J'ai été pris en écharpe !

...En flagrant délit

Cette fois, Ophélie s'en était allée sans son écharpe. Il faut dire que cette dernière s'était agrippée à moi comme... hé bien faute de comparaison, comme l'écharpe d'Ophélie. C'était un soir, elle était pressée, et mademoiselle Delalaine n'a pas consenti à me laisser. Nous avons donc convenu qu'elle me rejoindrait demain à la même heure pour la récupérer.

Autant dire que je n'aie pas lâché l'écharpe de la soirée, ni de la nuit, d'ailleurs. Le lendemain matin, je me suis offert une petite course dans la forêt sous ma nouvelle forme de lièvre, l'écharpe toujours solidement arrimée à moi. D'ailleurs, celle-ci m'a suffisamment entravé mes mouvements pour que je ne réagisse que trop tard au moment ou quelqu'un m'attrape par l'écharpe. La langue sortie de la bouche pendant de longs instants, l'écharpe ne sait pas si elle doit se débattre ou attaquer.

La main est ferme, et elle ne lâchera pas. Cette main est attachée à un bras, ce bras est fixé à une épaule, épaule qui est dans la continuité d'un homme, ou plutôt d'un vieux monsieur dont le regard paraît presque s'excuser de tout. Cependant, il dit avec aplomb :

"C'est l'écharpe d'Ophélie !"

J'ouvre la bouche pour répliquer quand une voix beaucoup plus forte se fait entendre, une voix de femme. Femme forte, s'il en est, avec des cheveux de feu, comme son tempérament.

"Fais attention ! Je crois que ce n'est pas un vrai lièvre !"

"Qu'est-ce qu'on fait, Sophie ?"

Je me tourne juste à temps pour voir toute une fratrie d'enfants qui ont l'air de leur appartenir. Encore un peu sous le choc -et passablement encore étranglé- je ne remarque que maintenant leur aura venant d'un autre monde. Je tousse, et l'homme me lâche aussitôt.

J'aurais dû leur dire "vous parlez d'Ophélie ? Je sais où elle se trouve ! Suivez-moi !" mais si j'avais dû être un lapin blanc, ça se saurait. Du coup, je prends mes pattes à mon cou, et je m'enfuis, tout en m'assurant qu'ils me suivent. S'ils viennent du même monde, je devrais les rejoindre, mais s'ils viennent du même monde, ce n'est pas impossible qu'ils soient ennemis.

La porte de mon salon de thé s'ouvre en trombe et je m'approche du miroir, toujours sous ma forme de lièvre, toujours avec l'écharpe autour du cou, du corps, bien serrée.

"Euh... Miroir ? Est-ce que tu peux m'appeler Ophélie ? Je sais qu'elle aurait de l'avance, mais je pense qu'il est urgent qu'elle se joigne à moi."

De l'autre côté de la route, je vois la femme débouler. Je me planque derrière le miroir le temps qu'elle passe. Au moins, elle ne m'a pas vue. J'espère que le miroir passera le message à Ophélie... Rapidement, si possible.

Hélas, miroir n'est pas d'humeur causante aujourd'hui ! Et c'est bien dommage car il aurait bien des choses à raconter en étant témoin de la scène qui va suivre.

Car aussitôt, la porte du salon de thé s'ouvre à la volée. Plus vifs et rapides à la course que les parents, c'est un trio d'enfants roux qui entrent avec fracas dans les lieux. La porcelaine en frémit du haut de ses étagères.
Les trois rouquines tombent à bras raccourci sur le lèvre parlant.

- Je l'ai !
- Non, moi !
- Tiens lui les pattes !

Tout le monde sait que l'adorable brutalité des enfants ne connaît pas de limites. Ce sont le plus souvent les chats de gouttière qui en font les frais lorsque les bambins parviennent à leur mettre la main dessus, que ce soit pour les caliner de force ou les attraper et les embarquer participer à leurs jeux. Le lapin ne fait pas le poids, même si il possède en l'occurence une fidèle alliée.

- Echarpe, rhah, aides nous plutôt que hmhmhhhh !

L'écharpe se bat comme une lionne, elle avait fini par ceinturer l'une des petites avant de bâillonner l'autre. Elle ne semble pas prête du tout à laisser son grand Amour être malmené. (La pauvre, si elle savait tout de la vie amoureuse de son aimé ... mais c'est une autre histoire tout ça ...)

Dehors, c'est un garconnet à la coupe au bol tout aussi flamboyante qui tient la porte et fait de grands signes.

- Pourquoi moi je dois tenir la porte ?
- Parce que il faut faire signe à maman et papa !
- On a attrapé le lapin !

Le garçon s'exécute, il fait des grands signes aux adultes dont les performances sportives ne sont plus celles qu'ils avaient à 20 ans.

