Crossing Paths of the Cunning || ft. Pam

Éric avait accordé à Pam sa soirée. Elle en avait profité pour aller au 10 o’clock pour voir des affaires avec Kim sur la tenue du bar. Ce n’était pas de tout repos de devoir cogérer le Fangtasia avec Éric et de s’occuper aussi du 10 o’clock, mais Pam était ravie. Déjà, parce qu’elle était une habituée du commerce depuis toujours, mais aussi et surtout parce qu’elle se sentait de plus en plus elle-même. Elle faisait des choses avec son créateur et Godric pour le bar et en même temps, elle se retrouvait propriétaire d’un autre établissement. Cela avait été un très beau cadeau de la part d’Éric.

C’est donc après son tour d’inspection au ten qu’elle se retrouva dans les rues de Racoon Square pour profiter de la fin de la soirée (ou plutôt de la nuit). Elle marchait en profitant des petits bonheurs de la vie maintenant qu’Éric était à nouveau dans son quotidien. Quand soudain, elle remarqua un homme sur l’autre trottoir. Elle rêvait où il portait sur le nez ce qu’elle croyait qu’il portait ?! Elle ne parlait pas du fait de porter des lunettes la nuit, mais CES lunettes-ci ! Elle changea de trottoir et s’approcha de lui quand elle entendit une bande de jeunes se moquer de lui. Plus particulièrement de ses lunettes. Les idiots… Pam suivit la conversation de loin et continua de regarder la scène. L’homme finit par leur montrer ses yeux, qu’elle ne vit pas à cause de son placement. Cela suffit à faire fuir les jeunes. Elle se rendit compte qu’elle continuait de le fixer quand il s’adressa à elle.

- Bonsoir. Jolies lunettes. Édition limitée avec numéro de série si je ne m’abuse.  

Pam s’approcha de l’homme, l’observant en entier sans cacher un seul instant ce qu’elle faisait. Cela aurait pu paraître extrêmement mal venu et insultant pour un grand nombre de personnes, mais elle s’en fichait. En plus, elle ne faisait pas ça pour se montrer médisante ou outrancière. Elle était en train d’inspecter avec insistance le reste de la tenue de l’homme devant elle. Il avait du style, ça se voyait tout de suite, mais c’était plus que ça. Il portait des pièces de qualité et il le faisait avec style. Cela faisait très longtemps qu’elle n’avait pas croisé une personne avec autant de bon goût. Et l’argent qui allait avec parce que sa tenue équivalait largement à un mois de salaire pour une personne lambda.

Elle leva la main délicatement et l’approcha du nez du charmant inconnu. Avec beaucoup de douceur, elle fit descendre les lunettes de quelques centimètres sur l’arête de son nez. Ses yeux étaient aussi incroyables que ravissants. Elle aurait eu tort de louper ça.

- Jolis yeux aussi.  

Elle replaça les lunettes avec toujours autant de lenteur et d’attention. C’était un geste qui était presque intime. C’était sans doute le cas d’ailleurs si l’on considérait qu’ils venaient de se rencontrer et qu’elle voyait visiblement quelque chose qu’il cherchait à cacher.

- Dommage qu’ils ne lancent pas des éclairs pour donner une bonne leçon à ses péquenauds.

Elle recula d’un pas, lui laissant un peu plus d’air et ne rentrant plus aussi frontalement dans son espace vital.

Pam remarqua le 666 sur les lunettes de sa nouvelle rencontre. Cela l’amusa et la fit sourire intérieurement, mais elle ne s’imagina pas tous les sous-entendus que cela cachait. Par contre, elle savait qu’il avait dû faire une requête spéciale pour avoir ce chiffre en particulier. Cela rendait l’homme d’encore plus bon goût à son avis. Un brin dark peut-être, mais elle était un vampire (pas en ce moment, mais elle se considérait toujours en tant que tel), elle n’allait pas le juger pour ça. Et puis les gens qui avaient du style aimaient bien ce genre de symboliques. C’était le côté artistique.

Il lui indiqua qu’on ne lui avait jamais dit ça pour ses yeux. Elle fut surprise, car la beauté du regard de l’homme lui était apparue comme une évidence. Bien sûr, elle était habituée au paranormal et elle avait côtoyé des yeux bien différents de ceux des humains, mais tout de même.

- Et bien, si vous aviez rencontré des personnes de goût, ça aurait dû être un compliment récurrent.

Pam eut un sourire en coin quand l’homme lui indiqua que les éclairs, c’était trop spectaculaire. Il n’avait pas tort, c’était bien plus drôle de faire les choses avec plus de subtilité. Mais voir la terreur dans les yeux des mortels était aussi quelque chose de très amusant pour elle. Il n’avait cependant pas dit que c’était impossible pour lui de faire ce genre de choses, simplement qu’il voulait une autre approche. Intéressant.
Paméla, enchantée.

Elle l’était vraiment, ce qui était rare. Mais elle sentait elle aussi qu’ils pourraient bien s’amuser tous les deux. Elle regrettait de ne pas être a nouveau un vampire pour suivre les jeunes et leur donner une bonne leçon. Elle s’apprêtait à en faire part à sa nouvelle connaissance (qui n’était visiblement pas un simple humain même si elle ne savait pas encore qui il était) quand elle entendit du bruit dans la rue. Les jeunes revenaient vers eux avec encore plus de monde. Ils étaient une dizaine maintenant et visiblement, ils étaient là pour faire des histoires.

- Hey, le démon, tu t’es trouvé une petite copine ? Tu veux qu’on rigole un peu tous ensemble ? Parce que t’es un putain de monstre.

