Dans un coin tranquille du vieux Musée de la ville, Ophélie vaque à ses activités habituelles. Aujourd'hui, lorsqu'elle n'a pas de visiteurs à accueillir, elle se consacre à la minutieuse tâche de cataloguer une série d'anciens manuscrits découverts dans les réserves du musée. Les parchemins anciens et les livres poussiéreux l'enveloppent dans un monde mystique où le temps semble suspendu. L'envie de toucher le couvertures anciennes la démange. Depuis que ses pouvoirs d'animiste ont commencé à se manifester pour la première fois depuis quatre longues années, l'Apprentie-Archiviste ne peut s'empêcher de repenser à son pouvoir qui était autrefois le sien : Celui de se "souvenir" du passé d'objets en les touchant du bout des doigts. Un pouvoir qui, à sa plus grande frustration, ne veut pas se manifester. Pas plus que celui qui lui permettait autrefois de voyager à travers des miroirs.

Le claquement régulier de ses doigts sur le clavier de l'ordinateur est le seul bruit dans la pièce, ponctué par le doux murmure des pages qui se tournent. Elle est absorbée par sa tâche, notant soigneusement chaque détail, chaque annotation marginale, ressuscitant ces documents anciens du passé oublié.

Soudain, son regard se lève de l'écran. Elle aperçoit un visiteur inconnu qui déambule lentement dans les allées désertes du musée. Ophélie referme son ordinateur et se lève discrètement de sa chaise. Les visiteurs sont rares dans ce vieux musée, et l'apparition de cet inconnu la surprend.

L'homme se tient devant le plan du musée, un air confus sur le visage. Il observe le plan comme s'il cherchait désespérément son chemin dans ce dédale de couloirs et de salles. Ophélie prend le temps de rajuster sur le revers de sa robe à carreaux le petit carton qui annonce sans ambiguïté son nom et sa fonction. Puis elle s'approche doucement, ses pas silencieux faisant un bruit discret sur le parquet usé. Elle sourit avec bienveillance, consciente que ce musée peut être un labyrinthe déconcertant et demande d'une voix douce.

- Bonjour, monsieur, est-ce que je peux vous aider ?

Elle est prise d'un sursaut lorsque l'espèce de robot que le visiteur porte sur son épaule se retourne aussitôt vers elle et darde vers elle son unique capteur oculaire. Elle cligne les yeux derrière sa grosse paire de lunette, déconcertée par la vue de cette créature artificielle d'un genre inconnu avant de se reprendre et sourire de manière aimable.

Alors que tout dans l'expression de la toute petite apprentie-archiviste évoque l'amabilité et le désir d'aider, les pans de son écharpe ramenés dans son dos se dressent et fouettent l'air derrière elle comme la queue d'un chat en colère. Visiblement son vêtement animé n'apprécie pas du tout ce qui se passe et manifeste son humeur de façon déplaisante, plaçant dans un étrange embarras sa propriétaire dont le seul souhait était de se montrer serviable.

Quelque chose sur la technologie et les archives ? Il ne faut pas bien longtemps pour que l'obligeante employée réponde avec un sourire serviable.

- Bien sûr monsieur, nous avons une rétrospective sur les évolutions technologiques humaines depuis l'artisanat primitif jusqu'à l'époque moderne avec en démonstrations des machines à vapeur datant de l'ère industrielle et ... eh !

Cette exclamation bien sûr, ne faisait pas partie des projets de présentation d'Ophélie. Mais la surprise de voir la créature mécanique s'en prendre à sa bien aimée écharpe la fait réagir.

L'écharpe (pour le malheur de sa propriétaire) est dotée d'un fieffé caractère. Bien que faite de laine, elle n'hésite pas à voler dans les plumes du robot, l'enroulant immédiatement dans ses mailles textiles avant de le secoue en tout sens, utilisant un effet de fronde pour le faire tourbillonner à toute vitesse.

- Ah attention .. je ... ah ! Désolée !

Hélas c'est la pauvre Ophélie qui se retrouve au milieu de cette échauffourée entre objets de compagnie et ce n'est pas l'aide d'un Jack catastrophé qui l'empêche de se prendre plusieurs coups de robot au passage. Un sur la hanche et l'autre sur le haut du crâne à la suite d'un retour d'écharpe très hasardeux. Les efforts combinés des deux adultes parviennent à desserrer l'étreinte textile et libérer le robot qui peut retourner dans les bras de son propriétaire. L'écharpe quant à elle se roule en boule autour du cou de sa propriétaire et enfouis ses pans profondément sous le col d'Ophélie, se repliant sur elle même comme une pieuvre au fin fond d'un récif. Pour autant qu'on puisse imaginer un objet avoir des sentiments, on pourrait jurer qu'elle boude.

- Oh navrée, vous n'avez rien ? Je suis épouvantablement désolée, elle est d'un caractère un peu difficile parfois ... Elle n'a pas l'habitude d'être touchée par des inconnus.

