L'élégance...
De tout temps et en tout lieu, il s'agissait là de quelque chose qui transcendait les êtres humains.
Le soleil brillait dans les rues animées de la ville, alors que Sebastian Michaelis, désormais chef cuisinier extraordinaire et démon contractuel, se dirigeait vers une série de magasins de vêtements de prêt-à-porter. Son objectif ? Mettre la main sur des tenues impeccables pour ses chers employés.

Sebastian avait besoin de trouver des valeurs sûres en termes de vêtements et, dans ce monde où les tailleurs ne couraient pas les rues, il semblait que la plupart des gens se vêtissaient dans des boutiques où les tenues n'étaient jamais plus taillées sur mesure et ne faisaient guère l'objet de demandes personnalisées et particulières. C'était dommage.
L'ancien majordome du Comte Phantomhive avait toujours apprécié la finesse et la subtilité de l'art des tailleurs. Certains étaient si doués de leurs mains qu'ils parvenaient à faire en sorte qu'un véritable épouvantail puisse prendre part à une tablée de la noblesse. Il fallait bien reconnaître que, contrairement à ce que tous les dictons et toutes les maximes avançaient, l'habit revêtait toujours une importance qui ne pouvait être ignorée.

Qu'auraient pensé les gens d'un restaurant gastronomique où les serveurs ne portaient pas un uniforme digne de ce nom ? Ils avaient besoin d'un relooking complet. Et Sebastian tenait à s'assurer que ses employés soient habillés décemment en toutes circonstances.
Et il ne cherchait pas l'impossible, non, loin de là. Dans ce monde qui n'était qu'une pâle copie de ce qu'il connaissait, Sebastian avait vite compris que certaines de ses exigences devaient être revues à la baisse... du moins dans un premier temps. Mais il avait toujours été plutôt patient, alors il ne s'en formalisait pas.
Il recherchait des tenues à la fois élégantes et fonctionnelles. Des costumes bien coupés, des chemises de qualité et des accessoires assortis. La simplicité avec une touche de raffinement était de rigueur.

Poussant la porte de l'une des boutiques de Raccoon Square, le démon reconverti en chef cuisinier porta un regard lent et méthodique sur les collections. Il y avait là bien trop de vulgarité. Des couleurs criardes, des coupes banales et informes... Sebastian fit bien vite demi-tour pour s'en aller dans un autre magasin, moins tape-à-l'oeil et bien plus sobre.

Cette fois, il n'eut pas cette envie immédiate de faire demi-tour, que du contraire, il s'avança même de quelques pas, laissant son regard balayer les rayons pour chercher ce dont il avait besoin.

« Excusez-moi. » Il venait de s'adresser à une jeune femme qui lui barrait le passage inconsciemment. Nul besoin de faire un esclandre, mais Sebastian n'avait guère le temps d'attendre que cette demoiselle ait fait son choix.
Une fois la voie libre, il arriva enfin dans un rayon où des costumes pour hommes étaient parfaitement alignés. Une rigueur qui lui fit plaisir.

Il n’y avait plus beaucoup de tailleurs, dans cette époque, la plupart des gens venaient acheter des vêtements dans des boutiques de prêt-à-porter plus ou moins correctes. La qualité avait cédé la place, la plupart du temps, aux vêtements fabriqués à la chaîne, avec des matériaux qui n’avaient rien d’authentique.
Dans le monde actuel de la mode, il était devenu courant de voir une prolifération de vêtements prêt-à-porter de piètre qualité. Des coutures fragiles, des matériaux bon marché et des finitions bâclées étaient désormais monnaie courante. Pourtant, il fut un temps où l'artisanat et la qualité étaient les valeurs essentielles de l'industrie de la mode… La société de consommation actuelle favorisait la production à grande échelle, au détriment de la qualité. Les marques de vêtements, avides de profits rapides, cherchaient à minimiser les coûts de production et à maximiser les marges bénéficiaires. Le résultat en était une abondance de vêtements jetables qui ne duraient qu'une saison, voire moins.