C’était le même mec qui avait déguerpi sans demander son reste plus tôt. Il avait une batte de baseball dans les mains.
Paméla remarqua que les passants dans la rue observaient la scène, mais que personne ne prendrait parti dans l’histoire. Elle en avait assez de cette ville où elle passait son temps à se faire emmerder par des cons. Mais elle avait bien appris quelque chose, c’était de ne plus être sans défense. Elle sortit calmement un pistolet de son petit sac à main de couturier. Aux grands maux, les grands remèdes.

- Partez calmement avant que je ne vous montre que je sais m’en servir.

Elle leva donc l’arme en direction de la tête du premier très froidement. Elle distingua vaguement dans son champ de vision que la rue se désemplissait depuis qu’elle avait sorti l’arme. Elle allait avoir des problèmes… Elle jeta un coup d’œil à son acolyte avant de reporter son attention sur le groupe de jeunes. Ils semblaient hésiter.

Crowley était visiblement un homme de bon goût, mais cela allait plus loin que juste des vêtements de luxe et des lunettes en série limitée. Il avait une façon de parler de la vie qui plaisait beaucoup à Pamela. Ce n’étaient pas seulement les mots qui sortaient de sa bouche, mais il avait une façon de dire les choses qui lui faisaient penser qu’il s’agissait d’une personne loin d’être banale. Elle savait déjà qu’il était assez unique avec ses magnifiques yeux, mais elle apprit aussi qu’il avait vécu plusieurs siècles. Elle ne savait pas ce qu’il était, mais il lui plaisait.

- Audace et folie. Bien sûr que je suis partante. C’est un plaisir de rencontrer une personne digne d’intérêt au milieu de ce ramassis d’humains.

C’était peut-être un peu exagéré d’insulter les humains de la sorte alors qu’elle était toujours humaine elle-même, mais elle savait qu’un jour ou l’autre, elle redeviendrait vampire. Et puis elle avait passé trop d’années en tant que vampire pour se sentir autre chose au final. Surtout, depuis qu’elle avait revu Éric et qu’elle savait qu’un retour à son ancienne vie était possible.

Pamela fut encore plus sous le charme quand elle vit Crowley claquer des doigts et transformer la batte de baseball en un ridicule jouet pour chien. Elle se sentait un peu ridicule avec son arme à feu d’humaine comparer à de tels pouvoirs. En-tout-cas, Crowley ne cessait de la surprendre de la plus agréable des manières.

- Impressionnant. J’avoue que je suis ravie de partager ce moment avec vous. Voir la tête que font ses gamins est un plaisir qui me provoquerait presque des frissons d’enchantement.

Elle apprit ensuite qu’il était un démon. Cela faisait sens avec toute l’étendue de ses capacités. Elle se demandait à quoi ressemblait son quotidien avant d’être sur cette île. Cela devait être quelque chose de sacrément impressionnant de vivre dans les enfers.

Sans grande surprise, les gamins furent très impressionnés par les pouvoirs de Crowley. Difficile de leur en vouloir quand on constatait un tel écart de niveau. Pamela vit plusieurs des jeunes reculés d’un pas ou deux quand la batte fut transformée. Le leader ne semblait plus aussi sûr de lui. Il tremblait même. Cela amena un sourire cruel sur le visage de Pam. Après tout, ils avaient ce qu’ils méritaient. Personnellement, si elle avait été vampire, elle aurait été plus revancharde que son nouvel ami. Elle s’approcha de lui à sa demande et rangea son arme dans son sac, car elle savait qu’elle n’en aurait plus l’utilité. Elle posa une main sur l’épaule de Crowley et éclata de rire en l’entendant.

- Parler ? Je crois surtout qu’ils vont pleurer à cause de vous, mon cher.

La raillerie de Pam sembla énerver le petit chef du groupe. Il balança par terre le jouet en plastique. Jouet qui émit un couinement tout à fait pathétique en s’écrasant contre le trottoir. Visiblement, le gamin ne savait pas où était sa place…

- Ferme la, salope.

Il s’approcha rapidement de Paméla et serra le poing en levant son bras, prêt à frapper en plein visage…

Pam ne pouvait que se sentir flattée de la remarque de son nouvel acolyte. Si elle était une femme à son goût et qu’il avait manifestement très bon goût, elle ne pouvait qu’être ravie. Elle se contenta de lui répondre avec une petite révérence comme elle avait l’habitude d’en faire de son vivant. Enfin de son premier vivant si cela avait le moindre sens. Elle aurait très bien pu lui dire des compliments aussi parce qu’ils auraient été sincères, mais il lui semblait qu’ils se comprenaient au-delà des mots en cet instant.

Lorsque Crowley employa l’expression de « pleureuses bourguignonnes », Pam était hilare. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas entendu cette expression et c’était tout à fait à propos maintenant. Elle ne profita pas longtemps de cette dose de rire, car le chef du groupe s’énerva. Paméla ne s’énerva pas. Elle avait entendu pire et vécu plus douloureux qu’un coup-de-poing. Elle se préparait au choc quand elle vit que Crowley s’était positionné devant elle. Mieux encore, il avait saisi le gamin et le soulevait avec une aisance déconcertante.

Elle avait bien compris que son nouvel ami n’était pas humain, mais il était toujours impressionnant de voir un homme si mince arriver à ce genre de prouesse physique. Elle aussi quand elle était vampire, elle avait une force décuplée. Pourtant, elle ne s’y était pas attendue.