Ophélie tord ses mains gantées l'une contre l'autre, visiblement inquiétée par la réaction que pourra avoir le visiteur. Que fera t'elle si l'homme se fâche ? Ou pire, émet une plainte OFFICIELLE à la mairie de la Ville pour le comportement de son écharpe ? Risque t'elle d'être réprimandée ?

Toujours déstabilisée, Ophélie baffouille.

- Vivante ...  ? Oh heuh ... pas vraiment.

Si on veut être puriste dans la définition bilogique de la vie en tout cas.

- Disons ... animée et consciente ... à sa manière ?

L'écharpe parait renfrognée et ne cherche plus à quitter l'abri douillet du cou de sa maîtresse.

- Pas de technologie, non non ! Elle n'a aucune fibre .. heu .. musculaire ou quoi que ce soit qui devrait lui permettre de se mouvoir. Juste des fibres de laine.

Elle grimace et remonte ses lunettes, un peu mal à l'aise.

- J'imagine du coups que ca répond à la définition de ce que vous appelez ... heuh ... magie.

Pourtant on ne la sent pas vraiment à l'aise avec ce terme et d'ailleurs elle se hâte de justifier.

- Disons que c'est un phénomène que la science n'a pas encore réussi à expliquer. Et c'est plus particulièrement une bizarrerie issue du monde duquel je proviens. Les objets autour des gens de ma famille s'animent. Ceux dont on est proches.  

C'est en réalité beaucoup plus complexe mais elle s'embrouillerait si elle devait tenter d'expliquer tout ça au débotté. Elle fait des petits gestes vagues de sa main gantée, essayant de paraitre désinvolte.

- C'est ainsi.

Elle adresse à l'homme un sourire navré, consciente que son explication est très lacunaire.

Le propriétaire de Tink se confond véritablement en excuses pour le comportement du mini-robot. Ophélie continue d'agiter les deux mains, paumes vers l'avant, l'air de dire "non non, tout va bien, je vous assure". Elle rougit même légèrement lorsque l'homme va jusqu'à proposer de lui offrir une boisson chaude pour se faire pardonner. Invitée par un homme inconnu beaucoup plus âgé qu'elle, quelle idée folle ce serait !

- Tink ne dérange pas du tout, il est le bienvenu ici, tout va bien. Si Tink a envie, nous avons des jeux de chasse au trésor pour agrémenter sa visite. A base de petits points de repères à trouver dans le musée et à noter sur une feuille qu'on peut lui donner.

Une tentative récente d'essayer d'intéresser les plus jeunes aux collections de manière ludique et pédagogique. A la plus grande déception d'Ophélie, les feuilles distribuées finissent bien souvent en avion en papier. Ce n'est pas la promesse du "trésor" de fin de visite qui parvient à convaincre les enfants d'aller au bout des tâches proposées. Peut être est-ce trop difficile ? Ou trop long ? Devrait elle essayer de faire plus simple ? Des jeux ? Des dessins ? Pourtant Ophélie a un souvenir limpide de ses souvenirs dans les Musées de son monde natal. Elle adorait ça ! Il n'y avait pas besoin d'artifices ludo-pédagogiques pour retenir son attention, elle pouvait rester pendant des heures à observer toutes les collections et suppliait ses parents de rester encore un peu quand ils déclaraient qu'il était temps de rentrer à la maison. Les jeunes de ce monde ne savent décidément pas s'intéresser aux choses qui en valent la peine ...

La jeune fille rassure le visiteur en esquissant un geste de refus poli quoique un peu embarrassée lorsqu'il s'excuse après qu'elle ait décliné l'invitation. Elle ne peut s'empêcher de noter qu'il parle "d'humains", s'excluant de fait du lot. Ce genre de phénomène n'est pas rare en ville, après tout elle est bien amie avec un robot ! Bien sûr, sa curiosité est attisée mais elle se garde de poser toute question qui pourrait être déplacée. Elle sourit à l'homme.

- Tout va bien, je vous rassure.

La proposition d'apporter au mini-robot un petit livret pédagogique est acceptée. Avec un sourire aimable, l'employée dit de sa voix fluette.

- Je reviens avec ça.

Il lui faut moins d'une minute pour faire l'aller retour entre l'entrée du Musée et le panneau à côté duquel elle avait rencontré l'homme. Elle ne tarde guère à le retrouver si d'aventure celui ci avait profité du moment pour s'éloigner un peu.  Elle tend ainsi un petit carnet fait de deux feuilles pliées et agrafées et un crayon gris au mini-robot. Le carnet contient des jeux et des énigmes dont la plupart des réponses sont dispersées ci et là sur des panneaux bien identifiés dans le musée, facilement reconnaissables et adaptés aux plus jeunes visiteurs.  

- Et voici.

Elle pourrait en rester là, repartir de son côté et laisser les deux visiteurs mener leur petit brin de visite de leur côté. Mais le sujet de la Magie qu'ils ont abordé un tout petit peu plus tôt avait titillé la jeune employée de Musée. Alors plutôt que simplement repartir, elle se racle la gorge et hésite avant de répondre avec une certaine prudence.

