(Terminé) Starry Night || ft. Adam Raki

Dans l’école, il y avait toujours des moments de répit. Et encore heureux, d’ailleurs. Je restais persuadé que c’était grâce à ça que nous, les enseignants, nous pouvions tenir une année entière sans péter les plombs. Pourtant, honnêtement, j’avais de la chance : les élèves que j’avais en cours étaient en fin de cycle, ils bossaient pour espérer pouvoir entrer dans une fac renommée… et ça, ça changeait tout.
Par le passé, il m’était arrivé d’avoir des classes dont les jeunes ne semblaient pas avoir la moindre motivation, mis à part l’espoir qu’un incendie éclate dans l’école ou que des extraterrestres débarquent pour les kidnapper et les libérer ainsi du calvaire qu’étaient les cours… Mais ici, c’était différent. Les adolescents rêvaient de fréquenter les facs les plus réputées, ils faisaient tout pour y arriver, pour décrocher une bourse d’études et pour s’illustrer suffisamment pour figurer dans le top des adultes de demain.

Parfois, je me demandais si j’étais assez sérieux pour tout ça. Il m’arrivait d’avoir besoin de déconnecter un peu. L’école, c’était sympa, mais j’avais besoin de changer d’air, comme tout le monde. Il m’arrivait même d’éteindre mon portable plusieurs heures pour être sûr d’avoir la paix. Ma femme avait pris l’habitude de m’appeler à heure fixe, tous les deux jours… et les jours où elle ne m’appelait pas, c’était moi qui l’appelais à cette heure-là. Avec le décalage horaire, il fallait être prêt pour avoir l’occasion de discuter un peu… Mais ces derniers temps, je trouvais que ces appels manquaient un peu d’un petit je ne savais quoi. Nous étions séparés par des milliers de kilomètres, Anika et moi, elle avait les enfants avec elle… et moi, j’étais ici pour poursuivre un rêve. Elle avait accepté, peut-être parce qu’elle s’était sentie obligée : quelle épouse serait d’accord de laisser partir son mari pour plusieurs années de l’autre côté de la planète, si elle n’avait pas quelque chose à se reprocher ?
Elle m’avait trompé, elle me l’avait avoué. Quand j’étais en pleine dépression, j’avais dû être un mari chiant. On avait essayé d’arranger les choses, mais j’avais beaucoup de mal à lui refaire confiance de la même façon… Et puis, finalement, j’étais parti. M’éloigner, ça m’avait fait du bien. Je m’étais rendu compte, aussi, que les histoires de fesses ne m’intéressaient plus autant qu’avant et que ma vie avait pris un autre tournant. Quand j’avais Anika en ligne, elle me parlait toujours de la prochaine fois que nous nous verrions, de ce qu’elle avait envie de faire, de ce qu’elle voulait partager avec moi… Et je l’écoutais. Mais son infidélité avait brisé quelque chose entre nous, ça, c’était une certitude.

Ce soir, je me baladais dans le parc. Il faisait assez sombre pour voir les étoiles, mais il ne faisait pas encore nuit noire. J’avais encore une bonne demi-heure devant moi avant que ma femme ne m’appelle, c’était son tour.
Je me posais sur un banc et fermais les yeux un instant. J’aimais le calme qui régnait dans les jardins publics une fois que les mères de famille et les sportifs avaient déserté les lieux. Ce presque silence, interrompu par quelques bruits naturels, ça faisait du bien. Et puis… j’ouvrais les yeux pour regarder vers le ciel… voir la Grande Ourse d’ici, ça me reliait un peu avec mon Europe natale… j’avais souvent regardé cette constellation en me demandant si tout le monde la voyait de la même façon…

Quand on était installé comme ça, il était parfoiss un peu compliqué de garder en tête le temps qui filait. J'étais bien, j'étais posé, je n'avais pas à me prendre la tête...

Avais-je fermé les yeux si longtemps ? Je perdais parfois la notion du temps, mais quand même pas au point de passer pour un homme endormi, si ?
Quand la voix s’adressa à moi, bienveillante et protectrice, je tournais la tête vers ma droite, pour regarder qui s’était ainsi fait entendre. Plus jeune que moi, il avait un sandwich à la main et il s’était assis sur le même banc que moi, sans doute parce que c’était un endroit bien situé…

« Bonsoir aussi… Je ne compte pas dormir là, no stress. » C’était très prévenant de sa part de s’inquiéter ainsi pour moi, mais je n’avais pas envie qu’il pense que j’étais du genre à pieuter sur les bancs publics. « Mais c’est gentil de vous en inquiéter. »

