Surprise ! Surprise !

Me baladant dans les coulisses du théâtre, je jetais un œil intéressé tout autour de moi. Ma troupe était toujours fidèle à elle-même. Les uns préparaient avec leur sérieux habituels leurs numéros alors que d’autres discutaient simplement ensemble. Comme toujours, l’ambiance était plutôt bon enfant et cela me faisait très plaisir de voir ça. Les choses commençaient à bien aller pour nous. Nous nous étions fait une petite réputation dans la ville, et bonne de surcroît.

Nous commencions à avoir nos habitués qui étaient heureux de revenir nous voir chaque dimanche soir. Ils savaient parfaitement quel amour les artistes pouvaient mettre dans la pratique de leur art. Les numéros à chaque fois magnifiques et plus surprenant les uns que les autres. Le bouche à oreille avait donc fait son petit effet et nous vendions toutes les semaines de plus en plus de billets. Oh bien sûr ce n’est pas ce qui pourrait nous permettre de remettre sur pieds notre Muppets Studio. Il en faudrait bien plus que cela. Mais j’avais appris depuis longtemps à marcher pas à pas pour gravir la montagne. De plus, j’étais persuadé que notre collaboration avec le Docteur ne pourrait que nous faire gagner plus de points auprès d’une population qui raffolait de notre musique, reprenant parfois en cœur certains de nos morceaux.

Parmi tous les artistes présents à cette soirée, le plus enthousiastes de tous était très probablement mon petit Robin. Il était très courageux mon petit têtard. Il s’était lentement mais sûrement remis de son enlèvement par la troupe du Sésame Street. Il était bien évidemment marqué. Certains parmi eux étaient sensés être ses amis et leur trahison lui avait fait un grand choc. Mais il se reconstruirait, passant davantage de temps avec les membres de notre troupe. Tout le monde avait mis la main à la pâte pour lui faire comprendre que malgré ce qu’il pouvait penser, il n’était pas seul. Jamais nous ne le laisserions tombés et il en prenait peu à peu conscience. Mais jamais encore je ne l’avais vu aussi joyeux. Il courait partout comme un dératé, sautant de ci de là et veillant à ce que tout soit parfait. J’avais fini par le rejoindre, pensant pouvoir lui dire le fond de ma pensée.

« Tu sais, mon petit Robin, cela me fait très plaisir de te voir te donner autant pour les autres. Mais peut-être faudrait-il que tu te reposes un peu. »

« Oh mais tonton Kermit, je tiens à ce que tout soit parfait. Nous avons un invité de marque ce soir. »

« Un invité de marque tu dis ? Oh tu parles de David Copperfiled c’est ça ? C’est vrai que c’est une chance de l’avoir parmi nous mais je… »

« Oh non je ne pensais pas à lui mais à quelqu’un d’autres. »

Il avait prononcé cette phrase, tout amusé, alors que je fronçais les sourcils. De qui mon neveu pouvait-il bien parlé ? Ne me laissant pas placé une phrase, il me poussa jusqu’à ma loge prétextant que je devais aller me préparer. C’est donc ce que je fis. Je mettais mes plus beaux atours et je répétais mon texte lorsque j’entendis la porte frapper. Qui cela pouvait-il bien être ? Je me relevais et ouvrais la porte. Je restais alors interdit reconnaissant Ben Parker, le détective qui m’avait aidé à retrouver mon neveu lors de sa disparition. J’étais surpris de le voir ici et je sentis mon cœur faire un soubresaut. Je pris le temps de le regarder, il était toujours aussi mystérieux… et aussi séduisant. Je devais bien le souligner. Voici donc la surprise que Robin voulait me faire ? Comment avait-il pu bien savoir avant moi qu’il allait venir ? Hésitant un peu, je finis par déclarer.

« Oh c’est un plaisir de vous voir, Ben. J’avoue que je ne m’attendais pas à cela. J’en conclus que vous avez reçu les billets ? C’est formidable que vous ayez pu vous déplacer. »

Je rabaissais alors mon regard en direction de son bras.

« Est-ce que votre blessure va mieux ? Vous avez pu vous en remettre ? »
   

Surprise ! Surprise !

