[TERMINÉ]Retour de soirée chaotique - Ft- Gothel

La journée de travail était terminée. Au moment où la porte se referma sur le petit Timmy et sa mère, Gothel congédia sa secrétaire et ferma officiellement le cabinet, non pas au sens littéral mais dans le sens où elle était seule avec ce qu’elle avait envie de faire. Ou plutôt ce qu’elle devait faire. Elle avait quelques dossiers à mettre à jour avec ses séances de la journée. Le fait était que dans une ville où la plupart des gens était arrivé sans leur famille et sans leurs proches, beaucoup d’enfants se sentaient perdus, seuls et abandonnés. Gothel en récupérait une grande partie pour les choyer, mais certains étaient bien traités et cajolés et avaient seulement le mal du pays.

Soupirant devant la montagne de travail peu engageant qui l’attendait, elle alla dans la petite armoire derrière son bureau qu’elle déverrouilla pour y prendre la bouteille de whisky. Quand on était psychothérapeuthe, il valait mieux tenir ce genre de choses sous clef la journée. Il était peu probable qu’un enfant en vienne à lui voler du whisky pendant une séance de thérapie, d’autant qu’il fallait y aller pour tromper sa vigilance. Mais deux précautions valaient mieux qu’une. On ne savait jamais ce qui pouvait se produire et on ne pouvait pas tout prévoir. Il valait mieux prendre des précautions avant coup.

Elle alla prendre un verre et se versa un peu du contenu de la bouteille qu’elle posa auprès d’elle avant d’ouvrir le premier dossier. La fillette se remettait bien de la dispute avec sa meilleure amie et il y avait fort à parier que la petite fille avec qui elle venait de sympathiser n’y était pas étrangère. Ce n’était pas une mauvaise chose de débuter avec un dossier encourageant. Cela remontait un peu le moral après avoir supporté tellement d’enfants qui pleuraient ce jour-là. Elle était en train de noter quand une situation pour le moins incongrue se produisit. L’irruption d’une femme blonde qu’elle n’avait vue qu’une seule fois, surgissant pour lui voler du whisky sans dire un mot était pour le moins perturbante.

Fort heureusement, Gothel avait acquis avec le temps une excellente maîtrise d’elle-même, au point de parvenir à ne plus se laisser surprendre par grand-chose. Quand elle lui ouvrit la porte et que la jeune femme se rua sur la bouteille, elle songea que cela avait au moins le mérite de démontrer qu’elle avait eu raison en considérant comme infiniment plus prudent de mettre à l’abri la bouteille dans la journée. C’était précisément ce genre de comportement qu’elle redoutait. A en juger par l’impression qu’elle avait, de plus, il semblait que la demoiselle n’en était clairement pas à son tout premier verre.

« Miss Swan, bonjour”, dit-elle sans se troubler le moins du monde. « Si vous avez lintention de vous souler, je vous prierai de bien vouloir le faire ailleurs que dans mon cabinet. »

Ce disant, elle alla reboucher la bouteille qu’elle remit à l’abri, sous les verrous. Il n’était pas question d’en rajouter une couche en laissant à cette femme la possibilité de se compromettre encore davantage qu’elle ne le faisait. La psychologue avait l’intuition que quelque chose se produisait et que ce n’était pas anodinement qu’elle avait choisi de venir la voir elle. Il fallait démêler tout cela et remettre les pendules à l’heure. L’alcool à l’abri, elle indiqua le fauteuil confortable pour inviter la jeune femme à se mettre à l’aise, et à table par la même occasion. Elle était psychologue. Le soin par les mots était son métier, même si cette Swan n’était plus une enfant.

« Et si vous vous asseyiez et que vous m’expliquiez pour quelle raison vous êtes si bouleversée ? »

Gothel lança un regard éloquent à Emma quand elle protesta au moment où elle lui enleva la bouteille d’alcool. La simple façon dont elle s’accrochait à son whisky pour régler son problème suffisait pour que la psychothérapeute considère qu’elle avait eu raison de le lui enlever. S’il y avait bien une chose à laquelle elle tenait, c’était que dans son cabinet, on ne réglait pas ses problèmes en compensant avec de l’alcool ou de la drogue. Et l’idée de voir Emma Swan cramponnée à sa bouteille comme à un doudou la répugnait profondément. Ce n’était pas parce qu’elle était le sosie de Regina que ça donnait le droit à cette femme de lui passer sa frustration dessus.