Crowley demanda au gamin de faire des excuses. L’humain était un être complexe. Capable de tellement de choses et si impuissant face à d’autres. Le petit chef semblait avoir vraiment peur pour le coup. Pour autant, il ne baissait pas les armes. Il gesticulait dans les airs, essayant de mettre des coups de pieds à Crowley. Ou bien c’était sa façon de gigoter pour retrouver le plancher des vaches, Paméla n’était pas sûre. Les autres gamins étaient toujours là pour la plupart, médusés devant le spectacle, ne sachant plus quoi faire. Une petite foule de passants curieux s’était arrêtée non loin d’eux aussi. Heureusement qu’il faisait nuit, il y avait tout de même moins de monde qu’en journée.

Paméla n’aimait pas attirer l’attention de cette façon. Elle avait aussi le sentiment que si Crowley mettait des lunettes de soleil, c’était précisément pour passer incognito… Loupé.
Le chef de la bande commença à pester dans les airs quand Crowley annonça qu’elle pouvait refuser les excuses si elles ne lui convenaient pas. C’était un mélange d’insultes, d’ordres de le reposer, de contestation, bref, on était loin des excuses « sincères et honnêtes ». Paméla pensait que se gamin ne comprendrait rien. Il n’avait pas envie de se rendre compte qu’il était un grain de poussière par rapport à Crowley et Pam en avait marre. Elle se décala, arma son bras de toute la force qu’elle possédait et frappa dans les parties intimes du gamin.

C’était plutôt « rural » comme approche, mais ça avait le plaisir d’être satisfaisant. Il se cramponnait à son appareil génital en gémissant. Au moins, ça l’avait fait taire.

- Même si je vous trouve assez sexy dans cette démonstration de force, j’ai l’impression qu’on attire beaucoup l’attention.

Elle jeta un regard par-dessus son épaule pour faire référence à la petite foule.

- On se replit dans un endroit plus tranquille ? J’aurais bien proposé une virée shopping, mais j’ai peur qu’on soit obligé de se contenter d’un verre ou d’une promenade au clair de lune.

Elle adressa un sourire en coin à son nouvel acolyte et pointa du doigt le gamin qu’il tenait encore au bout des bras.

- Je pense que vous pouvez laisser cette chose derrière nous. Ses amis prendront soin de lui.

Le spectacle… Elle n’y aurait pas forcément pensé d’elle-même, mais ça faisait sens. Il lui plaisait vraiment de plus en plus à son nouvel ami. C’est avec un grand sourire hypocrite qu’elle se laissa entraîner dans une salutation à leur « public ». Vraiment, les humains étaient ridicules. Elle entendit même un ou deux applaudissements.

Ils filèrent sans demander leur reste, bras dessus, bras dessous comme si tout ceci était parfaitement normal et habituel. C’était très drôle en y repensant. Crowley avait l’air d’être une personne hors du commun à bien des aspects et cela plaisait énormément à Pam.

Lorsqu’ils furent au bord de l’eau, loin de la foule et dans une partie moins animée de la ville, elle se sentit sourire à son compliment. Tendant une main devant eux, elle inspecta sa manucure.

- J’y ai mis toute ma force. J’espère l’avoir rendu stérile. Il ne faudrait quand même pas qu’un être tel que lui ait une descendance.

Après avoir bien vérifié que son vernis rouge, un Dior 999, la teinte iconique de la marque, était intact, elle tourna la tête vers son compagnon.

- J’aimerais en savoir plus sur vous. Je n’ai jamais croisé une personne pour qui j’ai autant de sympathie en si peu de temps. J’ai presque envie de dire, je n’ai jamais croisé de personne pour qui j’ai de la sympathie depuis 4 ans.

Elle lui lança un petit clin d’œil complice. Pam était difficile en matière d’amitié. Elle avait croisé quelques personnes agréables au cours de sa nouvelle existence de mortelle, mais très peu et pas avec autant d’intensité. Il y avait eu le gars du funérarium, mais ce n’était pas pareil. Ils n’étaient pas du tout du même monde lui et elle, même s’ils se comprenaient sur certains points.

Toujours était-il qu’elle était très heureuse de cette rencontre qui présageait de très agréable moment. Il était vraiment rare qu’elle montre de l’attachement à qui que ce soit. Encore plus aussi rapidement.

- Et puis il va falloir qu’on parle de votre force à vous aussi. Vous l’avez soulevé comme s’il ne pesait rien du tout.

Retirant son bras du sien, elle pressa doucement son biceps comme pour en sentir les contours.

- Vous cachez beaucoup de choses sous ses vêtements de luxe…

- Le pathétique à toujours un côté un peu drôle, vous avez raison.

Elle lui adressa un sourire et un petit clin d’œil. En réalité, même si sur le moment toute la situation l’avait bien agacée, elle savait qu’elle en rirait plus tard. Elle s’imaginait déjà tout raconter à Éric sur cette nouvelle interaction avec les humains. Elle espérait déjà qu’il serait fier de son coup de poing. Elle sourit encore plus quand son nouvel ami la prévient pour son vilain défaut de curiosité. C’était si simple de le dire comme ça.

- Ho si vous saviez… Je suis pleine de vices.

Elle eut un petit rire malicieux. Clairement elle n’était pas une sainte et elle le savait. Ce genre de considérations avaient assez peu d’emprise sur elle. Elle avait quitté ses parents jeune parce qu’elle ne collait pas à l’image raffinée et sans saveur qu’ils voulaient qu’elle devienne. Pam s’était toujours affranchi des règles de bienséance dans une certaine mesure. Cela pouvait déranger mais elle s’en fichait. Il y avait très peu de gens qui avaient un mot à dire sur sa façon d’être. A vrai dire, il n’y avait qu’Éric et c’était dans une certaine mesure.

