorti d’ici. Je gardais cependant le silence jusqu’au moment où il évoqua le fait que c’était la meilleures des options. Il avait peut-être raison. Ou pour être exact, c’était la seule que j’avais à ma disposition. Personne en dehors de lui n’accepterait de me libérer ou d’avancer le moindre centime pour me voir gambader dans les rues de la ville. Je pourrais toujours prétendre tenir ma parole tout en continuant mes crimes derrière le dos de tout le monde, non ? Mais la perspective de retourner dans les serres de Stolas avait quelque chose qui de déplaisant… et d’effrayant.

Je ne pouvais pas donner mon accord, pas tout de suite. Il fallait que je prenne un peu de temps pour réfléchir… même si c’était déjà tout réfléchi puisqu’on venait de m’y forcer. J’écoutais la suite de son discours, ne pouvant manquer de lui balancer une deuxième pique.

« C’est ça oui… et pendant qu’on discutera des conditions de travail on pourra aussi ajouter une clause sur le harcèlement sexuel que tu ne feras pas subir à ton larbin ou ça c’est pas négociable ? »

C’est alors que Stolas me sortit une phrase qui me cloua sur place. Est-ce qu’il venait vraiment de me proposer de n’avoir plus que des rapports professionnels… sans contrepartie sexuelles d’aucune sorte ? Alors là, sans mauvais jeux de mots, je devais bien admettre que j’étais totalement sur le cul. Stolas ? Le Stolas qui m’avait harcelé durant des années, le même prince lubrique qui avait abusé de son pouvoir pour me pousser à une liaison forcée, venait me dire qu’il n’y aurait plus qu’une relation professionnelle entre nous ? Ouvrant de grands yeux, je restais abasourdis ne pouvant prononcer que quelques mots.

« Euh… attends. Tu… tu peux répéter ce que tu viens de dire là ? »

Ouais d’accord comme première paroles c’était pas ce que je pouvais lancer de plus recherché, on est bien d’accord. Mais je crois que j’avais besoin de l’entendre à nouveau pour être certain qu’on était bien sur la même longueur d’onde. J'en viens à m'inquiéter de son état de santé.

« Ooookkk euh… tu t’es cogné très fort la tête en atterrissant sur cette île ou c’est le reflet de cette foutue lune rouge qui te convient pas ? Depuis quand est-ce que tu veux que je sois à tes côtés pour une autre raison que me foutre dans ton plumard ? »

Ok d’accord j’étais un peu mauvaise langue. C’est vrai que par le passé il avait déjà évoqué cette possibilité. Mais bon, comme on était encore sous le contrat lié au grimoire je pensais qu’il disait ça en l’air, parce qu’il voulait me tester ou accroître son contrôle sur moi. Mais maintenant, on parlait de passer un nouveau pacte, totalement différent du premier. Est-ce qu’il réalisait ce qu’il était en train de me dire ?
 

En entendant Stolas levé la voix, je reculais d’un pas. Bon OK j’y avais peut-être été un peu trop fort pour le coup. Je n’avais pas à m’en prendre à lui parce qu’il ne pouvait pas nous ramener à la maison. C’était cette fichue île la responsable et si personne n’avait pu rentrer chez lui, je supposais facilement que c’était parce qu’il n’y avait aucun moyen de le faire. Je rabaissais alors la tête, ne parvenant pas à affronter son regard. Presque en signe de soumission.

« Ouais j’imagine que si tu avais réussi à trouver un moyen de rentrer, on ne serait pas là à en parler. »

C’était une manière pour moi de me faire pardonner ma conduite déplacée, même si j’ignorais si ce serait suffisant. Je relevais ensuite un regard noir dans sa direction, particulièrement après sa réponse à mes accusations. Ne pas me tenir en laisse ? Il était sérieux, là ? Je lançais alors acide.

« Ah parce que nos sauteries à la pleine lune c’était optionnel ?  T’aurais dû me le préciser au moment de négocier le contrat… je me serais décommandé. »

J’avais vraiment du mal à avaler qu’il n’ait pas eu conscience de tout ce que nos nuits passées ensemble avaient pu provoquer chez moi… la honte, la culpabilité, le dégoût de moi. Je ne comptais même plus le nombre de fois où j’avais passé mes soirées à me confier à Angel à ce sujet. Oh bien sûr, notre relation avait évolué depuis là. Je n’avais jamais pu mettre la main sur ce qui en faisait la raison, mais les choses avaient changé. J’avais fini par en ressentir du plaisir.  Parfois même si intense que ça me faisait peur. Mais je n’avais jamais pu oublier totalement les sentiments des premiers mois. Alors l’entendre ma parler comme ça, ça m’agaçait vraiment.

