Un visage familier - Doctor Eleven

Au moment exact où le Docteur pénétra dans le centre commercial, il se demanda aussitôt ce qu'il faisait ici. Ce n'était pas que ce soit franchement désagréable d'être dans un centre commercial en soi, mais en général, on venait ici pour une raison précise. Faire des courses, offrir un cadeau à quelqu'un. À quel moment avait-il décidé que ce serait une bonne idée de venir ici en particulier et dans quelle intention était-il venu ? Il était bien en peine de le dire. Il contempla les différentes personnes qui couraient de-ci de-là dans le magasin on les enviant de savoir exactement ce qu'elles faisaient là.

Soudain, quelqu'un vint lui offrir une distraction toute bienvenue. C’était l'incarnation de lui- même qui avait précédé celle qu’il était actuellement et qu'il avait déjà croisée dans cette ville. Il ne fut donc pas autrement surpris de le voir venir le prendre dans ses bras avec un enthousiasme chaleureux. Il lui accorda même un immense sourire et ne lui laissa absolument pas le temps de dire quoi que ce soit avant de se lancer dans une de ses envolées aussi régulières et familières qu’intarissables. Lancer la onzième incarnation du Docteur sur quoi que ce soit était des plus périlleux pour tout ce qui concernait la patience.

« Docteur, je suis content de te voir. Tu tombes à pic. Est-ce que tu sais ce que je suis venu faire ici ? Comment le saurais-tu, me diras-tu, mais figure-toi que je ne le sais pas non plus, alors je me dis que toi, tu sauras peut-être. »

Il prit un instant le temps de le regarder et se sentit heureux de le voir, comme si on retrouvait un vieil ami ou un membre de la famille, ce qui était un peu le cas pour deux versions du Docteur qui se retrouvaient. Soudain, quelque chose lui parut curieux et il fronça les sourcils. Il se passait quelque chose, mais il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Il le regarda fixement pendant un instant, fixement, sans mot dire, jusqu'à sortir la première énormité qui lui passa par la tête, comme il avait l'habitude de le faire pour tous ceux qui le connaissaient un petit peu.

« T'es allé chez le coiffeur ? »

Ce qui se passait dans la tête du Docteur était toujours assez mystérieux mais il fallait reconnaître qu'il y avait un certain mystère à penser que quelqu'un allait savoir pour quelles raisons il avait décidé ce jour-là de venir à cet endroit alors que lui-même n'en avait aucune idée et que les deux étaient des entités différentes depuis déjà plusieurs années. Il ne savait même pas si son comparse avait récupéré ses deux cœurs ou quelque chose de semblables en rapport avec sa nature de Seigneur du Temps. Mais c'était dommage que la télévision de son compagnon d'identité soit défectueuse.

« Je suis désolé pour ta télé, mais je ne crois pas que je sois venu ici pour m'occuper de ma radio. Je ne sais plus », finit-il par admettre en haussant les épaules.

Il y avait quelque chose de différent avec ce Docteur. Il ressemblait à celui qu'il avait été et qu'il avait rencontré dans cette ville. Mais il était différent en même temps. L'idée du coiffeur pouvait sembler un peu étrange mais c'était la première chose qui soit venue en tête du Docteur comme changement possible. Mais ce n'était pas ça du tout. Apparemment, un futur Docteur avait repris l'apparence du dixième d'entre eux. Il ne pensait pas que c'était quelque chose de possible jusqu'à le voir de ses propres yeux mais cela lui donna plus envie de râler que de s'émerveiller de ce qui était en train de se produire. Ça avait toujours été comme ça entre lui et le dixième.

« Alors comme ça, tu as eu droit à une seconde tête et moi je n'en ai eu qu'une ? Ça alors, c'est pas juste. Déjà que tu en as eu deux pour toi tout seul et ça se rajoute. Je proteste énergiquement. »

Une protestation qui n'avait pas beaucoup de sens, parce qu'il n'était pas certain que cette incarnation de lui y puisse quelque chose, et que de toute façon, il était le quatorzième et il était impossible de savoir ce qui s'était passé entre-temps, ni si le visage du onzième Docteur était apparu ou pas. Enfin, lui devait le savoir. De plus, compte tenu du fait que le dixième était arrivé avant le onzième, son visage pourrait tout à fait réapparaître par la suite dans la même logique. Ils ne le sauraient tout simplement pas encore ni l'un ni l'autre. Mais cette façon de voir les choses aussi sérieusement que dénuée de toute jalousie était impossible pour l'instant puisqu'il avait décidé de faire connaître son dépit en râlant prodigieusement. Il fallait bien admettre qu'il était doué pour ça.