Je sortis mon téléphone. Je ne savais pas trop pourquoi, mais je n’étais pas du tout pressé d’avoir ma femme en ligne. Le calme, c’était tout aussi bien, si pas mieux. J’aimais bien être tranquille et ma femme avait tendance à secouer un peu ma tranquillité, surtout quand elle me posait des questions du genre quand je comptais revenir au pays, quand elle allait pouvoir me rejoindre ici… mais je n’étais pas prêt à la revoir. Pour le moment, j’étais très bien sans elle.
« J’avais juste besoin d’être un peu au calme et puis… j’aime venir ici. »

Je levais les yeux vers le ciel. C’était étrange de se dire que le ciel était le même pour tout le monde… un peu comme si les étoiles pouvaient nous connecter les uns aux autres. Je n’étais pas un spécialiste des astres, loin de là, mais j’avais quelques notions de quand on était gosse, quand on avait appris à s’orienter la nuit en recherchant l’Étoile Polaire…
Je trouvais ça apaisant, les parcs, la nuit. Le silence, le calme, les odeurs particulières… il y avait bien moins de bruits et de lumières artificielles qu’en journée, en ville… on était loin de tout ça et ça me faisait du bien.

Je sortis une cigarette du paquet qui se trouvait dans la poche de ma veste. « Ça vous dérange si je fume ? Je peux aller un peu plus loin si la fumée vous incommode… »

Je n’étais pas du genre à imposer ma fumée aux autres, surtout que mon voisin de banc était en train de manger… certaines personnes trouvaient très désagréable d’avoir une odeur de tabac dans le nez pendant qu’ils dégustaient leurs repas. Je n’aimais pas l’idée de déranger les autres.

Quand on vient dans un endroit pour le calme et la tranquillité, mais que l’on se retrouve avec quelqu’un, il y a plusieurs façons de réagir.
J’avais tendance à aimer le calme par moments, et le bruit à d’autres moments. Je savais bien que mon état d’esprit pouvait changer facilement, passant d’une humeur à une autre sans que je ne puisse contrôler cela, mais j’étais ainsi fait… Ce n’était pas un trouble bipolaire, non, c’était une façon d’être, j’avais une palette très intense et j’étais doté d’émotions étonnamment riches…
Le calme pouvait être perturbé par la présence d’autres personnes, mais quand je regardais le jeune homme qui était là, près de moi, je n’avais pas l’impression que c’était quelqu’un qui allait m’ennuyer. Il n’était pas bruyant, il n’était pas très bavard et il semblait respectueux de mon besoin d’être ici.

« Je vais essayer de ne pas vous déranger, alors. » Nous venions tous deux ici régulièrement et, pourtant, c’était la première fois que nous nous croisions… Il y avait quelque chose d’amusant là-dedans. Je m’éloignais de deux pas, je sortis mon briquet et j’allumai ma cigarette. Je tirai une première bouffée et me tournai vers le ciel. « C’est le seul endroit dans le coin qui permet de voir la Grande Ourse aussi bien… »

Il me parla de son travail. Astronomie. Un domaine très vaste… Qui avait été tellement enrichi et développé avec le temps… Le jeune homme m’expliquait que poursuivre son observation d’étoiles après sa journée de travail était plus agréable ici. En tout cas, c’était de cette manière que j’interprétais ce qu’il me disait.
Je l’écoutais en fumant, tirant des bouffées régulièrement, que je savourais en ressentant cette impression de paix que me procurait le tabac après une journée de travail.
« Ce doit être un métier intéressant… » Le terme « Astronome » était impressionnant, en réalité. À côté d’un titre pareil, je me sentais tout petit, en n’étant que prof d’histoire. Je pris une autre bouffée.
« Je suis juste un prof de lycée. » Je n’allais pas commencer à lui expliquer que je faisais un doctorat en parallèle de mon travail. Nous ne nous connaissions pas après tout.
Il était en train de manger, tandis que je terminais ma cigarette. J’écrasais le mégot sur le sol, mais je récupérais le mégot pour le glisser dans une petite boite que j’avais en poche. Les cendriers portatifs, ce n’était pas l’accessoire le plus tendance, mais je ne voulais pas faire partir de ces gens qui jetaient leurs mégots par terre. « Je m’appelle Martin. Et vous ? »

Je revins près de lui et je repris ma place sur le banc. Il avait commencé à manger son sandwich et je n’avais pas très envie de l’embêter pendant son repas. Il était un peu tard pour manger, peut-être, mais je n’allais pas juger de la situation. Après une journée de boulot, chacun s’organisait un peu comme il pouvait et comme il voulait. « Vous aimez bien observer les étoiles d’ici alors que vous avez tout le matériel nécessaire sur votre lieu de travail… ça a quelque chose de beau. »

Oui, il y avait quelque chose de très beau, voire de magnifique, dans l’idée que ce garçon avait pu faire de sa passion son métier. Si ce n’était pas une vocation, je ne savais pas comment qualifier ça. Je me sentais assez bien placer pour repérer ce genre de chose. Enfin, c’était une impression, mais ce n’était pas non plus quelque chose de sûr à cent pour cent… C’était un ressenti que j’avais, simplement, mais j’étais convaincu que c’était précisément ce que vivait ce garçon : sa passion.

