We're supposed to take care of each other. (ft. Malia Tate)

Ma gorge était totalement nouée. Cela faisait bien dix minutes que je faisais les cent pas dans la rue. En cinq ans, je n'avais plus ressenti ça. C'était comme si j'étais dans un avion en plus vol, prêt à sauter... Sauter sans parachute. Qu'est-ce que je pouvais lui dire en cinq ans ? Salut, tu m'as manqué ? En cinq ans, elle n'avait pas cherché à me retrouver, n'est-ce pas ? Avais-je cherché à la retrouver ? Pas vraiment. Aucun d'entre eux. Sauf qu'à l'heure du bilan, je n'avais pas envie de fuir éternellement. J'avais certes une nouvelle vie ici, mais je ne voulais pas la passer sans mes vieux amis. Nous étions désormais tous bien adultes. Peut-être était-il temps de donner tort à mon père sur ses amis de lycée ? Bref, j'avais plus de questions que de réponse. Mon assurance me désertait et je faisais tous les scénarios dans ma tête. Et si je tombais sur un homme torse-nu, totalement huilé voulant me jeter par la fenêtre pour avoir osé dérangé sa copine ? Ok, avec Aidan, j'avais l'habitude des garçons à moitié nus, mais... Déjà, je savais qu'elle n'habitait pas avec Scott, j'avais fait mes recherches. Ce n'était pas là où il vivait... Bordel, ce qu'elle pouvait être serrée cette cravate. Pourquoi avais-je mis une cravate ?! On aurait dit que j'allais à un enterrement... Costume noir, pantalon noir, cravate noire... Chemise blanche. En même temps, je n'avais pas beaucoup de choix, j'avais pris une tenue que je mettais parfois lors des réceptions officielles au boulot. J'étais ridicule. On aurait dit un pingouin... 

Je faisais toujours les cent pas devant cet immeuble. À force de me gratter la tête, je m'étais décoiffé. On aurait cru ma coupe de quand j'étais au lycée. Allez, focus Stiles. Tu vas juste voir une amie. Qui était aussi ton ex... Qui avait la capacité de se transformer en coyote... Et qui avait toujours eu du mal à contenir ses émotions négatives. Ok... Pourquoi j'avais commencé par elle déjà ? Si j'étais venu avec Scott, il m'aurait servi de garde du corps. Il pouvait bien faire ça pour moi ? Et puis on aurait été deux ex potentiellement... Ou alors ils étaient toujours ensemble, mais ne vivaient pas ensemble ? Ouais, cette option possible faisait que cela aurait été juste bizarre de venir avec lui. Je soupirai, appuyant sur l'interphone, de la voisine de Malia. « C'est pour quoi ? » « Bonjour Madame, je voudrais rentrer dans le bâtiment... » « Non, désolée, on n'accepte pas la publicité... » « Ce n'est pas pour de la publicité... » « Ni les témoins de Jéhovah. » « Ce n'est pas... Écoutez... » Une excuse, Stiles... Vite... « Il y a... Une bombe... Dans cet immeuble. Et je suis venu pour la répa... Euh la neutraliser ! » « UNE BOMBE ?! » Malgré son cri, la porte s'ouvrit. Je montais les étages deux par deux avec ma cargaison. À mon arrivée à l'étage de Malia, sa voisine m'attendait. « Où est la bombe ? » « Oh de l'autre côté de cette po... Euh, je veux dire, je dois analyser l'immeuble. » « Vous êtes vraiment policier ? » Je pris le bouquet de fleurs entre mes dents et galérai à sortir ma plaque. « M... Mie... » « Ouais, non, n'essayez même pas... Officier Stilinski. Vous devriez rentrer chez vous, je vous informerai de la situation. » Suspicieuse, mais de bonnes volontés, la vieille dame rentra dans son appartement et pus me concentrer sur mon objectif. Malia Hale... Cela faisait cinq ans que je rejouais le scénario dans ma tête... Et plus le temps passait, moins j'arrivais à l'imaginer... Peut-être avait-elle changé ? J'avais changé. Un peu. J'espérais. 