Il faut une longue minute encore avant que les parents hors d'haleine arrivent. Ils entrent alors que les affrontements semblent semblent plus ou moins terminés. C'est une indiscutable victoire par soumission, deux filles tenant le lièvre innocent tendant que la troisième avait fini par s'asseoir sur l'écharpe roulée en boule, causant également la capitulation de cette dernière.

- On a vaincu !
- Vingt-culs ca fait beaucoup, non ?
- Pfihi t'es bête ! Attention maman arrive !

Le couple parental n'a sans doutes pas tant couru depuis qu'ils avaient 20 ans. Leur visage est rouge. Celui de la mère est pivoine et elle semble avoir toutes les peines du monde à retrouver haleine. Mais ce n'est pas cet essoufflement qui va l'empêcher d'exiger à grand cris des explications.

- Où est le propriétaire de cet animal ?? J'exige de le voir immédiatement !

L'ample femme s'époumone alors qu'à ses côtés l'homme, plus discret, dénoue sa cravate pour trouver un peu d'air.

- Tout ceci a nécessairement une explication, Sophie. Peut-être qu'un peu de courtoisie ... ?

- Il parle, maman, le lapin !

Cette révélation faire, tous les regards se tournent vers l'infortuné lagomorphe alors que toute l'attention (et la colère ?) de la matrone se dirige vers lui. Elle pointe vers son museau un index autoritaire alors qu'une main semblable à un battoir se pose sur son ample hanche.

- Alors si vous me comprenez, VOUS allez me dire immédiatement ce que vous fichez avec l'écharpe de MA FILLE !

...En flagrant délit

Le nombre de mains qu'ont les enfants est juste impressionnant. J'en compte à peu près cinq par tête rousse. Non, attendez, cette main appartient à une autre et... Je ne sais pas, je n'arrive plus à compter. Aïeuh ! Pas par les oreilles, ça fait mal ! Heureusement qu'une alliée de poids et de laine m'aide. Silencieusement, je me promets de prendre vraiment soin d'elle après cela. Si je m'en sors vivant, je lui proposerai un bon bain tiède avec un produit spécial.

Bon, ce n'est pas gagné. J'hésite à mordre, mais je me dis qu'Ophélie ne le prendrait sans doute pas très bien si je le faisais. Je gémis au moment où je me vois séparer de l'écharpe qui disparaît sous les fesses d'un des enfants. Elle s'agite, comme un serpent blessé, mais sans grande conviction.

Heureusement, les enfants se calment quand leur génitrice arrive. Mes oreilles se cachent également, plaquées contre mon crâne.

Un des enfants dénonce ma subtile intelligence, et me voilà au centre exclusif de l'attention.

Ma fille ? Sa mère ? Pauvre Ophélie...

Je me débats d'un coup, bondissant des bras d'un gamin. Je m'époussette pour me rhabiller un peu plus convenablement. Alors comme ça, ils veulent que je parle.

"Alors pour commencer, je NE suis PAS un lapin. Je ne l'ai jamais été, et ce n'est pas en m'appelant ainsi continuellement que je le deviendrais. On ne confond pas une délicate tasse de thé avec un vulgaire mug."

Je regarde l'écharpe tenter de s'extraire comme elle le peut.

"Cette écharpe est mon amie, l'une des plus chères et des plus fidèle qu'il m'ait été donné d'avoir."

L'écharpe se tend, puis se détend, comme pour pousser un profond soupire.

"Sa propriétaire légitime devrait arriver d'un instant à l'autre... Mais vu comme vous traitez ses affaires..." sans parler de mon propre traitement à moi, mais passons. "...Je ne suis pas certain que c'est une bonne idée que vous la voyez."

Je prends place à l'une de mes tables, pattes croisées.

"Quelles sont vos intentions envers Ophélie ?"

J'ai eu affaire à une reine coupeuse de tête... qui lui ressemblait, d'ailleurs. Elle ne me fait pas peur, ou du moins, pas exprès.

- Ophélie, vous connaissez Ophélie !

La stupeur est complète au sein de la famille mais la manière dont la nouvelle est perçue change radicalement selon les membres concernés. Les trois filletttes ont l'air perdues, l'une d'elle demande incertaine.

- Ben du coups on fait quoi ?

Alors que leur frère, en retrait, observe avec impassibilité la scène, bras croisés, observant chaque protagoniste à travers le rideau de ses cheveux en frange. La mère semble sur le point de suffoquer d'indignation et d'émotion à l'idée que le seul obstacle entre elle et sa fille chérie soit ce lagomorphe bavard.

- Comment osez vous ?!! Si vous savez quoi que ce soit, JE VOUS SOMME DE NOUS LE DIRE !

Le père, pâle comme un linge" s'interpose pour empêcher sa femme d'avancer en direction du pauvre Harry dont elle pourrait aisément tordre le cou avec ses grands battoirs.

- Nous ne voulons que revoir notre fille !