Sebastian était exigeant, il aimait la perfection et les frusques qui étaient proposées dans les différentes boutiques dont il avait passé la porte ne lui avaient pas vraiment laissé une impression inoubliable.
Ici, cependant, les produits semblaient être de meilleure facture, fabriqués dans de meilleures conditions et avec de meilleures matières premières. Voilà qui s’avérait un peu plus prometteur. Et tandis que Mr Michaelis balayait du regard les rayons, une voix aussi nasillarde que désagréable se fit entendre. Des propos aimables, pourtant, mais un ton qui ne laissait aucun doute sur les intentions véritables de ce vendeur.

« Si vous avez quelque chose d’élégant, de bonne qualité et de bon goût, peut-être, oui. » La posture de cet employé n’était pas des plus adaptées pour son travail, mais Sebastian ne pouvait guère lui donner une leçon de maintien ici.
Cependant, ce fut sans doute cette remarque Vous semblez perdu qui eut plus d’impact sur l’ancien majordome.
« Perdu ? pas vraiment. Je dirais plutôt que je suis déçu de ne rien trouver de digne de ce nom. »

Dans ce monde, tout semblait être si factice, si fade… Il n’y avait plus ni qualité, ni élégance.

Sebastian, bien que toujours maître de lui-même, trouvait la situation légèrement irritante. Être réduit à une forme humaine et confronté à des moqueries de la part de Ronald était loin de ce à quoi il était habitué. Cependant, il voyait cela comme un défi, une autre épreuve à surmonter avec la même grâce et compétence qu'il avait toujours démontrées.
Il était curieux de savoir comment il en était arrivé là et comment il pourrait retrouver sa véritable forme. Mais en attendant, il était déterminé à naviguer dans cette situation avec dignité, tout en montrant à Knox qu'il restait le majordome impeccable qu'il avait toujours été, quelles que soient les circonstances.

Sebastian, malgré son apparence humaine, conservait toujours cette aura de majordome impeccable, même si les circonstances avaient changé. Il observa Ronald avec un calme olympien, ses yeux rouges brillant d'une lueur amusée.

« Monsieur, » commença-t-il d'une voix douce et posée, « il est évident que vous prenez un malin plaisir à me taquiner. Cependant, je vous rappelle que même sous cette forme humaine, je conserve certaines de mes compétences. Quant à la mode... je suis certain que je pourrais rendre n'importe quel vêtement élégant, même ceux que vous jugez indignes. »

Il s'approcha des costumes noirs, effleurant le tissu du bout des doigts.

« La simplicité a son charme, tout comme la sophistication. Et si je devais choisir une couleur, je m'assurerais qu'elle soit à la hauteur de mes standards. »
Sebastian se tourna vers le tissu psychédélique que Ronald agitait.
« Quant à cela," dit-il en souriant légèrement, "il serait intéressant de voir comment je pourrais l'incorporer dans une tenue. Après tout, un bon majordome doit être capable de s'adapter à toutes les situations, n'est-ce pas? »

Peut-être dans un accessoire comme une cravate, ou un nœud papillon… ou des chaussettes, éventuellement, dans la société actuelle, les gens aimaient porter des sous-vêtements un peu plus colorés, comme si cela leur permettait d’afficher un petit grain de folie.

Sebastian se pencha légèrement vers Ronald, son sourire s'élargissant légèrement.

« Mais je vous remercie pour vos suggestions, elles sont... divertissantes. »

Voir Ronald Knox dans ce nouveau rôle de vendeur de vêtements était à la fois amusant et curieux pour Sebastian. Il trouvait ironique que quelqu'un qui avait autrefois récolté des âmes se retrouve à vendre des vêtements, surtout des vêtements d'un goût aussi discutable. Cependant, Sebastian reconnaissait que, tout comme lui, l’ancien shinigami s'adaptait à sa nouvelle situation du mieux qu'il pouvait.
Bien que Ronald prenne un malin plaisir à taquiner Sebastian, l’ancien majordome ne le prenait pas personnellement. Il voyait leurs interactions comme un jeu, une danse entre deux êtres surnaturels pris dans des circonstances inhabituelles.