- Pour en revenir à ce que nous disions tout à l'heure ... la limite entre magie et science est parfois très floue. On a tendance à qualifier de "magie" un phénomène physique pour lequel on a pas encore suffisamment d'explications.

Elle esquisse un sourire un peu pincé tout en remontant ses lunettes. Le sujet la met un peu mal à l'aise. Non pas que parler des "pouvoirs" qu'elle possède sur les objets la dérange, mais en tant que fervente croyante en la science, elle n'aime pas encourager toutes les superstitions.

Et pourtant elle est bien obligée d'avouer que ...

- ... et malheureusement il n'existe encore aucune explication raisonnable à la motricité de cette écharpe .. ou des objets qui m'entourent et qui s'animent parfois. Je ne sais pas si elle se laissera inspecter aujourd'hui mais je vous assure que vous ne trouverez que des fibre de laines tout ce qu'il y a de plus ordinaires.

Et des grosses peluches laineuses.  Sans doutes quelques cheveux perdus d'Ophélie également et possiblement un peu de poussière. Voire une ou deux miettes des délicieux biscuits qu'ils vendent dans la pâtisserie d'en face. Elle grimace un peu lorsque le visiteur emet l'hypothèse que ses émotions puissent avoir un impact sur les éléments inanimés qui l'entourent. Elle hoche un peu à contrecoeur.

- Il se pourrait que mes émotions déteignent sur elle oui.

Mais ca lui coûte de l'admettre. Il est évident que Ophélie n'a pas si mauvais caractère. Elle reprend avec un ton plus léger et engageant.

- Si le sujet vous intéresse, nous avons une section qui recense les Univers les plus étranges desquels proviennent des habitants de cette ville.

Elle esquisse un sourire encourageant.

- Le mien fait bonne figure parmi les bizarreries observées ... notre monde était fait de grandes îles flottantes dispersées autour d'une planète disparue.

En soit l'exposition n'a rien de très sérieux scientifiquement parlant. Mais Ophélie la trouve très intéressante d'un point de vue humain. La salle, intitulée très sobrement "Nous venons de nombreux univers" permet de se rendre compte de l'immensité des différences entre  les habitants de la ville. Chaque univers est décrit en quelques panneaux illustrés et quelques objets clefs supposés être marquants sont mis sous vitrine. Evidement le panneau traitant de l'Univers de Ophélie est tout petit, c'est elle qui l'a écrit. Elle semble être la seule de chez elle à avoir été happée par la Lune Rouge.

Comme quoi, il suffit parfois d'un peu de patience pour obtenir les réponses qu'on attend. Spontanément, le visiteur annonce venir d'une planète de robots. Le sourire d'Ophélie s'élargit et elle acquiesce.

- J'ai un bon ami robot. Il vient d'une version alternative de la Terre où il ne reste que des robots pour tout nettoyer.

C'est très grossièrement résumé.

Elle invite d'un geste aimable les deux robots à la suivre jusqu'à l'exposition traitant des multivers.
Là elle désigne d'un geste les différents panneaux.

- Des "versions alternatives de la Terre", il semble y en avoir des centaines si ce n'est des milliers. Des chercheurs essayent de les recenser mais c'est une tâche difficile, surtout que le point de vue des témoins peut beaucoup diverger selon l'origine géographique au sein d'un même univers. Le musée ne présente que quelques versions très marquantes pour illustrer le concept.

Elle désigne plusieurs panneaux, expliquant à mesure qu'ils passent devant des panneaux.

- Ici au centre on une représentation "classique" de la Terre, avec ses continents et ses nations. Et ici on a listé des particularités. Dans cet univers, il y a des surhommes qui semblent s'affronter tantôt pour sauver le monde, tantôt pour le détruire. Ici un univers qui a sombré à cause d'une invasion de zombie ... les experts craignent qu'un jour un de ces zombies arrive en ville, ce qui serait proprement catastrophique !

Une hypothèse à faire pâlir d'horreur tout le monde car strictement RIEN n'indique que ce soit impossible. Coincée dans une ville si densément peuplée et sans capacité de partir, la population passerait un très mauvais moment.

- Il semble aussi que des gens témoignent venir d'autres époques. On est pas certains qu'il s'agisse d'un véritable bond temporel réalisé par ceux qui en témoignent ou si des versions de la Terre datant d'époques différentes coexistent.

Et elle arrive à un dernier panneau devant lequel elle s'arrête et qu'elle désigne. L'un deux, sans qu'elle le sache, désigne l'univers d'où provient Jack. Une maquette en plastique démontre grossièrement "comment" les robots de cette dimension se changent en véhicule. Un concept qui parait grotesque aux yeux de beaucoup de monde, à commencer par Ophélie, qui peine à comprendre comment ca peut fonctionner.

- Et il y a au moins trois univers où les robots semblent exister (car ce n'est pas le cas partout) et avoir pris le pouvoir.

Elle laisse quelques instants aux visiteurs pour observer avant de se lancer dans un monologue passionné.