« Ce dont vous auriez besoin, Miss Swan, c’est d’une bonne douche froide. Vous ne boirez plus dans mon bureau. »

Elle prit au moins la peine de s’excuser. Gothel nota le sarcasme dans la voix de la blonde quand elle mentionna son propre manque de manière. Elle aurait pu le faire sans sarcasme du point de vue de Gothel. Elle avait clairement manqué de savoir-vivre en débarquant ici sans rendez-vous, sans y avoir été invitée et sans demander la permission d’entrer. La psychologue devait bien avouer qu’elle se sentait un peu perturbée par l’intrusion de la jeune femme, mais aussi un tantinet agacée. Elle n’avait pas vraiment envie de plonger dans les méandres de sa psyché à cette heure, mais elle ne pouvait décemment pas la mettre à la porte. Sa vie aurait été en jeu.

« C’est un fait », marmonna-t-elle seulement dans sa barbe avant de l’orienter vers le canapé.

Les propos n’étaient pas des plus ordonnés et cohérents, mais on pouvait s’y attendre de la part de quelqu’un qui n’avait pas encore commencé à décuver. Assise confortablement en face d’Emma, un bloc-note et un crayon à la main, Gothel prenait quelques notes. Elle n’était pas officiellement en séance, mais c’était un genre de déformation professionnelle. Et puis, si elle était amenée à revoir la belle brune au corps si envoûtant, elle avait l’intuition qu’elle finirait par avoir celle-là dans les pattes aussi. Autant faire un semblant de suivi de ce qu’elle pouvait en apprendre. Elle avait le sentiment qu’il y avait de quoi y passer toute une vie.

Elle était sur le point de lui demander ce qu’il s’était exactement passé quand la blonde lui demanda si elle fonctionnait de la même manière que Regina, ce qui lui fit relever la tête et hausser un sourcil. Ce qu’elle venait faire dans cette affaire était des plus obscur, mais l’esprit de Emma Swan ne semblait pas en était de débrouiller sa propre confusion et elle partait dans tout les sens. Cela dit, Gothel avait à cœur de mettre les choses au point et de ne pas la laisser déborder. Elle n’était pas Regina et elle ne le serait jamais.

« Vous avez l’intention de m’embrasser ? Parce que si tel est le cas, vous pouvez compter que je ne vais pas bien réagir. Tout instant n’est pas propice à sauter sur les gens, Miss Swan. »

Le côté psychanalyste armée d’un bloc-notes et d’un crayon avec une patiente allongée sur son canapé était assez une image assez archétypale, mais pour le coup, en adoptant cette position, Gothel évitait les débordements. Il ne faisait pas le moindre doute que Emma Swan était tout à fait en état de pouvoir déborder dans des comportements déplaisants et il valait mieux qu’elle comprenne tout-de-suite qu’une distance était posée. Cela lui éviterait de rechercher une attention différente, comme elle l’avait visiblement fait avec son double. Gothel n’avait pas encore tous les éléments, mais il apparaissait évident qu’il y avait eu un problème avec la notion pourtant simple de consentement.

La blonde affirma qu'elle n'avait absolument pas besoin d'une psychothérapie. Son assurance fit lever un sourcil à la thérapeute. Elle aurait évidemment transmis avec plaisir son cas à un confrère qui n'était pas dédié aux enfants, et elle n'avait pas une envie folle de la suivre. Mais il était clair que si quelqu'un avait besoin d'une analyse, cette femme était tout en haut de la liste. Gothel n'avait pas oublié leur première entrevue, durant laquelle elle avait appris que cette femme partageait à la fois un fils une animosité particulièrement avancée avec son double. Le fait que le sujet présent soit justement le refus de ce double d'avoir une relation suivie avec elle lui laissait supposer des troubles psychologiques au-delà de ce qu'elle pouvait déjà percevoir.

