Le grand détective et l'horrible professeur ▿ Sherlock.

Être professeur, ce n'était pas le métier rêvé de Mycroft. Mycroft avait d'autres projets dans la vie, d'autres ambitions. Mais il avait vu ses ambitions et ses projets s'évanouir en même temps que son arrivée dans cette ville. Il n'avait plus sa place privilégiée d'autrefois, malheureusement pour lui. Il aurait pu baisser les bras. Il était tentant d'abandonner et de se laisser porter par le courant. L'argent ne lui manquait pas, après tout. Sauf que ce n'était pas l'argent qu'il cherchait - certainement parce qu'il l'avait déjà - mais la reconnaissance. Il voulait se faire une place et se faire un nom. Il voulait jouer un rôle, il voulait être le sauveur d'une nation qui partait complètement à la dérive d'après ses propres critères.

Discrètement, il se faisait une place et un nom en politique. D'abord, il avait tenté de travailler à la mairie, mais cette mascarade n'avait pas duré. Ce maire invisible était inaccessible. Il lui fallait donc gagner du pouvoir autrement. Pour cela, il s'intéressait à tous les aspects de la politique - qui avait tant évolué depuis son époque et qui semblait exister de bien des façons à travers les univers - et emmagasinait le maximum d'informations à propos de tous les politiques et de tous les partis de la ville. Pour ce faire, il avait trouvé ce qui lui semblait être l'idéal. Il était devenu professeur à l'université - en sciences politiques, bien évidemment. Ainsi, il avait une vue d'ensemble sur tout ce qui se passait, mais à distance. On ne se méfiait pas tellement de lui et il pouvait avoir les yeux un peu partout, sous prétexte de s'intéresser à la vie politique de la ville pour ses étudiants.

Cette vie n'était pas idéale et il n'appréciait pas toujours enseigner à des imbéciles finis qui étaient là grâce à un miracle seulement. Il appréciait l'élite, les meilleurs... Les autres n'étaient que de petits êtres insignifiants dont il se débarrassait dès que possible - d'un semestre à l'autre, en général, tout simplement, en les décourageant généralement. Il y avait souvent des plaintes à son sujet parce qu'il ne prenait jamais de pincettes et était d'une froideur extrême, mais personne ne pouvait nier qu'en dehors de ce détail - ce n'était rien d'autre qu'un détail pour lui qui jugeait les pleurnicheries des étudiants comme n'ayant pas la moindre espèce d'importance - il était plutôt bon professeur.

A son plus grand soulagement, ses cours se terminaient plutôt tôt aujourd'hui. C'était le milieu de l'après-midi et il avait décidé de quitter l'université pour rentrer chez lui. Après avoir mis son bureau en ordre - l'ordre avait toujours une grande importance pour lui - il avait ouvert la porte de ce dernier pour en sortir. Son regard s'était alors aussitôt posé sur un visage particulièrement familier. Décidément, c'était l'endroit rêvé pour retrouver ses proches, cette université. « Sherlock ? » S'exclama-t-il alors, surpris de voir son frère ici, devant lui. Quatre années passées sans jamais retrouver personne et désormais, à quelques semaines d'intervalle, il retrouvait sa soeur et maintenant son frère.

Toujours prêt à mener l’enquête, Sherlock avait pu se faire quelques connaissances dans le milieu. Il y avait plusieurs détectives en ville, comme lui, en plus de la police, mais il avait des contacts avec plusieurs et leurs relations étaient plutôt bonnes avec les autres détectives. Après tout, Sherlock avait bien vu qu’il n’était pas aussi populaire qu’avant. S’il n’aimait pas voir son nom dans la presse pour autre chose que pour dire qu’il était doué dans son métier, ici, tout était à refaire. Il avait dû se créer une nouvelle clientèle, sans être trop regardant. Mais, il mettait toujours une limite sur les personnes qui avaient besoin de ses services. Il avait commencé avec des femmes pensaient que leurs maris les trompaient, des hommes qui pensaient que leurs collègues volaient de l’argent … C’était sans doute commencer en bas de l’échelle, mais il savait qu’il avait fait la même chose par le passé.