« Stolas, t’as abusé de ton pouvoir pour me forcer à coucher avec toi… sachant parfaitement à quel point j’avais besoin de ton grimoire pour mon entreprise adorée. Mon seul espoir de montrer ce que je valais à cet Enfer de merde… t’appelle ça comment toi ? »

Qu’est-ce que je venais de dire exactement ? Ca sortait d’où cette réflexion pourrie ? D’un geste violent du bras, je chassais cette déclaration aussi vite que je l’avais prononcée. A quoi ça servait, franchement ? Il allait encore prétendre qu’il était dans son bon droit et qu’il avait rien fait de mal ? Que c’était normal de m’utiliser comme un vulgaire gigolo ? Ah ben oui forcément… j’étais qu’un Imp après tout. Un foutu larbin ! Ouh comme j’avais pas envie d’entendre ces mots-là.

Je m’enfonçais alors dans ma cellule un instant, m’appuyant contre le mur les bras croisés le temps de pouvoir souffler et reprendre un peu le contrôle de la situation.

Finalement Stolas me fit sa proposition, précisant qu’il ne souhaitait plus qu’une relation professionnelle entre nous. Je restais alors totalement abasourdi. Je remettais sa parole en doute. Ben ouais forcément, ça ne ressemblait tellement pas à mon Stolas… euh pardon. Je reprends. Ca ne correspondait pas au Stolas que je connaissais. Pourquoi avait-il pris cette décision ? Pourquoi maintenant… je n’arrivais plus à me concentrer sur quoi que se soit d’autre. Pourquoi… pourquoi…

« Pourquoi ? »

Ben oui quoi ! Il m’avait demandé si j’avais des questions à ce propos. Donc ça me paraissait logique de commencer par la base. Je m’étais rapprocher de lui, posant à nouveau mes mains sur les barreaux de ma cellule. Je reprenais sur un ton plus doux cette fois.

« Pourquoi tu fais ça ? Je veux dire… avec cet argent tu aurais largement de quoi te payer une floppée de gardes du corps pendant plus de trois ans. Et des gars réglos qui te poseraient beaucoup moins de problèmes que moi. »

A cet instant-là, j’aurais voulu être plus proche de lui, prendre son visage dans mes mains pour le tourner dans ma direction et forcer son regard dans ma direction. Mais je pouvais pas. La seule chose que j’espérais c’est qu’il finirait lui-même par le faire.

« Pourquoi tu te donnes tant de mal pour moi… alors que tu veux te priver des services de ton escort boy favoris. Dis-moi ce qui se passe dans ton crâne de piaf. »
 

En entendant ses propos, je soupirais lourdement. Je savais bien que j’aurais pas dû le lancer sur ce sujet au mieux épineux. Il me parlait de la première nuit qu’on avait passé ensemble, de ma stratégie pour voler le grimoire. Je m’y étais tellement bien pris à l’époque qu’il avait gober tout rond cette fausse excuse, croyant que si j’étais là c’était vraiment pour le simple plaisir de coucher avec lui. J’hésitais un instant à lui cracher la vérité, à lui dire que c’était qu’un mensonge comme à l’époque où petits on s’était amusés ensemble une journée parce que son père m’avait littéralement acheté pour devenir l’ami de son fils. Mais je pouvais pas… j’avais remarqué que ce que je lui avais dit jusque là. Je voulais pas enfoncer d’avantage le clou pour lui dire qu’il n’avait pas aucune importance pour moi. Parce que ce n’était pas vrai… ou au moins plus vrai aujourd’hui. Mais il voulait avoir une explication alors très bien j’allais lui en fournir une. Je levais les yeux au ciel.

« C’était sensé être qu’une nuit, Stolas. Un putain de coup d’un soir ! Une façon de te remercier pour m’avoir remis le grimoire. Je pensais qu’on serait quitte, pas que tu ferais durer cette liaison indéfiniment. »

Je secouais la tête, me taisant quelques instants tout en repensant à ce qu’avaient pu provoqués chez moi ses appels obscènes et ces nuits où je devais faire semblant de sourire, mentir une fois de plus pour lui faire entendre ce qu’il avait envie d’entendre… enfin quand ma fierté ne reprenait pas le dessus. Je relevais mon regard vers lui, toujours autant en colère face à son ignorance et aux mensonges qu’il avait pu se raconter pour pas prendre conscience de ce qui me faisait subir au quotidien.