Le pauvre homme s'exclame d'un ton presque suppliant.

- Par pitié, quoi que vous sachiez, il faut que vous nous le disiez !

Il joint les mains dans un air de supplication.

- Cinq années. Cinq années que nous pleurons la disparition de notre fille ! Nous avons tout imaginé. TOUT, monsieur ! Pouvez vous imaginer de perdre un enfant et de ne même pas pouvoir imaginer ce qui lui est arrivée ?!!

La réalité de ces mots heurtent de plein fouet. La mère éclate soudainement en larmes, enfouissant son large visage dans ses mains. L'émotion est vive dans la famille qui d'une manière ou d'une autre avait essayé de faire le deuil d'un membre qui leur avait été arraché avec violence. Les trois fillettes qui tiennent ensemble lièvre et écharpe paraissent atterrées de voir leurs parents se mettre dans de tels états. L'une d'elle a les larmes qui lui montent aux yeux et même écharpe cesse de gigoter et parait un instant .

- Lâchez donc monsieur lapin, les enfants ...

Finit par souffler le père alors qu'il tend un mouchoir à son épouse qui y enfouit son visage rond et s'y mouche bruyamment.

- S'il vous plait, dites nous au moins si elle va bien. Si elle est heureuse. C'est tout ce qui nous importe.
 
Tente il de plaider pendant que les trois jeunes filles relâchent l'animal parlant sans chercher à discuter.

- Pourquoi que vous utilisez simplement pas votre téléphone pour l'appeler si  vous la connaissez si bien ?

La question, pertinente, émane de celui qui était resté extérieur à la conversation. Le garçon a l'air endormi qui, plus vif qu'il n'y parait, avait observé la scène avec recul.

...En flagrant délit

Oui, je connais Ophélie... Ou du moins, tout dépend de ce qui s'appelle "connaître". Je ne connais pas chez elle, par exemple. Mais je pourrais faire une liste détaillée de tous les thés qu'elle aime et à quel moment de la journée, elle préfère les boire. Je pourrais dire avec exactitude le rythme de ses déglutitions et s'il faut s'inquiéter ou non, décrire son petit regard perdu alors qu'elle est plongée dans un livre, ce que cela veut dire quand elle remet une mèche derrière une oreille. Je pourrais même décrire par le menu un soupir. Mais cela, même la plus boudée de mes cuillères à thé en serait capable.

Par contre, je ne connais pas son nom de famille, son adresse, ou même dans quoi elle travaille. Cependant, je trouve cela un peu secondaire. Pas vous ?

Mes pensées sont secouées par l'énorme femme qui se met à me crier dessus. Même les verres se mettent à trembler. Pour ma part, je suis assez content de ne pas avoir bu de thé immédiatement avant cette rencontre, parce que j'aurais sans doute dû changer de pantalon. Bon, voilà, je vais mourir. Dites à mes tasses à thé préféré qu'elles sont libres et... Ah non, l'homme s'interpose. Il m'explique ce qui semble être du bon sens.

"Vous ne pouviez pas simplement le demander ?"

Quel manque de savoir-vivre, vraiment !

"Pouvez-vous imaginer ce que cela fait que de se faire traquer comme un lapin quand on est un lièvre ?"

Oui, sans doute que je surréagis un peu... Mais c'est marqué dans nos instincts au fer rouge.

Je me fais enfin lâcher à ceci près que je me fais rattraper par l'écharpe qui me serre contre elle. Je ne sais pas si elle a eu peur et cherche à se rassurer, ou si elle cherche à me consoler. Dans les deux cas, c'est agréable. Je n'ai pas beaucoup de contacts physiques, alors je prends.

"Aux dernières nouvelles, elle allait bien."

Yuk. Ne comptez pas sur moi pour essayer de me servir de ces engins infernaux !

"J'ai..." je commence, un peu timidement. "J'ai rendez-vous avec elle, plus tard dans la journée. Je vais préparer un peu de thé pour tout le monde. Elle devrait venir d'ici à une heure et vingt et une minutes. Vous pouvez l'attendre. Laissez juste le miroir dégagé. Je vous remercie."

Un thé qui calme, un thé qui apaise. J'ai cela ! Je ne perds pas de temps à le préparer qu'il est déjà prêt !

- Merci, merci du fond du coeur !

Dit un papa mains jointes, les larmes au bord des yeux. La stupeur, les cris et les drames font rapidement place à une frénésie au sein de la horde familiale. Il est difficile de suivre à l'oeil nu tout ce qui se passe tant les membres de la famille semblent agir à la fois indépendamment les uns et des autres et pourtant de manière étonnement synchronisée. Alors que la mère d'Ophélie s'effondre finalement sur un des fauteuils qui craque et proteste sous le poids de l'assaut, le visage encore rouge d'émotion, le père reste à ses côtés, lui tapote gentiment la main et intime à ses enfants.

