Tate x Violet

(( Appel téléphonique )) Violet s’était reclus dans un coin de son appartement. Elle tremblait. Elle pleurait. Il était tard. Elle priait tous les Dieux pour que son correspondant décroche. Un sentiment de soulagement émana d’elle quand elle entendit sa voix à l’autre bout du fil. « Tate...? » demanda-t-elle d’une petite voix étranglée par les sanglots. Elle n’aurait peut-être pas dû l’appeler. Ils n’étaient plus ensemble. Il y avait des différends entre eux. Mais, totalement dépassée par ses émotions et encore sous le choc de ce qu’il venait de se produire, Violet n’avait pas envisagé d’autres solutions que celle-ci. « Est-ce que… est-ce que tu peux… peux venir chez… chez moi s’il te plait ...? » Elle parle tout bas, comme si elle avait peur qu’on la surprenne, qu’il la surprenne. Violet avait la sensation d’être épiée, constamment.

(( Appel téléphonique )) Avachi sur son canapé, Tate sursauta en entendant la sonnerie de son portable. À tatillon, sa main parcourra sa table basse à la recherche de ce bruit assourdissant. « Fait chier » Grommela-t-il. Sur son passage erratique, divers objets se renversèrent. Dès que ses yeux se posèrent sur son écran, son sang ne fit qu’un tour. Son cœur rata un de ses battements. Pourquoi l’appelait-elle à cette heure-ci ? Sans réfléchir davantage, il décrocha. « Violet ? » Ses sanglots lui brisèrent le cœur. Au fond de ses tripes, sa rage grondait. Qui avait osé la mettre dans cet état ? « Qu’est-ce qui passe ? On t’a fait du mal ? Dis-moi ce qui se passe ? » Tate secoue la tête pour se ressaisir. Il ne voulait pas l’accabler de questions. « Oui. Oui… Donne-moi 20 minutes. »

(( Appel téléphonique )) Violet laissait un maigre silence planer. Elle réfléchissait aux mots qu’elle devait employer histoire de limiter la colère et la violence de Tate. Ils avaient beau ne plus être ensemble, elle savait qu’ils tenaient à l’un et l’autre et qu’ils se protégeaient mutuellement et surtout, qu’il n’hésiterait pas à tuer pour elle. Ce genre de choses n’avaient pas besoin d’être dites entre eux pour que ce soit clair. Aussi, elle avait besoin de cette pause pour tenter de se ressaisir un peu, mais cela ne fonctionnait plus dès qu’elle ouvrir la bouche : « Oui… Un… Un type s’est… introduit chez moi… » Elle posait le haut de sa main contre sa bouche pour tenter de ravaler ses sanglots, en vain. « J’ai mal partout… Je me suis débattue comme pas possible et je… je… » Elle regardait le sang séché sur ses doigts, sur ses vêtements. Elle ne pouvait pas avouer au téléphone qu’elle avait égorgé un type. Elle se contentait de souffler et de murmurer : « Fais vite, je t’en prie… » Vingt minutes, c’était une éternité pour elle.

(( Appel téléphonique )) Il ne l’entendait plus. Un silence, trop long à son goût, s’immisçait entre eux… Désormais, sa rage se partageait le trône avec son inquiétude. Ce mélange pouvait être explosif avec Tate. Il la mit sur haut-parleur et se précipita dans sa chambre pour se munir d’un pantalon et d'un t-shirt. Rien d’extravagant, il manquait de temps. « Violet ? Et tu… ? Tu quoi ? » Il manqua de se vautrer en passant une de ses jambes dans son jean. Il n’aimait pas son silence. Il le haïssait. « Violet ! Hé, je suis là ! Tu es blessée ? » Tate tentait vainement d’attirer son attention vers lui. De chasser ses démons. Rien n’y fais, elle est tétanisée ! Il ignorait la raison de cette anxiété, mais il n’aimait pas ça ! « Je suis en route ! Parle-moi ! Je suis là, Violet ! Je ne te laisse pas ! On t’a cambriolé ? »

(( Appel téléphonique )) Les silences de Violet étaient insoutenables. On ne l’entendait même plus pleurer. Elle voulait juste disparaitre momentanément de la surface de la Terre, le temps que les choses se tassent. Mais rien, pas même le déni ne pouvait effacer ce qu’il venait de se passer dans son appartement. Elle éludait la première question de Tate, pas parce qu’elle ne voulait pas y répondre, mais parce qu’elle l’avait déjà oublié dans la confusion. « Oui… À l’arcade et au nez… je… je pisse le sang… Puis j’ai des bleus… » Puis Tate lui parlait. Ça la rassurait autant que ça l’angoissait : ses questions la ramenaient inévitablement à la réalité qu’elle tentait d’échapper. « Non… Je… J’ai… J’ai fait une grosse connerie Tate, mais je… je pouvais pas faire autrement… » Elle éclatait en sanglots une énième fois. Elle comptait les minutes qui la séparaient de Tate.

(( Appel téléphonique )) Le sang de Tate ne fit qu'un tour lorsqu'elle évoque ses blessures. L'auteur de ses stigmates était un homme mort ! Seul bémol, c'est qu'il avait déjà passé l'arme à gauche, mais ça, il l'ignorait. Et l'auteur de ce carnage le surprendrait. « Tu sais qui t’a fait ça ? Je vais le tuer ! PUTAIN, IL EST MORT ! » Tate vomissait sa colère. Un flot de propos incohérents se déversaient entre deux foulées. Son sanglot l’estomaqua. Il serra les dents et continuait de courir. « Violet… Putain ! Mais qu’est-ce qu’il s’est passé. » Les poumons en feu. La trachée irritée. Tate gardait la cadence. « Je… Je… Suis proche du bar. Dans dix minutes, je suis là… Je ne t'abandonne pas. Jamais. » Articula-t-il, difficilement.

(( Appel téléphonique )) Tate hurlait tellement que Violet n’avait même pas la force de se concentrer pour lui répondre. Elle se contentait de pleurer, encore, libérant de lourds sanglots. Elle était totalement meurtrie, d’autant plus que la violence verbale de Tate lui rappelait celle qu’elle venait de vivre pendant un temps qu’elle quantifiait comme indéfiniment long. Elle voulait lui répondre qu’elle ne savait pas ce qu’il s’était passé, parce qu’elle ne réalisait pas encore bien elle-même qu’elle avait tué un type et qu’elle avait couché ensuite avec celui qui l’avait poussé à le faire. Elle s’étouffait dans ses pleurs, c’est tout ce qui était audible. « D’a…d’accord. Je bouge pas… » Elle réprimait un je t’aime de justesse qu’elle remplaça aussitôt par: « Merci de.. d’être… d’être là pour moi, Tate… » Alors qu’elle l’avait rejeté. Plusieurs fois. Elle raccrochait parce qu’il n’y avait rien de plus à dire puisqu’il arrivait. Enfin. En attendant, elle restait recroquevillée dans un coin de sa chambre, à côté de son lit. Simplement vêtue de son teeshirt et de sa culotte, elle rassemblait ses jambes contre elle et enfonçait sa tête dans ses genoux pour pleurer. Fin de la communication.