« De ce que je comprends, vous fantasmez sur une personne avec laquelle vous avez pourtant un conflit avéré, vous êtes en pleine déprime parce que vous constatez qu'elle ne veut pas de vous. Vous allez alors déverser votre frustration sur le sosie parfait de cette femme à une heure où elle n'exerce plus son métier de psychothérapeute. Je ne veux pas vous sembler discourtoise, mais je pense qu'une analyse ne vous ferait pas de mal. »

Elle dut se reconnaître soulagée qu'elle soit assez lucide pour ne pas se mettre à avoir comme idée de lui sauter dessus. Ce n'était pas tant que Gothel trouve la jeune femme disgracieuse. Elle aurait même pu être à son goût si elle ne venait pas de la voir débarquer, saoule et en se plaignant qu'une autre femme n'avait pas accepté un comportement de forcing. Cela suffirait amplement pour que n'importe qui regarde de travers, même la plus jolie des femmes. Et Emma Swan n'en était pas encore à ce point. Pour autant, et malgré ses dires, Gothel ne savait pas pourquoi mais elle avait la certitude qu'elle pourrait parfaitement finir par servir de palliatif aux fantasmes assez particuliers de cette femme.

« Peut-être que si vous demandiez la permission avant d'embrasser une femme, vous vous feriez moins rejeter », lui fit-elle remarquer. « La première question que je souhaiterais vous poser, c'est de savoir pour quelle raison vous avez estimé qu'il était opportun d'embrasser cette femme, alors qu'elle ne le voulait pas, de toute évidence. »

Gothel soupira en l'entendant lui demander si elle n'avait pas de quoi boire et manger. Elle aurait pu se plaindre du sans-gêne de cette femme. Mais c'était le premier mouvement de bon sens qu'elle détectait chez elle. Il lui serait plus facile de dessouler avec de l'eau et quelque chose dans l'estomac. Dans son cabinet, la psychothérapeute n'avait pas grand-chose, mais elle alla lui chercher un verre d'eau et une boîte de biscuit secs. C’était toujours utile d'avoir une boîte de biscuits lorsqu'on s'occupait de jeunes enfants. Et elle commençait à se dire que cette femme se comportait exactement comme cela.

« Tenez. Désolée, je n'ai pas de quoi vous préparer un véritable dîner dans mon cabinet. Cela vous surprendra peut-être, mais ce n'est pas à cet endroit que j’habite. »

Ce n'était pas qu'elle ne respecte pas la blonde, mais son comportement l'avait tellement agacée qu'elle n'avait pas pu s'empêcher de se montrer quelque peu sarcastique. De toute façon, Emma pouvait déjà être heureuse qu'elle ne l'est pas envoyé balader ou mise à la porte, d'entrée de jeu. Elle ne devait son salut qu’au fait que Gothel n'était pas prête à abandonner une personne dans une situation où elle était susceptible de se mettre en danger, alors qu'elle travaillait justement dans un métier ou le but était d'éviter que ce genre de chose se produise.

Elle avait au moins le mérite de s'excuser de l'avoir empêché de mener sa soirée comme elle l'entendait. C’était la moindre des choses mais la psychologue se contenta de faire un signe de la tête pour lui faire savoir qu'elle avait entendu ses excuses et qu'elle les acceptait. Si elle avait envie de régler cela au plus vite, il était évident qu’elle allait devoir y mettre du sien. Emma avait besoin de parler et elle n'avait apparemment pas l'intention de s'en aller avant d'avoir vidé son sac. Maintenant qu'elle était là, autant que Gothel effectue le travail. Ce serait au moins quelque chose que son amante d'un soir n'aurait pas à faire.