- Allez donc chercher les autres !
- Tout   le  monde ?? S'étonnent les presque triplettes.
- Oui ! Vite !
- Agathe et Charles ?
- Tom aussi !
- Tante Roseline ?
- Grand Oncle ?
- Oui oui et n'oubliez pas grand mère Antoinette et grand mère Sidonie.

- Pourquoi on ne les appelle pas ... ?

Finit par demander Hector qui comme toujours a l'air d'observer la tourmente d'un oeil extérieur et analytique. Peu habituée aux joies de la modernité, la famille d'Ophélie pousse les hauts cris et se hâte d'approuver l'idée. Le père d'Ophélie sorti d'une poche l'appareil électronique qu'il manipule avec une répulsion évidente alors que tout le monde se presse autour de lui.
Hector, penché par dessus son épaule, l'aide.

- Le répertoire ... ici ... tu appuies ... ca va appeler.

Indique t'il d'une voix tranquille. Visiblement la jeunesse s'adapte bien plus vite au changement que les anciens car bientôt le front du père se couvre de sueur.

- Je préférais quand les objets nous obéissaient ... on est infichus de se faire comprendre de ces appareils là.  

Il faut de longues minutes pour que les appels à la famille se fassent. Pendant ce temps les trois presque-jumelles se sont installées presque sagement autour d'une table ronde. Leurs petites bouilles roses, les belles bouclettes rousses et leurs robes à dentelles donne l'impression qu'il s'agit de trois petites poupées adorables. Qui soupçonnerait qu'il s'agit de petites diablotines remuantes en les voyant se jeter sur les assiettes de biscuits qui pourraient leur être servies ?

- Pourquoi vous êtes un lapin ?
- Un lièvre qu'il a dit !
- C'est pareil
- Mais non ! Il l'a dit !
- Pourquoi qu'vous êtes habillé qu'à moitié et avez l'cul à l'air ?
- DOMITILLE !

C'est la voix sèche de la tante Roseline qui vient de rentrer. Soeur de Sophie, elle est aussi sèche et étriquée que sa soeur est grasse et ample. Elle a des airs de matrone à l'air austère qui reprend la jeune fille.

- Quoiiiiiii ? Je demande juste ! Pis y pourrait mettre une culotte ...

Les yeux de Roseline pourraient être capable de jeter des éclairs en cet instant. La fautive se ratatine sur sa chaise et rentre la tête dans les épaules en affichant un regard contrit.

- Demandes immédiatement pardon à notre hôte.
- Pardon monsieur Marsh.
- Et ... ?
- Bonjour Tante  Roseline !

Claironnent les trois filles en même temps.

- Et ... ?

Les trois fillettes semblent perdues. Elles se regardent, n'osent rien dire avant que l'une d'entre elle ne s'exclame.

- Et merci pour les gâteaux et pour le thé ... !

Un léger hochement de tête de la part de la tante fait pousser un soupir de soulagement au trio. La femme prend place aux côtés de sa soeur, non sans avoir respectueusement salué le propriétaire des lieux au passage.

- Merci pour votre acceuil, monsieur Marsh.

Enonce t'elle de manière quasi protocolaire.

- J'imagine sans peine que recevoir notre famille doit être ...

Elle cherche le terme juste un moment, pince légèrement les lèvres avant de finir par dire.

- ... un défi pour vous.

L'attente après cela est encore longue. L'impatience dans le salon de thé est palpable. Bientôt, d'autres membres de la famille arrivent. Amenés par taxi, bus ou on ne sait trop comment d'autre. Deux vieillardes sont installées dans un coin du salon à côté d'un homme à la moustache immense et aux cheveux blancs en bataille dont l'attitude discrète et réservée n'est pas sans rappeler les manirèes d'Ophélie. Un couple avec nourrisson dans les bras entre. L'épouse à la beauté stupéfiante ne porte aucun des stigmates qu'on associe d'habitude aux jeunes parents. On pourrait jurer que le trio sort tout droit d'une publicité pour produits de bébés tant les trois ont l'air pimpants et épanouis. La soeur aînée d'Ophélie n'a définitivement rien à voir avec la jeune femme brune que connaît Harry. Tout ce petit monde entre, salue le tenancier des lieux dans une cacophonie de salutations. La nouvelle fait vite  le tour de la famille : Ophélie est dans ce monde. Elle va arriver d'un instant à l'autre ! Ce sont quatre générations d'animistes qui sont réunis pour l'accueillir quand elle surgira d'un des miroirs de la salle.[/color]

@Harry Marsh

...En flagrant délit

Une de mes oreilles se redresse, l'autre est encore trop effrayée pour se montrer ainsi et reste bien collée contre mon crâne, de peur de se faire attraper.

Les autres...