Je me plantai devant sa porte. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine, mes mains tremblaient et le souffle commençait à me manquer. Ce n'était pas comme si je comptais lui proposer que l'on se remette ensemble. C'était juste... Je ne savais pas comment me faire pardonner mes cinq ans d'absence, si ce n'était en lui reprochant la sienne. Ce qui, nous n'allions pas nous mentir, aurait été une très mauvaise idée. Prenant mon courage à deux mains, je frappai à la porte. « Bonjour, c'est... » Les mots me manquaient. C'est Stiles ? Et si elle ne m'ouvrait pas juste en entendant ça. Un vieil ami ? Pour faire plus vague... « C'est la police... En... Quelque sorte. » Bravo Stiles... Génial. Pour passer le temps, je regardais un peu sa porte. Ah, elle était légèrement enfoncée, sans doute le manque de patience de Malia quand elle avait du mal à ouvrir sa porte. Par contre, aucune trace de griffure. N'avait-elle pas retrouvé ses pouvoirs ? Oui, elle pouvait avoir appris à les contrôler, mais il s'agissait de Malia... Le premier signe d'un retour à sa vie de coyote aurait été sur le mobilier. Alors que la porte s'entrouvrait, j'eus un petit sourire figé sur mon visage. La gêne et la maladresse étaient clairement visibles. « Hey... Malia... Tu vas bien ? Cela faisait longtemps... Je t'ai amené des fleurs... » Je tenais ma main gauche un bouquet de quinze roses rouges... C'était uniquement parce qu'elles étaient en promo, pas pour le symbole de réconciliations. « Et si jamais t'as un creux... Ou que j'ai besoin d'un steak pour apaiser d'un œil au bord noir... J'ai pris des steaks spéciaux grillades... C'est du cerf ! » Cela avait toujours été sa viande préférée, ce qui m'avait poussé à en acheter une barquette, tenue dans ma main gauche... Je hochais la tête comme pour me convaincre que tout allait bien et que ça faisait naturel. « Je t'ai demandé si t'allais bien ? »

Je baissais la tête de consternation quand elle fit remarquer que je ressemblais à un pingouin. Pourquoi fallait-il que l'on soit sur la même longueur d'onde sur ce genre de sujet ? Je soupirai à cette remarque. Bon, il fallait avouer qu'elle n'avait pas particulièrement tort. Surtout que je n'étais pas à l'aise. Et cette cravate... Elle était beaucoup trop serrée, elle me brûlait presque la gorge, mais on me disait toujours que j'étais élégant avec ce costume. Ou alors j’avais confondu avec le fait de ressembler à un goéland ? Quoi ? Élégant et goéland ça se ressemblait en termes de sonorité. Bon, ok, pas dans le résultat. Elle expliquait qu'elle ne s'attendait pas à me voir ici. Oh moi non plus je ne m'y attendais pas. Malgré les cent pas, cela était avant tout un coup de tête. Je n'arrêtais pas de dire que c'était une mauvaise idée. D'ailleurs, je maintenais que c'était une très mauvaise idée. Un plan à la Scott. Sauf qu'au lieu d'écouter la voix de la raison, je continuais à m'enfoncer un peu plus dans ma bêtise. Pourquoi ? Je n'en étais pas sûr moi-même. Sans doute parce que même si elle avait refait sa vie en cinq ans, tout comme Scott ou encore Lydia... Je ne voulais plus que ma vie se fasse sans eux ? C'était idiot, illusoire. Sauf que parfois, une illusion faisait du bien. Parfois s'accrocher à une illusion était ce qui permettait de la rendre réelle. Or même si renouer une amitié avec elle était un rêve, quand mon regard croisait le sien, le rêve me semblait bien réel. Je pouvais presque le toucher. Oui, le toucher. Non, je ne m'étais pas trompé d'une lettre. Concentre-toi Stiles. Tu peux y arriver. Arriver à quoi ? Si c'était ne pas paraître ridicule, il aurait sans doute fallu un autre choix vestimentaire. 

