Malon ouvrir le volet de la fenêtre de sa chambre et respira profondément. Le ranch avait été installé à l’orée de la forêt Mirkwood, et de sa chambre, elle avait une vue magnifique sur les arbres comme une invitation à la promenade. Elle regarda un instant en direction l’orée du bois, rêveuse. Peut-être un jour le prince de ses rêves sortirait-il pas là pour venir lui proposer une vie de rêve. Malon y croyait toujours autant, même après toutes ces années. Après tout, c’était grâce aux rêves que la vie était plus belle, n’est-ce pas ? Mais il était temps de se préparer, le travail n’attendait pas.

D’abord, elle avait les chevaux à sortir et à nourrir. La journée, à moins qu’il ne pleuve ou qu’il ne fasse un temps vraiment froid, Malon laissait les chevaux courir dans le grand espace du ranch. Elle restait énormément avec eux. La compagnie et l’exercice étaient essentiels pour qu’ils gardent le moral. Une fois les chevaux en liberté, elle remplit leur auge avec leur nourriture. Les plus gourmands s’avançaient déjà pour prendre leur petit déjeuner. Un peu à l’écart, une jument léchait sa jeune pouliche. La petite était née quelques jours auparavant et c’était la première fois que sa maman consentait à ce qu’elles sortent depuis la naissance.

« Bonjour, Olympe ! Tu t’es décidée à sortir aujourd’hui ? » lui dit-elle joyeusement, en caressant doucement sa robe. « Comment va la petite Epona ? »

Malon avait eu le privilège d’assister à la naissance de la pouliche et avait donc pu choisir son nom. Elle l’avait donc appelée du nom de cette si belle jument qui avait été son amie autrefois et qui était devenue la monture du garçon de la forêt, Link. Hyrule et ses amis lui manquaient. Donner ce nom à la pouliche lui rappelait un peu tout ça et cela lui faisait du bien. Elle brossa doucement la petite pouliche pour qu’elle se sente le mieux possible. Il fallait habituer Epona à être en contact avec des humains. Ayant confiance en Malon, Olympe la laissait manipuler son bébé tant que celle-ci n’en souffrait pas.

« Et voilà, Epona, tu es la plus belle », gagatisa Malon. « Emmène-la à l’auge rapidement, n’est-ce pas, Olympe ! Que tu puisses manger tranquillement avant que les autres n’engouffrent tout. »

Olympe avait besoin de se nourrir pour bien nourrir son bébé. Malon l’avait nourrie en particulier jusque là, et elle complèterait avec de la nourriture dans son box la nuit, mais elle ne craignait rien. Ses chevaux étaient heureux, ils mangeaient bien et faisaient de l’exercice. Cela fait, elle fit le tour des vaches du ranch pour s’assurer de leur état de santé, et les emmener paître dans la partie du ranch qui leur était réservée. Auparavant, elle les trayait pour avoir du bon lait frais pour ses clients. Une fois les animaux en liberté dans le ranch, elle s’installa au milieu des chevaux et leur tint compagnie en chantonnant. Epona vint voir ce qu’elle faisait, et se fit gratter les naseaux.

Malon était en train de profiter de l’instant avec les chevaux. Il n’y avait aucun endroit où elle se sentirait aussi bien que dans cet endroit avec ses amis les plus chers. Oui, les chevaux étaient ses amis, elle avait l’impression qu’ils se comprenaient. Ils étaient ce qu’elle avait de plus cher et elle tenait à ce qu’ils se sentent toujours bien. Chaque fois que quelque chose pouvait les perturber, elle y regardait de plus près pour être sûre que ce serait sans conséquence. Mais il était rare qu’il se passe quelque chose de grave par ici, tout était plutôt calme.

Soudain, elle vit quelques chevaux s’activer à l’entrée et son regard fut attiré par là pour savoir ce qui était en train de se passer. C’est alors qu’elle aperçut cet homme. Il n’était pas quelqu’un de dangereux, d’ailleurs, les chevaux l’accueillirent avec affection et bienveillance. Ils le connaissaient. Malon le connaissait aussi. Il venait souvent aider au ranch. Pourtant, il était une sorte de roi, enfin, c’était ce qu’elle avait compris. Mais il était vraiment gentil avec les animaux. Et avec elle aussi. Elle avait l’impression qu’il était une personne de confiance, alors elle lui parlait souvent, mais elle essayait de ne pas l’ennuyer.

« Monsieur Arthur ? »

Elle se précipita dans sa direction avec un sourire jusqu’aux oreilles. Elle était contente de le voir. Malon était toujours heureuse de revoir ses amis. Et c’était comme cela qu’elle considérait cet homme. Il était gentil, il était bienveillant, il essayait toujours de faire attention aux autres. En tout cas, il faisait attention à elle et elle savait qu’elle pouvait lui faire confiance. Elle était contente de le voir. Elle avait fait tout ce qu’il fallait pour que le ranch soit bien tenu et il n’y avait plus grand-chose à faire. Ils allaient pouvoir se tenir compagnie et bavarder agréablement.