- La Bible ? Oui je connais mais vous n’avez pas l’air d’être un prêtre. Je le sais, ils n’ont aucun sens du style.

Elle lui adressa un nouveau sourire en coin, avant de reporter son regard vers le fleuve. Bon, évidemment, il n’était pas humain. Cela se devinait à ses yeux assez aisément mais elle ne saisissait pas encore le lien avec la Bible. Après tout, elle-même n’était pas humaine -enfin en ce moment techniquement si-. Pourtant son vampirisme n’avait rien à voir avec le fait d’être une créature biblique. Elle avait compris, au fil de ses rencontres, que certains mondes se croisaient ici.

Chez elle, les vampires étaient reconnus par le reste du monde, le True Blood existait… Mais pour d’autres tout ça n’avait jamais eu lieu. Les vampires étaient parfois complétement fictifs ou bien des monstres. Même les pouvoirs n’avaient rien à voir selon les existences de chacun. C’était perturbant, elle devait bien l’avouer.

- Ça a un rapport avec mes vices ? Je n’espère pas car je crains de largement tomber dans la catégorie des pécheurs.

L’enfer tout ça, elle ne savait pas forcément quoi en penser. En étant devenue vampire, elle s’était affranchie de ce genre de questions. Peut-être qu’elle devrait en parler avec Godric. Après tout, il avait été un vampire et il s’était suicidé. Ça faisait deux fois plus de raisons de finir mal ça, non ? Est-ce que tuer des humains pour boire était un acte de suivi ou un meurtre ? La question ne s’était plus posée depuis bien longtemps… Et elle ne se posait plus du tout, puisqu’elle était à nouveau humaine. Mais elle était mortelle. Peut-être ferait-elle mieux de faire une petite prière ce soir. Cette pensée lui amena un sourire en coin. Jamais de la vie elle ne ferait ça !

- Je suis une femme charmante, mais je ne suis pas convaincue d’avoir un très bon caractère. Je suis curieuse, impatiente, snob, autocentrée, mais je fais tout ça avec classe.

Pamela n’avait absolument aucune honte à dire tout cela. Elle était loin d’être parfaite, mais elle s’aimait comme elle était. Elle ne recherchait l’approbation de personne dans la vie. Sauf peut-être celle d’Éric, mais elle pensait qu’il espérait surtout d’elle qu’elle soit elle-même. Il l’avait toujours préférée libre selon elle. Même si parfois, il devait aussi supporter son comportement de diva…

Elle l’écouta avec attention lorsqu’il lui parla de la Bible. Elle n’eut aucun mal à faire le rapprochement entre ce qu’il disait et les écrits. Après tout, même si elle s’était éloignée de tout ceci depuis très longtemps, elle avait eu une éducation chrétienne. Ses parents étaient de bonne famille, ils l’avaient emmenée à la messe quand elle était plus jeune avant qu’elle ne se rebelle et refuse d’y mettre les pieds.

- Le serpent ? Ça explique les yeux. Vous êtes donc quelqu’un de très puissant… J’en ai eu un petit aperçu. Quel est votre but ? Observer les humains et leur faire prendre les « mauvaises » décisions ?

Elle ponctua le mot mauvais par des accolades avec ses doigts pour bien faire comprendre que ce genre de jugement de moralité ne l’intéressait pas. Cela faisait partie des choses qu’elle avait laissées derrière elle en quittant ses parents. Elle avait décidé de vivre avec sa propre moralité et de se moquer de l’avis des autres. Après tout, elle s’était prostitué pendant un petit moment pour se nourrir avant d’arriver à être la matrone d’une maison close.
Pamela se sentit un peu déstabilisée quand Crowley lui demanda de parler d’elle à la suite de ça. Cela faisait 4 ans qu’elle ne s’était livrée à personne à part à Éric depuis peu. Elle n’avait lié aucun lien avec qui que ce soit ici. Du moins pas des liens profonds qui lui auraient demandé de se mettre à nu. Elle accordait une certaine confiance à son nouvel ami même s’ils s’étaient rencontrés depuis si peu de temps. Était-elle quand même prête à lui livrer des choses plus intimes ?

- Dans mon monde, je suis un vampire. Je ne sais pas si ce « concept » existe dans votre monde. Je me nourris en buvant du sang. J’ai une force décuplée, une rapidité exacerbée, des sens acérés. Je suis un genre de super prédateur pour les humains. J’ai été transformée par mon Créateur il y a plus de 100 ans. C’est une petite existence par rapport à la vôtre. Une relation très forte m’unit à mon Créateur. Nous avions un bar à vampire dans notre monde, que je co-gérais. On y vendrait de l’alcool bien sûr, mais aussi du True Blood, une boisson de sang synthétique. Cela permet aux vampires de se nourrir sans attaquer un humain.

Elle était restée assez vague sur beaucoup de choses, mais elle avait déjà l’impression d’avoir dit énormément de choses sur elle-même. Elle s’était livrée sur son grand secret du vampirisme et ce n’était pas simple. Elle devait expliquer des choses qui pouvaient la mettre en danger, surtout maintenant qu’elle était redevenue humaine. Elle n’osait en dire plus d’elle-même, mais s’il lui posait des questions, elle répondrait.

- Avec plaisir ! Cette ville a assez de bar pour que nous en trouvions un sympathique.

Elle s’écarta de la rambarde et lui tendit le bras comme on le faisait dans l’ancien temps. Bras dessus, bras dessous… Après tout, une jeune femme ne devait pas sortir en ville non accompagnée.