« Sois honnête, si je t’avais dit non dès le départ, tu m’aurais laissé le grimoire… franchement ? J’ai continué parce que j’avais pas le choix ! Je tenais à ma société plus que tout et si pour maintenir ma chère I.M.P j’étais obligé de me comporter comme un foutu gigolo, respecter les termes imposés de ton contrat, alors j’étais prêt à le faire. »

Mais ça n’avait pas été toujours comme ça. Je le savais… je n’avais pas toujours ressentis la même chose en étant dans ses bras. Il y avait des nuits où je me sentais bien. Où j’en venais à me mentir à moi-même et croire que durant quelques heures j’étais l’imp le plus heureux, aimé et choyé du monde. Ca j’étais prêt à l’admettre, ne serait-ce que parce que Stolas avait vu partiellement juste et que je ne pouvais que le reconnaitre. Je rabaissais alors mon regard vers mes mains, n’assumant qu’à moitié les mots que j’allais prononcer.

« Et quand j’ai commencé à me poser des questions, à me demander si tu prenais ça au sérieux… je pouvais toujours compter sur toi pour me rabaisser et me rappeler que j’étais dans ton lit que pour la baise et pour rien d’autre… et je me sentais encore plus minable que jamais. »

Il me l’avait tellement dit et répété que je savais même pas si je pouvais me fier aux excuses qu’il me faisait maintenant. Il avait l’air sincère mais dans le fond est-ce que ça comptait vraiment ? S’il n’en avait pas conscience alors pourquoi est-ce qu’il souhaitait y mettre un terme ? Juste parce qu’il ne s’amuserait plus autant au lit avec moi qu’avant ? Parce qu’il s’était trouvé un nouveau jouet en mon absence ? Oui j’avoue… j’avais songé à cette possibilité sans pour autant oser le lui demander. Parce que je ne savais même pas quelle réaction cette nouvelle pourrait provoquer chez moi.

Laissant de côté ses excuses, ne les acceptant pas immédiatement. Je m’étais relevé et m’étais dirigé vers lui. Je voulais comprendre pourquoi il faisait ça. Quel intérêt il pouvait ben tiré à me faire sortir si c’était uniquement pour un job qu’il pouvait confier à n’importe qui ?

J’avais le cœur lourd quand il parla de la soirée sordide qu’on avait passée chez Ozzi’e. Ce moment qui avait été un des plus humiliants de toute ma vie… et pourtant je passais mon temps à les collectionner. C’est vrai qu’on avait jamais vraiment pris le temps d’en reparler par la suite… et cela me convenait. Parce que j’avais compris que tout ce que je pensais être de notre relation était exacte… et je tenais franchement pas des masses à ce qu’il me répète encore une fois que j’étais qu’un putain de sextoy à ses yeux.

Pourtant cette fois-ci, je prenais le temps de l’écouter. Je fermais juste ma grande gueule pour le laisser me sortir tout ce qu’il avait sur le cœur et qui n’était pas forcément facile pour lui. La seule fois où j’eus un mouvement de recul, fut le moment où il m’avoua que j’étais à ses yeux la deuxième personne qui comptait le plus au monde. Et voilà que je sentais mon traitre de cœur m’échapper, se casser la figure en manquant un battement avant de rattraper sa course à toute vitesse. Ces mots-là je les recevais comme une gifle en pleine gueule. Une gifle qui me mit complètement KO. Et c’était encore pire lorsqu’il admit que la seule chose qu’il souhaitait était mon bonheur.

Cette fois-ci, c’est moi qui n’arrivais plus à maintenir son regard. Tournant le dos à Stolas, je me laissais glisser jusqu’au sol avant de ramener mes jambes vers moi et reposer ma tête sur mes bras. Une minute… laissez-moi une minute ou plutôt dix le temps de faire le tri parmi tout ce que j’avais entendu. Je restais comme ça, totalement fermé et silencieux durant quelques longues minutes. Puis, je repris la parole, la tête enfermée entre mes bras.

« Ils avaient raison. »

Je relevais alors mon visage, me rendant compte que Stolas ne pourrait rien n’entendre. Je repris la parole.

« Tout ce qu’ils ont dit au Ozzie’s ce soir là… Fizz… Verosika… tout était vrai. Je suis qu’un minable. Un lâche… et je suis un champion pour foutre en l'air toutes les relations auxquelles je tiens.»

Je repris encore un instant et soupirais avant de me relever. Cela me prit du temps mais je finis par le faire, me tournant vers Stolas. Lui souriant du mieux que je pouvais.

« Tu n’as pas à être désolé… Oui t’as fait des erreurs, oui ça t’es arrivé de pas bien agir mais aujourd’hui tu es là. Alors que je croyais être tout seul, tu es là. Et ça ça vaut plus pour moi que toutes les fois où tu as merdé. »

Je me passais rapidement une main sur le visage et soupirais lourdement avant de reprendre en lui souriant du mieux que je pouvais.