« Voudriez-vous m'expliquer un peu plus en détail la nature de vos relations et ce qui s'est exactement passé pour que vous soyez dans cet état ? »

Gothel n’avait qu’une vision partielle de la situation. Regina ne lui avait jamais parlé d’Emma. Du peu de ce qu’elle en avait vu de son sosie, elle pouvait dire qu’elle aimait les plaisirs de la vie, qu’elle avait une certaine capacité à rechercher son plaisir là où elle pouvait le trouver et qu’elle avait vécu toute une période où sa vie n’avait pas dû être des plus satisfaisantes. Mais elle n’en savait pas davantage et elle n’avait pas cherché à lui poser trop de questions. Après tous, elle avait été la maîtresse d’une nuit. Et si elle ne serait pas contre l’idée d’en partager une autre avec elle, elle n’était rien de plus.

Elle était donc tributaire de ce que Emma lui racontait pour comprendre la situation que la blonde était en train de lui dévoiler. Si elle ne lui disait pas tout, forcément, la situation était déformée dans l’esprit de Gothel qui trouvait le résultat de ce qu’elle connaissait actuellement un peu perturbant. Mais avec la nouvelle explication de l’adjointe du shérif, elle comprit. La situation était en train de s’améliorer et elle commençait à la désirer. De fait, elle la voulait et elle allait la chercher. Mais ce n’était pas parce que l’hostilité diminuait que le désir était partagé.

« Je vois. Effectivement, je comprends mieux votre intérêt, mais vous êtes deux dans cette histoire, il ne faut pas l’oublier. »

Au moins, elle admettait avoir besoin de parler, ce n’était déjà pas si mal. En revanche, Gothel se disait qu’elle n’était pas vraiment la personne idéale pour le faire, pas alors qu’elle ressemblait tant à l’objet de son obsession. Elle se demandait d’ailleurs si Emma n’avait pas un regard particulier sur elle. En tout cas, si elle voulait finir par coucher avec elle, elle allait devoir s’y prendre autrement qu’en surgissant inopinément et surtout aussi alcoolisée. L’alcool pouvait être un bon stimulateur, mais Gothel désapprouvait le fait d’en abuser. Et elle avait horreur de voir une personne s’abrutir au point d’en oublier ce qui était vraiment important.

Cependant, il y avait plus que simplement une histoire de consentement. Gothel comprit que Regina avait partagé ce baiser avant de se rebiffer. Elle fronça les sourcils et fit la moue. Il était évident que si la brune pouvait réellement être troublée par la blonde, elle n’était pas prête à y succomber. Malheureusement, il n’était pas possible à Gothel de savoir pourquoi. Elle ne connaissait pas assez bien celle qui avait été son amante d’un soir, mais elle savait néanmoins que Emma n’avait pas le droit de vouloir la contraindre à faire quoi que ce soit. Même si le jeu était frustrant, le résultat ne dépendait pas d’elle.

« Je vois. Il est possible qu’elle ne soit pas prête à accepter ce qu’elle ressent, qu’il s’agisse de désir ou de davantage. Y avez-vous songé ? Si vous avez entretenu des rapports hostiles par le passé, elle n’est peut-être pas prête à admettre qu’elle peut avoir changé de vision à ce point, même si elle vous témoigne moins d’inimitié. C’est quelque chose de compliqué pour elle, et si je comprends la frustration que cela peut engendrer chez vous, il vous faut quand-même accepter qu’elle puisse ne pas vouloir franchir ce pas. C’est son choix, malheureusement. »

Quand Emma se mit à manger en s’excusant à nouveau d’avoir interrompu sa soirée, Gothel fit un signe de la main indiquant que ce n’était pas important. Ca ne l’était plus. Elle avait décidé qu’elle n’abandonnerait pas cette femme en détresse et encore à-moitié soule, elle n’allait donc pas lui faire des reproches pour l’instant. De toute façon, cela ne changerait plus grand-chose au stade où elle en était. Une oreille bienveillante était sans-doute une meilleure solution pour s’assurer que la soirée ne finirait pas de façon dangereuse pour la frustrée blonde qui s’avachissait dans son canapé.