- Et vous alors ? Quel âge cela vous fait ? Comment le monde a-t-il évolué ?

Le but de la vie de son nouvel ami était bien loin des clichés qu’elle s’était imaginés. C’était bien plus intéressant selon elle et ça expliquait pourquoi elle le trouvait naturellement cool.

- Ce n’est pas ce que j’aurais imaginé, mais je trouve ça bien plus intéressant que tout ce que j’avais en tête. Profiter de la vie à fond. Et c’est précisément ce que nous allons faire dans ce bar ce soir, mon cher !

Quand il parla de l’origine des vampires, Pam écoutait avec toute son attention. C’était un sujet sur lequel elle savait assez peu de choses. Il semblait mieux s’y connaître qu’elle d’ailleurs.

- J’ai déjà entendu le nom de Lilith, donc, il me semble qu’elle soit à l’origine de toute la lignée, mais c’est assez flou. Je n’ai pas toutes les clés, mais j’avoue que ça ne m’intéresse pas toujours. Je suis plus comme vous, à essayer de profiter d'un maximum de bonnes choses. En revanche, le Tru Blood ce n’est vraiment pas terrible. Je dirais qu’on pourrait le comparer à ses trucs de régimes : une boisson qui couvre tous les besoins du corps, mais qui n’est absolument pas un repas plaisir !

Elle ne savait pas si c’était la meilleure comparaison qu’elle avait pu trouver, mais ça reprenait assez bien son opinion sur le sujet. Et maintenant que cela faisait 4 ans qu’elle était de nouveau humaine, elle avait pu goûter ses fameux produits de régime. Disons simplement que ce n’était pas un bon investissement du tout à son sens. Elle se sentait bien mieux en faisant attention à son alimentation autrement. C’étaient les inconvénients d’être humaine, une fois de plus !

- Mais n’est-ce pas un peu dur d’être immortel ? Je n’avais qu’une centaine d’années dans mon ancienne vie, mais je sais que certains vampires plus âgés ne supportaient plus la solitude au bout d’un moment. Et je parle de 2 000 ans au maximum…

Elle se doutait qu’il devait y avoir d’autres personnes comme Lilith qu’ils avaient évoqués plus tôt, mais est-ce qu’il n’était pas facile de se lasser de quelqu’un après tant de temps ? Elle savait que ce ne serait jamais le cas avec Éric, car leur lien était différent. Il y avait une filiation entre eux et tellement d’amour aussi. Il fallait aussi dire qu’il était quelqu’un de passionnant et qu’elle n’imaginait pas sa vie sans lui. Elle était prête à vivre une éternité à ses côtés. Peut-être était-ce la même chose pour Crowley.

Pam pointa du doigt un bar qui avait l’air assez select’. La devanture donnait l’impression d’un lieu assez moderne mais raffiné. L’écriteau indiquait « Le numéro 42 ». Un nom plutôt énigmatique, mais qui lui plaisait bien. Apparemment, l’endroit était réputé, car une file d’attente s’étendait à l’entrée. Des cordons rouges encadraient la liste d’attente et deux hommes en costumes s’occupaient de la sécurité.

- Est-ce que ça pourrait vous convenir ? Vous connaissez déjà ?

Son nouvel ami semblait plein de surprise, peut-être que cet endroit lui dirait quelque chose !

- Je pouvais boire de l’alcool lorsque j’étais vampire, mais je n’en ressentais pas les effets. Boire le sang de quelqu’un d’alcoolisé en modifie le goût, c’est plutôt agréable. Il n’y a pas beaucoup d’avantages à être de nouveau humaine à part pouvoir se saouler si l’envie m’en dit. Et vous ?

Elle lui adressa un sourire en coin avec un clin d’œil espiègle. Elle ignorait si lui aussi avait la capacité de se rendre alcoolisé. Cela l’aurait un peu surprise vu les pouvoirs qu’il semblait posséder, mais elle n’avait jamais rencontré quelqu’un comme lui avant, alors aller savoir ! Quand on existe depuis la création du monde, est-ce qu’on a encore envie de passer des soirées à se saouler ? Est-ce qu’on apprécie encore des mets qu’on a goûtés des centaines de fois ? La question pouvait aussi se poser pour elle quand elle avait une centaine d’années. Elle ne s’était pas lassée, mais elle était si jeune comparée à lui.

- Exactement. Ça permettait une cohabitation pacifique entre les deux espèces du moins en apparence. Il y avait beaucoup d’abus dans les deux camps malgré la présence de certaines autorités vampiriques qui étaient supposés réglementer les choses.

Elle écouta attentivement ce qu’il lui dit ensuite sur la vie immortelle qui n’était pas un problème pour lui. Cela faisait sens. Généralement, on ne manquait des choses qu’une fois qu’on les avait eus dans sa vie. S’il avait toujours eu une vie comme la sienne ça ne posait pas le même problème.

- Vous avez des amis de longue date ? D’autres immortels qui vous tiennent compagnie ?

Elle pensait à d’autres démons comme lui ou même à des versions semblables à des vampires. Peut-être n’auraient-ils pas été aussi vieux que lui, mais suffisamment immortel pour lui tenir compagnie quand même. Un vampire de l’âge de Godric aurait pu faire un bon compagnon par exemple. Même Éric dans une certaine mesure.