Ma bouche s'ouvre en grand, laissant entrevoir mes deux énormes incisives sur ma mâchoire du bas. Je compte les nouveaux invités, en plus des clients qui vont commencer à affluer au moment où la famille sera là au grand complet. Je déglutis.

Mon oreille courageuse tombe quand la question du "pourquoi un lapin" fuse. Mon nez se fronce, mais une autre petite voix répond pour moi.

"Non, ce n'est pas pareil. Les lapins et les lièvres sont aussi proches l'un de l'autre que... qu'un chat et un lynx... Et je n'ai pas le..."

J'écarte mon manteau pour montrer que, oui, j'ai bel et bien un pantalon. Il est court, et adapté à mes pattes, mais en aucun cas je ne me baladerais sans rien pour protéger mes... enfin... En tout cas, voilà qu'une première femme est apparue et qu'elle me paraît tout de suite beaucoup plus sympathique.

"Je vous en prie, prenez place. Je vais vous servir, vous aussi."

Un défi ? Cette fois, je suis entièrement redressé et je sens la totalité de mes ustensiles silencieux, au garde à vous, attendant les ordres. J'hoche la tête, un sourire de part et d'autre de mon museau.

Peu après, la famille débarque. Je remonte mes manches sur mes pattes maigres et poilues et voit ici un chalenge à ma hauteur, quoiqu'un peu plus si on compte les oreilles fièrement redressées sur ma tête. Je sors mes plus belles tasses, toutes différentes les unes des autres, et sers mon thé spécial pensées calmes et apaisantes, parfait pour une attente trop longue.

Je bondis d'un invité à l'autre, m'assure qu'il a toujours du thé à disposition et des gâteaux s'il le souhaite.

Bientôt, me voilà en frénésie la plus totale, rattraper une tasse par-ci, écouter une commande par là, demander si tout va bien vers ce là-bas. Entre deux préparations, beaucoup viennent me voir pour savoir ce qu'il advient d'Ophélie. Je réponds ce que je sais, qu'elle va bien, qu'elle est timide, et...

Ce que je garde pour moi est le terrible doute qui s'insinue en moi. Ophélie ne ressemble pas du tout à ces gens-là.

J'espère, du fond de ma tasse à thé, que je ne suis pas en train de faire une énorme bétise.

C'est un joyeux brouhaha qui couve dans le salon de thé de Monsieur Marsh. La famille, qui essaye globalement d'être polie pour se faire pardonner le vacarme de la toute première rencontre, ne tient plus d'impatience à mesure que les minutes puis les heures passent. Presque tous les regards se tournent vers le miroir d'où ils savent tous qu'Ophélie va débarquer. Les trio des petites soeurs infernales, assises au pied du miroir sont les premières à réagit quand soudain la surface argentée se déforme pour laisser place au mollet gainé de laine d'une Ophélie qui manque de trébucher sur les trois obstacles inattendus !

- Ophélie !
- Ophélie !
- Grande soeur !
- La voilà !
- Ma fille !
- Ophélie !
- Elle est là !
- Ophélie ...

S'écrient ils presque tous simultanément, créant un vacarme inattendu qui fait sursauter avec violence la jeune femme qui évidemment ne s'attendait pas à être prise à parti ainsi et s'apprêtait à simplement saluer Harry, comme s'il s'était agit d'un après-midi très ordinaire. Ses yeux s'écarquillent de surprise alors que trois fusées à froufrous se jettent dans ses jambes et manquent de la déséquilibrer en s'accrochant à ses jupes.

- Ma... maman ?

Balbutie t'elle alors qu'au milieu de la marée humaine qui se précipite soudain vers elle s'impose la silhouette de sa mère qui la happe dans ses grands bras potelés, faisant fi des autres membres de la famille qu'elle embrasse par la même occasion. Là, devant elle, autour d'elle se tient toute sa famille. Son père, sa mère, son grand-oncle, sa tante Roseline, sa sœur, son frère Hector, et même le trio de ses petites sœurs qui se pressent contre ses jupes : Domitille, Léonor et Béatrice. Ses deux grands-mères, Sidonie et Antoinette, sa grande sœur Agathe et son mari Tom, qui tiennent dans leurs bras le seul inconnu de la bande, un nourrisson bien trop jeune pour qu'elle en ait fait la rencontre.

- Que ? Mais comment ??

La stupeur paralyse Ophélie et soudain les larmes jaillissent. Rapidement, le visage de la pauvre fille se couvre d'un flot salé alors qu'autour d'elle les bras s'ouvrent, les étreintes se multiplient. Des pleurs de joie, des rires étouffés, des mots d'amour qui s'échappent de chaque cœur ému. Son père l'attire dans ses bras, son visage marqué par les années mais toujours aussi doux. Sa mère la serre avec force contre elle, écrasant la frêle Ophélie contre son ample et généreuse poitrine sans qu'il prenne à celle ci l'envie de protester. Plus mesurés, son frère Hector, le grand oncle et la Tante Roseline attendent leur tour pour la gratifier d'une accolade toute aussi chaleureuse et sincère. Les grands-mères se pressent enfin autour d'elle, couvrant son visage de baisers et de caresses tandis que sa grande sœur Agathe la regarde avec affection, attendant le bon moment pour présenter le nouveau né à la tante qu'il n'était plus jamais supposé rencontrer.