Préserver le silence, c’était comme faire en sorte de conserver l’environnement le plus sain possible. On semblait, lui et moi, être dans le même ordre d’idées pour ce qui concernait le milieu dans lequel nous étions en ce moment.
Je n’avais pas pour habitude d’emmerder mon entourage. C’était un principe avec lequel j’avais grandi : ne pas faire de vague, ne pas me mettre en avant, faire en sorte que tout soit le mieux possible autour de moi… C’était le genre de choses que mes parents m’avaient mis en tête depuis mon plus jeune âge. Et j’aurais pu essayer de changer cela dans ma façon d’être, je pense que je n’y serais jamais parvenu.

« J’enseigne l’histoire. » J’étais passionné par le passé, par ce que l’humanité avait vécu et traversé, par ce que le passé pouvait nous apprendre… Il y avait des périodes historiques qui me parlaient plus que d’autres, mais je ne m’étais jamais focalisé exclusivement sur une seule. « Mais ça ne m’empêche pas d’aimer aussi la fiction. »
Je ne savais pas pourquoi j’ajoutais cela, mais ça me semblait logique de pouvoir aimer la réalité et la fiction. L’une n’excluait pas l’autre.

Il s’appelait Adam. C’était un prénom chargé en histoire… et en mythe également. Je trouvais que c’était une belle coïncidence. « Le plaisir est partagé, Adam. »

J’eus un sourire. C’était agréable de tomber sur quelqu’un comme ça, sans que ce soit prévu, et de constater que nous avions tous les deux le même genre de comportement dans la situation où nous nous trouvions.
« Marié aux astres ? C’est original… Parfois, j’ai l’impression d’être marié à mon travail, moi aussi… Mais c’est important de pouvoir aussi penser à autre chose. »

Je regardais vers le ciel et ne remarquais donc pas que le jeune homme m’observait.
« Vous êtes originaire du coin ? » J’entamais la conversation, mais, au fond, ce n’était pas forcément obligatoire. Des moments sans parole, ça m’allait très bien aussi. « Vous n’êtes pas obligé de répondre, je suis juste un peu curieux. »

Jusqu’à présent, j’avais croisé des personnes de tous acabits, certaines étaient issues d’autres pays, d’autres venaient de cultures différentes mais ne semblaient pas d’ailleurs pour autant… C’était une belle société multiculturelle, celle dans laquelle nous nous trouvions. Et j’aimais toujours découvrir d’autres personnes, d’autres pensées… C’était enrichissant et pour quelqu’un comme moi qui avais toujours soif d’apprendre, c’était une mine d’or, les rencontres avec les autres…

Je n’avais pas souvent croisé des personnes ici, de nuit, avec qui j’avais autant envie de parler. Je n’avais jamais été le genre d’homme à être solitaire, je l’avais été, à une période, quand je n’allais pas bien, mais c’était derrière moi, désormais. J’allais bien. J’allais mieux. Et je voulais que ça continue ainsi. C’était si bon de me sentir bien !

« C’est vrai ? J’ai pas mal d’élèves qui ne partagent pas votre avis… » Et mon job, c’était d’essayer de les intéresser. Pas toujours évident, mais j’avais lâché l’idée d’y arriver pour tous. Ce n’était pas possible, après tout, mais quand j’y arrivais pour quelques-uns, je me sentais bien, je me sentais utile. Et j’avais besoin de ce sentiment d’utilité. « Vous avez une période préférée ? »

Puisqu’il aimait l’histoire, je pouvais me permettre de lui poser des questions. Du moins, c’est ce que je m’étais dit. C’était plus sympa de pouvoir avoir des sujets de conversations qui nous plaisaient à tous les deux, alors j’avais lancé ça…

Concernant le fait de fuir la réalité, je comprenais son point de vue, mais je comprenais aussi le mien, bien sûr. Mes propos ne parlaient pas d’une fuite, mais d’une possibilité de décompresser un peu.
« Dans l’enseignement, parfois on a besoin de changer d’air. Vraiment. » Mais ça, c’était parfois un peu compliqué à comprendre pour celles et ceux qui ne connaissaient pas la réalité de ce que c’était qu’enseigner. Il y avait même encore parfois des gens qui pensaient qu’on passait notre temps à ne rien foutre, devant des classes d’adolescents plus ou moins dotés de maturité et plus ou moins intéressés par l’école…
Mais pour mon interlocuteur, comme il travaillait à l’observatoire et qu’il était passionné par les astres, il n’avait pas besoin de se changer les idées avec d’autres sujets ou d’autres activités : son métier était sa passion.