Arrivés devant le bar, Pam se préparait à une longue attente avant d’accéder à l’intérieur, mais il n’en fut rien. Grâce aux pouvoirs de Crowley, la foule s’écarta pour les laisser passer tout devant. On aurait dit Jésus ouvrant la mer pour eux. Enfin pour ceux qui croyaient à cette histoire. Si ça se trouve, Crowley aurait des choses à lui raconter à ce sujet. Un petit mot aux vigiles, un coup d’œil de la part de son ami et on les laissa entrer sans broncher.

- Je ne sais pas si je vous l’ai déjà dit, mais vous êtes d’une charmante compagnie. Éviter deux heures d’attente n’ont jamais été aussi facile.

Sans quitter Crowley de son bras, elle les dirigea vers le bar. L’endroit était très classe. La décoration était soignée, l’ambiance agréable, les clients sur leurs 31. Ils avaient choisi un lieu à la hauteur de leur propre style. Il était déjà tard dans la nuit, l’endroit était encore assez rempli mais pas étouffant. Sans doute grâce à la présence des vigiles. Au bar, elle commanda deux de leur meilleur whisky. On leur servit un Dalmore. « Un single malt majestueux et raffiné avec des notes riches de prune, orange, café et cerise confite » leur avait dit le serveur. Ça plaisait bien à Pam. Pendant qu’on préparait leurs verres, elle se tourna vers son nouvel ami :

- Et l’amour dans tout ça ? Comment ça se passe pour vous ?

Une question très personnelle et sûrement intrusive, mais Pam était curieuse de savoir comment ça se passait pour un être comme lui. Elle chercha du regard une table libre pour s’installer, mais n’en trouva pas.

- Il faut beaucoup, beaucoup d’alcool pour supporter les humains vous voulez dire… Des doses qui sont difficilement praticables au quotidien, si vous voulez mon avis, ajouta-t-elle avec un sourire complice.

Si seulement elle avait bu à chaque fois qu’un humain lui avait semblé insupportable, elle serait sans doute la première vampire à avoir un problème d’alcool ou capable de faire un coma éthylique. Elle avait appris à prendre sur elle dans la plupart des cas. Ou du moins, elle avait suffisamment de self-contrôle pour ne pas tuer tous les humains qu’elle croisait. Évidemment, maintenant, qu’elle était humaine, c’était plus compliqué. En général, une réplique bien piquante suffisait à faire fuir les idiots de base.

Lorsque son nouveau compagnon lui confia qu’il pouvait toujours se saouler, elle trouva l’idée excellente. Il était déjà de bonne compagnie sobre, mais saoul, il devait être si drôle et plaisant. Peut-être auraient-ils un jour la possibilité d’exploiter une rencontre de ce type un jour. Se saouler avec un démon de son envergure, ça avait quelque chose de si attrayant et de terriblement dangereux aussi, ce qui rajoutait à son envie de le faire !

- C’est vrai ça. Je sais que les vampires que j’ai retrouvés ici étaient tous comme moi : cherchant à revenir à notre statut dès que possible. On doit être nostalgique de nos plus belles années.

Elle fut surprise d’apprendre qu’il avait comme ami quelqu’un qui était supposé être son opposé. Finalement, avec une existence pareille, elle pouvait le comprendre, mais elle ne s’y était tout simplement pas attendu. Il était pourtant si différent de ce à quoi elle se serait imaginé si on lui avait parlé de lui avant qu’elle ne le rencontre.
Après être rentrés, avoir commandé, elle leva son verre après lui pour trinquer. Si on lui avait dit que la soirée finirait comme ça, elle aurait eu du mal à le croire, mais pour une fois qu’elle trouvait une personne d’intérêt, elle n’allait pas se plaindre.

- Je ne sais pas. Vous avez été capable de garder des amitiés avec des personnes pendant tout ce temps, pourquoi pas l’amour ?

Elle haussa les épaules même si au fond, elle comprenait très bien ce qu’il voulait dire. C’était déjà assez insupportable de tolérer quelqu’un pendant une vie humaine, alors plusieurs centaines de vies ? Elle rigola dans son verre quand il lui retourna la question.

- Vous auriez du mal à me tolérer dans votre vie plus d’une soirée. J’aime mon Créateur, mais ça dépasse les lois humaines sur l’amour. Je n’ai eu que des passions, car en réalité, c’est moi qui ne tolère pas grand monde. Je n’ai rencontré aucune femme ou aucun homme capable de maintenir mon intérêt plus d’une nuit. Mais peut-être me ferez-vous changer d’avis ?

Elle lui lança un clin d’œil charmeur avant de reprendre une gorgée. Toujours dans la provocation, rarement sérieuse longtemps quand on parlait d’elle… Pam n’était pas malheureuse de sa vie. Elle avait été entichée d’Éric avant qu’il ne la transforme, puis leur lien avait évolué pour quelque chose d’autre. Bien plus profond et fort. Elle était un électron libre.

- Quelle a été votre époque préférée sur terre ?

Elle n’avait pas l’occasion de parler tous les jours avec un être tel que lui. Elle comptait bien en profiter !

Pamela était à l’aise dans cet endroit. La lumière était assez présente pour pouvoir voir son vis-à-vis tout en gardant les échanges assez intimes de par son aspect tamisé. La musique ambiante et le bruit des conversations avaient un côté intemporel qu’elle appréciait beaucoup. Il n’était pas surprenant que la file d’attente soit si longue à l’extérieur du bâtiment.

Elle observa son nouvel ami. Il se dégageait de lui quelque chose d’intangible. Il lui semblait qu’il avait toujours eu cette aura autour de lui, mais elle se demandait si son cerveau ne lui faisait pas des tours et qu’il s’agisse de sa projection par rapport à son rôle dans le monde. Avait-il toujours semblé inatteignable et pourtant si présent ? Il lui avait plu instinctivement dès qu’elle avait commencé à s’adresser à lui. Son sens du style et des belles choses n’avait probablement rien à voir avec son passé. Ou peut-être était-ce parce qu’il avait traversé les époques qu’il était aussi intemporel ?