- Tous ces témoignages a relancé les théories assez populaires concernant les multivers. Le plus troublant est que, pour une raison étrange, la Terre semble être le Multivers le plus représenté. Les hypothèses abondent pour tenter de l'expliquer : Est-ce que tous les univers possèdent des dizaines de versions d'eux même mais pour une raison étrange, la Lune Rouge semble avoir une préférence pour la Terre ? Ou est-ce que, pour une raison quelconque, seule la Terre possède cette faculté à exister sous des centaines de formes subtilement différentes ?

Elle grimace un sourire et hausse les épaules avant d'avouer sur un ton d'excuse.

- A mon grand regret le Musée liste beaucoup plus de questions qu'il n'apporte de réponses.

- Oh, vous connaissez Wall-e ... ?

Au vu du prénom et de la description, c'est difficile d'imaginer qu'il puisse s'agir d'une autre personne.

- C'est bien de lui que je parlais. La Ville est décidément petite.

Dit elle sobrement, conservant un sourire tout ce qu'il y a de plus professionnel.

Aux réactions du visiteur face aux différentes présentations qu'elle fait, elle hoche le plus souvent la tête, sérieuse et compassée lorsque manifestement des choses dramatiques se passent dans certains univers qu'elle décrit. Elle nuance néanmoins en affirmant que :

- Heureusement nous avons constaté qu'à leur arrivée, la majorité des entités amenées par la Lune Rouge arrivent privées de tout pouvoir particuliers. Elles arrivent comme de simples personnes, tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Et même si j'ai été très malheureuse de perdre une partie de mon identité, je me dis que ce n'est pas plus mal. Certains individus auraient simplement été trop dangereux pour un endroit si petit et si peuplé ...

Evidemment, il reste l'hypothèse où certains pourraient un jour retrouver les pouvoirs de destruction redoutable qui datent de leur ancienne vie. Mais Ophélie ne tient pas à appuyer sur ces hypothèses pessimistes voire alarmiste. De toutes façon la manière dont la ville décide de redonner des pouvoirs à certains habitants ne semble répondre à aucune logique particulière. C'est à peine si elle a pu remarquer que souvent les personnes qui sont le plus victimes des machinations complexes de la ville ont généralement plus tendance à retrouver vite leurs talents. Mais ces observations n'ont rien d'une étude statistique rigoureuse et n'ont donc pas beaucoup de valeur ...

Elle s'arrête un instant devant la vitrine réservée aux Cybertroniens. Elle cligne des yeux, un instant surprise mais finit par hocher la tête en observant avec plus d'attention la petite maquette. L'objet a beaucoup de succès auprès des jeunes enfants qui ont tendance à aimer l'objet qui marie deux passions répandues chez eux : Des robots et des voitures. La proposition du visiteur d'aider à améliorer le matériel pédagogique mis à disposition du visiteur fait naître un sourire sincère sur les lèvres de l'apprentie-archiviste.

- Toute contribution pour aider à mieux informer le public est la bienvenue.

Elle poursuit la courte visite, ce qui fait naître des réactions chez son visiteur. Elle écoute ses commentaires avec un vif intérêt et finit par remonter ses lunettes du bout de sa main gantée.

- C'est un sujet à la fois complexe et fascinant. Je n'en ai personnellement que des connaissances fragmentaires. Je ne sais par exemple pas quoi penser de ce que vous affirmez à propos des morts ... je suis incapable de dire si ils viennent d'une temporalité différente du même univers ou de deux versions différentes mais très proches de l'un d'entre eux.
Je ne sais pas non plus si ce que vous affirmez à propos de la Terre est vrai. Je n'ai personnellement jamais posé le pied sur la Terre mais nos arches orbitent autour de l'emplacement d'une planètre détruite. Alors qui sait ... ?

Il suffirait d'un et un seule contre-exemple parmi toutes les personnes habitant l'île pour réfuter cette hypothèse. Mais encore une fois c'est très difficile d'estimer si la description que font certains de leurs univers ne sont pas une version alternative très éloignée de ce qu'il est commun d'appeler la Terre. Elle s'arrête devant une des vitrines, représentant des maquettes de vaisseaux, dont un gigantesque qui a la taille et la forme d'une petite lune.

- Regardez les habitants de cet univers, qui utilisent des vaisseaux spatiaux et se battent avec des épées faites de lumière ... heu ... de lasers je veux dire.

Perdue dans le fil de ses pensées, elle livre à haute voix l'aboutissement de sa réflexion sans se rendre compte qu'il manque dans ses paroles un gros bout du raisonnement qu'elle vient de tenir dans sa tête.

- Aucun ne semble avoir décrit de Terre, mais est-ce qu'on peut exclure qu'une des planètes qu'ils décrivent est une version de ce qu'on va appeler "Terre Originelle" ?

Si quelqu'un a la réponse, ce n'est pas la jeune employée de Musée ... Tant de questions se posent et il existe si peu de moyens d'obtenir des réponses. Cette ville est frustrante pour les gens avides de compréhension et de cohérence comme Ophélie. Celle-ci finit d'ailleurs par grimacer et en remontant une fois encore ses lunettes de façon machinale, marmonne avec ce qui peut ressembler à de la mauvaise humeur.