Il m’expliqua un peu d’où il venait et je me trouvais un peu con, sur le coup, mais… « Je n’ai jamais mis les pieds à New York. » Je ne savais même pas si c’était aussi grandiose qu’on le disait. Les grosses mégapoles du genre, ça ne m’intéressait pas.
Il évoqua aussi une personne que je ne connaissais pas mais qui, visiblement, me ressemblait beaucoup. « Euh, non. Je n’ai pas de famille par ici. Et je ne connais pas cet homme… mais vous n’êtes pas le premier à me trouver des airs de ressemblances avec ce Duncan. » Je pensais notamment à Nick, ce jeune garçon qui m’avait carrément confondu avec ce Duncan.
C’était bizarre de me dire que j’avais une sorte de sosie mais avec des allures de personnage de comics.

C’était assez étrange, mais bavarder avec Adam, ça venait assez naturellement. Je n’avais pas besoin de faire semblant ou de chercher des choses à dire. On regardait les étoiles tous les deux et je ne pus qu’opiner aux dernières paroles de mon jeune interlocuteur.
« C’est un peu ça… Comme une parenthèse dans la vie, mais le genre de parenthèse qu’on aimerait retrouver à la moindre occasion. »
Ce serait bien plus agréable de pouvoir vivre comme dans un rêve, mais on se retrouvait toujours rattrapés par la réalité.

Rencontrer Adam ce soir, c’était peut-être une bonne chose. Ce n’était pas courant de croiser la route d’un astronome… et jusqu’à présent, il m’était plutôt sympathique, alors, je profitais de cette rencontre.

« C’est vrai que la diversité est une vraie richesse ! Personnellement, j’adore découvrir des choses… je m’intéresse à un tas de domaines et j’adore apprendre. » Mais ce n’était pas le cas de tout le monde et certains de mes élèves voyaient mon cours comme quelque chose d’obligatoire et d’ennuyeux. Pourtant, j’essayais vraiment de rendre le cours d’histoire aussi vivant que possible.

Ainsi, mon interlocuteur aimait l’Antiquité… ce qu’il en dit me fit sourire. Il était vrai qu’il nous restait aujourd’hui des choses magnifiques de cette époque, mais je n’aurais pas aimé y vivre. Je n’avais jamais été pour la violence, alors les époques où beaucoup de problèmes se réglaient par le sang, ça ne me disait trop rien.
« Il y a un endroit que vous préférez, en terme de site historique datant de l’Antiquité ? » J’avais eu l’occasion de me rendre dans quelques lieux qui valaient vraiment le détour, mais tout le monde n’avait pas cette chance…
Et comme il était plutôt originaire des Etats-Unis, je supposais qu’un voyage en Europe, pour voir les vestiges grecs ou romains, ça faisait peut-être un peu loin…

La conversation n’avait pas besoin d’être animée, nous discutions posément, les yeux régulièrement tournés vers le ciel, et cela nous suffisait.
« Tous les métiers ont leur lot d’avantages et d’inconvénients… Je n’arrive pas à arrêter de penser au mien. Comme quand j’étais plus jeune et que je voyais un intérêt pédagogique dans tout ce qui était possible. Comment faites-vous pour vous changer les idées, de votre côté ? »
Regarder les étoiles pour se détendre, ça pouvait fonctionner… mais puisque son job était déjà de travailler sur les étoiles, était-ce toujours de la détente ?

« Oh non, il n’y a pas de mal… je me dis juste que je ne pensais pas avoir un faciès très commun et voilà que j’ai au moins un sosie sur l’île… Peut-être en avez-vous un, vous aussi, qui sait… »
J’imaginais bien une soirée du genre « La foire aux sosies » ou quelque chose du style… Si nous avions tous un sosie dans le monde et qu’ils se regroupaient tous ici, ça ferait un fameux bazar.

