(Abandonné) Groceries puppy [ft Sakhr]

Je ne sais quoi répondre à ça. Des amis, je n’en ai jamais vraiment eu. J’ai eu des maitres et des semblables; d’autres esclaves de la volonté des sorciers, parfois même des être desquels je me suis senti proche, le temps d’un assignement, mais plus que ça? Et- Ptolémée me vient en tête. Un ami, un vrai – qui m’a été arraché bien trop tôt, même en termes d’années humaines. Juste un petit rayon de soleil dans les ténèbres de l’asservissement, en somme. Qu’importe; si tu dis que je suis ton meilleur ami, ça doit être vrai, je te fais plus confiance que moi sûr ce point. Et puis – c’est vrai que je tiens à toi. Plutôt comme une chose -non, pardon, comme une personne- dont je dois m’occuper. Pourquoi? Juste parce que je t’aime bien. Ça occupe mes journées, mes pensées, ça brise le monotonie d’une existence mortelle. Est-ce que c’est un peu ça, l’amitié? Peut-être. En tout cas tu me fais douter que je veuille réellement retourner à mon univers. Après tout, qu’est-ce qui m’attend là-bas? Ah; ma forme, mon essence, mes pouvoirs, certes, mais je sens qu’ils me reviennent doucement. Alors si je suis capable d’un peu de patience, alors je n’aurai aucune problème. « Je ne veux pas qu’on soit séparés non plus » dis-je tout de même, bien simplement. Je n’allais pas m’épancher sur le sujet, mais à quelque part j’ose croire que tu comprends.

« Semblerait » dis-je simplement par la suite. « On aurait dû arriver en face d’un arrêt de bus, et là, c’est pas du tout le cas, c’est une mercerie » dis-je en pointant d’un geste désinvolte le magasin qui était de l’autre côté de la rue. « Je- » est-ce que je voulais que tu me suives? Est-ce que je voulais que tu me voies me transformer? Mais tu as un très bon point, on ne peut pas se permettre d’être séparés parce que la ville est encore en train de bouger. Mais quand même, je ne croyais pas avoir la force nécessaire pour t’apporter avec moi dans les airs. « Non, t’as raison, ça serait con qu’on se perde de vue. En plus les courses vont se gaspiller » ah, oui, les courses, faisons comme si c’était une réelle préoccupation. « Viens » dis-je simplement en me faufilant dans une ruelle que je reconnais, elle, au moins; heureusement qu’à Racoon City la sécurité des appartements n'est pas une réelle préoccupation; nous avons tout un étalage de systèmes de galeries reliées ensembles par des escaliers de métal. Je crois que c’est une sortie de secours en cas de feu? En tout cas nous trouvons assez facilement une échelle qui descend jusqu’au niveau du sol, probablement laissée là par un locataire qui avait préféré passer par l’arrière de l’immeuble pour se rendre là où il allait. À entendre les voix d’enfants qui jouaient, il ne fallait pas un géni pour comprendre qui était le possible responsable.

« Montons » dis-je dans un soupir; ça aurait été plus simple d’y aller en volant. Et puis nous nous rendons sur le toit et- force est d’avouer que ça ne nous aide pas vraiment, outre pour constater que le reste de la rue est, effectivement, changée. Aucune idée d’où nous sommes en ce moment, cette satanée ville est bien trop grande. Semblerait que j’aurai l’occasion de me transformer, finalement. « Panique pas, d’accord? » te dis-je, m’étirant quelque peu pour ne pas avoir de crampes [peu important quand vous être un démon, très important quand vous êtes un humain] alors que je m’élance dramatiquement du toit vers une chute -et une mort- certaine. Ah; c’est que j’ai le sens du spectacle, les amis! Mais alors que tu paniques sûrement, me voilà qui revient à coups de battements d’ailes, m’installant sur la rambarde du toit. « Ta-dah » fais-je comme le magicien de pacotille, étirant mes ailes de pierre.