Devoir le faire par contre était frustrant. Heureusement, il avait pu retrouver sa sœur Enola, qui semblait avoir un peu plus de chance que lui. Ici au moins, on ne la jugeait pas sur son sexe, même si parfois, il se disait que c’était encore le cas. Il avait d’ailleurs été particulièrement heureux de la retrouver et elle lui avait confié qu’elle n’avait retrouvé personne. Leur mère manquait à l’appel, leur frère également et leurs proches. Ils étaient seuls ici et même si elle avait l’espoir de les retrouver, Sherlock l’avait un peu perdu. Il savait comment était leur mère et elle ne se laisserait pas trouver facilement. Pour ce qui était de Mycroft … Le détective se demandait s’il reverrait son frère un jour. Leur relation n’était pas des meilleure. Cependant, malgré des tensions, Sherlock appréciait Mycroft. Le plus gros problème qu’il avait avec lui, était son comportement vis-à-vis de leur sœur. Il espérait que si ces deux là venaient à se revoir, Mycroft reverrait ses positions à son sujet.

Alors que Sherlock était en plein enquête, il avait entendu parler d’un professeur dur et parfois trop direct. Ca avait amusé Sherlock, car les étudiants comme les parents avaient le même discours. C’était souvent difficile de les mettre tous d’accord, mais apparemment ce professeur était "odieux" et "problématique". Sherlock ne savait pas vraiment de qui il s’agissait et quand il voulu en savoir plus, on lui fit une description physique, qui ressemblait sacrément à son aîné. Intrigué, il s’était rendu à l’accueil de l’université pour essayer de le trouver, on lui indiqua une salle de classe. Cherchant la bonne porte, il entendit finalement son prénom et en tournant la tête, il haussa un sourcil en voyant son frère.

Mycroft !

Ne pouvant s’empêcher d’esquisser un fin sourire, il se rapprocha de lui.

C’est donc bien toi le professeur qui fait peur à un tas de familles, étudiants et parents y compris ?

Amusé, il croisa les bras sur son torse.

Tu es donc devenu professeur … choix intéressant.

Mycroft n'avait qu'une hâte : rentrer chez lui et goûter au calme bien mérité d'une fin de journée, loin de ces étudiants stupides et pleurnichards. Pressé, il quittait donc son bureau pour se rendre jusqu'à sa voiture, mais à peine eut-il franchi le pas de ce dernier qu'il tomba sur un visage particulièrement familier. Trop pour que ce ne soit qu'une simple coïncidence, un hasard, une erreur. Sherlock. Sherlock était là, lui aussi. Mycroft était plutôt heureux de le revoir. Il s'agissait bien du seul membre de sa famille qui n'avait pas sali son honneur et avec qui il s'entendait plus ou moins bien.

Les deux frères s'approchèrent l'un de l'autre et, aussitôt, Sherlock avait fait une réflexion à propos du genre de professeur qu'il était. Un sourire en coin se dessina sur le visage de Mycroft, conscient de ce qu'on pensait de lui depuis qu'il était professeur ici. Des étudiants et leur famille étaient donc aller se plaindre ? Ce n'était guère étonnant. Faibles et assistés, incapables de se défendre par eux-mêmes, il fallait aller pleurnicher dans les jupons d'autres pour régler les problèmes - qui n'en étaient pas vraiment, Mycroft n'y pouvait rien s'il n'avait que des incapables dans ses cours. « Il semblerait. » Répondit-il simplement à cette réflexion. « Je ne compte pas rester professeur ici, je ne voudrais pas traumatiser plusieurs générations. » Claqua-t-il en référence à la précédente réflexion de son frère, presqu'amusé. « Mais j'ai besoin de cette place pour le moment. » Pour obtenir les informations qu'il voulait avant de se faire un nom et pour se faire une place dans les différents partis politiques de cette ville étrange. Professeur avait été la meilleure option à ses yeux. « Tu es donc toujours détective ? Choix particulièrement attendu. » Ajouta-t-il, un sourire aux lèvres. Ce n'était en rien une critique, simplement une réflexion.