« Comment vous allez ? Les chevaux sont contents de vous voir, Monsieur Arthur ! Ils sont venus vous souhaiter la bienvenue », fit-elle remarquer en riant.

A sa façon de se comporter avec elle, la petite palefrenière avait tendance à oublier qu'elle avait affaire à un roi. Il était vrai que la seule famille royale qu'elle se connaissait était celle de Hyrule et notamment la princesse Zelda. Mais il était tellement gentil avec elle et les chevaux qu'elle ne pouvait que le traiter comme un ami. D'ailleurs, les chevaux étaient toujours enchantés, quand il venait leur rendre visite. Encore maintenant, ils en étaient tous enchantés. Elle lui fit remarquer que des chevaux l'aimaient bien et il prétendit que c'était grâce à elle parce qu'elle les élevait bien. Elle souhaitait le croire de tout son cœur. Elle ne pouvait rien espérer de mieux que l'idée que ces chevaux soient heureux avec elle.

Cela dit, c'était vrai qu'elle avait l'habitude de s'occuper d'eux. Quand elle était encore en Hyrule, entre son père qui ne faisait que dormir et monsieur Ingo qui ne semblait pas beaucoup aimer son travail, c'était surtout elle qui s'occupait des animaux. Elle y était donc habituée et n'avait eu aucun mal à installer le ranch dans cette nouvelle ville. Elle eut un sourire lumineux quand il la complimenta elle avait tellement toujours l'impression qu'il voulait la protéger. Elle ne savait pas pourquoi mais cela la rassurait dans cet endroit de la ville qui n'était pas des plus luxueux.

« Merci vous êtes gentil. J’essaie de faire en sorte qu'ils soient heureux. Je les aime tant tous. »

Le roi lui proposa d'aller faire une promenade à cheval. D'ordinaire, elles étaient payantes, mais comme il travaillait sur place, elle pouvait se permettre de le laisser chevaucher quand il le voulait. Ainsi, les chevaux profitaient de se promener et les employés étaient récompensés de leur bon travail. En réalité, il n'y avait pas vraiment beaucoup d'employés. Malon ne pouvait pas se le permettre. La plupart de ceux qui faisaient des tâches de temps en temps le faisaient bénévolement ou contre une subvention symbolique. Donc, le fait de les laisser chevaucher était donc une récompense toute méritée.

« Avec plaisir. Dans ce cas, je vais fermer le ranch un moment. On ne sait jamais. »

Ils choisirent chacun un cheval et se mirent en route. La plupart des promenades qu'elle faisait étaient des balades organisées et quand elle voyageait avec quelqu'un comme lui, elle se laissait porter par ses envies afin de changer un peu. Elle le laissa donc prendre la direction qui lui ferait plaisir.

Malon ne pouvait s'empêcher de croire que c'était vrai et que les animaux dont elle s'occupait avait pour elle la même affection que celle qu'elle avait pour eux. Quand on voyait comment les chevaux venaient se frotter à elle pour qu’elle leur caresse la tête, cet espoir n'était pas gratuit mais basé sur des observations assez précise et c'était la raison pour laquelle elle pensait que monsieur Arthur avait raison. Elle en était heureuse, parce qu'ils étaient vraiment tout pour elle et elle ne pourrait avoir plus de joie qu’auprès de ses chevaux. Ce qu'elle avait connu en Hyrule lui manquait.

C’était la première fois qui lui demandait d'où lui venait cet amour pour les animaux et cela faisait un certain temps qu'elle n'avait pas repensé à son père. Elle ne l'avait pas vu dans ce monde, mais il était plus que probable qu'il avait trouvé une façon de passer la majorité de son temps à dormir, auquel cas il ne devait pas être très facile à trouver. Ce qui était certain, c'était qu'il ne travaillait pas au ranch mais il n'avait jamais beaucoup travaillé par le passé non plus. Elle en riait à l'époque, parce que tant que son père était près d'elle, elle avait tendance à l'aimer comme il était.

« Je suis née auprès des animaux. Mon père possédait un ranch qui ressemblait beaucoup à celui-ci. Et je m'occupe des chevaux depuis que je suis toute petite, surtout qu'il aimait beaucoup faire la sieste alors heureusement que j'étais là pour travailler pendant qu'il dormait », dit-elle en riant.

Il était vrai que cet homme ne connaissait pas beaucoup son histoire alors qu'il avait gentiment accepté de lui raconter la sienne. Il fallait dire que Malon ne racontait pas souvent ces histoires, étant plutôt du genre à écouter qu'à parler. Mais elle ne voyait pas de raison de ne pas raconter son histoire à cet homme qui avait toujours été bienveillant envers elle. Le monde d'Hyrule n'était pas peuplé que de jolies histoires et elle avait vécu sa part de tourments, mais elle estimait qu’elle s’en était plutôt bien tirée, même s'il avait fallu l'intervention du jeune homme de la forêt pour que tout se passe bien.