Elle écouta son histoire avec calme et sans manifester la moindre émotion, professionnelle. Elle comprit que cela faisait probablement longtemps que Emma en pinçait pour Regina. Il était probable que son attirance pour elle avait été clairement antérieure à leur venue dans ce monde. Elle sourit à la mention de leur fils commun, elle savait ce que c’était. Que cet enfant ait pu les rapprocher et les mener sur le chemin de la paix était une bonne chose, mais il n’en avait probablement pas mesuré toutes les conséquences. Elle mentionna avoir espéré que son fils ait encore au moins une de ses mères auprès de lui.

« Mais peut-être est-il ici lui aussi. Y avez-vous songé ? Et si tel est le cas, il pourrait bien finir par avoir ses deux mamans de nouveau. C’est donc une note d’espoir, vous ne pensez pas ? »

Elle comprit à écouter la soirée que son hypothèse sur la réaction de Regina était certainement la bonne. Elle avait du prendre peur et paniquer. Et dans ces circonstances, on ne pouvait l’en blâmer. C’était une connexion étrange une situation complexe et ce qui était certain, c’était que rien ne serait simple compte tenu de l’historique de la relation. Emma allait devoir prendre patience et il était évident que consulter quelqu’un allait probablement lui être nécessaire. Plus cela allait, plus Gothel en était convaincue.

« Je vois. Il va vous falloir être patiente, je pense, Miss Swan. Cette personne n’est pas prête pour vous deux, et rien ne dit qu’elle le sera un jour. Si ce que vous avez perçu est exact, bien-sûr, il y a de l’espoir, mais vous ne pouvez pas en être certaine, est-ce que je me trompe ? »

Il était évident que sa patiente improvisée commençait à reprendre le sens des réalités. Si elle ne tenait pas à l’abandonner sans être certaine qu’elle ne se mettrait pas en danger, le fait qu’elle ne parvienne pas à garder le contrôle de ses actes aurait été gênant. Elle ressemblait à Regina et sans un minimum de lucidité de la part de cette femme, elle aurait pu lui sauter dessus de la même manière qu’elle l’avait fait sur cette femme. Gothel savait comment pallier à une personne trop pressante et elle n’avait jamais laissé personne l’entraîner sur ce chemin-là tant qu’elle ne le voulait pas. Mais elle n'avait pas envie de devoir forcer.

Fort heureusement, la blonde avait retrouvé assez de conscience d’elle-même pour faire la part des choses et contrôler ses pulsions et une partie de sa frustration, même si la majorité demeurait difficile à vivre pour elle. Mais cela ne concernait pas Gothel. Elle pouvait déjà s’estimer heureuse qu’elle lui accorde de son temps, elle n’allait pas en plus lui servir de défouloir. Ce n’était pas que Gothel n’en soit pas capable ou qu’elle ne puisse pas en avoir envie, mais cette femme lui paraissait beaucoup trop instable actuellement pour pouvoir envisager cela sainement. Et Gothel avait très peu de tabous, mais le fait que le moment ne fasse de tort à personne en était un.

Au moins, elle reconnaissait que la notion de consentement était compliquée dans un contexte où on n’était pas certain de ce que l’on ressentait. Le désir était une chose, mais tout le monde n’y cédait pas sans un minimum de ressentis reliés à cela, et si la brune n’avait pas envie de le faire, Emma devait l’accepter. Elle n’était pas sûre elle-même de ce qu’elle éprouvait et Gothel ne put s’empêcher de penser avec lassitude qu’elle semblait clairement esclave de ses envies charnelles, pour ne pas se poser de questions dans ces circonstances. Il allait falloir qu’elle accepte que d’autres puissent s’en poser.

« Dans ce cas, il vous sera sûrement plus aisé de la comprendre. Vous devez respecter cela, comprenez-vous ? Chacun a ses limites et ce sont peut-être les siennes. Vous n’y pouvez rien. »

Cette femme semblait tristement dénuée d’espoir. Gothel n’avait jamais renoncé à retrouver sa fille et elle ne renoncerait jamais. Elle était peut-être dans un endroit isolé à l’écart du monde. Elle-même était à l’écart du monde en ce qui concernait son domicile après tout. Mais si cette femme avait envie de penser que c’était ainsi que les choses étaient, si elle se sentait plus réconfortée de cette façon, elle n’était personne pour l’empêcher de croire de cette façon. L’important était de pouvoir suivre le chemin qu’on avait choisi, et non de suivre celui des autres.