Il n’aurait jamais pensé revoir son frère ici. Non pas en ville, mais dans une école. Après tout, il avait toujours voulu faire ce qui lui plaisait par le passé. Etait-ce l’enseignement qui lui plaisait vraiment ? Il n’en savait rien, mais si c’était le cas, il le supporterait dans son choix. Il eut un léger reniflement face aux paroles de son aîné.

C’est gentil à toi de penser aux générations futures de cette façon.

Evidemment, il savait que c’était de l’humour, même si la partie où il ne resterait pas professeur était donc peut-être vraie. Ah ah, il avait donc raison. Il avait besoin de ce métier pour l’instant.

Tout est donc encore une fois de la stratégie pour ce cher Mycroft Holmes.

Il disait cela sur le ton de la plaisanterie, même s’il se disait qu’à chaque fois que son frère faisait un mouvement, la vie et les personnes à ses côtés était son échiquier.

Ne me dis pas que tu es devenu professeur pour tenter de garder un œil sur notre sœur.

Face à sa remarque, il hocha doucement la tête.

Je sais que ça n’était pas mon premier choix pour toi, mais tu sais que je suis le meilleur.

L’humour était de mise entre les frères. Mycroft n’avait pas toujours apprécié son choix de carrière, mais Sherlock lui avait tenu tête. Evidemment, ici, ça n’était pas aussi simple de se démarquer du lot, mais il avait fait des connaissances dans le monde des détectives privés et il trouvait qu’il commençait à s’en sortir. Enfin, il l’espérait surtout.

J’étais sur une enquête avant de te voir. Mais je ne suis pas sûr que ça soit quelque chose qui t’intéresse vraiment.

Mycroft ne pouvait retenir un sourire en coin à la réflexion de son petit frère. Ils savaient tous les deux qu'il n'accordait pas la moindre importance à ses élèves ou aux générations d'étudiants qui pourraient se succéder dans sa classe. Ces derniers n'avaient pas la moindre importance pour lui et ils n'éprouvaient ni respect, ni fierté, ni rien du tout pour eux. Ce métier n'était que temporaire. Il était là pour remplir un besoin et un rôle bien précis. En aucun cas, Mycroft n'avait la vocation d'enseigner ou le désir de transmettre ses connaissances, son savoir ou ses conseils. « Le monde appartient à ceux qui réfléchissent et qui agissent intelligemment. Tout n'est toujours question que de stratégie, Sherlock, il faut savoir placer ses pions pour tirer son épingle du jeu. » Répondit-il avec trop de sérieux à la plaisanterie de son frère. Ce dernier, après tout, avait raison. Mycroft raisonnait toujours de manière logique et réfléchie, afin d'atteindre ses buts. Dans cette situation, chaque personne qui gravitait autour de lui devenait un pion qu'il devait placer adroitement afin de s'en servir au moment opportun.

« Enola est un problème dont je me passerais volontiers. » Répondit-il avec sérieux - et une pointe d'agacement - avec l'attitude habituelle qu'il avait envers sa soeur. Il avait retrouvé sa soeur et, depuis, il craignait de devoir faire face à ses bêtises et de devoir protéger sa réputation de cette inconsciente. « Je te dois bien de reconnaître que tu es plutôt doué. » Et ça, il n'était pas prêt de l'entendre à nouveau, alors qu'il profite de cette réflexion et de ce qui était un compliment aux yeux de Mycroft. Il était vrai que l'aîné aurait préféré voir le plus jeune faire autre chose de sa vie, mais il ne s'en sortait pas trop mal, finalement. « Et si nous allions boire un verre ? » Il avait de quoi faire dans son bureau. « Tu me raconteras ton affaire. » Même si Mycroft s'intéressait très peu à tout ça, du moment où ça ne le concernait pas, il avait envie de prolonger les retrouvailles entre frères - et ça, il ne l'avouerait jamais. « Je pourrai te faire profiter de mon intelligence. » Assura-t-il avec certitudes, persuadé qu'il surpassait son frère dans ce domaine - Sherlock avait hérité de la logique et de la déduction.