- Si seulement ce qui se passe avec cette fichue Lune Rouge était connu. Sans parler de cette satanée Ville.

Il existe une logique derrière tout ça, c'est évident. Un (ou plusieurs) grand horloger préside nécessairement à cette grande mécanique, même si tout parait confus et chaotique de leur point de vue.
Ophélie serait prête à admettre toutes les explications, mêmes les plus farfelues, pourvu qu'elles expliquent ce qui se passe ici ... Sont-ils les jouets de puissances supérieures inconnues qui s'amusent à les regarder s'agiter comme un enfant regarderait des fourmis dans un vivarium ? Sont-ils (comme certains l'affirment), enfermés dans une simulation informatique réaliste au point de ne pouvoir douter de ses sens ? Sont-ils morts et incapables de le comprendre, déambulant dans un purgatoire étrange et flou ? Ces explications relèvent toutes de la science fiction ou de la métaphysique de comptoir mais pourtant ce qu'ils vivent dépasse ce que beaucoup d'auteurs ont pu imaginer en terme d'étrangeté ...

Un sourire doux effleure les lèvres d'Ophélie alors que Jack lui explique connaître Wall-e et décrit les goûters et les leçons de botanique qu'ils partagent. Elle commente avec une grande bienveillance dans la voix.

- Oui. Ca lui ressemble bien.

Elle écoute les commentaires du visiteur sur son corps. Un peu surprise que l'homme se confie, elle écoute pourtant avec une oreille attentive et compassée, hochant la tête alors qu'il fait part des difficultés qu'il vit au quotidien.

- Je comprend oui ... beaucoup de gens ont changé drastiquement d'apparence. Wall-e et moi avons fait longtemps de la rééducation ensemble.

Et fort malheureusement pour Ophélie, elle continue encore à ce jour alors que Wall-e a réussi depuis longtemps à maîtriser sa bipédie. Elle jette un rapide coup d'oeil autour d'eux, vérifiant d'un regard qu'aucun autre visiteur ne réclame son attention ailleurs. Hormis le compagnon miniature de Jack qui semble pris d'une frénésie avec la complétion de son jeu, tout semble calme. Elle estime donc pouvoir poursuivre sa marche ainsi que sa conversation. Elle écoute d'une oreille attentive les commentaires que l'ex-robot fait de son monde et se contente de sourire avec amabilité. Naturellement curieuse de tout ce qui l'entoure, elle se ne lassera jamais d'entendre quelqu'un parler de son monde natal, surtout qu'il s'agit bien souvent de souvenirs très précieux pour ceux qui les partagent.

En revanche, la réaction de Jack sur le sabre iconique d'un certain univers de science fiction la fait sourire et commente.

- En admettant que le manche du sabre contienne une source d'énergie autonome suffisante pour alimenter un faisceau laser suffisamment puissant pour blesser, j'ignore le principe physique qu'ils utilisent pour arrêter le faisceau à une distance voulue pour former une "lame".

Et elle précise à toute fin utile.

- Le modèle exposé est une réplique, naturellement. Elle n'est pas fonctionnelle.

Il manquerait plus que le Musée contienne des armes létales ... Au pire expose t'il des armes blanches sous vitrines solides afin que personne n'ait l'idée de poser la main dessus. L'attention de Jack est évidement attirée également par les droïdes qui semblent avoir des formes et des fonctions très variées pour autant qu'ils puissent en juger.

- Ils ont l'air d'êtres sympathiques hasarde t'elle. Je ne connais pas leur degré d'autonomie. Ils sont manufacturés par les races intelligentes et beaucoup ont l'air d'avoir une fonction bien définie. Certains ont l'air d'avoir un rôle industriel, médical ou ...

Elle fait clairement une moue en prononçant le mot.

- ... guerrière.

Quant au sujet des pouvoirs qui est brièvement abordé, il est si vaste qu'il fait prendre une grande inspiration à Ophélie qui prend le temps de remonter ses lunettes et entame sa réponse très inspirée avec un simple mot.

- Alors ...

On sent à l'intonation que c'est là le début d'un grand monologue.

- Je ... n'ai pas grand chose à dire en tant qu'archiviste de ce Musée. Car nous n'exposons que des faits scientifiques prouvés ou des phénomènes observables avérés ...

Puis, avec une intonation différente et une voix plus réduite, elle confie.

- Mais parmi toutes les hypothèses que les très nombreux chercheurs élaborent, j'ai tendance à me rapprocher de l'idée que la "Ville" ou les entités qui la dirigent sont conscientes ... Et que plus de l'attention est accordée à certains de ses habitants, plus elle place d'embuches sur leur route, plus ils retrouvent des pans de leur passé. La corrélation est assez importante entre personnes qui témoignent avoir retrouvé des capacités extraordinaires et personnes qui déclarent avoir subi des incidents de nature inexpliqués.

Avec la moue coupable de quelqu'un qui vient de faire un aveu un peu honteux, Ophélie se redresse et adopte ensuite une attitude digne et détachée, affectant de ne rien avoir dit. Reprenant l'intonation sûre et forte de brave employée du Musée, elle complète.