« Je suis née au ranch. Maman appartenait à une tribu de femmes qui se battaient. Elles s'appelaient les Gerudos. Mais quand elle est tombée amoureuse de Papa, elle a voulu rester avec lui au ranch. Malheureusement, un peu après ma naissance, un homme est venu la voir en lui disant qu'il était son seigneur et maître et qu'elle devait revenir chez les voleuses Gerudo pour être à son service. Cet homme s'appelait Ganondorf et Maman a refusé de le suivre et elle a même dit qu'elle se battrait contre lui. Ils se sont effectivement battus, mais Maman n'a pas survécu. Heureusement, elle ne lui a pas dit que sa famille était au ranch à ce moment-là. Elle a prétendu autre chose pour qu'on ne nous attaque pas. Mais c'est pour ça que j'ai grandi juste avec mon père. »

Même si c'était une histoire triste, elle avait appris à ne pas pleurer sur son sort. Même après quand la vie au ranch était devenue moins agréable, elle s'était efforcée de garder la tête haute, mais il n'était jamais facile de se confronter à l'adversité et elle ne pouvait s'empêcher de se demander ce que serait sa vie si elle avait pu avoir ses deux parents.

« A part moi et mon père, il y avait monsieur Ingo qui travaillait avec nous, mais un jour il est devenu méchant et il a prêté allégeance à Ganondorf qui lui a offert notre ranch. Heureusement, un jeune garçon de la forêt qui m'avait déjà aidée quand j'étais petite est venu à notre secours. Monsieur Ingo est redevenu gentil, et la paix est revenue sur le ranch, même si nous évitions de trop nous en éloigner car le reste du monde était toujours dangereux. »

Le garçon de la forêt. Malon avait toujours pensé qu’il avait un grand destin loin du ranch qu’il avait pourtant contribué à libérer. Mais ce n’était que le début de sa quête, qu’une goutte d’eau dans le lac. Il ne faisait aucun doute que d’avoir Epona à ses côtés avait pu l’aider, mais Malon était parfaitement consciente de n’être qu’une anecdote dans sa mission, une étape isolée dans le chemin qui l’avait mené à défier le terrible Ganondorf. Elle ne savait même pas s’il se souviendrait d’elle. Malon n’était pas de ces femmes dont on se rappelle. Elle était une femme isolée dans un monde en danger.

Pourtant, ici, les choses étaient différentes. La rouquine passait tout son temps au ranch, du moins, la grande majorité. Et elle n’avait pas l’impression d’être plus particulièrement remarquable qu’en Hyrule. Mais elle sentait que les gens ne se comportaient pas de la même façon ici. Certains la remarquaient différemment, peut-être pas tous et peut-être pas ceux qu’elle aurait voulu, mais cela se produisait parfois. Mais elle savait, cependant, que l’invitation d’Arthur était sincère et dénuée de toute intention suspecte. Il était son ami, il ne serait jamais rien de plus et il n’en avait pas l’intention. Elle pouvait lui faire confiance.

« Non, je ne sais pas s’il est ici. Je l’ai cru à une époque, mais j’ai dû faire erreur car en vérité, je ne l’ai jamais vraiment vu. Cela dit, fort heureusement, je n’ai pas vu non plus cet homme qui a tué ma maman et a voulu contrôler le ranch », reconnut-elle avant de lui sourire. « C’est vraiment gentil de m’inviter chez vous. Je suis sûre que ce serait très chouette de vous rendre visite. Mais je ne sais pas où c’est exactement, vous savez ? »

Il ne l’avait encore jamais emmené dans cet endroit où il essayait de reconstruire Camelot. Elle savait qu’il voulait retrouver un semblant de royaume, et elle le comprenait, mais elle ne savait pas encore quand ses travaux auraient atteint leur apogée. Elle sourit à nouveau quand il parla d’échanger leurs numéros de téléphone. Malon avait bien dû se mettre un tant soit peu à la modernité pour gérer son ranch, mais elle ne l’utilisait qu’avec parcimonie. Elle ne se sentait pas à l’aise avec tous ces instruments et elle cherchait la facilité d’usage plus que la complexité. Elle n’avait d’ailleurs pas de portable.

« Je n’ai que le numéro de l’habitation principale du ranch à vous donner. Je ne suis pas très à l’aise avec ces technologies modernes que tout le monde utilise », avoua-t-elle avec un sourire contrit.

Elle n’avait jamais envisagé de se battre, mais cela avait du sens dans un quartier comme Lockwood Hill. La jeune palefrenière n’avait pas eu trop d’embêtements pour le moment, et elle s’en comptait chanceuse, mais elle savait qu’elle était tout à fait incapable de se confronter à quelqu’un et d’en sortir la tête haute. Si on s’en prenait à elle, elle ne saurait pas se défendre. Ce ne serait sûrement pas une mauvaise chose d’en devenir capable, mais elle ne savait pas comment on pouvait faire ça. Sa maman le lui aurait sûrement appris, si elle avait vécu. Mais voilà, ce n’était pas le cas.

« Je n’a jamais réfléchi à ça. Je ne suis pas sûre que je serais très douée pour me battre. Vous croyez que je devrais essayer ? »