Le son des roues grinçantes du chariot était l'unique source de gène dans la grande librairie. Ariana s'arrêtait à chaque rayon pour ranger les ouvrages, prenant soin de lire les étiquettes sur les étagères pour ne pas commettre d'erreur. Il était question pour la plupart de simples retours. Quant aux autres, ils étaient les récentes nouveautés qu'il fallait impérativement mettre en rayon pour ne pas faire attendre les lecteurs assidus.

Ariana travaillait assidûment à la bibliothèque. Or, elle se montrait plus réservée en classe bien qu'à l'instar de son petit boulot de magasinière ses études étaient passionnantes. La benjamine des Dumbledore appréciait d'autant plus d'y travailler les heures précédant la fermeture car il y demeurait un calme parfait.

Tandis qu'elle parcourait la tranche d'un manuel pour s'assurer qu'il était à la bonne place, elle jeta un rapide coup d'œil aux alentours. La bibliothèque était un lieu paisible - raison pour laquelle elle appréciait l'endroit -, mais elle veillait régulièrement à ce que personne ne vienne perturber cette tranquillité. Ses yeux s'arrêtèrent sur un des lecteurs à quelques pas d'elle. Les traits de son visage lui étaient étrangement familiers.

« Gellert. » elle l'apostropha timidement, reposant délicatement le manuel dans le chariot.

Elle ne se rappelait que vaguement de l'homme dont son frère s'était épris. Elle ne se souvenait pas l'avoir vu plusieurs fois ; d'une part parce qu'elle n'était pas assez proche de son frère ainé et d'une autre part car elle n'avait jamais estimé Grindelwald. En réalité, elle connaissait les échos peu glorieux à son sujet ; Abelforth était bavard lorsqu'il le voulait, surtout lorsqu'il était contrarié et il l'avait souvent été...

La jeune fille était par conséquent plus que méfiante. Le soir de sa mort Ariana avait constaté à quel point il était redoutable et dangereux. Parfois, elle se demandait comment son frère avait pu adhérer à ses idées et, par dessus tout, Ariana avait toujours été blessée de voir son frère passer davantage de temps avec Gellert qu'avec elle.

Gellert n’a jamais réalisé non plus de pacte de sang jusqu’à présent. En même temps, la vie solitaire qu’il a toujours mené ne lui a pas permis de rencontrer d’autres personnes jusqu’à aujourd’hui. Cependant, il connait la théorie et le sort qu’il faut lancer pour avoir déjà étudié une large facette de la magie, incluant la magie noire. Aussi, il n’a aucun doute sur le fait qu’il est soit entièrement capable de jeter le sortilège. Il attend qu’Albus le rejoigne et se positionne face à lui. Alors à la faible lumière des bougies posées sur la table qui éclairent à peine le visage du jeune Albus, Gellert se surprend à penser qu’il le trouve incroyablement beau. Peut-être parce qu’ils sont sur le point de lier à jamais leurs vies ou encore tout simplement parce qu’il n’avait encore jamais regardé quelqu’un comme il regarde Albus. Et le plus incroyable, c’est que personne n’en saura probablement jamais rien, car il va de soit qu’ils n’en parleront à personne. Ce qu’ils s’apprêtent à faire restera sera leur plus profond secret. Un secret qui les protégera à jamais l’un de l’autre. Gellert ne peut pas se certifier qu’il sera éternel, toutefois il admet qu’il voit mal comment Albus et lui pourraient se séparer. Cela paraît totalement impossible désormais. Alors, il est prêt à le faire.

N'importe qui étant un minimum censé aurait réfléchi à deux fois avant de se lancer dans un tel acte. Mais pas Albus Dumbledore et Gellert Grindelwald. Ils sont deux êtres totalement uniques, brillants et quelque part au-dessus des autres. Alors, il est presque normal à vrai dire qu’ils veulent s’unir. Bien qu’il sache voir l’avenir, Gellert ne peut toutefois pas prédire ou savoir comment sera fait leur futur à tous les deux. Il n’y aucune garantie que leurs desseins voient le jour et surtout qu’ils restent éternellement ensemble. Alors par cet acte, ils décident de forcer le destin à les unir.