- Il existe des dizaines d'ouvrages de référence traitant du sujet et beaucoup d'études statistiques et comparatives ont été tentées. Rien ne fait encore consensus mais beaucoup de pistes intéressantes sont développées. Certains sont consultables dans les archives du Musée, il suffit d'en faire une demande.

Ophélie parait satisfaite au terme de cet exposé.

Ophélie semble surprise par la question du visiteur, lorsque celui ci l'interroge sur le résultat de la rééducation qu'elle vient de mentionner. Elle est tentée de faire une réponse élaborée, expliquer que sa situation est difficile et que tous ses efforts de rééducation ne font que la rendre un peu moins maladroite dans son quotidien, sans véritable espoir d'amélioration notable. Mais parler de sa vie privée avec un visiteur (même ami de Wall-e) ne serait pas très professionnel ! Elle répond alors de manière plus sobre.

- Ca m'aide, oui.

Une réponse à la fois honnête et tout à fait convenable. La rééducation lui permet de mener une vie à peu près normale et d'exercer son emploi ici au Musée où avori une grande dextérité n'est pas un prérequis majeur.

Une fois encore, elle écoute toutes les choses que le visiteur lui raconte. Mais rapidement il est visible sur sa tête que tout cela la dépasse.  Energon, Optimus, Pistolet à trou noir, Waverly. Il n'y a que l'expression "Musique de tetris" qu'elle comprendre et qui semble faire apparaître un semblant de sourire sur son visage.

- Je ... dois vous avouer que j'ai un peu du mal à suivre tout ce que vous me dites.

Confesse t'elle avec un sourire navré.

- Mais je suis sincèrement heureuse si l'exposition vous intéresse et vous inspire.

Les visiteurs restent rarement de marbre à la vue des témoignages sur l'univers dans lequel ils vivaient il y a 4 années de cela. Certains sont enthousiastes. D'autres tristes. Ca aide certains à faire le deuil et d'autres évitent cette salle comme la peste, de peur de déclencher l'apparition de souvenirs qu'ils veulent oublier.

Le visiteur fait quelques commentaires sur la guerre. Et sur la propension qu'ont les races intelligentes à s'entretuer. C'est un commentaire fréquent et Ophélie ne peut qu'acquiescer avec un air nostalgique.

- Il parait que l'Histoire se répète sans cesse et que les mêmes causes mènent aux mêmes conséquences dans l'histoire humaine. Enfin ... pour les autres espèces également semble t'il. Un des devoirs de l'Histoire est justement de garder trace du passé dans la mémoire collective et de permettre aux gens de ne pas reproduire les mêmes erreurs.

Mais à la vue de toutes ces armes et tous les récits guerriers qui constellent les petits panneaux sur chacun de ces univers, Ophélie grimace un peu.

- Du moins ... on essaye. Avec des taux de succès très mitigés parfois ...

La mémoire collective semble régulièrement oublier. Il s'agit même parfois d'une démarche volontaire entamée par des gouvernants qui veulent réécrire l'Histoire à leur façon, pour servir des intérêts nationaux ou personnels. Quand l'Histoire commence à être vue au travers d'un prisme déformant, qu'elle sert à attiser des rancunes, des haines ou justifier la possession légitime d'une terre ou d'une ressource, il ne faut pas s'étonner qu'on réussisse à convaincre des tas de gens à s'en prendre à son voisin.

Ophélie s'est souvent interrogée sur les motivations de la Ville, qu'elle soit consciente comme elle vient de le suggérer au Visiteur ou dirigée par un obscur conseil de gens à l'identité et aux motivations inconnues. La seule chose qu'elle voit est que, de son côté, elle n'a JAMAIS reçu la moindre directive concernant les expositions supposées être faites dans son Musée. Pas de consignes politiques ou morales, pas de demandes expresses des autorités pour honorer tel ou tel personnage historique. Elle s'estime très indépendante et fait de son mieux pour rester la plus objective possible en toutes circonstances quand il s'agit de présenter des choses au public. Elle laisse ses petites idées au placard des opinions et les récupère avant de rentrer chez elle le soir.

Mais puisqu'ils en sont à évoquer la nature de ce que peut être la Ville ... elle répond avec prudence.

- C'est une hypothèse parmi d'autres. A titre personnel je la considère avec de plus en plus de sérieux, même si, je vous le répète, il s'agit d'une opinion et rien de scientifique n'etaye définitivement cette idée.

C'est indispensable de le préciser.

Quant à savoir si on peut dire qu'on peut s'estimer chanceux d'être ici, Ophélie pince les lèvres. Elle a toujours vécu son départ de son monde comme la malédiction la plus terrible qui lui soit jamais arrivée. Bien pire que son accident de miroir qui pourtant lui a arraché une bonne part de son identité à l'époque. La seule chose qu'elle puisse affirmer c'est :

- Les cas d'amnésie sont très courants oui. Je peux imaginer qu'avoir conservé ses souvenirs est statistiquement une chance.