« Je te mérite pas, Stolas. Je mérite pas ta confiance et ton amitié… mais je vais faire en sorte de les mériter et de rattraper mes erreurs. »

Je secouais la tête pour faire de l’ordre dans mes idées.

« J’accepte ton marché… à deux conditions. Que tu me confies les recherches d’Octavia en plus de mon travail de garde du corps. Parce que je refuse de croire que vous puissiez rester séparer. »

Et la deuxième ? Je me rapprochais encore d’un pas profitant du fait qu’il soit proche pour rapprocher mon bras et poser ma main sur sa joue à travers les barreaux.

« Et que tu me laisses redevenir ton ami. Parce que je tiens à toi… et que j’ai aucune envie de t’abandonner. »

 

Sa première remarque me fit serrer les dents et les poings. Bon, au moins il admettait la vérité. C’était déjà pas mal ! Mais quand il admit qu’il aurait pu trouver une autre solution pour me venir en aide… j’avoue que là j’étais furax. Non seulement cela appuyait le fait qu’effectivement il m’avait gardé enchaîné durant tout le temps qu’avait duré notre marché à la con mais qu’en plus il n’avait pas lever le petit doigt parce que ça l’arrangeait que les choses se passent comme ça ?? Et pourquoi t’as rien fait pour que ça arrive alors espèce de… Non je lui balançais pas ça à haute voix mais j’avait terriblement envie de le faire. Je savais que la réponse n’allait rien arranger à ma mauvaise humeur. Et c’était pas le moment et l’endroit pour que je me permette de péter un câble. Je laissais donc couler et préférais réfléchir à ses prochaines paroles.

Il me répétait qu’il l’avait pris au sérieux… est-ce que je devais le croire ? Notre relation était tellement compliquée. C’était toujours terriblement difficile de savoir ce qui était vrai ou non dans toute cette histoire. Bon c’est vrai qu’il avait prit le temps de m’écrire et à plusieurs reprises. Et c’est vrai aussi que j’avais tout fait pour limiter mes réponses au strict minimum. Parce que justement tout s’embrouillait dans ma tête et que je savais jamais si je pouvais y croire ou non. Clairement, il y avait eu un point de non retour où je pensais que ne plus se voir était la meilleure des solutions. Finalement il y avait pas que des aspects merdiques à cette foutue malédiction.

« T’aurais peut-être dû oui. Tout arrêter et me foutre la paix. Il y a rien de bon à tirer d’une relation toxique, Stolas. Même si ta classe sociale d’arriérés pense le contraire. Et même si ce que tu dis est vrai je vois mal comment on aurait pu bâtir une relation saine alors que j’avais encore un foutu fil à la patte… Je te rappelle quand même que durant des mois t’as été qu’un putain de Harceleur sexuel et moi ta victime. »

Je me passais alors rapidement une main sur le visage en soupirant. Comment je pouvais merder une réponse à ce point, sérieux ? Dans mon cerveau tordu, je savais pour quelle raison je le faisais. C’était ma façon à moi de couper tout dialogue ou réflexion importante sur le sujet. Peut-être une manière de pas reconnaître qu’il y avait du vrai dans ce qu’il disait. Que derrière ce malentendu, il y avait une véritable volonté de sa part de vivre avec moi ce qui aurait pu s’apparenter à une histoire d’amour, une vraie cette fois.

Je choisi ensuite de me taire pour écouter ce qu’il avait à me dire. Sans jugement ou le moins possible, simplement à l’écouter parler et mon discours me bouleversa. Suffisamment pour accepter de montrer terriblement faible et vrai avec ce que je ressentais maintenant. Je me laissais retomber à terre et une fois mon regard loin du sien, lui fit par de tout ce que cette soirée avait éveillé chez moi de peur et de traumatisme. J’osais lui dire que j’avais tout foiré, que j’étais qu’un zéro et je tâchais de le mettre en garde. Qu’il comprenne qu’il pourrait jamais espérer rien de ma part parce que j’avais fichu en l’air toute mes relations précédentes. Et que notre amitié suivrait forcément le même chemin. Mais il ne bougea pas, ne semblait même pas prendre à mes propos. Stolas était fidèle à lui-même, d’une grande naïveté incapable de voir le peu de valeur qu’il y avait en moi… et que je ne valais ni l’argent ni le temps qu’il m’avait consacré jusqu’ici pour que je sois libéré. Oh Stolas…

Alors je me relevais, plongeais à nouveau mon regard dans le sien et lui promis de tout faire pour devenir quelqu’un de meilleur. De tout essayer pour sauver notre amitié qui avait prit tant de valeur à mes yeux avec les années. Malgré les abus, malgré les malentendus… rien n’avait suffit pour m’empêcher de lui offrir cette petite place dans mon cœur qui avait pris jour après jour plus d’importance. D’un geste, j’avançais le bras pour posera ma main sur sa joue et je l’y laissais pour échanger avec lui quelques serments d’amitié qui me firent sourire pour la première fois depuis longtemps. Surtout lorsqu’il prit la parole. Je finis par hocher la tête et repris tendrement.