L’heure avançait, sans que l’on ne s’en rende vraiment compte. L’image de la parenthèse était parfaite pour cela, le moment était comme suspendu. Je souris à sa remarque sur la poésie de l’expression. Je n’avais jamais pensé à la poésie et pourtant, peut-être que c’était une vision bien juste des choses…

Lors de rencontres inattendues, il y avait toujours une part de mystère et de surprise. Ce soir, tomber sur Adam, ça me donnait vraiment l’impression que le monde était en train de me faire un cadeau. Certaines rencontres avaient beaucoup de valeur et me donnaient foi en l’humanité.
Adam Raki était une personne avec qui le contact était à la fois facile et agréable. Il était très simple pour moi de parler avec lui et de me sentir bien dans cette conversation. Nous étions même d’accord sur certains points alors que nous venions à peine de nous rencontrer.

« La curiosité, l’envie d’apprendre… ce sont des moteurs bien motivants ! On peut s’intéresser à des tas de choses, le monde semble sans limites, parfois… J’adore ça. » Il me semblait que j’aurais pu avoir suffisamment de motivation pour apprendre à peu près tout et n’importe quoi.
J’avais pu m’intéresser à différentes langues étrangères, à différents domaines et à diverses passions, mais je ne pouvais pas m’empêcher d’avoir toujours envie de nouveautés.

J’aurais pu parler pendant des heures des sujets qui m’intéressaient. Les voyages, par exemple, c’était quelque chose que j’avais toujours adoré et dont je pouvais parler sans fin. Peut-être même que c’était pour ça que ça avait saoulé mes enfants. En attendant, puisque le jeune astronome n’avait pas eu l’occasion de voyager, je me demandais s’il valait mieux que je me taise ou que je lui explique en long et en large ce que cela pouvait être que de voyager… Mais avec le fonctionnement de cette île, donner envie de voyager à quelqu’un en sachant que ce type de voyage ne serait plus possible, cela me paraissait un peu dégueulasse.

« Vous aimeriez découvrir l’île ? » A défaut de voyager… Il y avait ici pas mal de choses à voir et à comprendre.
Au moins, je ne lui parlais pas d’Italie ou de Grèce, parce que ces pays, magnifiques, auraient pu être des sujets délicats.

Que faisait-il ? Ce qu’il me dit me fit sourire.
« C’est intéressant. Les étoiles apaisent et la lecture permet de quitter le quotidien… Ce sont deux activités qui me plaisent aussi beaucoup. C’est important de pouvoir faire ce qu’on aime et d’aimer ce qu’on fait. »

Une façon de parler qui me semblait très réaliste et surtout très véridique. Mais mon interlocuteur me dit alors qu’il allait rentrer. Il était vrai qu’il était peut-être temps. Je regardais ma montre.

« Effectivement… Je vais faire de même… En tout cas, Adam, je serai toujours très heureux de croiser votre route ! »

Il y avait parfois des rencontres faites par hasard qui pouvaient donner l’impression que ce n’était pas un hasard, justement, comme si le destin, le monde, l’univers étaient capables de conspirer pour que les hasards puissent se croiser et s’accorder.
Ainsi, j’aurais pu, sans aucun doute, rester ici durant des heures encore, à discuter avec le jeune astronome, à échanger sur des sujets aussi vastes que beaux, à nous trouver des raisons de continuer, encore et encore…

« C’est ça qui est génial, dans la vie… On n’a jamais fini d’apprendre. » Et c’était quelque chose que j’aimais beaucoup. Apprendre, découvrir… Il y avait toujours de nouvelles choses qui nous attendaient.

Parmi mes envies d’apprendre, il y avait bon nombre de techniques, de langues, de cultures, de savoirs et de savoir faire qui m’attiraient. Je ne pouvais pas rester sans stimulation intellectuelle, cela m’aurait empêché de m’épanouir… Et j’avais un peu le sentiment que cet homme, Adam, me comprenait. Chose qui était relativement rare, en somme.

« J’ai pu voir quelques parties de l’île, mais apparemment, il se passe ici des choses très particulières… Des zones qui bougent, qui changent… Rien ne semble fixe… » Autrement dit, on pouvait aller de découverte en découverte. « Désolé si c’est déplacé, mais qu’est-ce qui vous empêche de le faire ? »

Le silence s’installa quelques instants et je regardais le ciel, pendant ce temps. « Alors, ça peut se faire ! » Je posais les yeux sur la carte de visite qu’il me tendait et que je pris. Je n’avais pas de carte de visite, pour ma part.

« D’accord, ça marche. Je vous envoie un message tout de suite pour que vous ayez mon numéro. » Et je joignis le geste à la parole, envoyant un simple texto à l’astronome. Je ne savais pas encore si j’allais visiter le centre d’astronomie, mais cela se pourrait sans doute. J’étais curieux de beaucoup de choses alors toute opportunité pouvait être sympathique.