Quant à savoir si VRAIMENT il n'aurait pas mieux valu que tout le monde oublie son ancienne vie plutôt que porter le deuil de ses origines, elle croit que personne n'est capable d'y répondre ... Rien que repenser à sa famille et à sa fratrie disparue serre le coeur de l'apprentie-archiviste. Elle se sent si seule au milieu de cette ville depuis toutes ces années ...

Un silence s'installe, au court duquel les verres des lunettes de la jeune femme blanchissent à vue d'oeil, donnant l'impression que son regard se perd dans un brouillard. Il faut que le minuscule robot de Jack lui tire le bas de la robe en émettant des bips joyeux tout en agitant un "carnet de recherche" intégralement rempli. La jeune femme baisse sur la petite machine un sourire plein de mélancholie alors qu'elle tend la main pour récupérer les feuillets.

- Eh bien, tu ne perds pas de temps. On va regarder le résultat de ces recherches et aller te chercher le cadeau qui récompense les travaux scientifiques sérieux alors, hein ... ?

La question de Jack fait hésiter Ophélie pendant quelques instants.

- Hmmm ... beaucoup d'enfants le prennent. Mais assez peu d'entre eux ont la patience d'aller jusqu'au bout.

Elle adresse un sourire indulgent, laissant le soin au robot d'imaginer ce qui peut se passer quand on amène des enfants au Musée.

- Je retrouve souvent les feuillets transformés en avions en papiers ou en pliages.

Quand ils ne sont pas tout simplement réduits en boules. Le manque d'intérêt des jeunes pour les objets anciens et pour le passé est un sujet qui a toujours attristé et consterné l'apprentie archiviste. Elle n'arrive pas à comprendre que des enfants ne trouvent pas d'intérêt dans ces expositions merveilleuses. Pourtant pour autant qu'elle s'en rappelle, le sujet l'a toujours fascinée et elle adorait rendre visite à son vieil oncle sur son lieu de travail, dans les archives familiales d'Anima.  Il faut croire qu'avant même son accident de miroir, depuis son plus jeune âge, Ophélie était déjà une enfant spéciale.

- Beaucoup de parents semblent éprouver des difficultés à limiter les débordements ou les démonstrations d'ennui de leurs enfants quand ils visitent le Musée. Les outils pédagogique mis à leur disposition tentent de les aider un peu ...

S'occuper d'enfants a l'air d'être une tâche épuisante qui demande des ressources en patience et en énergie que Ophélie ne possède pas. Chaque mercredi (jour officiel des enfants) est un enfer pour elle. Elle sait qu'elle finira la journée épuisée et avec des traces de doigts partout dans son Musée qu'elle devra patiemment nettoyer. (L'équipe de nettoyage fait son travail avec sérieux, bien sûr. Mais ils ne refont pas les vitrines tous les jours).

Le Musée n'est pas si grand, quelques instants de marche suffisent pour qu'ils rejoignent l'entrée et que Ophélie passe derrière le comptoir d'entrée et la petite guérite qui sert de bureau. Elle disparait un court instant sous le comptoir, le temps d'aller chercher dans un carton la juste récompense de Tink.

- Et voilà.

Dit-elle en posant sur le comptoir une petite pochette plastique contenant un petit carnet, un crayon et un ballon de baudruche, tous estampillés avec le logo du Musée. L'écharpe, rancunière, tente de balayer la pochette et de la jeter au sol mais Ophélie l'empêche et une fois encore, reglisse ses pans bien au chaud sous le col de sa robe.

- Le carnet et le crayon, c'est l'outil de base de tout bon scientifique !

Elle même se sépare rarement de ces accessoires. Le temps que le minuscule robot prenne possession de ses nouveaux accessoires ( évidement, il finira par tendre le ballon en direction de Jack, le seul membre du duo équipé de poumons fonctionnels), Ophélie revient sur les sujets précédents.

- L'étude des univers d'origine des habitants de la Ville est un sujet à la fois complexe et passionnant. De nombreuses théories existent déjà sur le sujet et beaucoup de chercheurs tentent d'établir des recensements. Certaines approches novatrices   tentent même d'établir des liens de parenté entre certains des univers et réalisent des classements qui ressemblent fort à des taxonomies génétiques. Une des hypothèses en vogue est qu'il existerait un monde de référence appelé "Terre Originelle" qui posséderait des caractéristiques desquelles tous les autres univers seraient plus ou moins lointainement dérivés. Si le sujet vous intéresse, je peux vous recommander des ouvrages. C'est de la littérature scientifique, donc un petit peu ardu par moment. Mais c'est passionnant.

Oh oui ... s'occuper d'enfants a l'air d'être quelque chose d'épuisant. Elle sourit et hoche la tête avec amabilité au père d'adoption qui s'étonne des progrès de son mini-moi mais intérieurement ca ne fait que la conforter dans ses choix de vie.

De toutes façons, envisager de fonder une famille ou même d'entrer dans une relation dans ce monde parait totalement inconscient. Elle a plus que jamais la ferme intention de quitter ce monde un jour ou l'autre et jamais elle ne considèrera sa vie comme étant pérenne.

