SECRET SANTA ▿ Jürgen Voller & Doctor Fourteen

Je m'éveillais lentement, la lumière filtrant à travers les interstices de la vieille grange où je m'étais inexplicablement retrouvé. Ma première pensée fut à l'incongruité de la situation. Comment un astrophysicien de renom comme moi, Jürgen Voller, avait-il pu se retrouver dans un tel endroit, loin de ses télescopes et de ses calculs cosmiques ? La réponse se dérobait à mon esprit, comme une étoile filante insaisissable dans le firmament nocturne.

Bien sûr, j’avais quelques théories. Peut-être avais-je été retrouvé par d’autres nazis qui avaient voulu me réduire au silence… ou m’empêcher de remonter le temps pour tuer Hitler… Ou bien ce gêneur d’Indiana Jones qui aurait tout aussi bien pu m’enfermer contre mon gré et sans que je ne le sache pour s’arroger le droit de sauver le monde à sa manière et selon son point de vue…

Et puis, j’avais trouvé l’enveloppe. Cachetée d’un peu de cire et ornée d’une écriture fine. Je découvris alors que je n’étais pas seul dans cette retraite improvisée, puisque Secret Santa me demandais de complimenter quelqu’un qui partageait la même mésaventure que moi… je devais lui expliquer que j’étais heureux d’être tombé sur lui plutôt que sur quelqu’un d’autre.
Etrange. Je n’avais jamais été habitué à ce genre d’énigme.

La porte, lourde et ancienne, résistait à mes tentatives de l'ouvrir, bloquée par un amas de neige qui s'était amoncelé pendant ce qui semblait être une tempête hivernale. L'air frais s'infiltrait par les fissures, me rappelant la froideur de l'espace, un domaine plus familier pour moi. Je décidais donc, résigné mais curieux, d'explorer davantage mon environnement temporaire.

Je finis par arriver dans une pièce où se trouvait un homme. Alors que je m'approchais, je remarquais un coin de la grange aménagé avec soin : une couverture épaisse, de la nourriture, des boissons, et même une petite source de chaleur, sous la forme d’un poêle à pétrole. C'était comme si quelqu'un avait anticipé notre arrivée, un geste bienveillant dans cette situation pour le moins inhabituelle. J'en déduisais rapidement que c'était l'œuvre de notre "Secret Santa", un concept festif que je connaissais peu, ayant plutôt un penchant pour les étoiles plutôt que pour les traditions terrestres.

« Bonjour… » Le temps semblait suspendu dans cette grange, un cocon isolé du monde extérieur. Un regard par la fenêtre me confirma que la tempête faisait toujours rage et que, bon gré mal gré, nous étions bel et bien coincés ici. « On dirait que nous allons devoir attendre un peu avant d’être libérés de cet endroit… »

Mes propos étaient d’une banalité qui ne me ressemblait pas vraiment, mais j’ignorais à qui j’avais affaire et, pire encore, j’ignorais ce que nous faisions ici. Je me tournais donc vers l’homme, pour me présenter en bonne et due forme.
« Je m’appelle Jürgen. Jürgen Voller. » Mon nom ne disait, la plupart du temps, pas grand-chose à personne. C’était peut-être un atout, ou non, difficile de savoir de quoi il retournait, sur cette île et dans cette ville.

« J’ai vu quelques couvertures, il doit y avoir suffisamment pour partager. Tenez, il ne faut pas prendre froid. »
Cela me rappelait un peu la période de la guerre. Nous, les officiers, nous avions un confort qui était très injuste aux yeux des simples soldats, mais c’était comme cela, à l’époque. Une différence qui, à l’heure actuelle, aurait poussé tout le monde à la révolte, au boycott ou à la grève. Nous étions loin des années 1940-1945.
« J’ai aussi trouvé des vivres. Nous n’allons mourir ni de faim, ni de soif.» Et comme si j’avais été doté du meilleur sens de l’humour de tous les temps, j’ajoutai : « Évitons donc de mourir de froid, ce serait dommage. »

Je m'étais perdu dans mes pensées, scrutant les cieux invisibles au-dessus de la grange, tentant de tracer des constellations imaginaires à travers les interstices du toit délabré, lorsque le Docteur m'adressa la parole. Sa question fit écho dans l'espace confiné, réveillant des pensées que j'avais tenté de dissimuler dans les recoins les plus sombres de mon esprit.

Son regard était empli d'une curiosité non dissimulée et je devais reconnaitre que j’avais la même curiosité en moi. Je me tournai vers lui, ajustant mes lunettes comme pour mieux cerner l'énigme qu'il posait.
« Le pourquoi de notre présence en ces lieux me reste aussi mystérieux que… la structure de l'univers,» commençai-je, ma voix portant la lourdeur de mon inquiétude. « Quant à ma venue ici, elle fut aussi abrupte que l'apparition d'une supernova dans le néant. Peut-être sommes-nous le produit d'une expérience, ou d'un caprice du destin. Ce qui est certain, c'est que la réponse se trouve au-delà de nos perceptions immédiates. »

Je me levai, mes jambes un peu engourdies par le froid qui s'infiltrait à travers les planches disjointes du sol.
« Mais… » continuai-je, mon regard se perdant un instant dans la tempête qui faisait rage au-dehors, « nous ne pouvons nous attarder sur les questions sans réponse. Il nous faut plutôt envisager une sortie, une échappée. Après tout, n'est-il pas dans la nature même de l'homme de chercher à s'évader des limites imposées, qu'elles soient terrestres ou intellectuelles ? » En tout cas, pour ce qui était des astrophysiciens, j’avais l’impression de pouvoir parler en leur nom, puisque j’en étais un moi-même.

Je m'approchai de la fenêtre, observant les tourbillons de neige qui semblaient danser avec une énergie chaotique.
« Je ne sais pas quand s’apaisera cette tempête ni même s’il y a des réponses dehors, mais en attendant, nous devrions tirer le meilleur parti de notre situation. Peut-être avez-vous des compétences ou des connaissances qui pourraient nous être utiles ? »

J'observai un moment le poêle à pétrole, sa flamme vacillante projetant des ombres fantomatiques sur les murs de la grange.
« Vous êtes médecin, c’est bien cela ? Je suis désolé, je n’ai pas bien saisi votre nom, docteur. Je pense que ce froid m’a un peu engourdi… »

Je n’avais entendu que son titre, son statut professionnel… c’était un peu dommage parce que je n’avais pas vraiment l’habitude de ne pas écouter les autres. J’avais même plutôt tendance à être attentif aux patronymes des gens, parce que je songeais qu’il était possible que je retrouve des anciennes connaissances un jour ou l’autre.