Karube passait pratiquement toute sa vie à Locwkood Hill. Non pas parce qu’il trempait dans des business illégaux, enfin, si l’on puit dire. Disons qu’il connaissait bien leur existence, qu’il en connaissait la plupart des visages actifs, mais qu’il n’en disait rien. Les barmans en savaient toujours beaucoup sur tout le monde, après tout. En tout cas, lui s’était toujours trouvé honnête, mais il n’avait pas beaucoup d’ambition pour lui-même. Il s’était toujours vu comme un raté, et se contenter parfaitement de vivre dans les bas quartiers, de se contenter de servir des verres dans un bar, ou de s’occuper des chèvres de la Tête de Sanglier. Franchement, ça lui convenait. Il s’estimait déjà plutôt content d’avoir eu le droit à cette seconde chance que cette vie lui offrait. Honnêtement, Karube vivait bien cette existence.

Lorsqu’il n’était pas à la Tête de Sanglier, il se baladait dans le quartier, et n’avait rien de particulier à faire. Parfois, il allait s’entraîner au stand de tir. Si Borderland lui avait appris quelque chose, c’était qu’il fallait toujours être prêt à tuer ou être tué. Et il n’était pas question qu’il rentre dans la seconde catégorie. Il savait qu’il n’était pas le mieux placé de son ancienne bande pour survivre, mais il n’était pour autant pas prêt à se laisser mourir. Cette ville jouait beaucoup de tours, il se passait pas mal de choses louches, et Karube tenait à être prêt pour toutes les situations. Une cigarette allumée entre les doigts, le jeune homme avançait à travers les rues en sortant du stand de tir. Il remarqua rapidement un certain mouvement de foule vers une direction. Alors, curieux, il le suivit.

Sur une petite place, il y avait vraisemblablement une distribution de nourriture. Karube se mit un peu à l’écart, et observa avec attention. C’était une bonne chose qu’il y ait des gens pour penser aux plus pauvres qui vivaient ici. Etait-ce de la pitié ? Etait-ce important de le savoir ? Karube avait un travail qui lui permettait de vivre, et n’en avait donc pas besoin. Mais il préférait observer.

Les vivres partaient vite, et le gars qui s’occupait de cet événement se trouvait de plus en plus seul à son stand. Karube tira un coup sur sa cigarette. Il n’avait jamais vu ce type dans les parages. Mais il n’était pas mécontent de l’y voir, au fond.

- C’est sympa, merci pour eux.

Karube savait que, dans ce quartier, il n’y avait pas que des délinquants. Il y avait aussi simplement des gens qui n’avaient pas les moyens de se payer mieux. C’était son cas, mais il avait un travial suffisamment stable pour ne pas s’inquiéter de ses finances. Même s’il ne gagnait pas des fortunes, il pouvait vivre.

Le faux blond s’était volontiers tenu à l’écart, intrigué par le spectacle. Il y avait peu de gens qui se souciaient vraiment de la vie des gens de Lockwood Hill. Le “quartier des délinquants” avait mauvaise réputation, même si certains n’avaient juste pas trouvé mieux et étaient droits dans leurs bottes. C’était un sacré problème, selon lui. Bien qu’il ait de quoi vivre, il ne roulait pas sur l’or. Mais il n’était pas question qu’il se serve dans ce genre de distributions, il savait subvenir à ses besoins et n’avait pas l’intention de prendre la part de quelqu’un d’autre.

Lorsque le gars se retourna vers lui, Karube tira sur sa propre cigarette, et jeta un oeil aux alentours. Il y avait moins de monde maintenant, mais il y avait effectivement trop de familles et de gens dans le besoin. Et la majorité des gens s’en foutaient pas mal, franchement. Le pire, c’était qu’avec la pègre, il y avait certaines personnes ici qui roulaient sur l’or grâce aux trafics véreux.

- Oui, c’est vrai.

Il reporta son regard sur le gars. Il n’irait pas contre lui, il y avait trop de gens qui avaient besoin d’aide que trop peu de gens voulaient bien leur fournir. Et par expérience, Karube n’avait pas l’habitude que le monde fonctionne par altruisme. Mettez tous ces gens débordants de bonnes intentions dans Borderland, et ils devenaient des fous furieux prêts à tout pour survivre. Il avait été confronté à la nature humaine la plus animale, et par conséquent, il ne leur faisait maintenant plus tout à fait confiance.

- Qu’est-ce qui vous motive ? Vous avez sûrement une raison pour les aider, non ?

Le jeune homme se demandait quel genre de personnes il avait devant lui. Il essayait de le cerner, même s’il était reconnaissant de son geste envers les plus défavorisés.