Cette vision est assez … triste et solitaire. Tu ne trouves pas ?

Il fixa son frère. Il savait que ce dernier avait toujours tout calculé dans sa vie, encore plus depuis la mort de leur père. Mais ils étaient dans un nouveau monde, totalement différemment de là où ils venaient. Mais en même temps, c’était aussi sa façon d’opérer. Il était un grand détective et travailler seul était son mode opératoire. Il aimait calculer la prochaine cible à atteindre durant ses enquêtes. Seulement, dans cette ville, les Holmes n’avaient pas de poids. Il avait bien vu que la police ne lui faisait pas confiance et il avait dû travailler avec d’autres détectives. Ca n’avait pas été de guetter de cœur, mais au final, il avait fait de nouvelles connaissances. C’était peut-être un mal pour un bien finalement. Mais en le voyant ici professeur, il se demandait si cela avait un lien avec leur sœur et à la réponse de son frère, il leva les yeux au ciel.

Si tu passais du temps en sa compagnie, tu verrais qu’elle n’est pas un problème.

Même s’il devait avouer que ses actions l’étaient plus quand elle fonçait tête baissée. Seulement, il ne comptait pas dire une telle chose devant Mycroft.

Oh je suis sûr que ce compliment doit te faire mal.

Il esquissa un sourire amusé, avant de hausser les sourcils. Il ne s’était pas attendu à une telle proposition, mais il devait avouer qu’il ne serait pas contre. Mais la dernière remarque de son aîné le fit rire.

Pour le verre, volontiers. Pour ton intelligence … on verra ce que cela pourra donner.

Faisant signe à son frère d’ouvrir la marche, Sherlock devait avouer que leurs joutes verbales lui avaient manquées.

Une vision triste et solitaire ? Réaliste et intelligente, plutôt. C'était, en tout cas, ainsi que Mycroft voyait les choses. Il n'était pas utile de s'encombrer de sentiments stupides, de compagnies inutiles ou de précautions. Il fallait réfléchir et agir, si l'on voulait obtenir ce que l'on voulait. C'était ainsi que fonctionnait le monde, voilà tout. « Cette vision est la seule qui puisse nous apporter tout ce que nous désirons. » Rectifia donc l'aîné. Chaque action devait être calculée, prévue, imaginée. Chaque conséquence, également. La vie n'était pas un jeu de hasard, c'était un jeu de choix et de stratégie. Un jeu auquel Mycroft comptait bien gagner.

Mais encore fallait-il, pour gagner, que sa soeur ne vienne pas le déranger. Enola était un problème dont il se serait bien passé, parce qu'elle n'était que ça, à ses yeux : un problème. Cette enfant était ingérable, insolente, capricieuse et particulièrement irresponsable. Elle refusait de se ranger dans le rang et elle dérangeait Mycroft par sa seule existence. Alors non, il aurait mille fois préféré ne pas la retrouver. « Je ne comprendrai jamais pourquoi tu tiens tant à la défendre. » Après tout, il ne la connaissait même pas. Quant à passer du temps avec elle, c'était absolument hors de question. Ils ne se supportaient pas et étaient très bien l'un sans l'autre.

A défaut d'apprécier la compagnie de sa soeur, Mycroft appréciait plutôt celle de son frère. La plupart du temps. Heureux de le retrouver, même s'il n'était pas du genre à se réjouir, à exprimer sa joie ou à se perdre en effusions, il s'était senti de faire une chose qu'il ne faisait jamais : lui faire une sorte de compliment. Si détective n'était pas le choix premier de Mycroft pour Sherlock, il pouvait au moins reconnaître qu'il était doué. « Je souhaitais seulement me montrer gentil, ne t'attends pas à ce que cela se reproduise ! » Rétorqua-t-il. Jamais il ne réentendrait ces mots sortir de la bouche de son frère, évidemment.

