Chacun son tour ft. Tenten Konohma

Il n’était pas tout à fait rare que Karube se rende au stand de tir de Lockwood Hill. En réalité, il aimait être prêt à toutes les situations. Dans une ville pareille, capable de tous les pires tours, il ne savait jamais ce qui pouvait l’attendre. Et s’il avait bien retenu des leçons de Borderland, c’était qu’on n’était jamais réellement prêt à affronter certaines choses. Il avait parfois perdu son sang-froid, il avait utilisé cette impulsivité pour que son ami se remette les idées en place, même s’il savait que ce n’était pas la meilleure solution de lui retourner une droite. Ce qui comptait, c’était que ça avait été efficace, après tout. Mais avant de se retrouver à nouveau dans une situation critique, Karube faisait son possible pour s’entraîner, afin d’être toujours un peu plus préparé.

Le jeune homme avait souvent été partisan de la violence, et utiliser des armes à feu ne lui déplaisait pas vraiment. Franchement, ce n’était pas un mal d’en utiliser pour se défendre. Il n’attaquait jamais le premier, mais n’hésitait pas à user de sa force pour répliquer. Et c’était ce qui le menait, éternellement, sur la route du stand de tir. En tout cas, lorsqu’il ne travaillait pas. La Tête de Sanglier lui prenait un temps considérable, et ça n’était pas pour lui déplaire. Il se sentait assez bien, dans cette taverne louche. Abelforth lui faisait assez confiance pour le laisser parfois s’occuper seul du bar, histoire qu’il puisse prendre une pause. Karube y travaillait depuis les premiers mois de son arrivée, cela faisait donc de longues années maintenant qu’il connaissait l’auberge comme sa poche.

Il y avait toujours de l’animation, pour une raison ou l’autre. Parfois, beaucoup de mondes, parfois, pas beaucoup mais des gens très intéressant. Il les écoutait souvent parler de leurs mondes. Lui parlait de son Tokyo tout à fait normal. Il évoquait rarement Borderland. Les souvenirs y étaient toujours aussi douloureux, et personne n’avait envie d’écouter le barman raconter des histoires morbides sur cette réplique de Tokyo parsemée de jeux mortels. Non, son rôle à lui, c’était d’écouter les gens parler, être une sorte de psy de comptoir, l’alcool déliant souvent les langues. Karube préférait ça. Il avait toujours préféré écouter que parler de ses problèmes. Et ce jour-là, la taverne était assez calme. Il en profitait pour faire un peu de plonge, nettoyant tranquillement les verres, lorsque la porte s’ouvrit. Il reconnut quelqu’un qu’il n’aurait pas forcément imaginé voir ici. Cette fille, il l’avait déjà vue au stand de tir, au comptoir. Elle lui paraissait timide et calme, et il s’était souvent étonné de voir quelqu’un qui semblait aussi aimable traîner dans ce quartier. Mais bon, ce n’était foncièrement pas son problème.

- Bonjour. Qu’est-ce que je vous sers ?

Il ignorait si elle l’avait reconnu ou non. Dans un premier temps, c’était à lui de faire son travail.

Le jeune homme arqua légèrement un sourcil. Un coca, ce n’était pas la demande la plus courante qu’il ait. C’était certainement le cas dans beaucoup de bars, mais à Lockwood Hill, et à la Tête de Sanglier, on ne pouvait pas dire que beaucoup de gens carburaient au soft. Eventuellement, ceux qui dormaient là, mais cela dépendait. Quoi qu’il en soi, il se ferait un plaisir de se débarrasser d’une bouteille de coca avant qu’elle ne perde son pétillant. Certaines pouvaient traîner un peu longtemps.

- Ca marche !

Le faux blond attrapa un verre qu’il avait lavé peu de temps avant. Certains n’étaient pas tout à fait propres, mais au moins, il était sûr que celui-là l’était. On ne pouvait pas dire que la taverne soit la plus propre de la ville, ni Abelforth ni Karube n’étant particulièrement fan de passer le balai. Cependant, le jeune homme s’y collait lorsque c’était nécessaire. En revanche, la plonge, il le faisait dès qu’il avait un peu de temps -ce qui n’arrivait pas forcément souvent.

La question qu’il entendit ensuite lui dessina un mince sourire. Karube avait toujours été quelqu’un d’assez ouvert et si la Tête de Sanglier avait un avantage, c’était qu’ils savaient écouter et faire la conversation. Alors qu’il versait le Coca dans le verre, il lui répondit.

- Je viens souvent au stand de tir. Content de ne pas passer inaperçu.

En même temps, il était bien placé pour savoir que, les gens qui venaient souvent sur notre lieu de travail, on finissait par retenir au moins leur tête. Tout comme il avait retenu celle de la demoiselle à force de la voir au comptoir. Mais il fallait dire aussi qu’il était plutôt physionomiste.

- Je m’appelle Karube.

Ajouta-t-il en posant le verre plein devant la nouvelle cliente. De toute façon, la plupart des clients connaissaient son nom, et c’était plus familial comme ça. En plus, il était possible qu’elle s’en soit souvenue toute seule, mais il n’en mettrait pas sa main à couper. Se souvenir d’un visage était une chose, associer le prénom en était une autre.