« Je comprends ce que vous éprouvez, mais pour ma part, je ne renoncerait jamais à l’espoir de la revoir. Ma vie me semble bien trop vide sans ma princesse. Cela dit, je vous souhaite que votre fils soit heureux, où qu’il soit. »

Elle ne pouvait même pas lui briser complètement ses rêves. Cette femme, Regina la désirait sûrement. Gothel savait qu’elle pourrait la désirer elle-même, rien qu’en la regardant. Mais cela ne voulait pas dire qu’il allait se passer quelque chose. Cela ne dépendrait pas que de la blonde et elle n’avait pas à forcer les choses. C’était la chose la plus importante qu’elle devait comprendre, même si la notion d’espoir resta en suspens comme une petite note chantante sur une musique bien sombre. Elle haussa un sourcil en entendant son discours à-propos de sa mère.

« Votre mère a raison. L’espoir est essentiel dans la vie. C’est ce qui permet de tenir quand la vie semble avoir perdu toute lumière. Mais il ne faut pas espérer trop grand où la déception peut nous faire retomber de bien plus haut. »

Emma Swan n'avait pas vraiment commencé de la meilleure façon possible pour laisser à penser à Gothel qu’elle était une femme équilibrée capable de prendre ses propres décisions correctement. Mais peu de personnes pouvaient donner cette impression sous l'influence d'une substance telle que l'alcool. Une personne comme Gothel elle-même n'aurait jamais ce genre de problème parce qu'elle prenait soin de connaître ses propres limites et de les respecter. Lorsqu’on n’était pas capable de le faire, et elle savait bien que c'était le cas pour la grande majorité des gens, il était évidemment impossible de prévoir le comportement que l'on allait adopter en de pareilles circonstances. La psychologue savait qu'elle ne pouvait pas assumer des actions qu'elle aurait faites à un moment ou elle aurait perdu contrôle d'elle-même. Pour ne pas avoir à les assumer, elle s'empêchait de perdre complètement le contrôle.

La blonde n'était pas comme ça, elle était plus nature plus brute. Elle ne savait pas se contrôler et elle se laissait aller à se retrouver dans un état où elle ne pourrait pas forcément faire les choses de la façon la plus rationnelle possible. C’était son choix et elle devait l'assumer, même s'il était dans la logique de la psychologue de se montrer compréhensive, dans un nouvel éclat de déformation professionnelle caractérisé. Elle aurait pu se montrer agacée en lui faisant savoir qu'elle se refusait à avoir ce genre de comportement en ce qui la concernait et que l'autre devrait prendre exemple sur elle. Mais dans la mesure où elle était en train d'essayer de lui apporter un soutien psychologique, ce n'était pas la bonne méthode.

« En ce qui me concerne, c'est pour cela que je me refuse à dépasser un certain niveau d'alcoolémie et que j'agis de même avec toute substance pouvant altérer le comportement. Mais tout le monde n'est pas capable d’un tel contrôle. Cela dit, il vous appartient de savoir si vous pouvez gérer le sentiment de honte ou de culpabilité qui peut suivre une telle attitude, ou si vous ne le pouvez pas. Les choix de chacun, les efforts qu'il veut faire et la vie qu'il veut mener ne dépendent que de lui. Vous avez certains choix à faire et lorsque vous les avez faits, vous ne pouvez reprocher aux autres que leur comportement ne vous convienne pas. Ils réagissent à vos choix, sans forcément les appréhender de la même façon que vous. Mais si les conséquences ne vous conviennent pas, il vous revient de choisir de poursuivre ou pas ce comportement. Vous êtes maître de votre vie et ce n'est que si vous ne l'assumez pas que d'autres pourront alors la vivre à votre place. C’est cela qu'il faut que vous vous rappeliez, Miss Swan. »

Elle semblait considérer qu'elle avait assez décuvé pour pouvoir reprendre la voiture et rentrer chez elle, mais rien n'était moins sûr. Elle titubait toujours et Gothel ne se sentirait pas en sécurité de la laisser repartir toute seule. Elle pouvait néanmoins comprendre que la jeune femme en ait assez de cette thérapie improvisée et elle était elle même fatiguée de cette conversation laborieuse aux implications complexes. L’urgence, pour Emma Swan, était clairement de se reposer. Mais il n'était pas question que cela se fasse au détriment de sa sécurité.