De l'extérieur, seul le haut de la petite tête aux cheveux bruns en bataille d'Ophélie émerge du flot de têtes rousses ou blanches qui l'entourent. Mais il n'y a aucun doute à avoir maintenant : Celle qui jusqu'à ce matin se pensait orpheline se retrouve submergée par une déferlante d'amour et de joie. Si Harry doutait encore de l'affection que la famille d'Ophélie pouvait lui porter, il peut maintenant se rassurer.

Il faut de longues minutes encore pour que de ces émouvantes et bruyantes retrouvailles émerge la silhouette fébrile et incrédule d'Ophélie qui est poussée vers un des fauteuils où une tasse de thé et une assiette de biscuits l'attendent sans qu'elle ne songe un seul instant à s'y intéresser. Le bonheur est trop brutal, trop intense, trop incroyable pour qu'elle accepte de ne serait-ce que relâcher le contact avec l'un ou l'autre des membres de sa famille. Petit à petit les explications lui sont fournies.

- Une lune rouge est arrivée le soir de la nouvelle année et quand nous nous sommes réveillés, la maison avait été déplacée dans ce monde.

Résumera le grand-oncle après des tentatives d'explications confus et fragmentaires pour expliquer leur présence à tous en Ville.

- Nous avons presque tous retrouvé un travail ici, comme si il nous attendait ...

Ca ne surprendra que ceux qui ne sont pas coutumiers de ce qui se passe en Ville ... Quant au secret de leur présence ICI dans le salon de thé du bon monsieur Marsh, il est révélé par les trois sœurs qui se disputent la place sur les genoux de Ophélie qui finit par avoir un tas de fillettes accrochées à elle débordant sur les accoudoirs de ses deux fauteuils.

- On a vu le lapin qui avait ton écharpe !
- Lièvre !
- Alors on est tous viendus.

Bien d'autres choses se disent encore. C'est un moment de bonheur pur où le temps semble suspendu, un moment au cours duquel rien d'autre ne compte que cette union retrouvée. Mais de tout cela finit quand même par émerger quelque chose. Larmes d'émotions encore aux yeux, Ophélie finit par lever ses yeux en direction de Harry que l'écharpe (la seule a ne pas l'avoir oublié !) avait continué de câliner.

- Je ... je ne sais pas par quel exploit, Haze ... mais merci de les avoir amenés ici. Du ... fond du coeur.

Elle ne parvient pas à terminer sa phrase sans fondre de nouveau en larmes, une émotion qui fait naître des sourires de sympathie de la part de ses proches et mouiller une fois encore les yeux des plus émotifs. C'est incroyable la quantité de larmes que peut contenir un corps humain ...

Le père, davantage maître de lui même en dépit des yeux brillants d'un bonheur compréhensible, vient attraper la main du maître des lieux et la secoue avec une émotion palpable.

- Oui, du fond du coeur. Merci. Vraiment.

@Harry Marsh

...En flagrant délit

Si je pensais qu'il y avait une ébullition dans mon salon, ou qu'il y en ait jamais eu une (en dehors de l'ébullition normale de ma bouilloire), cette fois, je me sens totalement submergé. Ophélie se matérialise à travers le miroir et je manque de me faire piétiner par une demi-douzaine de pieds de tête rousse. Je sauve ce qui peut l'être en évitant à tout prix le thé renversé par terre. Ce serait une catastrophe. Heureusement, la grande vague est passée et Ophélie reçoit beaucoup... BEAUCOUP d'affection. L'écharpe en profite pour s'enrouler autour de moi. Je regarde les retrouvailles avec une certaine envie. C'est que moi et ma famille n'avons jamais réellement été... comme ça.

J'observe la scène avec affection, entre deux remplissages obligatoire de tasses. D'ailleurs, quelqu'un m'en prend une pour l'apporter près d'Ophélie que je ne peux pas même rejoindre. C'est amusant comme elle ne ressemble à personne de sa famille. Je me souviens qu'elle m'avait dit que c'était pendant un passe-miroir qui s'était mal passé. Cela ne m'empêche pas d'avoir un sourire attendri tandis que je beurre un scone. L'écharpe s'est légèrement déroulée et semble se dresser comme un serpent à chaque parole échangée.

Au milieu des cheveux de feu, la voix d'Ophélie m'interpelle.