« Je suis content. Merci de l’accepter. Je crois que tu as pris la meilleure décision possible. Mon amitié c’est le mieux que je peux t’offrir en ce moment. Ce qui compte le plus pour moi c'est que tu n'aies plus jamais l'impression d'être tout seul ici. Et je sais pas si j’arriverais encore à être ton amant de toutes façons. »

J’avais prononcé cette phrase sans aucune haine ou colère. D’une voix qui laissait planer les interrogations que j’avais dans mon propre cœur. Mais aussi sans une profonde conviction. Parce que j’avais aucun moyen de prouver que sa main entrant en contact avec la mienne et que son baise-main n’avait pas provoqué chez moi un violent frisson, mélange de désir et de répulsion comme seul lui pouvait provoquer chez moi.

A son discours, je sentis ma gorge se serrer et mes yeux se remplirent de larmes. Je sais pas d’où pouvait venir ses convictions mais je savais qu’elles étaient profondément encrées en lui. Peut-être même si profondément qu’à moins que j’en vienne menacer Octavia d’une arme, rien, absolument rien ne pourrait les détruire. Peut-être avait-il raison au fond. Peut-être que ça valait la peine de l’écouter au lieu d’entendre toujours raisonner en moi les échos des voix des personnes à qui j’avais fait beaucoup de mal. Le passé était le passé et peut-être qu’il était temps de vivre dans le présent. De me montrer digne d’être aimé par les personnes qui nourrissaient encore tellement d’espoir en moi. De garder mon regard fixé à cette magnifique lueur d’espoir que je pouvais lire dans le regard de Stolas.

Je saisis alors la main que Stolas avait posé sur mon cœur. La ramenant à moi de ma main libre j’en embrassais le dos avant d’entrelacer mes doigts aux siens. Je la collais alors contre ma joue où coulait des larmes de tristesse et de reconnaissance. Je fermais alors mes yeux, me laissant bercer par la tendresse et la sérénité de ce moment. Je restais alors silencieux, n’ayant pas la force de prononcer un mot.

Mais ce moment fut de courte durée car le gardien revint alors avec ses papiers signés. Relâchant mon emprise sur Stolas, je ramenais rapidement à moi mes bras et restais attentif aux paroles du gardien. Ce dernier s’adressa alors à Stolas.

« C’est tout bon, votre honneur, il reste plus qu'à signer son autorisation de sortie... et ajouter le contrat de travail. Heydrich sors de là on va avoir besoin de toi. »

Il sortit enfin ce maudit trousseau de clés et ouvrit la porte de ma cellule en me faisant un de ces remarques dont il avait le secret.

« Mais je te donne pas clairement pas plus de deux semaines pour revenir au mitard, je te connais. »

D’ordinaire j’aurais répliqué et clairement c’était pas l’envie qui m’en manquait. Mais je préférais me concentrer sur la seule chose que j’avais envie de faire là maintenant et tout de suite. Me dirigeant vers Stolas, je le pris dans mes bras pour lui faire un câlin. De nouveau là ça me ressemblait clairement pas… mais bon vu les émotions qui m’avaient secoué jusque-là je pouvais bien me permettre un écart de conduite, non ?

« Je te remercie… merci du fond du cœur pour ce que tu as fait pour moi. »

Je restais encore quelques minutes, profitant du moment présent. Mais peut-être trop longtemps pour ne pas au moins le justifier. Je le serais d’avantage dans mes bras, nichant ma tête dans son cou avant de reprendre toujours les larmes aux yeux.