« Non, Mademoiselle, vous ne reprendrez pas la route ce soir. C’est moi qui vous raccompagne. J’ai juste un coup de fil à passer afin qu'une personne vienne me chercher chez vous. Vous allez me donner votre adresse et je vous reconduirai dans votre propre voiture. La miennne pourra bien attendre ici cette nuit. »

Gothel ne put s’empêcher d’éprouver un certain rassérènement en constatant que son invitée imprévue n’essayait pas de défendre son droit à conduire. Il était tard et la psychologue n’avait pas vraiment envie d’argumenter et de négocier pour assurer la sécurité d’une femme qu’elle ne reverrait probablement jamais. Mais elle n’avait pas le choix. Elle n’aurait pas pu se regarder en face si la blonde avait un accident sur le chemin du retour. Mais elle n’avait pas fait de difficultés et Gothel passa rapidement son coup de fil. Heureusement qu’elle savait s’entourer de personnes fiables qui étaient capables de l’épauler en cas de besoin.

Elle fronça les sourcils face à la mention de la coccinelle jaune. Qui se baladait dans un poussin de poche ? Enfin, ce n’était pas très important. De toute façon, ce n’était pas elle qui était obligée de se coltiner cet engin mais la femme qu’elle allait raccompagner. Si elle avait envie que tout le monde la regarde dans la rue, c’était son problème. Pour le moment, elle voulait juste que cette fille soit en sécurité entre ses draps et qu’elle cesse d’importuner tous ses sosies de la ville. Elle ne s’en connaissait pas d’autres à priori, mais on ne savait jamais.

« Allez, beauté, j’ai pas toute la nuit »

Même si elle n’avait clairement rien de mieux à faire cette nuit. Elle n’avait pas l’intention d’aller chercher des fesses à mordre ce soir, elle n’était pas d’humeur. Donc ça allait certainement se finir par une séance de ronde tendre des chambres des enfants avant un bon bain chaud et moussant assaisonné d’un bon livre. Mais auparavant, elle allait reconduire cette étrange femme à l’abri des individus susceptibles de profiter de son état d’ébriété. En s’installant au volant, elle laissa Emma lui montrer ce qu’elle voulait et démarra la voiture d’une paisible et simple compétence. On pouvait facilement dire de Gothel qu’elle maîtrisait son comportement. Sa conduite en était un exemple frappant.

« Il suffit de s’y prendre en douceur, vous savez… »

Quelque chose que la blonde ne devait pas faire souvent, à son humble avis. Elle ne fit pas de commentaire le long du chemin, se contentant de suivre les indications pour arriver à la demeure de la belle. Elle s’était presque endormie sur le siège passager et Gothel se félicita une fois de plus de sa prévoyance. Elle n’aurait sûrement pas été en état de conduire. Elle la réveilla aussi délicatement que possible et s’entendit remercier pour l’avoir ramenée. Elle fronça les sourcils. Cette femme n’avait décidément pas la tête sur les épaules. Il n’était pas question qu’elle attende dehors dans le froid au risque de faire une mauvaise rencontre.

« J’ai dit à mon amie que je l’attendais chez vous. Mais vous pourrez vous coucher, je ne vous dérangerai pas. Ne vous inquiétez plus de ce qui s’est passé, mais un conseil, trouvez quelqu’un à qui parler. Je pense que ce ne sera pas inutile. »

Évidemment, il ne fallut pas très longtemps pour qu’arrive celle qui devait la ramener et elle abandonna alors Emma à sa nuit de repos bien nécessaire. Elle se demandait si cette étrange demoiselle finirait par trouver le bonheur auquel elle aspirait tant un jour.