"Ils m'ont tous pourchassé, j'aimerais te dire que j'ai eu le choix... Seulement, je savais que vous veniez du même monde. Je n'étais pas réellement certain que..." qu'ils ne veulent pas te couper la tête "...Enfin, à présent, vous voilà tous réunis ! C'est très agréable de vous voir ensemble."

Voilà que le patriarche me secoue la main avec fougue. Je me sens un peu embarrassé et j'espère que cela ne se voit pas trop sur mon visage de lièvre.

"Est-ce que... tout le monde est là ? Si je sens des gens venir de votre monde, est-ce que je dois les guider jusqu'à vous aussi ou..." j'hésite à poursuivre, mais dans d'autres circonstances, j'aimerais qu'on prenne cette même précaution avec moi. "... il y a des gens de votre monde dont je dois me méfier ?"

...En flagrant délit

La famille est réunie… j'espère au complet, parce que c'est une grande famille de cheveux roux. Je passe d'une assemblée à l'autre, me retrouve momentanément avec un bébé dans les bras, fais du thé, remplit les tasses, sans oublier le fait de me poster régulièrement auprès du monsieur pour l'écouter parler. Je hoche la tête, parfaitement attentif. L'adrénaline est telle que j'ai le sentiment que tout tourne au ralenti autour de moi. Je me décide à fabriquer un thé calmant dont une tasse apparaît miraculeusement entre les mains du patriarche au moment où il se laisse submerger par l'émotion. C'est dommage qu'il reste ainsi en recul, mais cela me permet de connaître une toute autre facette d'Ophélie. Parfois, nous arrivons à échanger un regard. Elle va bien.

“Je suis content que votre famille soit réunie ! Le changement de monde, c'est toujours un cap traumatisant. Je vous en prie, buvez et profitez. Le reste peut bien attendre.”

Et mon moment avec Ophélie aussi, mais nous en reparlerons, juste elle et moi.

“Vous voulez déjà payer ? Je vais vous calculer tout cela de suite.”

Je retourne derrière mon comptoir d'un bond et fait semblant de calculer comme si je n'avais pas déjà le compte exact dans ma tête. Je déduis toutes les ‘nouvelles recettes’ que j'ai essayé aujourd'hui que je fais toujours gratuite, ajoute le prix des biscuits, et après trente-sept secondes de sourcils froncés et de main sur ma mâchoire, je reviens avec la note dans la main pour la donner au patriarche.

“J'espère que vous passez un bon moment !”

Je me doute que le décor est bien secondaire, mais c'est rare d'avoir autant d'animation ici. Sans réellement y croire, je dis d'un ton légèrement plus fort qu’à l'accoutumée.

“Ophélie ? Je voulais te dire…”

Cette fois, tout le monde nous regarde. Je ne pensais pas qu'un calme attentif retomberait d'un coup.

“Tu… as… avais… oublié ton écharpe…”

Je déroule lentement mademoiselle la laine fraîche pour la lui tendre. Je préfère servir qu'être au centre de l'attention. L'écharpe se laisse mollement faire. Je ne pensais pas qu'une écharpe pouvait être si vite épuisée.

“Voilà.”

Je la lui remet sur les épaules.

Le père reçoit la note et y jette un coup d'oeil. Utilisant une monnaie inconnue dans un monde inconnu, il serait bien en peine de juger si le lièvre lui s'est montré généreux ou a au contraire salé la note. L'ombre d'un sourire passe sur son visage fatigué alors que monsieur Marsh s'étonnait qu'il veuille déjà payer.

- Eh bien ... je dirais que ... oui ... les bons comptes font les bons ...

Mais il s'interrompt, se rendant compte que peut être évoquer une amitié serait prématuré après une première rencontre aussi mouvementée. Si il avait été un homme éloquent, le père d'Ophélie aurait pu discourir sur le fait que puisque Harry était ami avec sa fille, il le serait nécessairement avec sa famille. Mais au lieu de ça il baisse le nez, en proie à une certaine gêne, affichant une expression que Harry a certainement déjà vue sur le visage d'Ophélie. Il tripote un instant le noeud de sa cravate, le rajustant sans qu'il y ait vraiment besoin et finit par sortir son portefeuille de l'intérieur de sa veste, réglant sans discussion la note demandée par le propriétaire des lieux.

- Je pense que nous allons ramener Ophélie à la maison. Mais je suis certain que vous allez très vite la revoir. Il semble bien qu'elle soit toujours passe-miroir, elle n'aura aucune difficulté à revenir.

Le regard de l'homme s'attarde un instant vers le miroir en pieds. Un vague sourire rêveur flotte sur ses lèvres pendant un instant.

- Je l'ai été vous savez ... ? Passe miroir.