Elle prit le bouquet et me fit rentrer. D'un pas incertain, avec des petits gestes qui trahissaient l'anxiété ou l'impatience, je découvrais un peu son chez elle. Elle allait bien visiblement et me demandait comment moi, j'allais. « Oh très bien... Je suis dans la police... C'est un peu prenant... Les enquêtes tout ça. Mon patron veut me forcer à prendre mes congés, mais j'ai une affaire sur laquelle je veux travailler, je ne peux pas me permettre de prendre une pause. » Eric était lourd avec ça. D'après lui, depuis trois ans que j'avais rejoint son unité, je n'avais pas pris un seul congé. Et alors ? J'étais dévoué à la tâche, c'était une bonne chose, non ? Pourquoi est-ce que je racontais tout ça ? Parce que ça me rassurait de parler. Alors qu'elle était cherchée un vase pour mettre les fleurs, j'examinais le couloir d'entrée, cela allait de la couleur des murs au manque de décoration. J'avançais peu à peu analysant chaque élément pouvant m'en dire un peu plus sur sa vie, ce qu'elle faisait... Cela devenait presque obsessionnel. J'en avais en tout cas tous les signes, notamment mes mains qui jouaient ensemble, faisant s'emmêler mes doigts. Alors, non, je n'étais pas devenu fou. Pas plus qu'avant. C'était juste que me concentrer sur une chose me permettait de décompresser un peu. Chacun avait ses méthodes. Scott, c'était de penser à une jolie fille, moi, c'était de penser à de jolis fils. Puis, elle finit par commenter la beauté des roses. Je souris et sans réfléchir, je répondis directement. « Oh, je sais, c'est pour ça que je les ai achetées, elles m'ont fait penser à toi. » Dès que je finis ma phrase, je me figeai sur place, me tournant lentement dans la direction de Malia. J'étais sans voix. J'ouvris la bouche, pour mieux la refermer à répétition en clignant des yeux. « Je veux dire... Tu sais... Elles sentent très bon et comme tu as des sens très développés, je me suis dit que ce serait mieux que des fleurs en plastique ! »

Bien rattrapé... Du moins c'était ce que je supposais, mais il fallait vite changer de sujet. Allez, réfléchis Stiles, tu es le pro pour noyer le poisson. « Et toi, que fais tu dans la vie ? Cinq ans... Ça fait plutôt... Long. » Alors, le but était de changer le sujet, certes, mais pas d'entrer dans un sujet encore plus gênant. Et si elle me demandait pourquoi je n'avais pas cherché à la retrouver avant. Allons ! C'était Malia, ce n'était pas son genre de poser comme ça une question qui allait mettre mal à l'aise par sa franchise et son absence de filtres sociaux... Ok, j'étais dans la merde. Et je n'avais plus beaucoup de cartes à faire jouer pour la détourner d'une question gênante. Bingo. Eurêka. Stiles tu es un génie. Je claquais des doigts énergiquement vers la porte. « Si la voisine arrive... Dis-lui que je suis toujours à la recherche d'une bombe. Il n'y a pas de bombe hein... Mais c'est ce que je lui ai raconté pour qu'elle me laisse rentrer. Je n'étais pas sûr que tu veuilles me voir ou que tu m'ouvrirais... Longue histoire ! » Ok, ce n'était pas peut-être pas une idée aussi géniale que ce que je pensais... C'était même tout l'inverse. 

Au moment où elle mentionnait les fils de couleurs, je savais que nous étions toujours sur la même longueur d'onde. C'était une sorte de connexion longue distance. Une sorte de wifi ? Oui, mais en mieux, car visiblement, la connexion était durable et de très longue distance. Attendri, j'eus un petit sourire qui trahissait mon sentiment en cet instant. « Oui, j'utilise toujours les fils... C'est mon... Rituel. Je serai un très mauvais flic sans eux. » Je ricanais. Elle aussi, c'était le sien. En cour, elle surlignait en fonction des mêmes couleurs ses manuels. Au départ, elle utilisait le rouge surtout. D'une certaine façon, on aurait dit un cours en chinois... Un drapeau rouge étoilé de quelque passage jaune. Cependant, à force de travail acharné et de sacrifices, elle avait réussi à rattraper ses lacunes. Elle réussit son concours en même temps que nous. Néanmoins, même si elle avait réussi, la vision, elle n'avait pas abouti... Nous nous étions tous séparés à la fin du lycée. Moi le premier d'ailleurs. J'étais rapidement allé à Washington à l'école de police pour intégrer le FBI. C'était paradoxal non ? Celui qui tenait le plus à ce que le groupe reste uni après le lycée l'avait déjà amputé d'un membre. Il fallait avouer que rien n'avait été pareil depuis la mort de Donovan. Je m'étais senti... Seul ? Incompris de Malia et surtout, jugé par Scott. Est-ce que le temps avait rattrapé ça ? Est-ce que je leur en voulais ? Non, bien sûr que non... Sinon je ne serai pas là. Simplement... Parfois, il y avait des marques qu'il était difficile d'effacer. En revanche, il y avait une chose qui n'avait pas changé, l'absence de filtre de la coyote. Peu importait si les gens mouraient durant mon congé ? Je la regardais consterné jusqu'à ce qu'elle dise que ce serait triste pour les proches. Comme surgissant d'un temps oublié, une phrase sortit naturellement de mes lèvres alors que je hochais la tête incrédule « C'est un progrès... »