« Tu m’as tellement manqué. »
 

Ok bon j’étais carrément aller trop loin dans mon attitude. Je le reconnais volontiers. J’étais clairement pas la seule victime dans cette histoire. Il fallait quand même pas charrier ! Moi aussi j’avais ma part de responsabilités dans cette histoire. Et utiliser Stolas comme bouche-trou (pardonnez l’expression) pour couvrir l’espionnage de Millie et Moxxie avait clairement pas été l’idée la plus brillante de toute mon existence. Et voir la mine déçue plaquée sur son visage faisait que je me sentais vraiment pas fier en ce moment. Il fallait peut-être que j’arrête de me regarder le nombril pour admettre mes torts moi aussi. C’était peut-être même la seule chose que j’avais de sauver ne serait-ce qu’un peu notre relation. Et clairement oui, je me voyais pas passer ma vie sans Stolas. Malgré tous les aspects négatifs de notre relation, il y avait eu malgré tout de bons moments et je ne voulais en aucun cas perdre ça. Je soupirais alors lourdement avant de baisser la tête, honteux.

« Et si je ne t’avais menti que sur ça… »

Je fis un pas dans sa direction, non sans véritablement savoir ce que j’allais dire. Je pensais parle comme ça viendrait… ce qui n’est jamais une bonne idée. Mais bon il commençait à en avoir l’habitude.

« T’as raison, j’aurais dû me montrer plus honnête avec toi. Si ça avait été le cas, jamais on se serait retrouver dans cette situation merdique. Je me disais que si toi t’avais aucun scrupule pour m’utiliser je pouvais en faire de même avec toi. Je suis désolé… d’ailleurs j’aurais dû m’excuser beaucoup plus tôt. »

OK c’était brouillon à souhait mais c’était des excuses, non ? Je ne pris pas la peine de lui citer le nombre de fois où je lui avais menti et manipulé. On en aurait pu pour la nuit et ça aurait été méchant et cruel sans aucune raison.

Bref, la discussion continuait son cours vers quelque chose qui était beaucoup plus plaisant. Je devais bien l’admettre. Je me sentais bien, à mon aise. C’était peut-être la première fois où je me sentais aussi bien avec lui. Plus de mensonge ou de manipulation. Je n’avais plus à me murer intérieurement pour éviter de prêter attention à les allusions sexuels et à son harcèlement. Nous étions tout simplement nous et j’en oubliais même la prison qui nous entourait et les barreaux qui nous séparaient. J’avais vraiment envie de le sentir à mes côtés et de voir ce qui en ressortirait de bien. Eh bon sang, qu’est-ce que c’était agréable. La gentillesse et à la confiance du hibou me donnais véritablement des ailes. Même notre contact physique, ces caresses toutes en douceur me semblaient être les plus vraies et tendres que nous avions partagé depuis que notre liaison avait commencé.

Même les paroles de Stolas qui étaient un peu pompeuses sur les bords, me faisaient le plus grand bien. Je voulais croire en notre amitié et en cette nouvelle chance qu’on pouvait s’accorder. Je sentais mon cœur battre très fort et si je l’avais écouté, et que le gardien n’était pas intervenu, je serais probablement aller lui voler un baiser. Rien qu’un dernier… un tout petit… Mais ma raison en moi me soufflait que ce n’était pas une bonne idée. Du coup, je me contentais d’un câlin une fois sorti, je me jetais dans ses bras pour le remercier. Geste que j’appréciais encore plus quand je lui partageais ce dernier aveu. Il m’avait manqué. C’était vrai. C’était sincère et j’étais si heureux qu’il soit là… pas uniquement parce qu’il m’avait aidé à sortir d’ici. J’aurais pu profiter de ce câlin encore un peu mais Stolas finit par m’écarter et je le laissais faire. J’approuvais simplement en un haussement de tête avant de m’arrêter un instant en fronçant les sourcils et croisant les bras.

« Et là, attends une minute. Je rêve où tu viens de parler de Loona ? Comment tu peux savoir qu’elle m’attend ? »

Je restais là à attendre son explication avant de finir par me résigner et le suivre dans le bureau sans plus rien dire. Je pensais simplement à ma fille et à la joie que ce serait de la revoir. Je me posais ensuite sur ma chaise aux côtés de Stolas. L’ancien prince signa directement. Logique, il savait ce qu’il y avait dans ces papiers. Il me laissa lire à mon tour et je sentis l’angoisse monter. Forcément, c’était facile pour lui. Il avait passé son enfance le nez plongé dans des bouquins. Moi j’avais beau savoir un peu lire, clairement ces mots là j’y comprenais rien du tout. Pourtant, c’était important que je les lise. Surtout le nouveau contrat qui me liait à mon ex-harceleur. Je signais donc le premier papier même si je comprenais pas tout. Mais je jetais le stylo de frustration en lisant le contrat.

« C’est pas possible, t’aurais pas pu prendre un dico avec toi ? Je pige que dalle à ce qui est écrit là-dessus avec ton vocabulaire d’aristo. »

Je pris alors le papier en main et collais presque mon nez dessus pour lire les passages les plus importants.