Avant de laisser la vie le changer durablement ... C'est une longue histoire et il ne va certainement pas la raconter maintenant. Pas en présence de son épouse en tout cas, puisqu'elle est la cause de la majorité des changements qui ont mené à la perte de son pouvoir familial. Du côté de la famille en tout cas, la frénésie des premiers instants ont petit à petit laissé place à une joie plus ... conventionnelle dirons nous. Les gens continuent de se presser autour d'Ophélie mais avec moins ... envahissante dirons nous. La conversation se calme au point où monsieur Marsh trouve un créneau pour s'approcher d'Ophélie et lui adresser la parole. Emue, heureuse, elle s'extirpe du fauteuil dans lequel elle était engoncée pour venir spontanément gratifier Harry Marsh d'une accolade, sincère et chaleureuse.  Un geste rarissime de la part de la jeune femme qui n'a jamais été de nature particulièrement tactile qui en dit probablement aussi long sur son état émotionnel que la belle couleur jaune qu'a pris le verre de ses lunettes.

- Merci pour tout Haze ... Je reviendrai bientôt, c'est promis !

La pauvre écharpe sera là pour lui rappeler de venir de toutes manières. Même si on peut redouter que sa famille va tenter de l'accaparer pendant quelques jours, voire semaines ... D'ailleurs on peut déjà entendre la mère faire écho aux paroles du père en déclarant.

- Nous allons te ramener à la maison ! Ton vieux lit t'attend encore !

Un lit d'adolescente avec des draps roses, des dentelles et le doudou antique que son père, sentimental, n'a jamais accepté de ranger dans un placard en son absence. Elle était déjà trop grande pour dormir avec il y a 5 ans, mais certaines habitudes ont du mal à être abandonnées. Les paroles de la matriarche mettent en mouvement tout le troupeau. Debout au milieu, elle énumère les instructions.

- Il est temps de partir ! Domitille, Béatrice ! Arrêtez de jouer avec cette théière. Hector, aides donc mamie Sidonie à retrouver son dentier. Agathe, Charles, n'oubliez pas la poussette. Grand Oncle, seriez vous assez aimable pour nous chercher plusieurs taxi ... ?

Elle s'était adressée au Grand Oncle avec un ton plus poli, moins autoritaire, sans toutefois lui laisser beaucoup de choix ou d'alternatives. Le père d'Ophélie, offre une poignée de main chaleureuse à Harry.

- Passez donc nous voir si l'envie vous en prend, monsieur Marsh. Vous serez le bienvenu.

Affirme t'il en glissant une carte de visite portant adresse et nom de la famille. Est-ce un effet d'optique ou le nom de son épouse, en plus de précéder le sien, parait être imprimé en plus gros caractères ... ?

...En flagrant délit

Les bons comptes font les bons quoi ?
LES BONS COMPTES FONT LES BONS QUOI ?

C'est immensément frustrant !

Les bons tableaux ? Les bons crayons ? Les bons moutons ? Je supplie du regard le père d'Ophélie de bien vouloir finir sa phrase, mais c'est peine perdue... Il ne me regarde déjà plus. Oh non, alors je suis condamné à ne pas savoir la fin de cette phrase. Un instant, je me dis que je n'aurais qu'à poser la question à Ophélie, mais il semblerait qu'elle me soit arrachée pour la journée. Je suis content pour elle, ne me faites pas penser ce que je n'ai pas pensé, mais je n'ai pas eu l'impression d'avoir été... Véritablement... Présent.

"Je ne savais pas que les miroirs pouvaient faire passer les gens. J'imagine qu'il faut être très gentil avec eux..."

Et s'accepter, c'est ce que m'en avait dit Ophélie, accepter son image. Je m'approche de mon invitée et la reçois dans mes bras directement. Après un instant de flottement, je finis par serrer mes petites pattes autour d'elle après être revenu de ma stupéfaction quant à ce geste.

"Je t'en prie. Tu es bienvenue ici quand bon te semble, et... Je voulais savoir..."

Mais c'est trop tard. La matriarche rassemble tout le monde et annonce la couleur de la fin de la soirée pour mademoiselle Ophélie. Tout le monde se presse tout autour de nous et la grande femme dirige tout ce petit monde avec des instructions vaguement appliquées. En tout cas, me voilà de retour en arrière de la scène, avec le père d'Ophélie qui me serre la patte. Je doute être véritablement bienvenue dans la famille, mais je hoche la tête poliment, comme les gens d'ici le font. Je regarde la carte avant de la ranger à l'intérieur de ma veste. Je pense que j'attendrai sagement le retour d'Ophélie, ce sera sans doute beaucoup plus sage...

... Une fois que ... Tout ceci se sera calmé.

Quand toute la famille est enfin partie, il est temps pour moi de tout ranger avant que n'arrivent les premiers clients de la soirée. C'était un beau défi, et je suis heureux de l'avoir fait, mais ma journée de travail n'a pas commencé que je suis déjà épuisé, et mon épaule me fait vraiment mal...

... Et l'écharpe et son étreinte réconfortante me manque beaucoup ...