Sebastian leva un sourcil avec amusement en entendant les mots de Ronald, un sourire narquois se dessinant sur ses lèvres. « Un clown, dites-vous ? Je ne peux m'empêcher de penser que cela serait un rôle des plus divertissants à jouer, » répliqua-t-il avec une pointe de malice dans la voix.

Il observa attentivement les costumes noirs, effleurant le tissu du bout des doigts, appréciant la texture sous sa peau. «Je dois avouer que la qualité laisse quelque peu à désirer, mais en ces temps difficiles, il faut savoir faire des compromis, » dit-il d'un ton légèrement moqueur, ses yeux pétillant d'amusement.

Lorsque Ronald posa sa question indiscrète, Sebastian ne put s'empêcher de sourire, appréciant visiblement le jeu auquel ils se livraient. « Le petit chiot, comme vous dites, a bien grandi. Il n'est plus ce jeune garçon perdu que vous avez connu, » répondit-il, une lueur mystérieuse dans le regard. « Mais rassurez-vous, je veille toujours sur lui avec la même dévotion qu'autrefois. »

Sebastian se tourna légèrement vers Ronald, l'observant avec un intérêt feint. « Et vous ? Toujours à traîner dans des lieux peu indiqués, à ce que je vois. Les choses ne semblent pas avoir beaucoup changé pour vous, » lança-t-il, la voix suave et le regard perçant.

Il suivit du regard la direction indiquée par Ronald, remarquant les accessoires éparpillés ici et là. « Les cravates et les chaussettes, dites-vous ? Peut-être trouverais-je mon bonheur de ce côté-là, » dit-il en se dirigeant lentement vers l'endroit indiqué, ses pas résonnant avec grâce sur le sol.

Tout en marchant, son regard fut attiré par une étagère sur laquelle étaient disposés divers objets de décoration d’Halloween. Il s’arrêta, contemplant les citrouilles sculptées, les chauves-souris suspendues et le chaudron en plastique. « Quelle charmante mise en scène pour une fête aussi… particulière, » murmura-t-il, un sourire en coin se dessinant sur ses lèvres.

Il se pencha pour examiner de plus près un balai de sorcière, le prenant dans sa main et le faisant tourner avec dextérité. « Cela pourrait presque donner l’impression d’être réel, si l’on n’y prête pas trop attention, » dit-il, parlant autant pour lui-même que pour Ronald.

Sebastian entendit la pluie commencer à tomber à l’extérieur, les gouttes frappant doucement contre la vitre du magasin. Il regarda dehors, les yeux plissés, comme s'il pouvait voir à travers le voile de l’eau. « La pluie en cette saison ajoute une touche mélancolique à l’ambiance, ne trouvez-vous pas ? » demanda-t-il, se tournant vers Ronald, sans être curieux de connaître sa réponse.

« Et puis, il y a toujours le risque de tomber sur des enfants déguisés, poussant des cris effrayants dans l’espoir de récolter des bonbons, » continua-t-il, un sourire amusé aux lèvres. « Cela doit être un véritable cauchemar pour certains. »

Il reposa le balai, ses doigts effleurant une fausse araignée avant de se diriger vers les cravates et les chaussettes. « Alors, Ronald, me recommandez-vous quelque chose en particulier ? Ou peut-être avez-vous peur que je ne trouve pas ce que je cherche dans cette boutique ? » lança-t-il, le ton taquin et le regard malicieux.

Sebastian s’arrêta devant les cravates, les examinant avec un œil critique. Il en sélectionna une, noire avec des reflets argentés, et la tint contre lui, se regardant dans le miroir à proximité. « Qu’en pensez-vous ? Est-ce à la hauteur des standards du grand Sebastian Michaelis ? » demanda-t-il, un sourire narquois aux lèvres, sachant pertinemment la réponse à sa propre question.

Il attendit la réaction de Ronald, curieux de voir comment l’ancien shinigami allait riposter à sa provocation. Après tout, c’était toujours un plaisir pour Sebastian de jouer au chat et à la souris, surtout avec d’anciennes connaissances.