Il était d’une certaine façon un mystère pour Pam, mais elle respectait étrangement cette partie inconnue. Elle avait connu des êtres vieux, comme Godric, mais jamais à ce point. Elle était d’une nature curieuse quand elle sentait qu’on pouvait l’intéresser. Elle était certaine que Crowley avait des centaines d’anecdotes à lui raconter, si ce n’est des milliers. Comment fonctionnait sa mémoire ? Gardait-il en tête chaque instant de sa si longue vie, ou bien les souvenirs s’effaçaient-ils petit à petit en ne laissant que l’inoubliable ? Pour sa part, Pamela était sûre qu’il ferait partie de son inoubliable à elle. Cette rencontre n’était pas anodine pour elle.

- L’ivresse avec un démon… Et pas n’importe quel démon. C’est une première pour moi. Faisons en sorte que cette soirée soit encore plus mémorable qu’elle ne l’est déjà !

Elle n’avait pas besoin de ça pour se souvenir de la rencontre, mais on ne disait pas non à un bon cocktail en bonne compagnie. C’était presque une question de politesse. Sans oublier le plaisir de ce genre d’instant. Crowley enchaîna sur la beauté de la chute, ce qui faisait terriblement sens pour Pamela.

- L’immortalité n’a de sens que parce que les humains sont mortels. Sans l’un, l’autre n’est qu’un grand vide selon moi. Mais je suis jeune, je n’ai pas votre expérience en ce domaine. La chute peut même être exquise.

Son compagnon se pencha vers elle pour préciser son opinion quant à l’amitié et à l’amour dans la vie d’un immortel tel que lui. La remarque sur l’obsolescence des plus belles fleurs la toucha forcément. Elle se sentait vieillir un peu plus chaque fois et c’était un évènement qu’elle redoutait depuis 4 ans. Elle n’était plus une jeune fille, et même si elle était loin d’être une vieille dame également, elle se sentait dépérir à petit feu dans ce faible corps d’humain. Elle garda une expression neutre, cachant avec habilité ses insécurités.

- Espérons que je redeviendrai bientôt moi-même, avant de faner complétement… Il est évident cependant qu’il ne s’agira pas pour moi d’une rencontre éphémère. Nous avons du shopping à faire et de délicieuses expériences à partager !

Elle lui offrit un sourire rassurant, bien qu’elle espère qu’il s’agisse de la même envie pour lui. Il n’y aurait rien de pire qu’un manque de réciprocité sur le sujet.

Elle lui posa ensuite la question de son époque préférée et la réponse… Et bien, c’était plus qu’une réponse. C’était une déclaration d’amour passionnée et enivrante. Elle avait déjà évoqué des époques lointaines avec Éric, mais il y avait dans le récit de Crowley un tel engouement, une telle passion, qu’elle se laissa emporter. Quand il se leva pour exprimer tout son amour pour cette époque, elle ne le voyait plus vraiment. Elle l’imaginait au milieu des danseurs, sur la musique des trompettes… Elle était transportée par son récit et elle ne ressentait pas du tout la lassitude de certains immortels. Lui était bien vivant et il avait savouré cette époque. Elle le comprenait, elle aussi avait vécu à cette époque. Elle aussi avait dansé avec Éric sur ses rythmes endiablés. Elle comprenait la passion de Crowley.

- Est-ce que vous aimez cette période, car les humains n’ont jamais été aussi vivants qu’à ce moment-là ?

Elle le regardait avec une étincelle dans le regard, reconnaissante qu’il partage comme il le faisait. Elle se sentait prise dans une confidence très intime avec lui. Il lui livrait un témoignage si poignant…

- Je suis bien plus égoïste que vous. Ma période préférée reste celle de ma transformation. Le passage de la vie humaine à celle d’un vampire n’est pas simple. Il y a une foule de nouvelles choses à appréhender avec de nouveaux sens. C’est très perturbant. La soif est terrible aussi. Une envie insatiable de se nourrir de tout ce qui est possible. Pourtant, j’étais avec mon Créateur et je suis devenue la meilleure version de moi-même.

Elle se fichait des autres, il n’y avait eu qu’elle et Éric qui comptait. Elle avait dû être attentive à ses nouveaux sens, à ses nouvelles capacités, à tellement de choses qu’on ne s’imaginait pas avant de le vivre. Pourtant, elle était devenue forte et rapide. Un prédateur hors pair. Surtout, elle avait noué avec Éric un lien si fort et si précieux à ses yeux. Alors qu’importe que les femmes et les hommes dansent autour d’eux : à ce moment, elle n’avait eu d’yeux que pour Éric. Mais elle avait perdu ces facultés en arrivant ici. Amer, elle prit une nouvelle gorgée de son verre, le regard lointain pendant un instant. Elle se reprit rapidement et chassa l’amertume d’un geste de la main.

- Vous avez toujours aimé les mortels ? Ou cela était-il difficile de les supporter au début ?

Pamela ne connaissait pas d’autre démon que son nouvel ami, pourtant, elle était convaincue qu’il avait raison : une soirée avec lui serait, sans aucun doute, mémorable. Cette particularité avait commencé avant même qu’il ne la remarque, elle. Pourtant, elle avait tout de suite senti son goût pour la mode et cette simple observation les avait rapprochés.

