And in the night, I'm still looking for your arms {feat Jiraya

C'est une nuit douce et cruelle. C'est une nuit morose et nostalgique. La journée de travail s'est terminée, semblable à toutes les autres et sur le chemin la menant chez elle, Tsunade le sait. Si elle rentre maintenant, elle ne cessera de penser à lui. A ce qu'il lui a dit avant de partir. Avant de mourir lui souffle sa conscience. Comme toujours, elle se remémore cette scène. La dernière fois qu'elle l'a vu, son rire franc, son regard perçant. Ils ont discuté, un moment de l'Akatsuki et elle avait la possibilité de le retenir, de l'arrêter. Elle ne l'a pas fait.

Puis, elle entend Fukasaku, le Maître crapaud prononcer des mots déchirants.
 
« Le petit Jiraya est mort. »

A nouveau, son cœur s'était brisé mais cette fois, il ne s'en remettrait plus. Les morceaux éparpillés ne se recolleraient plus comme pour Nawaki et Dan. Le temps ne la guérirait pas. Sa perte était la goutte de trop qui avait fendu le verre. Avec, ses émotions avaient implosé. Elle n'avait rien montré à son entourage, tout gardé pour elle. Et elle continuait de le faire, elle continuait de ressasser sans cesse les mêmes pensées. La culpabilité l'étreignait.

Elle aurait dû lui dire, elle aurait dû voir derrière son sourire, derrière son rire… Elle aurait dû comprendre. Elle aurait dû l'arrêter, à l'époque.  

Mais maintenant, il est trop tard.  

Ses escarpins noirs la mènent vers le spot éclairé d'une boîte branchée. Vêtue d'un long pantalon sombre et d'un chemisier déboutonné qui laisse apercevoir les courbes de sa généreuse poitrine, à l'étroit, Tsunade jette un regard dans la salle, remplie. Elle lâche un soupir en voyant qu'aucune table n'est disponible et se dirige vers le bar. Elle tire un des tabourets hauts et s'y installe non sans faire la moue. Ce n'est pas sa place préférée d'être en tête à tête avec le barman mais tant pis. Elle l'interpelle afin qu'il commence à la servir. Il lui apporte le premier verre et elle le vide, cul-sec.  

Le saké n'est pas bien répandu par ici. Elle a choisi du whisky. C'est fort, ça lui brûle la gorge, lui vide l'esprit et c'est tout ce qu'elle veut pour ce soir.  


Crie-t-elle en avançant son verre dans lequel le glaçon fond lentement. Cinq fois, elle en demande tout en se répétant, pensées parasites persistantes.  

Ne pleures pas. Ne craques pas. Tu es un Hokage de Konoha.  

Tsunade reprend cinq autres verres. Cinq pour oublier ce qui la hante. Sa tête commence à tourner mais ses sens sont toujours aussi aiguisés. Assez pour remarquer un homme approcher sa main de son verre. Tsunade attrape son poignet, le serre suffisamment pour le tenir immobile mais trop peu pour lui briser l'os. Elle n'a plus autant de force qu'avant. Elle grogne.  


Sa voix partant dans les aiguës atteste de son taux d'alcoolémie mais Tsunade n'en perd pas sa vigilance. C'est elle qui drogue les autres, pas le contraire. Cependant, il serait dangereux de continuer la nuit ainsi. Si elle donne l'impression d'être aussi faible, c'est qu'il est l'heure pour elle de rentrer.  

Elle soulève son dernier verre, le finit et s'en va après avoir payé. Titubant sur le trottoir, son corps vacille d'un côté de la route puis de l'autre. Son crâne lui tambourine l'esprit à tel point qu'elle croit entendre son prénom. Une hallucination provoquée par l'alcool ? Possible, ça ne serait pas la première fois. Elle bascule sa tête en arrière, se retourne de moitié.