Elle avait toujours eu du mal avec l'empathie. Pourtant, elle essayait, je savais qu'elle essayait. Et en réalité, c'était le plus important. Même si le résultat laissait parfois à désirer l'important était qu'elle avait comme volonté de bien faire. Je n'allais pas trop m'attarder dessus. Certaines choses ne changeaient pas. C'était... Rassurant sans doute. « Oh et... Je ne sauve pas vraiment les gens. J'essaye juste d'expliquer certains comportements... Identifier les pouvoirs qu'ont certains criminels pour que les forces de l'ordre puissent plus facilement agir... Personnellement, le cas qui m'occupe le plus est une voleuse... Une pilleuse de tombe. Cela fait deux ans que je lui cours après et elle arrive encore à m'échapper. Mais je compte bien finir par l'attraper ! » Ce n'était guère concluant, mais j'avais une piste dans la campagne, une piste qui, si elle donnait suite, pourrait bien mettre fin à la carrière de Lara. Parler travail me faisait oublier ma gêne presque, mais ce qui l'acheva sans doute fut son commentaire sur les fleurs. Je la regardais, plissant les yeux. Elle, manger des fleurs ? Bien sûr. Et le cerf elle n'allait pas y toucher. C'était évident que c'était une blague, juste sur le coup, mon naturel incrédule ne put s'empêcher de juger un peu la situation. J'étais un peu dur, mais vu ma taille et mon poids... Le sarcasme était mon seul moyen de défense, sauf que ça déteignait aussi sur d'autres aspects de ma vie. En revanche, je fus sincèrement étonné par son choix de carrière. L'imaginer au milieu d'un refuge sans faire de la moitié des patients son repas... Ce n'était pas étonnant, mais ça montrait qu'elle avait évolué. Pas changé, car elle n'était pas une personne différente, juste une version plus mature d'elle. C'était... Mignon. 

Alors que j'explorais le hall d'entrée, elle me demanda pourquoi tant de réserves pour le fait qu'elle m'ouvre. Oh, il y avait tellement de raisons que maintenant qu'elle me le demandait, je n'en trouvais aucune. J'ouvrai la bouche, avant de la refermer. Puis de l'ouvrir de nouveau. « C'est une très bonne question... À laquelle j'ai évidemment une réponse. » Je n'avais cessé d'y penser avant de venir, forcément que j'avais une raison, mais tel un enfant à qui on demandait d'expliquer son raisonnement, l'évidence semblait n'être en réalité qu'une broutille sans importance. « Je... Hmm, je ne voulais pas te déranger. Je me disais que tu devais vivre une belle vie avec Scott. Et puis cinq ans, c'est long... Tu aurais pu vouloir vivre sans entendre parler de moi ou de notre ancien monde en général. » Ok, là, j'avais épuisé toutes mes munitions et je sentais qu'elles n'allaient pas faire sens pour elle. Un plan de secours ? Non, aucun. Je me rapprochais d'elle comme si la proximité allait me donner de meilleures idées. Cependant, cette tentative se transformant en une intuition de génie. Alors que j'étais à son niveau, essayant de baragouiner une autre excuse, on frappa à la porte, ce qui me délivra comme la sonnerie après une heure de colle. « Je suppose que c'est ta voisine. Dis-lui que je suis en pleine opération, pendant que je m'occupe de préparer le cerf. Et que je cherche ta recette de roses mijotées... J'espère que tu as faim ! » Alors que j'emmenais ma barquette de cerf dans ce que j'avais repéré être la cuisine, faisant comme chez moi, je levai mon pouce en l'air vers elle comme pour lui dire « Bon courage. »