La meilleure amie et le sosie ▿ Caroline.

Les premières années en ville avaient été relativement calmes - peut-être trop, d'ailleurs, du point de vue de Katherine. Elle s'était retrouvée seule, démunie de tous ses pouvoirs, sans plus qu'aucun ennemi n'essaie de la tuer. Aucune trace de tous les misérables insectes qu'elle avait fréquentés autrefois à Mystic Falls ou ailleurs. Cependant, depuis quelques mois, les retrouvailles s'enchaînaient. A chaque fois, il y avait en Katherine un mélange de peur et de colère. Seule, elle craignait évidemment pour sa vie. Elle avait tenté de se créer certaines alliances, mais ce monde était plus difficile que l'ancien, à ce sujet. Il lui fallait des personnes fiables, sur qui compter, qu'elle pourrait sacrifier et surtout qui étaient prêtes à se sacrifier pour elle. Chaque chose devait être pensée, millimétrée. Rien ne devait être laissé au hasard pour ne pas être prise au dépourvu - Katherine était, après tout, bien connu pour avoir toujours un plan derrière la tête. Plusieurs, même. Dans un monde où tant de créatures différentes se trouvaient, il était difficile de savoir en qui l'on pouvait avoir confiance - les alliances étaient nombreuses, la fidélité à ses anciens compagnons aussi. La peur n'était pas la seule émotion que Katherine ressentait à la vision de ces anciennes connaissances. La colère, l'envie de se venger... tout renaissait en elle. Et elle se sentait revivre. Elle retrouvait un but, une raison d'avancer. Ils l'avaient tuée, ils l'avaient trahie... Ils ne méritaient rien de plus que souffrir et mourir à leur tour. Une délivrance qu'elle leur offrirait avec grand plaisir.

Le plan de Katherine n'était pas encore très clair. D'abord, il lui fallait savoir qui se trouvait en ville précisément et avec quels pouvoirs, pour pouvoir placer au mieux ses différents pions. Ensuite, elle trouverait le moyen idéal de se venger de chacun d'eux. Et elle se réjouissait d'avance de voir ce moment arriver.

Lorsqu'elle avait aperçu Caroline au coin de la rue, un sourire s'était dessiné au coin de ses lèvres. Elle allait s'amuser. Une fois encore. Pauvre Caroline qui s'était souvent retrouvée au milieu de ces histoires, victime collatérale de la colère de Katherine et de son besoin de vengeance - mais elle pouvait aussi lui reconnaître qu'elle avait su grandir et s'adapter, dommage qu'elle ait choisi le mauvais camp, elle aurait pu être une alliée pratique. Katherine allait donc endosser ce rôle qu'elle connaissait si bien, une fois encore. Les traits de son visage s'adoucissaient, sa voix devenait plus douce, elle aussi... Être Elena, ce n'était pas si compliqué. Il suffisait de devenir niaise, ennuyante et douce. D'un pas rapide, puis hésitant - à l'instant où elle pensait avoir compris que Caroline l'avait aperçue - elle s'était avancée vers celle qu'elle avait tuée autrefois. « Caroline... » Souffla-t-elle, sans rien ajouter, laissant le temps à Caroline de réagir.

Il n'y avait rien de plus satisfaisant que jouer le rôle d'Elena auprès de ceux qui juraient la connaître mieux que personne, auprès de ses proches et amis. Oh ça non, il n'y avait rien de plus satisfaisant que de piéger ces idiots incapables de différencier la grande Katherine Pierce de la stupide Elena Gilbert. Ce rôle, Katherine le connaissait sur le bout des doigts. Elle savait adoucir les expressions de son visage, elle savait simuler la surprise comme Elena l'aurait fait en retrouvant sa meilleure amie après tant d'années. Un jeu d'enfant.

Pauvre Caroline. Une nouvelle fois, elle serait la victime de Katherine. Une nouvelle fois, elle serait un divertissement agréable pour Katherine. Parce que Katherine comptait bien s'amuser avec, lui mentir, jouer avec ses sentiments et ses émotions. Elle, comme tous les autres, méritait d'être punie pour leur comportement, méritait de souffrir pour tout ce qu'ils avaient fait à Katherine. Ce n'était que justice, après tout, non ?