Mais bref, ce n'est pas le sujet du jour. Elle est heureuse de remettre au minuscule robot sa récompense et semble plus ravie encore de pouvoir partager avec le visiteur son intérêt pour les sujets qui lui tiennent à cœur. Faute de comprendre elle même toute la mécanique qui préside aux multivers et à la coexistence de leurs individus au sein de la Ville, elle se fait un devoir de partager tout ce qui est possible de savoir dans l'espoir qu'un jour quelqu'un comprenne et parvienne à ceux qui sont coincés ici de rentrer chez eux.

Elle va donc chercher un carnet (un de ses propres carnet de travail qu'elle consacre au sujet) et commence à recopier un certain nombre de références sur un feuillet vierge. Malgrès le port permanent de gants et sa grave maladresse, elle parvient à écrire avec une relative fluidité.

- Je vous met d'abord les ouvrages les plus généralistes, qui seront très bien pour une première approche.

Modernité faisant, elle pense également à ajouter.

- Oh et ... je vous met également en référence quelques vulgarisateurs sur les réseaux sociaux dont les propos à ce sujet sont intéressants.

Pas des charlantans, non non. Mais des gens dont les propos et les sources sont mesurés. La vidéo rend le sujet accessible au tout venant et Ophélie estime que c'est une bonne manière de faire découvrir le sujet à des gens qui n'auraient pas vocation à spontanément entrer dans des bibliothèques.

- Et ici ... les ouvrages plus confidentiels. Puisqu'ils sont plus rares, je vais vous indiquer dans quelles bibliothèques j'ai pu les trouver.

La recopie à la main prend un certain temps. Peut être que Ophélie devrait un jour envisager de créer des bibliographies "toutes prêtes" à imprimer en cas de besoin. Il faudrait qu'elle trouve le temps pour ça. I y a tant de choses à faire quand on s'occupe d'un Musée, bien plus que l'on soupçonne ... Heureusement que pour l'apprentie archiviste, tout ca s'apparente à une passion à laquelle elle se consacre avec plaisir.

La remarque du visiteur est ... étrangement pertinente. C'ets vrai qu'un ordinateur pourrait être adapté dans cette situation, non ?

- Heuh ...

Ophélie a un temps d'arrêt.

- J'imagine que ... ce serait faisable ...

La vérité c'est qu'elle n'y a tout simplement jamais songé.

- Je ne sais pas trop. Je me débrouille pas si mal avec mes fiches ...

C'est une fille à l'ancienne, Ophélie. Elle aime le papier et le stylo. Le Musée possède un vieux modèle d'ordinateur dans le bureau (les dotations publiques, vous savez ce que c'est hein. C'est pas un foudre de guerre ...). Elle l'utilise principalement pour classer de la documentation, des factures ou réaliser des tableaux d'inventaires de pièces. Rien qui ne saurait être beaucoup plus efficace que des archives papier triées dans des tiroirs avec un système d'index bien pensé.

- Je devrais y songer

Admet t'elle à contrecœur, tout en remontant ses lunettes sur son nez. L'utilisation du papier n'empêche pas le visiteur de consulter la liste et de déjà faire un premier tri au milieu de celle-ci. La mention d'un portail entre dimensions fait avoir un sourire un peu pincé à Ophélie qui se contente de hocher la tête, incertaine de la réaction qu'elle est supposée avoir face à cette déclaration.

- Ah oui ? Oh heuh ... très bien.

Elle sait en son fort intérieur qu'hélas, ceux qui ont déjà essayé de changer de dimension ou de remonter dans le temps se sont vus essuyer des échecs cuisants. Mais n'est ce pas le principe de la science d'explorer toutes les voies, mêmes celles qui mènent possiblement à l'echec ? Non, plutôt que faire part de son scepticisme, mieux vaut qu'elle annonce de manière plus positive.

- Ce serait une grande première.

C'est plus motivant que de s'entendre dire "Je pense que c'est peine perdue, monsieur !"

Comment décrire l'ordinateur utilisé par le Musée ? Ophélie parait un instant décontenancée avant de faire de son mieux pour le décrire.

- Heu ... et bien ... il a un écran, un clavier, une imprimante, une espèce de mulot et il a beaucoup de poussière dessus ... ? Il doit être vieux.

Oui il ne faut pas en demander beaucoup plus à Ophélie question technique. Elle utilise la technologie parce qu'elle vit plongée dedans depuis 5 ans mais ca n'en fait pas pour autant une utilisatrice très avertie sur la question.

Elle ne sait pas quoi penser de ce drôle de visiteur qui parle d'ouvrir des portails en ville et a montré un enthousiasme tout particulier pour tous les sujets tout au long de la visite. Heureuse d'avoir contribué à orienter un visiteur curieux et à su entretenir son intérêt, Ophélie fait un petit signe de la main de sa main gantée

- Au revoir. Mes amitiés à Wall-e si vous le croisez.

Travailler dans un Musée qui manque singulièrement de fréquentation est parfois un peu ennuyeux mais contrepartie il permet à la jeune Apprentie Archiviste de se rendre disponible pour que ce genre de rencontre soit possible.