- Reste-t-on vraiment inchangé ? N’avons-nous pas, par moment, des rencontres qui nous enrichissent ? Ou au contraire qui nous pousse à fréquenter d’autres immortels ? N’est-ce pas là, que le changement s’opère en nous, même si notre apparence reste immuable ?

Elle savait qu’elle ne serait plus exactement la même après cette soirée par exemple. Parce qu’elle avait rencontré un être vieux comme le monde, littéralement. Parce qu’ils échangeaient des propos profonds sur le sens de la vie, que ce soit du côté des mortels ou de celui des immortels.

Elle ne fit pas de commentaire désobligeant sur la suite de leurs aventures si elle restait humaine. Elle n’avait aucune envie de rester dans cet état avec une personne si puissante à ses côtés. Ce n’était pas un drame en soit mais elle aurait voulu partager une complicité toute différente avec Crowley, qu’elle pensait possible uniquement si elle était vampire à nouveau. Elle doutait qu’il y ait le moindre charme à être fripée et molle comme une vieille femme.

- J’imagine qu’on peut comparer les années folles à une chute et une renaissance-là aussi. L’horreur de la pire des guerres qui se poursuit par la résurrection et la volonté de vivre intensément. En-tout-cas, c’est ce que ça m’évoque.

Il la questionna plus en détail sur sa transformation. Elle était heureuse de lui répondre à propos d’une période qui avait été si vivifiante pour elle.

- Je suis devenu un vampire en 1905 à San Francisco. J’aurais bien aimé être transformée un peu avant ça, histoire de profiter de mes plus belles années de mortelle, mais mon chemin n’était pas tracé de cette façon.

Un sourire tendre se planta sur les lèvres de Pamela quand elle évoqua son cher Éric.

- Il n’est pas distant avec moi et encore moins insipide. C’est une relation complexe à définir, car il n’existe aucun rapprochement avec des liens humains. Il est tout pour moi : un père, un frère, une âme-sœur, un compagnon, un soutien. Dans mon ancienne vie, j’ai plusieurs fois cru le perdre… Comment vous dire ? Je m’éteignais à cette simple pensée. J’étais brave et j’essayais de garder la face, mais à l’intérieur, j’étais brisée. Même ici, avant que je ne le retrouve, et même si je reste humaine. Je partage trop de choses avec lui pour être complète en son absence prolongée.

Elle but une petite gorgée de son propre verre, encore un peu absorbée psychiquement par ce lien qu’elle avait hâte de retrouver.

- Je ne suis pas une créature fragile et insipide, mais mon Créateur me magnifie en quelque sorte. Il ne fait pas que ressortir le meilleur de moi : demandez-lui de me faire faire la comptabilité et vous verrez que je ne suis pas un cadeau.

Elle eut un petit rire à cette pensée en imaginant Éric obligé de batailler avec elle sur les factures qui s’accumulent et les soupirs, qu’elle ne se gêne pas de rendre bruyants, pour lui exprimer à quel point la tâche l’ennui.

Elle écouta avec attention l’histoire de Crowley et son rapport à Dieu. Elle avait du mal à imaginer ce que ça lui avait fait de s’éloigner de son créateur. Peut-être que cela avait été le même rapport conflictuel qu’elle avec ses parents humains.

- Vous savez, ce que vous évoquez me rappelle mes parents. Lorsque nous nous sommes dit adieu, c’était à la fois un soulagement et une épreuve. Il y avait un vide et en même temps, je remplissais ma vie de nouvelles expériences. Je crois que je peux mieux comprendre votre rapport à Dieu de cette manière que si je la comparais à mon Créateur.

Elle prit un instant pour réfléchir à ce lien si particulier qu’elle avait avec Éric.

- Il est un guide, indéniablement. Il m’a appris tout ce que je sais sur ma nature vampirique, sur les lois qui régissent ce monde de la nuit, sur ma faim… Il a été là pour me calmer quand mes nouveaux sens m’ont assailli de partout. Il est une stabilité, un repère. Mais il a aussi été mon amant, et même si c’est de l’histoire ancienne, il y a toujours une complicité qui existe. Il peut aussi faire preuve d’une certaine autorité avec moi de par notre lien. S’il le souhaite, il peut me forcer à faire des choses par simple demande orale. Il ne le fait que très rarement, mais c’est possible tout de même…

Elle l’écouta avec beaucoup d’intérêt et de curiosité quand il lui parla de son rapport avec les humains. Elle avait toujours été très friande des histoires d’Éric dans le même genre et elle ne dérogeait pas à cette règle ce soir avec Crowley. Elle le sentait si passionné par ce qu’il lui expliquait, c’était vraiment intéressant ce point de vue.

- Qu’est-ce qui vous fait vibrer chez les humains ? Vous jouez avec eux ou vous êtes touchés par eux ? Vous m’avez dit que vous aviez pour objectif de vous éclater : qu’est-ce qui vous éclate ?

Elle lui sourit avec une pointe d’espièglerie. Elle voulait tout savoir de ce qu’il pensait des autres. Elle ne s’était pas douté que sa soirée serait aussi passionnante. Reprenant une dernière gorgée de son verre et le finissant, elle se laissa un petit instant pour réfléchir à sa prochaine réponse.

- Je suis moins optimiste que vous. J’ai appris que les humains étaient faibles, et je le constate encore plus maintenant que je suis redevenue l’une d’entre eux. Ils sont capricieux et ils devraient utiliser à meilleur escient le peu de temps qu’ils ont devant eux. Bien sûr, il y a des immortels qui ne savent pas profiter du temps qu’il leur est offert non plus…