Katherine devenait Elena. Souffler le prénom de sa très chère amie. Se stopper. Attendre que son amie l’aperçoive, se dirige vers elle et la prenne dans ses bras. Cette étreinte, elle la voulait sincère, pleine d'émotion, de bonheur - à vomir, en des termes que Katherine utiliserait. Les mots de Caroline intéressaient particulièrement l'ancienne reine des Enfers. Elle les cherchait tous. Elle n'avait donc retrouvé personne, encore. Parfait ! C'était amusant, et étrange, comme Katherine les retrouvait presque tous, un par un, sans qu'eux ne se soit jamais retrouvés. A croire que le destin était de son côté et lui livrait ces individus sur un plateau pour qu'elle puisse en faire ce qu'elle voulait. « C'est moi, Caroline. C'est bien moi. » Rétorqua la fausse Elena, les larmes aux yeux, un sourire heureux - presqu'un rire - aux lèvres. N'était-elle pas merveilleuse, dans ce rôle ? Elle s'offrirait elle-même une récompense face à son incontestable talent. « Je t'ai cherchée, moi aussi. Je vous ai tous cherché... mais ça n'a jamais rien donné. » Parce qu'Elena avait obligatoirement cherché ses amis - fallait bien avoir des gens à sacrifier lorsqu'on était en danger, après tout. « Je suis tellement heureuse... » Souffla-t-elle, en attrapant les mains de Caroline, pour les serrer dans les siennes.

Pauvre Caroline. Si heureuse, si naïve. Katherine imaginait sans peine ce qu'elle ressentait au plus profond d'elle-même. Elle devait être si heureuse et comblée. Heureuse de pouvoir retrouver sa meilleure amie. Heureuse de pouvoir la serrer dans ses bras. Heureuse de pouvoir lui raconter sa petite vie depuis son arrivée dans cette mystérieuse ville. Oh ça oui, elle devait être heureuse. C'était de cette joie que Katherine se nourrissait le plus parce qu'elle savait très précisément ce qui venait après. La déception. La désillusion. La peine. La réalité et la vérité étaient difficiles à accepter, et Katherine se délectait de cette réalité qui leur tombait dessus avec violence lorsqu'elle se révélait.

Le sourire que Katherine avait sur les lèvre était joué, évidemment, mais il était devenu presque une habitude - à tel point que Katherine elle-même aurait pu finir par s'y tromper si elle ne se connaissait pas si bien. La jeune femme savait précisément quels mots employer, ce qu'il fallait dire ou ne pas dire, quelles émotions elle devait jouer. C'était si simple que ça aurait presque pu en être ennuyant - s'il n'y avait pas l'après et la satisfaction de les tromper. « Je crois que... que cette ville nous teste. Elle teste nos limites et... Et peut-être qu'elle finit par nous récompenser ? » Et blabla et blabla et blabla. La vertu, l'amour, la gentillesse, l'altruisme... Vous savez, toutes ces choses insupportables que la jolie Elena prônait et qui donneraient droit à une sorte de récompense mystique de la part de cette ville. Au fond d'elle, Katherine riait tellement de toutes les conneries qu'elle pouvait sortir pour ressembler à son sosie, mais elle devait garder la face et ne rien laisser paraître. « Je le croyais, moi aussi, mais tu es ici. » Avait-elle ajouté, lorsque Caroline avait évoqué cette autre dimension, tout en serrant un peu plus ses mains dans les siennes. Signe qu'elle était heureuse de l'avoir retrouvée. « Mes souvenirs sont un peu confus, mais je me souviens de la Lune rouge. » Elle faisait attention à ne pas trop en dire, à rester évasive, dans le cas où des questions trop précises viendraient à être posées - des questions auxquelles Katherine n'aurait pas de réponses, évidemment.

Elles avaient fini par trouver un banc où s'installer, histoire de ne pas rester debout au milieu de nulle part, la foule les contournant parce que la vie continuait autour d'elles, évidemment. Le monde ne s'arrêtait que pour elle - enfin, il aurait dû s'arrêter pour Elena, si elle avait été Elena. « Tu as devant toi une future médecin. » Répondit-elle, avec une pointe de fierté et de réserve, comme Elena l'aurait fait. Mais Katherine ne préférait pas trop parler d'elle - enfin, parler d'elle, façon de parler. Elle préférait obtenir des informations sur Caroline. Comment savoir comment se venger, sinon ? La vengeance se préparait, ça ne se faisait pas comme ça. Il fallait y réfléchir pour être certain de la déguster de la meilleure des façons. Se renseigner sur la victime était une des premières étapes et, surtout, une étape cruciale. « La mode ? Le journalisme ? » Caroline était si prévisible et Katherine ne la voyait que comme une gamine superficielle - la plupart du temps - alors difficile de répondre à cette question. D'autant que Katherine n'en avait absolument rien à faire et ne s'intéressait pas suffisamment à la vie des autres pour faire ce genre de déduction - mais tout pouvait être une information utile. « Ou alors, tu as trouvé une façon d'aider les gens. Ça te ressemblerait tellement. » Affirma la fausse Elena, ce sourire niais et stupide sur les lèvres.