Plongeant son regard dans celui d’Albus, Gellert relève qu’il a des yeux incroyablement bleus mais surtout étincelants, sondeurs et malicieux.

-C’est très simple. Fais comme moi et je me chargerai de lancer l’incantation.

Gellert l’invite alors à tendre sa main comme lui, après avoir sortir sa baguette magique. Prenant une grande inspiration, il attend qu’Albus en fasse de même, avant de s’entailler la main. Relevant le regard vers Albus, il lui prend la main dans la sienne et la serre doucement. Puis, il ferme les yeux et lance l’incantation de manière informulée, ayant désormais presque un meilleur contrôle de la magie de cette manière. Quelques instants plus tard, deux gouttent de sang rougeoyant sortent en lévitant légèrement au-dessus de leurs mains pour venir ne former plus qu’une seule. Ensuite, Gellert sort de sa poche un pendentif avec une fiole vide, objet qu’il emmène avec lui depuis un certain temps sans réellement savoir pourquoi. Aujourd’hui, il trouve finalement une raison de l’utiliser. Il enferme donc la goutte de sang à l’intérieur, scellant définitivement le pacte. Ensuite, il relève à nouveau la tête pour regarder Albus, tandis qu’il tient au creux de sa main le pendentif.

-C’est fait. Désormais, nous sommes liés à jamais Albus.

La jeune étudiante constata qu'il l'avait reconnu. En même temps - et contrairement à lui - elle avait seulement gagné quatre années. Elle gardait une moue enfantine et un visage innocent, le même que celui qu'elle arborait étant enfant. Bien sûr, elle avait toujours les mêmes yeux bleus vifs que ses frères et sa chevelure blonde disciplinée. Quant à son interlocuteur, il était presque méconnaissable.

Malgré son état, Ariana avait rapidement constaté, lorsqu'elle était plus jeune, que son frère et Gellert avaient souhaité dominer les moldus qu'ils avaient jugé inférieurs aux sorciers. Elle avait été très déçue de l'apprendre et Abelforth avait tenté de raisonner Albus en vain. L'ainé des Dumbledore avait abandonné ce projet suite au décès d'Ariana. En revanche, pour Grindelwald, rien n'était moins sûr.

« Une femme qui sait de qui elle doit se méfier. » les lèvres pincées, elle recula d'un pas timidement lorsqu'il s'approcha.

Ariana n'était pas naïve au point d'ignorer que Gellert n'avait pas de bonnes intentions. Le dernier souvenir qu'elle avait de lui était loin d'être agréable qui plus est. C'était lui qui avait déclenché ce combat et peut-être même lui qui lui avait lancé le sort fatal. Elle n'appréciait pas son sourire faux et son expression chaleureuse. À ses yeux, Ariana avait toujours été une fillette sans importance. Elle aurait bien voulu lui donner raison en réalité ; être une fille normale et insignifiante. Mais c'était tout le contraire malheureusement. La benjamine des Dumbledore n'aurait jamais une existence banale et était destinée à mourir, rongée par son obscurus.

Ariana n'apprécia pas le ton qu'il prit. Il lui parlait comme à une enfant. Mais maintenant qu'elle avait grandi, elle en comprenait davantage. En réalité, elle se fichait bien de qui lui avait lancé le sort fatal. Elle arrivait à se demander si cela n'avait pas été mieux ainsi. Elle était un véritable danger pour les autres alors sa mort avait au moins servi à empêcher celle d'un autre. Elle ne rétorqua donc pas à sa remarque. Sa famille avait déjà tant perdu ; leur père, leur mère et Albus d'une certaine façon.

« Affaires ? J'aurais plutôt parlé de complot. » tonna-t-elle en prenant sur elle pour garder son calme. Ariana parlait d'une voix ferme, elle n'était plus une enfant ignorante.