Un petit sourire apparut sur mes lèvres au moment où la porte s’ouvrit sur le détective. J’étais réellement ravi de le voir. Bien sûr, je lui avais déjà demandé de venir. J’espérais qu’il pourrait être présent à l’un de nos spectacles et je le lui avais même proposé. J’en ignorais la véritable raison. Peut-être parce que mon instinct me disait qu’il avait besoin de se changer les idées de ce monde cruel qui était son quotidien. Ou peut-être que j’avais simplement inconsciemment l’envie de le revoir. Ou peut-être s’agissait-il un peu des deux. En tout cas il était là et j’avais la ferme intention de lui prouver qu’il avait eu tort de renoncer la première fois. Je l’observais quelques instants, admirant la tenue simple et élégante qu’il avait revêtue. Une présentation qui fut sublimée par un petit sourire et un rire adorable qui sortit de sa bouche. Je me rendis alors compte que c’était bien la première fois que je le voyais sourire. C’était plutôt bon signe… d’autant plus qu’il s’agissait de rire à la plaisanterie d’un petit garçon qui tenait à ce que je puisse le revoir. Je comprenais mieux à présent pour quelle raison il avait été excité comme une puce durant tout ce début de soirée. Qu’espérait-il réellement de cette rencontre au juste ? Je me mis alors à parler, laissant mon regard porté sur mon neveu durant quelques minutes.

« Je vois. Eh bien, je vous avoue que je serais bien curieux de ce que mon neveu vous a raconté pour vous convaincre de venir. »

Je finis par laisser mon intention être portée sur l’homme qui se trouvait en face de moi. Je ne voulais surtout pas le mettre mal à l’aise.

« Quoiqu’il en soit. Je suis réellement ravi de vous voir ici. Je vous trouve très élégant ce soir… enfin ne le prenez pas mal surtout. »

Qu’est-ce que je disais il y a un instant ? Que je ne voulais surtout pas le mettre mal à l’aise c’est ça ? Eh bien bravo Kermit, t’as totalement raté ton coup pour le coup mon vieux. Je revins alors à ses paroles suivantes. J’étais rassuré de voir qu’il se sentais mieux.

« Je suis ravi de l’entendre. Je vous avoue que cela m’avait un peu inquiété. Je ne voulais pas que vous vous retrouviez blessé par notre faute. »

Un nouveau sourire éclaira mon visage lorsqu’il me demanda comment j’allais et si j’étais prêt à passer en scène. Je rabaissais alors mon regard sur ma propre tenue, me rendant compte que je dévoilais alors une tout autre facette de ma personnalité. Vêtu d’une veste et d’un pantalon à paillette verts rappelant la couleur d’une grenouille, je portais en dessous simplement un gilet d’un vert plus clair sans chemise dévoilant des parties dénudées de mon torse. Eh oui parce qu’un petit sexy apporte toujours une touche en plus à l’aspect d’un showman. Je venais de plus de terminer mon maquillage… ayant ajouté un fard à paupière vert discret et du eyeliner. Clairement, j’étais à l’opposé de l’homme qui se trouvait en face de moi. Mais c’était souvent le cas. Après tout, faire rêver était notre travail à nous. J’espérais cependant qu’il ne trouvait pas cela trop étrange pour lui.

« Oh oui j’ai tout ce qu’il me faut. Mais j’en ai l’habitude vous savez. Je suis né pour faire du show business. Les affaires se portent bien et grâce à vous j’ai retrouvé ma famille… donc je pense que oui, je m’estime plutôt en forme. »

Dans ma tête fusait des tonnes d’idée pour rendre l’expérience de mon invité des plus mémorables. Comme si je n’y avais pas songé à de nombreuses reprises.

« Le spectacle ne commence pas avant une vingtaine de minutes. Nous pourrions boire un verre avant que je monte sur scène. Nous pourrons le prendre dans notre salon VIP. Nous y serons plus tranquilles. Avez-vous faim ? Je pourrais nous faire porter quelque chose. »
   

Surprise ! Surprise !