« C’est écrit où le nombre d’heures que je bosserais pour toi et le salaire que je toucherais ? »

Mais il y avait important… beaucoup plus important… et il était hors de question que je signe quoique soit tant que je n’aurais pas trouver La Close la plus importante à mes yeux.

« Ah et important. Tu sais, je rigolais pas que je te parlais de la close contre le harcèlement. Je ne signerait rien tant que tu n’auras pas écrit sur ce putain de contrat qu’en aucun cas, tu ne me forceras à faire des heures supplémentaires de nuit ou que tu n’essaieras pas d'abuser de moi. »

J’avais hausser la voix pour bien lui faire comprendre ma position et mon avis là-dessus. Rien que l’idée du contrat faisait remonter tellement de mauvais souvenirs chez moi. Tellement mauvais que je dû poser la feuille sur le bureau pour qu’il ne s’aperçoive pas que je tremblais. Comme à l’époque où je vidais mes premiers verres avec Anthony. Je me calais alors contre ma chaise les bras croisés et le fusillant du regard. Il avait pas intérêt à rire ou à me la faire à l’envers.

« Parce que t’es bien mignon avec ta culpabilité et tes serments d’amitié… et je veux bien te croire. Mais là j’ai aucun moyen de me protéger si tu reviens sur tes bonnes intentions. »

Je décroisais les bras pour saisir le stylo que je pointais dans sa direction, toujours aussi tremblant même si je faisais de mieux pour le cacher.

« Tiens, voilà un stylo. Ecris ! »

Je n'avais jamais eu l'air aussi sérieux ou élevé autant la voix avec lui. J'en arrivais même à me demander s'il toute la prison ne m'avait entendu. Bon sang, j'aurais jamais pensé que mon traumatisme se réveillerait à ce point à ce moment-là.
 

J’avoue que j’avais un sacré doute quand je demandais à Stolas pour quelle raison il avait cité le nom de Loona. Je ne m’en rappelais pas… mais bon pour être honnête j’étais peut-être simplement pas en état de me le rappeler. Un nombre minimum d’heures de sommeil sur cette paillasse à la con et des soucis qui tournaient sans arrêt dans ma tête ne m’avait pas franchement permis d’améliorer ma capacité de concentration qui était défaillante… sauf que ça, ça datait pas vraiment d’hier. Je me rendais aussi compte brutalement que les mots que j’avais employé pour saluer Stolas étaient vraiment pas top. Ca aussi j’aurais dû en avoir l’habitude. Je n’étais pas vraiment du genre à être des plus polis ou des plus gentils. Heureusement que Stolas avait été un minimum patient avec moi. Il aurait aussi pu me laisser là sur ces mots je lui en aurais pas voulu… enfin je lui en aurais voulu mais ça aurait pas été de sa faute. Je baissais alors légèrement la tête, murmurant plus que ce que je prononçais.

« Ah ouais… c’est vrai. Maintenant que tu le dis ça parait logique. »

Maintenant est-ce qu’il était obligé de me la ressortir mot pour mot comme un putain d’enregistreur vocal, c’était une autre question. Il me répondit en me rappelant à quel point il savait à quel point être père était important pour moi. Je lui adressais alors de nouveau un sourire honnête et hochais gentiment la tête.

« C’est vrai. Je t’en aurais certainement parlé. »

Ce n’est pas parce qu’il y avait encore de la rancune enfouie entre nous que je ne me serais pas confié à lui sur un truc aussi important. Ca m’aurait semblé une bonne chose de lui rappeler qu’il était pas seul dans sa situation et que je souffrais aussi de la disparition de ma fille. Sauf que c’était pas le cas. Et que je me réjouissais déjà de lui faire un gros câlin en rentrant. En admettant que je puisse l’approcher.

Du moment tout mignon de nos retrouvailles, on changea carrément de logique. Mais qui pourrait m’en vouloir franchement ? Vous vous serez vu libéré d’un contrat démoniaque et resigné un nouveau contrat avec votre tortionnaire sans être un minimum choqué ? Moi pas ! Et c’est une chose que je faisais remarqué à Stolas de la pire des manières. Je me sentais vraiment… mais vraiment pas bien. Je tremblais, j’avais une crampe terrible à l’estomac et je sentais les larmes me monter aux yeux. Après le discours que je tenais à Stolas, je le laissais écrire la nouvelle clause que je lui avais dictée. Plaçant ma tête entre mes mains, je restais assis là comme un con, à essayer de garder un semblant de dignité même si c’était horriblement difficile. Je réalisais que jamais je n’avais semblé aussi faible devant le hibou. Lui n’avait jamais dû assister à ce genre de spectacle. J’avais des crises d’angoisses, oui. Elles venaient très souvent durant les premiers mois de notre arrangement. Mais c’était toujours soit avant, soit après les nuits de pleine lune. Jamais quand j’étais avec lui. Parce que j’avais trouvé en moi la force de lui faire miroiter cette relation dont il rêvait et que je pouvais me mentir plus facilement à moi-même. Mais là je n’avais pas vraiment eu de moyens de me préparer comme quand je notais les dates de pleine lune dans mon calendrier. Je pouvais pas faire le décompte des heures qui m’amenaient jusque-là et me préparer psychologiquement. Résultat, ça m’était arriver comme une grande claque dans la gueule.