La presque cinquantenaire s'interrompt en semblant reconnaître cette silhouette. Elle a quelque chose d'étrangement familier. Cependant, Tsunade ne s'emballe pas. La prise d'alcool a tendance à lui faire croire que son vieil ami est encore de ce monde. Et quand elle dessoûle, elle réalise qu'elle s'est emballée pour rien. Ses sourcils se froncent et elle gronde assez fort mais pour elle-même.


C'est elle qu'elle insulte. Elle pose une main sur son crâne, appuie son épaule contre le métal frais d'un lampadaire. Son univers tangue et sa vue se brouille. Si seulement il était encore en vie… De quoi a-t-elle l'air à espérer une réponse d'un fantôme ? Elle ne fait que se défouler avant de craquer et de s'écrouler.

Ça lui tape dans le cerveau, un peu comme un marteau. 
Ça lui donne chaud, d'avoir bu le verre de trop. 
Ça lui enlève toute élégance, d'avoir dépassé son seuil de tolérance.

Ce soir, Tsunade a franchi la limite et ça n'a pas manqué. Elle se souvient de toutes les publicités qui circulent "L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération". S'il y a un meilleur remède que l'alcool pour affronter les remords de son passé, elle serait prête à l'essayer. Cependant, il n'existe rien pour faire disparaître sa culpabilité si ce n'est cette liqueur enivrante.

L'ombre du souvenir s'approche d'elle, sa voix lui parvient aux oreilles, certainement produite par ses hallucinations. Tout cela n'est pas vrai. Ce n'est que le désir de revoir celui qu'elle a perdu et qui a toujours été à ses côtés. 

Les joues rouges, pompette, Tsunade relève la tête vers lui, sourcils froncés. Le losange sur son front est absent, elle n'est pas capable d'utiliser ce jutsu comme tous les autres. A la place, elle a gagné des rides, symboles de sa vieillesse qu'elle tente de camoufler au maximum. Elle a toujours fait en sorte de paraître jeune et pimpante, ce soir, elle ressemble au vestige de ce qu'elle était, marquée par l'âge et par la perte. 

Elle est toutefois incapable de se confier. Quel serait l'intérêt de le faire avec une ombre ? Il agira uniquement comme elle le veut et non comme il le devrait. Elle le repousse d'un geste de main, se cramponne au poteau pour garder l'équilibre.


Sa voix est abrupte, manque de douceur. C'est en partie à cause de son crâne qui ne cesse de la faire souffrir mais aussi par son état. Elle est pathétique pour s'imaginer converser avec Jiraya, son défunt ami. Et elle ne peut s'empêcher d'émettre un rire alors que son bras se glisse contre ses côtes, sous sa poitrine de sorte à la faire ressortir. Provocante et indisciplinée, elle l'a toujours été. 


Il y a un sourire narquois qui s'étire sur ses lèvres, comme un défi lancé et qu'elle est certaine de remporter. On ne la lui fait pas, elle est suffisamment prudente pour ne pas se laisser berner par les beaux yeux de n'importe qui. Sauf que ce n'est pas n'importe qui.

En parlant de ses yeux, ils sont perçants et profonds, éclairés par le lampadaire. Ils semblent presque vivants et Tsunade ne peut s'empêcher de relever l'une de ses mains vers son visage. Ses doigts en effleurent le contour, étrangement tangible, et elle murmure.


C'est ça la triste réalité, l'amertume qui rend sa bouche pâteuse et lui noue la gorge. Elle a besoin de le dire pour s'en convaincre. Jiraya n'est plus de ce monde. Le contraire ne serait possible qu'avec un jutsu interdit et il ne rennaîtrait pas sous des traits identiques. 

