SuperMarket Times

En ces temps hivernaux, normaux, je me gave le week-end de glaces Ben & Jerry’s. Mercredi me dirait, de m’arrêter sinon je finirais comme une montgolfière. Et elle aurait sans doute raison.

Si je dévore excessivement, de ces sucreries, je finirais autant gavé qu’un enfant en surpoids fou de joie en s'empiffrant de bonbons.

Ce serait dommage de gâcher la chance que j’ai, en ayant atterri dans le corps de ce demi-dieu. Sinon la malbouffe me transformerait en Kébab géant.

Bien qu’il y a peu de chances que cela arrive, j’entretiens mon corps de rêve, en prenant le temps d’aller courir plusieurs fois par semaine.

C’est un exercice, insoutenable au départ, mais palpitant à la longue. C’est véritablement le pied en termes de sensation. J’ai l’impression de parcourir la planète entière, avec de simples chaussures.

Comme si j’étais le Roi de cet univers, paré à toute guerre. Alors qu’en réalité, je n’ai jamais appris à me battre, hormis compter sur les autres pour venir à bout des antagonistes de l’histoire.

Malgré que j’ai participé au carnage de ce maudit camp de vacances pour adolescents.
Pour la première fois de ma vie, je me suis senti comme un héros, dans ma propre histoire et non un zéro.

Le même que j’observais au travers du miroir à l’époque. Je n’avais qu’une vision très péjorative de ma jeune personne, je me percevais comme un véritable loser aux yeux des filles par exemple.

Mais cela a changé, depuis que je t’ai rencontrée ainsi que je suis arrivé sur ce mystérieux endroit.

Ce même immense ainsi que vaste lieu, qui m’a offert une toute nouvelle chance, de repartir à zéro dans une nouvelle vie.

Une existence menée, sans ma propre famille et celle de ma petite amie. C’est navrant dans un certain sens, mais rafraîchissant dans un autre.

Jusque-là je ne me suis jamais senti autant revivre. La renaissance du Phoénix, comme j’aime la nommer, bien qu’en soit c’est plutôt sa naissance : me concernant.

En cette matinée, ensoleillée, mais glacée : je me suis rendu au supermarché.

Parcourant le rayon des fruits, je finis par accidentellement laisser rouler ma pomme rouge vive : la ramassant je me retrouve nez à nez avec une femme charmante, mais certainement pas autant que l’amour de ma vie, qui est la perfection incarnée.

<< J’ai failli vous rentrer dedans, veuillez m'excusez. Vous êtes aussi friande de fruits ? Je vous l’assure, les pommes de ce commerce sont exquises mais surtout les clémentines, qui semblent descendre du ciel >> Un pur délice, dont je ne remercierai jamais assez le destin, de me les avoir mises sur mon chemin.

<< Et puis vous avez aussi, les champignons de paris qui marinés avec des spaghettis ainsi que des épices, sont un véritable tsunami de plaisir pour les papilles gustatives. Vous vous y connaissez en recettes ? Je peux vous aiguillez sur le sujet, si vous êtes intéressée >>

- Excusez-moi ? Mais je ne comprends pas, sans vouloir vous offenser, je ne vous connais ni d’Adam ni d’Eve. J’ai simplement voulu me comporter avec courtoisie rien de plus. Et j’étais sincère à propos des aliments et de la cuisine, c’est un domaine qui me passionne depuis ma plus tendre enfance -

C’est étrange le comportement que tient cette inconnue. Cette dernière semble si bien me connaître, pourtant ce n’est réellement pas mon cas. Certes, il est vrai qu’elle est très charmante, mais je n’irai jamais tromper la femme qui représente l’univers à mes yeux.

Qu’elle pense ce qu’elle désire, cette femme malpolie, mais je n’entrerais pas dans son jeu.
Peut-être qu’elle souffre de troubles mentaux et qu’elle a besoin d’aide, on ne sait jamais.
Ou tout simplement qu’elle me prend pour son conjoint, d’un autre monde.

Dans tous les cas, je ne veux pas l’énerver plus que cela, je vais simplement être honnête avec elle et ne pas trop en faire : au risque de m’attirer les foudres de cette inconnue déjà folle de rage, son regard porté sur moi le démontre bel et bien.

- Je suis désolé, si je vous ai importunée, mais je ne suis pas celui que vous cherchez, en réalité je m'appelle Joel et je suis écrivain. Il se pourrait que je ressemble à votre mari, mais qu’est-ce qui vous fait dire, que je suis cette personne ? Hormis l’apparence, je paris que nous n’avons rien en commun -

Au fond, je ne sais pas trop comment réagir face à ce genre de situation. C’est pratiquement impossible qu’une inconnue vous prenne pour son mari, parce que vous lui ressemblez très fortement voir identiquement. Il fallait que cela tombe sur moi bien évidemment. Le genre d’hommes qui évite tout type de confrontation. Et qui préfère s’enfermer dans ses œuvres littéraires, la plupart du temps.

- Qu’est-ce que je peux faire pour vous prouver que je ne suis pas Joe ? Parce que je ne voudrais pas que vous me détestiez à cause de ma ressemblance avec lui. Je préférerai éviter de me faire des ennemis en ville, sachant que je suis célèbre dans le domaine de la littérature.  Vous voulez une carte d’identité ? Ou l’idée vous paraît trop farfelue ?

L’amnésie, mais elle plaisante ? Comment peut t-elle m’accuser de telles calomnies ?

- Vous faites erreur, je ne vous ai jamais vue de toute mon existence, dans le cas contraire je me serai bel et bien souvenu de vous.

Je sens que la matinée va durer une éternité en sa présence. Manquait plus que ça, dommage que Mercredi ne soit pas là pour régler la situation radicalement.

Cela m’aurait évité une confrontation de plus.

- Si je n’avais aucun point commun, vous ne m’auriez pas pris pour votre mari. Maintenant vous pensez, pouvoir me laisser faire mes courses, tranquillement ? Ou allez-vous continuer de me matraquer d’absurdités toute la journée ?

Habituellement, je suis plutôt gentil garçon mais pour être honnête avec vous, je commence vraiment à en avoir marre de cette inconnue virulente et hystérique.

- Tenez, voici ma carte. Même si cela semble n’être d’une quelconque preuve ou utilité … Vous savez, je suis bien plus créatif dans mes romans, que dans la criminalité. Pour quelle raison, sombre votre mari irait s’immiscer dans des affaires pas très nettes ?

J’ai l’impression que je vais devoir rester coincé dans ce malaise à n’en plus finir, que dieu tout puissant me vienne en aide, avant que je ne fasse un malaise.

Cette femme charmante est un vrai démon intérieur et elle va finir par aspirer mon âme, j’en ai la ferme intuition. Et ce n’est pas très bon pour moi…

- Écoutez, je ne suis pas venu pour me disputer avec vous, si vous êtes convaincue que je suis votre conjoint, je ne peux rien vous … La seule chose que vous pouvez faire, c’est de me croire sur paroles et de me laisser respirer.