Je souris en entendant les propos de Ben. Il était donc venu ici pour moi ? C’était tellement touchant que je restais un instant interdit, incapable de pouvoir lui exprimer correctement ma gratitude. Il faut dire que les personnes qui s’inquiétaient à ce point-là n’étaient pas très nombreuses. Oh je ne dis pas que je n’avais pas beaucoup d’amis, loin de là. Mais quand on est soi-même un Muppet qui instable c’est difficile de prêter attention aux besoins des autres… et j’étais le chef. Ils estimaient plus logique que mon rôle soit de les guider et donc s’attendaient à ce que je sois littéralement au top tous les jours. Alors qu’une personne de l’extérieur vienne et prenne réellement le temps de prendre de mes nouvelles et de se soucier de ma santé, cela me faisait vraiment très plaisir. Je finis par hausser les épaules, toujours aussi souriant.

« Je vous remercie. Mais je me porte plutôt bien ces temps-ci. Bon c’est vrai que j’ai mes préoccupations. Un spectacle à mettre en scène, des muppets à suivre et un début d’une collaboration musicale. Tout cela me prend beaucoup de temps bien sûr mais j’ai des soucis comme tout un chacun… pas beaucoup plus. »

Je le trouvais d’autant plus touchant qu’il ne semblait pas en vouloir à Robin. C’est vrai que c’était un malin ce petit bonhomme. Il semblait à tout prix que nous nous rapprochions tous les deux… sans trop que je sache pourquoi. J’émis alors un petit rire et déclarais taquin.

« Vous savez, il vous apprécie beaucoup. Vous êtes devenu son héro et il parle très souvent de vous. Je pense qu’il voudrait vous faire une place dans notre grande famille. »

Je regrettais aussitôt ces paroles qui pouvaient sembler bien déplacée dans un tel contexte. Qu’est-ce qui m’avait pris ?

« Mais euh… enfin c’est une idée d’enfant. Vous savez comment ils sont. Ils adorent se raconter des histoires… non pas que vous n’êtes pas le bienvenu parmi nous. Nous… enfin je suis très heureux que vous soyez venu. Et pour une fois, pensez un peu à vous. Vous verrez, on s’amuse toujours bien parmi les Muppets. »

Je me perdais dans des explications sans queue ni tête qui laissait vraiment à désirer. Que viendrait-il à penser de moi ? C’était d’un puéril. Et le pire que tout ? Cette couleur légèrement rosée qui s’était installée sur mes joues lorsqu’il me complimenta. Une chose est sûre c’est que ce n’étais pas très pro de ma part.

« Je vous remercie… cela doit venir du fait que dans notre monde originel j’étais une grenouille. Même si ce n’est pas visible du premier coup d’œil. J’en suis conscient. »

Je l’écoutais alors et me résolus à lui obéir. Je ne m’excuserais plus pour ce qui lui était arrivé même si je me faisais tout de même du souci pour lui. Je changeais alors de sujet et lui proposais d’aller boire un verre dans un lieu plus calme. Proposition qu’il accepta, à ma plus grande joie.

« Va pour un jus de fruits ! Vous savez on un super barman qui fait des cocktails non alcoolisés à tomber par terre. Vous pourriez sans doute en goûter un. »

Je disais cela alors que je continuais à marcher. Je ne me rendais pas compte de l’accessoiriste qui se précipitait dans le couloir. Quelques millièmes de secondes plus tard, je me retrouvais coller à mon invité, ma main posée innocemment sur son torse et les yeux se noyant dans les siens. Je fis quelques pas en arrière.

« Oh ce… ce n’est rien. Merci. »

Je pris un instant de recul sur la situation qui venait de se produire.

« Vous êtes vraiment incroyable. Vous avez agi avec une de ces rapidités. Je voudrais bien avoir de tels réflexes. Cela éviterait bien des accidents en coulisse. »

J’adressais un sourire résolu à mon héros et la laissant libre de prendre cette remarque comme il le souhaitait, je le conduisais jusqu’à notre petit salon privé. Je lui indiquais un canapé de la main.

« Je vous en prie asseyez-vous. Alors dites-moi que désirez-vous ? Personnellement je vous conseil le cocktail arc-en-ciel. Il contient les meilleurs sirop et jus de fruits que nous ayons en réserve. Mûre, pomme, fraise, poire… »