Comment son frère avait-il simplement pu l'envisager ? Même si elle essayait de lui pardonner, elle ne comprenait pas comment l'amour avait pu autant l'aveugler. Elle s'était promis d'essayer de renouer avec son frère ainé mais ces retrouvailles indésirables avec Grindelwald l'avaient presque ramené à la case départ.

Elle ne le croyait pas. Tout ce qui pouvait nuire à sa cause pouvait lui nuire à lui et les proches d'Albus semblaient en faire partie.

« Et c'est pour ça que tu l'as attaqué ? Tu es dangereux et ma mort a au moins servi à ce qu'Albus le réalise enfin. »

Abelforth était celui qui avait le plus veillé sur elle - avec sa mère avant son trépas -, alors elle refusait que Grindelwald parle de lui comme d'un parasite. Il avait eu raison d'intervenir et si Ariana avait été plus âgée et pus avertie, peut-être qu'elle en aurait fait autant.
Ariana se demanda pourquoi il se montrait avenant malgré la stupidité de ses propos. Voulait-il quelque chose d'elle ? Était-il au courant de son état ? Elle n'en était pas certaine et espérait que ça ne soit pas le cas. Quoiqu'il saurait de quoi elle était capable...

« Qu'est-ce que tu veux ? » demanda-t-elle fatiguée d'essayer de le deviner.

Elle regretta aussitôt de le lui avoir demandé. Elle aurait dû partir avec son chariot sans regarder derrière elle mais elle avait de nouveau été trop curieuse.

Ariana le dévisagea d'un air mauvais. Elle avait encore son libre arbitre et ses frères n'avaient pas eu besoin de la convaincre de quoi que ce soit. Certes, la Dumbledore avait été une jeune fille fragile à l'époque mais elle avait toujours été observatrice. Gellert avait toujours pensé à ses propres intérêts et Ariana avait même des doutes sur l'amour qu'il portait à son frère ainé.

« C'est bien moi. Mes frères n'ont aucune influence sur mes opinions. » assura-t-elle. Elle en était convaincue.

Bien évidemment, Ariana ignorait comment le conflit s'était déclenché ce soir-là car elle y avait simplement mis fin... Cependant, Abelforth s'était toujours considéré comme le protecteur de la famille ; une tâche qu'Albus n'avait pas su exécuter à la mort de leur mère. Par conséquent, la benjamine des Dumbledore n'avait jamais douté de ses intentions.

« Il avait forcément une excellente raison de s'en prendre à toi. Il voulait protéger notre famille que tu étais en train de détruire. » maugréa-t-elle.

La jeune étudiante n'était pas dupe ; il essayait de trouver des justifications à ses actes et de lui retourner le cerveau. Toutefois, elle ne comptait pas se laisser manipuler. Elle n'était plus une petite fille.

« Oh mais je t'en prie, éclaire-moi. À quoi une personne comme moi pourrait être destinée si ce n'est semer le chaos ? » demanda-t-elle avec sarcasme. Pourquoi perdait-elle toujours son temps avec lui ?

L'obscurus qui l'habitait était peut-être ensommeillé mais il était bel et bien toujours là, attendant une occasion pour se montrer hostile. Ariana aurait souhaité devenir une brillante sorcière, au destin prodigieux comme ses frères mais cette aspiration était vaine.

Il est clair que la Ariana qui lui fait fasse aujourd’hui a bien grandi et n’est plus aussi fragile et faible. Elle en a fait du chemin et quelque part, Gellert ne peut s’empêcher de se réjouir, car cela signifie qu’elle est devenue plus forte. Mais en réalité est-elle réellement devenue aussi forte qu’elle essaie de paraître ? Ça, c’est encore un autre sujet. À ce stade de la conversation, il est clair qu’elle a déjà revu ses frères et que ces derniers n’ont pas manqué de partager avec elle l’homme qu’il est devenu. Et, il est normal que la jeune fille possède une mauvaise opinion de lui après la tragédie. Dans son souvenir, Ariana restait la plupart du temps dans sa chambre lorsqu’il venait chez eux. Les deux n’ont jamais eu de réelles interactions, hormis le jour où elle s’est interposée pour essayer de calmer le jeu.