Non, à la place, il insultait son intelligence. Il lui proposait d'aller boire un verre dans son bureau afin que Sherlock puisse lui raconter son enquête et que Mycroft puisse lui faire bénéficier de sa grande intelligence. Mycroft ouvrit donc la marche, suivi de son frère qui ne pouvait s'empêcher de rire suite à sa dernière réflexion - ce qui, évidemment, agaçait profondément Mycroft. « Ne pense pas avoir hérité de toutes les qualités petit frère. » Il avait l'esprit logique et l'esprit de déduction, Mycroft avait l'intelligence. A chacun son domaine - et de cela, Mycroft en était intiment persuadé.

La route jusqu'au bureau fut rapide. Sans perdre un instant, l'aîné avait ouvert la porte et avait invité le plus jeune à entrer pour pouvoir refermer la porte derrière lui. « Installe-toi. Que veux-tu boire ? » Lui demanda-t-il tout en attrapant deux verres - ce n'était certainement pas professionnel du tout d'avoir de l'alcool dans son bureau, mais étrangement, c'était une règle que Mycroft se moquait bien d’enfreindre, tant tout ça lui paraissait naturel et normal. « Alors, je t'écoute. » Si Mycroft se moquait bien des affaires de son frère, en règle générale, il se montrait curieux, cependant, de voir quel genre d'affaires ce dernier avait à résoudre dans un monde comme celui-ci, bien loin de leur monde d'origine.

Aux paroles de son frère, Sherlock resta le fixer. Ils avaient parfois des visions différentes de la vie et cette fois-ci, le détective se demandait si c’était le cas ou pas. Mycroft semblait avoir un emploi qui n’était là que pour subvenir à ses besoins et non pas par passion ou envie. Alors que Sherlock avait pu, lui, retrouver le métier qu’il aimait exercer. Il avait aussi pu faire de nouvelles connaissances, parfois étranges et parfois agréables. Deux visions différentes, mais parfois, il savait qu’ils étaient plus similaires qu’il n’aimait l’admettre. Mais il y avait aussi Enola dans leur famille et à ce qu’en disait son aîné, le brun leva les yeux au ciel.

Je prend sa défense parce qu’elle est notre sœur Mycroft. Je sais que tu ne comprends ni maman, ni Enola, mais contrairement à ce que tu penses, elles ne sont pas des freins dans nos vies. Nous avons vécu dans un monde où les hommes faisaient la loi, mais elles avaient réussi à tirer leur épingle du jeu et si je suis tout à fait franc … c’était impressionnant à voir. Ici, elles peuvent être ce qu’elles veulent et je suis sûre qu’elles réussiront mieux que nous.

Il en était même certain. A l’époque, eux n’avaient aucun souci, étant des hommes. Seulement ici, rien n’est plus pareil. La roue a tournée et il fallait faire avec. Sherlock avait bien vu que parfois encore les hommes menaient le bateau, mais les femmes avaient plus de place dans la société et c’était quelque chose qu’il appréciait vraiment. Mais face aux paroles de son frère, Sherlock ne pu s’empêcher de rire.

J’aurai dû enregistrer tes propos pour prouver que tu les as dits au moins une fois.

Amusé, il marchait avec son frère dans les couloirs, secouant doucement la tête à ses propos, avant d’arriver au bureau de Mycroft.

Un whisky s’il te plaît.

Il avait repéré la bouteille et il devait avouer qu’il ne disait pas non à ce verre. Même s’il était en pleine enquête, un verre ne lui ferait pas de mal. S’installant dans un fauteuil, il remercia son frère quand il lui donna son verre, avant de discuter de son enquête.

Une jeune femme a été enlevé il y a quelques jours. Elle était étudiante ici. Il n’y a aucun indice chez elle, ni au travail qu’elle avait à mi-temps. J’ai donc décidé de venir ici pour parler avec ses amis et enseignants et c’est là qu’on m’a parlé d’un professeur qui s’est révélé être toi.