Sa main se pose sur sa joue. Elle est chaude. Ce contact la perturbe, ses iris marrons se plongent dans les siens. Elle n'ose pas y croire. Elle ne réalise pas ce qui se passe. L'alcool est-il le seul coupable ? Comment l'illusion peut-elle être si palpable ? Ce n'est pas possible… Il ne peut pas être présent. Elle le sait, sa conscience le sait, son cadavre n'a pas été récupéré mais sa mort s'est bien produite… 

Alors pourquoi est-il là ? Est-ce qu'elle a trop bu au point de perdre la tête ? Oui… C'est ça. Elle est en train de devenir folle. Tsunade se mord la lèvre inférieure, sent des larmes lui monter aux yeux alors qu'elle chuchote comme si chaque mot lui permettait de s'accrocher à ce qui est arrivé et non à la vision de ce qu'elle est en train de toucher. 


Les sanglots éclatent, glissent le long de ses joues pâles. Personne ne lui a permis de pleurer sa mort, elle devait rester forte et droite devant tous ses subordonnés. Elle n'avait pas le droit à un instant de relâchement. Mais si c'est face à un mort, qui peut bien l'accuser de se laisser aller ? Personne. Demain, elle aura oublié et il n'en restera rien.

Tsunade. Son prénom résonne avec tant de clarté entre ses lèvres que pendant une seconde, elle a l'impression de lui parler. Qu'il est vraiment là. Les signaux sont contradictoires. Entre songes et idées noires, sa présence lui apparaît comme salvatrice. Tsunade cesse d'essayer de démêler le vrai du faux. Elle se laisse entraîner dans leur conversation et tant pis, si demain, tout n'était qu'un rêve. 


Souffle la belle blonde avant d'éclater de rire. Au moins n'a-t-elle pas envie de vomir, c'est la preuve qu'elle commence à s'habituer à boire. Au départ, en arrivant ici, les alcools forts la mettaient tout de suite K.O, maintenant, elle les digère et apprécie leur goût prononcé. 

Peut-être devrait-elle proposer au fantôme se son ami de la suivre dans un bar afin de fêter leurs retrouvailles ? Non. Elle abandonne vite l'idée. Dans un lieu public, elle se ferait vite remarquer à parler seule et finirait dans l'hôpital qu'elle gère. Internée.

Son éclat de rire disparaît bien vite. Ses mots la poignardent en plein cœur. Ils lui rappellent tant de mauvais souvenirs qu'elle a un goût amer en bouche. Ses doigts viennent attraper la joue de Jiraya pour tirer dessus sans délicatesse. 


Il ne reste que Naruto. Depuis qu'elle se l'est promis, elle n'a cessé de le protéger. Il est celui à qui elle a confié son précieux collier et qui porte les rêves de ses proches. 

A chaque instant, en tant qu'Hokage, Tsunade est prête à mettre sa vie en jeu pour lui mais aussi pour le village. La volonté du Feu continue de brûler dans son cœur bien qu'elle soit la raison pour laquelle tous ceux qu'elle aimait ont perdu la vie. 

Ses larmes glissent silencieusement le long de ses joues, Tsunade se pince le nez dans un effort de paraître belle et maître d'elle-même, qu'importe la situation. Elle a toujours laissé ses émotions en veilleuse, les mettant de côté jusqu'à ce qu'elles explosent.


Peut-être que pour une fois, elle aurait aimé passer avant le village. Peut-être que ça aurait changé quelque chose si elle l'avait formulé, si elle l'avait empêché de partir à coups de poings. Elle recommence à se jeter la pierre. 

Ses mains viennent masser ses tempes et elle ferme les paupières, cherche à rester consciente bien que les mots se mélangent dans sa tête et qu'elle perde le fil de la discussion. 


C'est trop compliqué. Elle entrouvre ses paupières, sa main vient se poser dans la sienne, plus grande et rugueuse. S'il était bel et bien vivant, elle ressemblerait probablement à ça. Tsunade appuie son épaule contre celle du fantôme de Jiraya, sa tête bascule légèrement. Ça sera plus facile de marcher en étant ainsi soutenue.