- Si tu le dis. Tu es une grande fille maintenant, il est logique que tu puisses avoir tes propres opinions. répond-il sur un ton légèrement sarcastique.

Ce qui émane d’elle finalement, est-ce de la peur ? Il semblerait que oui. Toutefois, il ne dirait pas que cette peur soit directement à cause de lui. Non, c’est encore autre chose. Son obscurus ? Peut-être bien. Il se rappelle avec précision combien Credance avait eu du mal à contrôler cette force en lui. Cela prend du temps et demande surtout de l’entraînement ainsi que de l’aide. Ariana est peut-être une Dumbledore elle aussi, mais elle n’est pas aussi forte qu’Albus et aux yeux de Gellert, moins forte également que Credance. Elle aurait tant à gagner à suivre son apprentissage et à s’entraîner à ses côtés alors que son propre frère ainé ne s’est jamais intéressé à elle.

- Détruire ta famille ne m’aurait strictement rien apporté, raison pour laquelle je n’ai jamais agi contre Abelforth et toi. Mais si j’avais voulu, j’aurais pu. Hors, il n’en fut rien. Tu peux tourner les évènements autant que tu le souhaites, la vérité tu la connais au fond de toi. souligne Gellert en gardant désormais ses distances mais en posant un regard profond sur la jeune Dumbledore.

Le bien ou le mal. Il n’a jamais réfléchi dans ce sens. La seule chose qui importe, c’est le pouvoir et les moyens qu’on se donne pour y parvenir. Les liens, les sentiments sont des atouts précieux dans cette quête de pouvoir. Gellert a fini par l’admettre lui-même après sa rencontre avec Albus. Il n’aurait jamais été aussi loin sans lui. Et encore aujourd’hui, il admet volontiers qu’il aura toujours besoin de lui, bien que leurs chemins aient pris des virages à sens opposés. C’est pourquoi, il est heureux de compter Vinda dans ses rangs, car elle est un soutien sans pareil pour lui en l’absence d’Albus.

- Si tu es persuadée que ta vie ne se résume qu’à semer le chaos autour de toi, alors je crains que tu te sois égarée en chemin ma chère. Un chemin que tes propres frères ne peuvent et semblent ne pas pouvoir emprunter. dit-il en ignorant son sarcasme mais en prenant une voix plus douce et empathique.

Ariana ne put desceller quoi que que ce soit dans le regard du sorcier. Malgré tout, elle était persuadée que sa présence ici n'était pas anodine et qu'un plan s'esquissait doucement dans son esprit. Il était impossible de lire en lui comme dans un livre ouvert et chacune de ses actions semblait préméditée. A quoi penses-tu Gellert ? songea-t-elle.

Elle se tut, ne sachant pas quoi répondre à sa remarque. Certes, elle était une adulte à présent mais avait-elle seulement été une enfant ? Elle avait le sentiment que sa vie s'était arrêtée avant même d'avoir eu le temps de commencer. Ariana n'avait aucun but, une famille démantelée et une entité malveillante dont elle était incapable de se débarrasser. Elle ne vivait pas, elle survivait.

Cela la tuait de le penser mais Gellert n'avait pas tort. Abelforth aurait été prêt à tout pour arrêter les deux amants. Le plus pénible pour elle était de savoir qu'un de ses frères était probablement celui qui lui avait lancé le sort fatal. C'était la raison pour laquelle elle demeurait distante en présence de son frère ainé. Elle avait pourtant essayé de faire un trait sur le passé et de lui accorder une nouvelle chance mais elle ne faisait que ressasser les évènements du jour de sa mort.

« J'ignore ce que tu imagines à mon sujet mais tu te fourvoies. Je ne vois qu'un seul et unique chemin. » conclut-elle en soupirant.

Il y avait un autre secret qu'Ariana avait gardé pour elle durant des années. L'obscurus avait vécu avec elle trop longtemps et en dépit du danger qu'elle représentait, ce sentiment de puissance était terriblement séduisant. Sans ce fléau, elle n'était rien.