Mycroft ne comprenait pas son petit frère sur bien des points, mais celui qui faisait naître le plus d'incompréhension en lui, c'était bien sa petite soeur. L'homme ne comprenait pas comment Sherlock pouvait autant la défendre, alors qu'à ses yeux, elle ne le méritait nullement. Pour sa défense et pour se justifier, il lui donna un point de vue détaillé. Et voilà qu'il parlait de leur mère, désormais ! Enola, leur mère... Mycroft ne pouvait que soupirer face aux mots du plus jeune. Sherlock pointait du doigt exactement ce qui dérangeait l'aîné : que les deux femmes de sa famille aient pu sortir leur épingle du jeu, qu'elles aient pu vivre avec une telle indépendance, qu'elles aient pu acquérir tant de libertés dans un monde où tout cela n'aurait pas dû être possible. « Tu trouves impressionnant qu'elles n'aient jamais su rester à leur place ? Qu'elles aient dépassé bien trop de limites jusqu'à mettre nos réputations en danger ? » Mycroft aurait dit stupide, horripilant, agaçant... Tout, mais pas impressionnant, non. « Du moment où Enola reste dans son coin, sans faire de vague, disons que je la tolère. » Autrement, il mettrait son grain de sel dans sa vie pour l'obliger, autant que possible, à se faire discrète et à ne pas lui faire d'ombre. « Espérons que ce monde devienne sensé et retrouve un peu de ce qu'il était chez nous, avant qu'Enola et mère pensent pouvoir tout faire. » Mycroft avait un réel problème avec la notion d'égalité. Il avait appris à l'accepter - parce qu'il n'avait pas le choix - mais il ne serait pas contre revoir les choses redevenir comme avant.

« Même enregistré, j'aurais nié. » Avoua l'aîné, un sourire aux coins des lèvres. Jamais, il ne pourrait avouer avoir complimenté son frère, il avait une réputation à tenir. Les deux frères arrivèrent dans le bureau de Mycroft, où, sans perdre de temps, il demanda ce qu'il pouvait lui servir. Suite à sa réponse, il avait rempli deux verres et en avait tendu un à son frère, avant de s'installer à son tour.

Sherlock lui fit alors part de son enquête, à sa demande. Mycroft l'écoutait attentivement, tout en regardant le liquide dans son verre. « Tu penses que je peux y être pour quelque chose ? » Demanda-t-il, presque amusé par cette perspective - alors que l'affaire en elle-même n'avait bien sûr rien d'amusant, même pour Mycroft qui se désintéressait totalement du malheur des autres. « Je n'aime pas mes élèves, mais pas au point de les faire disparaître, je peux te l'assurer. » Rétorqua-t-il, faisant comme s'il avait besoin de se défendre.

Rester à leur place ? Mettre en danger nos réputations ? Est-ce que tu entends et comprend ce que tu dis ? Je sais que nous venons d’une époque où les hommes avaient tous les droits, mais était-ce vraiment une bonne chose au final ?

Il savait que son frère ne comprendrait pas son point de vue, mais il se demandait encore comment il pouvait avoir une telle vision.

Pour toi toutes les femmes doivent rester à la maison ? Tu as dû avoir un sacré choc en arrivant ici.

Cette fois-ci, il ne pu s’empêcher de rire. Il se doutait qu’il devait y avoir des femmes professeur et cela avait dû choquer Mycroft, ce qui l’amusait grandement. Quand il parla de leur sœur et leur mère, le détective leva les yeux au ciel. Une fois dans le bureau du plus âgé, il vint lui expliquer son enquête et sa venue ici. Face à sa question, il le fixa.

On ne sait jamais. Tu es du genre à savoir être discret et cacher des preuves, je n’en doute pas une seconde. Mais à part l’opinion des autres, je n’ai rien à te reprocher. Pour cette enquête en tout cas.

Son honnêteté était notée, mais il savait aussi que si son aîné disait cela, c’était qu’il le pensait.

Est-ce que tu te souviens d’elle ?

Sortant une photo de la poche intérieure de sa veste, il la tendit au professeur.