Quand Stolas me rendit le papier, je l’écoutais avec attention… en tout cas j’essayais. Mais je me sentais tellement à côté de la plaque. J’osais même pas répliquer des trucs comme qu’il ne m’avait pas parler du salaire… c’était en nature ? Ou préciser que quand je parlais des heures supp, je voulais dire en tant que gigolo ? C’est vous dire si je me sentais mal.

Il me précisa aussi qu’à partir de maintenant l’avenir de notre relation était entièrement entre mes mains. C’était à moi de la guider où je voudrais et il n’aurait plus à me forcer d’avoir cette relation forcée même s’il le désirait un jour. J’étais libre… véritablement et entièrement libre ! Enfin peut-être pas entièrement mais mon corps m’appartenait entièrement à partir d’aujourd’hui. Je relisais même si ça me prenait quelques minutes pour tout comprendre. Je finis par sourire légèrement et regardais Stolas. J’aurais voulu sourire un peu plus mais c’était très difficile. Je rabaissais alors mes yeux vers sa main, hésitant à la prendre mais le contact aurait pu être l’électrochoc qui m’aurait fait éclaté en sanglots. Je pouvais pas pleurer devant lui. Alors je lui déclarais simplement ceci.

« Merci Stolas… merci d’avoir compris à quel point c’était important pour moi. »

Je pris alors le stylo et signais le contrat, mais la boule dans mon estomac ne disparut pas pour autant. Je ne rajoutais pas un mot quand le gardien nous rejoint pour vérifier si tout était en ordre. On me rendis alors mes effets personnels et je pris soin de récupérer mes habits, mon téléphone portable et la batterie externe qui n’était pas encore totalement déchargée. Me relevant de ma chaise, je regardais Stolas.

« Je… je vais me changer. Tu peux m’attendre dans le hall ? Je te rejoints dans 5 minutes. »

Je descendis alors dans le vestiaire que je connaissais bien. Je tendis la main pour prendre la poignée pour m’apercevoir que je tremblais encore. Je rentrais dans le vestiaire où je me retrouvais seul. Enfin seul… je commençais à me déshabiller et c’est là que ça me prit. Un gros chagrin pour soulager ma douleur et ma boule à la gorge et à l’estomac. Je laissais mes larmes se déverser et je pleurais… pleurais sans pouvoir me retenir. Je sanglotais parce que j’en avais terriblement besoin. Quand je n’avais plus de larmes, je pris mon portable, le branchais à ma batterie externe et écrivis à la seule personne qui pouvait me soulager dans ce genre de crise. Mon meilleur ami, Anthony.



Une fois terminé, j’allais devant la glace pour effacer mes dernières larmes. Je voulais vraiment pas que Stolas puisse les voir. Je prenais une grande respiration et, balançant cette horrible combinaison orange, troquée contre mes habits noirs, mon long manteau en cuir et mes bottes, je rejoignis le hibou dans le hall. Aussi calme que je pouvais l’être lorsque je le rejoignais dans sa chambre les nuits de pleine lune. Avec toujours ce petit côté faux et mécanique.

« Allons-y maintenant… nous n’avons plus rien à faire ici. »

J’avançais dans le hall à ses côtés et lorsqu’enfin je pus ouvrir la porte, je respirais cet air pur et regardais autour de nous.

« J’avais jamais réalisé que le ciel de nuit était aussi beau. »

Je prenais bien soin d’éviter de jeter un œil en direction de la pleine lune qui faisais remonté des mauvaise souvenirs. J’essayais aussi maladroitement que possible de détendre l’atmosphère.

« Tu me montreras les étoiles ? Pas que ça me passionne des masses mais je me dis qu’avec toi ça pourrait être intéressant. »

Je fermais un instant les yeux, profitant de la brise avant de me tourner vers le hibou.

« Est-ce que tu comptes me ramener chez moi où je dois me taper la traversée à pied ? En fait, je sais même pas si tu as une bagnole»