Il n'y avait pas beaucoup de monde avec qui il pouvait avoir des conversations parlons d'huile de vinaigre et de pot à épices vivants. Tout ceci lui semblait vraiment avoir quelque chose d'étonnement familier et il ne savait pas pour quelles raisons il éprouvait cela face à cette femme inconnue dont il était pourtant sûr qu'il l'avait déjà croisée quelque part auparavant. Cela dit, si elle avait été un Ood, il ne lui serait pas possible de la reconnaître puisqu'elle n'avait plus la même forme. Il n'avait jamais eu de réflexion philosophique avec un Ood, mais son esprit n'était pas toujours cohérent et en manquait même relativement souvent.

Un autre indice, puisqu'il en fallait encore, c'était que cette femme semblait apprécier la barbarie d'un combat réel entre les pièces d'un jeu et il semblait que cela lui faisait plaisir de les imaginer s'étriper. Il y avait un certain nombre de personnes qui pouvaient être accros à la violence, mais il n'y en avait pas tant que ça dans l'entourage du Docteur car, comme il le disait lui-même, il choisissait soigneusement les amis qu'il avait. Tous n'étaient pas des modèles de bonté mais la plupart valaient beaucoup mieux que lui et il le faisait exprès car ainsi, la force la plus sombre à laquelle il devait se confronter était lui-même, quand il n'affrontait pas des ennemis tous ensemble évidemment.

« Vous aimez donc jouer à la guerre ? Mais à partir de quand dépasse-t-on le cadre du jeu pour que la guerre devienne une vraie guerre, sachant qu'il y a des créatures vivantes qui perdent quelque chose de vivant dans l'affaire ? »

Réflexion philosophique s'il en était, mais il avait l'impression qu'elle était capable de le suivre sur ce terrain. Une autre pensée lui vint qui n'avait absolument rien à voir. C'était un peu plus matériel mais non moins intéressant à réfléchir. La destruction entraînait-elle une reconstruction où chaque partie demandait-elle d'acheter de nouvelles pièces ? Cela devait revenir cher si l'on était dans le seconde cas. Cela dit, il s'agissait de magie. Il n'était pas impossible que la magie règle la question. Mais il n'en savait rien et il n'en avait pas la certitude. Cette femme en avait entendu parler et elle était peut-être au courant après tout.

« Savez-vous si les pièces se reconstruisent toutes seules ? Si on doit en racheter à chaque fois, cela doit revenir cher vous ne croyez pas ? »

Il n'avait jamais expérimenté le jeu à trois, mais c'était sûrement une façon intéressante de jouer. Effectivement, cela devait obliger les joueurs à d'autres stratégies mais c'était justement un jeu où la stratégie était à l'ordre du jour. Il paraissait donc assez logique de penser que la gestion de nouvelles stratégies était une avancée intéressante du jeu. Il hocha la tête en semblant approuver ce raisonnement, mais il était plus intrigué par la véritable identité de cette femme dont il était sûr qu'elle n'avait rien d'une véritable étrangère. Il l'avait déjà rencontrée sous une autre forme, même s'il avait bien établi qu'il ne s'agissait pas d'un Ood.

Mais il ne s'attendait pas au Maître. À bien y penser, il ne douta pas qu'elle lui ait dit la vérité. D'abord, parce que pour se prétendre le Maître, il fallait le connaître, et il ne voyait pas parmi les êtres vivants qui le connaissaient qui pourrait se prétendre lui sans l’être et avec fierté. Et ensuite, parce que tous les indices qu'elle avait laissés sur son chemin étaient concordants avec cette identité. Il paraissait donc logique qu'elle soit qui elle prétendait être. Il eut un geste de recul spontané. Le Maître ne l'avait pas habitué à se montrer pacifique et il ne pouvait pas être sûr qu’il n'y ait pas un danger qui approche.

« Par toutes les folies de l'espace et du temps, pourquoi fallait-il que ce soit toi qu'on nous ramène ? Remarque, quitte à devoir être confronté à un autre Seigneur du Temps que moi, je ne suis pas sûr qu'un autre choix aurait été meilleur. »

Après tout, le Conseil avait rendu fou le Maître dans le seul but de se préserver et le Docteur avait toujours pensé que son vieil ami n'aurait jamais été aussi compliqué à vivre s'il n'y avait pas eu cette intervention du Conseil. Malgré tout, sa folie à lui serait moins compliquée à gérer que celle du Conseil tout entier, dont il commençait à soupçonner qu'elle était présente dans chacun de ses membres. Le choc passé, il la regarda avec une curiosité mesurée, comme si rien ne pouvait lui faire plus plaisir que de faire la conversation avec quelqu'un qui avait essayé de le tuer et d’annihiler l'humanité à diverses reprises.

« Et donc, comment ça va depuis que tu n'es plus président ? Tu n'as encore pas commis de génocide, ici ? Je suppose que j'en aurais entendu parler. »