Toi qui es observateur, tu l’auras peut-être vu avec d’autres étudiants en classe ou dans les couloirs ?

Ca serait une nouvelle piste qu’il pourrait suivre si jamais Mycroft avait des informations à lui donner.

Les leçons de moral de son frère, Mycroft n'en avait que faire. Il s'en agaçait - et soupirait suffisamment bruyamment pour lui faire comprendre - plus qu'il n'en écoutait quoi que ce soit. Les deux frères avaient des points de vue très différents sur certains sujets, mais Mycroft ne perdait pas espoir : un jour, il ferait entendre raison au plus jeune. « Non seulement, j'entends et je comprends ce que je dis, mais je peux t'assurer, en plus de tout, que j'espère bien que les choses redeviendront comme avant. » Il assumait parfaitement ses pensées misogynes et d'une autre époque parce qu'il était persuadé d'avoir raison. Les remises en question n'avaient jamais été son truc. Alors oui, il était persuadé que la vie d'autrefois était une bonne chose et que c'était vers cette dernière qu'il fallait tendre à nouveau.

« Tu trouves ça drôle ? » rétorqua Mycroft en haussant un sourcil, l'air agacé. Son frère était clairement en train de se moquer de lui. « Tu n'imagines pas à quel point... » Souffla-t-il néanmoins lorsqu'il évoqua son choc face à l'omniprésence des femmes dans tous les aspects de la société de ce monde. « Cependant, puisque je n'ai pas eu le choix, je me suis habitué. » Et s'il n'était pas profondément fier et stupidement convaincu d'avoir toujours raison, il admettrait même qu'il avait été agréablement surpris par le talent de certaines femmes, notamment de certaines de ses collègues.    

Une fois dans le bureau, Mycroft servit de quoi boire et s'installa. Sherlock, quant à lui, lui raconta son enquête. Aussitôt, Mycroft interrogea son frère, sans être réellement sérieux, pour savoir s'il le pensait capable d'être coupable de quelque chose. La réponse de son frère l'amusait presque. Il n'était pas effrayé, il se savait innocent. En revanche, il prenait les mots de son frère comme des compliments. « Ravi de savoir que je ne suis pas ton principal suspect. » Rétorqua-t-il, un fin sourire aux lèvres, avant de boire une gorgée de son verre.

Rapidement, il avait jeté un coup d'oeil à la photo tendue par son frère, sans bouger du fond de son siège. « Je la connais. » Rétorqua-t-il simplement, sans la moindre émotion, dans un premier temps. « Elle était bien l'une de mes élèves. Je pensais qu'elle avait abandonné parce qu'elle n'était pas capable de supporter la pression. » Avoua-t-il, prouvant ainsi que, contrairement à ce qu'il disait, il accordait un minimum d'attention à ses étudiants pour remarquer leur disparition. « Elle restait souvent avec deux autres étudiantes, elles aussi dans ma classe. » En tout cas, lorsqu'elle était dans sa classe, pour le reste, il n'en savait rien. « Elle était plutôt discrète. Du genre à se mettre dans le fond de la classe, à suivre, sans participer, à ne jamais bavarder. » Si ces détails sans importance pouvaient aider son frère, ils les partageaient. « L'une des filles avec laquelle elle restait... » Il réfléchissait pour être certain de ne pas dire de bêtises. « Elle est également absente depuis quelques jours. Cependant, si elle rate les cours, je l'ai croisée dans les couloirs pas plus tard que tout à l'heure. Elle semblait pressée, peut-être que tu devrais commencer par là. » Enfin, ce n'était pas lui l'enquêteur, il n'allait donc tout de même pas faire l'enquête à sa place.

Je ne suis pas sûr que tes espérances arrivent à voir le jour ici.

Il avait vu que même si tout le monde n’était pas sur le même pied d’égalité niveau pouvoirs, il y avait peu de chance pour que ce qu’ils avaient vécu à leur époque voit le jour ici. Mais, sur ce sujet, il savait qu’il n’aurait pas le dernier mot face à son frère, donc il ne préféra ne pas ajouter quoi que ce soit de plus. Cependant, il était amusé de voir que cela avait dû faire un sacré choc à son aîné. Il resta souriant en voyant l’irritation de ce dernier.

Tu t’y es habitué … c’est sans aucun doute un grand pas pour toi.

Il lui fit un clin d’œil amusé, avant de se rendre dans le bureau de Mycroft après l’avoir suivi jusque-là. Parlant alors de son enquête concernant une étudiante, il avoua à son frère qu’il le savait assez malin pour commettre des actes dont il ne laisserait pas de traces. Mais, il ne soupçonnait pas ce dernier concernant son enquête actuelle. Il secoua doucement la tête, amusé par la répartie de son frère, avant de lui donner la photo de l’étudiante en question. Apparemment Mycroft l’avait déjà vu et Sherlock fut alors attentif aux propos de son aîné, notant mentalement tout ce qu’il pouvait lui dire. Fronçant les sourcils quand il indiqua qu’une amie de la disparue n’était plus venue en cours non plus, Sherlock décida qu’il devrait en parler avec la police à un moment donné. Ces derniers auraient peut-être des informations sur cette autre étudiante. Si cette dernière était malgré tout sur le campus, elle serait donc une personne d’intérêt pour lui.

Tu sais si elle rate uniquement ton cours ou si elle rate tous les autres également ?

Si c’était juste pour éviter quelqu’un dans la classe de Mycroft cela pourrait réduire le nombre de suspect, sinon il devait en effet aller lui parler directement.

Tu pourrais me donner son identité et le plus d’informations que tu as la concernant dans tes dossiers ?

Il se doutait que Mycroft ne pourrait pas donner d’informations personnelles, mais au moins un nom sera un début.

Mycroft préférait ne rien répondre à Sherlock à propos de ses espérances impossible à voir se réaliser dans ce monde. Sherlock connaissait mal Mycroft. Non seulement, il ne perdait pas espoir facilement, mais en plus de tout, il était prêt à s'activer et se mettre au travail pour faire les choses lui-même s'il le fallait. « Ne te moque pas trop petit frère. » Il s'y était habitué parce qu'il n'avait pas le choix, mais cette grande capacité d'adaptation ne signifiait pas pour autant qu'il tolérait ou acceptait tout et n'importe quoi. Il savait simplement rester dans l'ombre le temps qu'il fallait pour s'imposer ensuite.

Mais Mycroft préférait en rester là et discuter d'autre chose. En l'occurrence, ils allaient parler de l'affaire sur laquelle Sherlock était. Mycroft ne lui serait certainement pas d'une grande aide, mais il était prêt à prêter un peu de son intelligence pour aider son frère dans son enquête. Après avoir observé la photo de la disparue - et après avoir été innocenté par son frère - Mycroft faisait part de tous les détails qui lui passaient par la tête. Il lui parlait donc de la victime, mais également de l'une de ses amies qui était absente elle aussi depuis quelques temps - mais qui n'avait pas disparu puisque Mycroft l'avait croisée un peu plus tôt dans les couloirs. « Crois-tu que j'ai le temps de me préoccuper de ce qui se passe dans les autres cours ? » Il avait assez à faire de ses propres cours pour se préoccuper, en plus de tout, de ce qui pouvait bien se passer dans la classe de ses collègues. « Si tu promets de ne pas me dénoncer, je te donne tout ce que j'ai à son sujet. » Si ça pouvait aider son frère, il pouvait bien faire ça - à croire que Mycroft avait changé dans ce monde... Au moins un tout petit peu, non ?

Sur ces mots, il s'était redressé pour fouiller dans ses dossiers et trouver une feuille avec les informations qu'il avait sur chacun de ses élèves. Ce n'était pas grand-chose, un numéro de téléphone, une adresse mail, un nom et un prénom, quelques informations personnelles ou plus générales... mais c'était toujours mieux que rien. « Tu aurais fouillé mon bureau pour avoir ces informations de toute façon, non ? » Ou avait-il des méthodes plus correctes qui respectaient la loi désormais ?