Je suis une gargouille, avec un œil unique, de grosses dents bien « laides » [selon des critères humains], une peau de pierre, trois bras et des jambes qui se terminent par des serres. Ça ne paie pas de mine, mais au moins sous cette forme je peux encore converser avec toi. « Je compte sur toi pour me garder à vue » dis-je, utilisant la serre d’une de mes jambes pour venir déloger un bout de quelque chose d’entre mes dents [charmant, je sais]. Et puis sans plus de cérémonies, je monte en l’air à coups d’ailes un peu maladroits; j’ai retrouvé la capacité de me métamorphoser, certes, mais je suis vraiment rouillé et ça se sent. Toute de même, je m’élève assez pour avoir une vue d’ensemble du quartier. Alors que je m’apprêtais à descendre, je fais une petite piquée incontrôlée vers la fin alors que mon corps de dé-métamorphose en plein vol, m’obligeant à atterrir en catastrophe alors que mon corps convulse sous l’effet de la douleur [c’était un mauvais plan. Même moi je suis capable de le reconnaitre, mais se métamorphoser est un tel plaisir qu’un peu (beaucoup) de douleur ne m’empêchera pas de le faire].

La détransformation en plein vol n'est pas une activité plaisante, pas quand ce qui vous attend, c’est de vous écraser contre le parquet.  De plus, ce corps humain n’aime pas trop les grandes vitesses, et un haut le cœur assez important me prend, ainsi que l’impression que mon âme a quitté mon corps pendant un instant alors que je me suis écrasé dans ta main, un ping sonore résonnant. Je cligne des yeux – surpris que je fut attrapé avec plus de délicatesse que le sol de la ruelle-et puis je te regarde; créature de métal qui ressemble plus au titan des vieilles légendes de mon monde qu’au petit robot que tu as composés dans notre appartement. Je grimace, la douleur s’installant sur les traits de mon visage alors que je tente de dire avec amusement; « t’aurais fait une excellente carrière comme joueur de baseball » dis-je, me redressant quelque peu en me calant contre tes doigts légèrement fermés. « J’avais jamais pu la voir en entier » que je continue, m’accrochant à toi alors que j’abandonnais un peu l’idée de me mettre sur pattes. C'est vrai; curieux que je suis, j'avais déjà espionné deux-trois fois ta forme originelle, mais vu sa grandeur et la petitesse de notre appartement, je ne t’avais pas vu dans toute ta gloire. « Semblerait que ta transformation soit plus pratique que la mienne. Je dois vraiment me pratiquer » et puis- juste un grommellement de douleur pas très héroïque. « Ça t’embêterait de rester comme ça, le temps qu’on arrive à l’appartement? »

Je te jette un coup d’œil incertain, parce qu’après tout je ne sais pas ce que ta transformation peut te faire. Tu as l’air passablement surpris; peut-être ne contrôles-tu pas quand tu te transformes? Bien calé dans ta main gigantesque, je ne me formalise pas de mon état pathétique. « Pas sûr que je me rendrai autrement. Mes transformations sont très douloureuses. Étrange. Et surtout- je ne sais pas pourquoi. Passons » que j’ajoute avec un mouvement de main désinvolte. « J’ai pu voir par où aller, au moins » que je finis par dire, me tortillant un peu sur place pour te pointer une direction précise, de l’autre côté d’une chaine de bâtiment. « Si on peut arriver à couper à travers une ruelle, on va retrouver notre quartier. C’est jstue une rue qui s’est installée en parallèle » Ça m’aurait probablement amusé, si je n’étais pas dans une état lamentable.

« Mmph, ça ira » fais-je sans cérémonie, grommelant un peu pour la forme, mais, en soit, de juste gire dans ta main géante, c’est déjà bien mieux que l’idée de devoir marcher tout le chemin jusqu’à l’appartement, alors vraiment? Je me plaindrai de rien (enfin presque. Tu sais que j’adore me plaindre) Et je me surprends à regarder tes yeux; surpris que dans ta forme humaine, ils ne soient pas aussi bleus que dans ta forme… robotique? Une occasion raté par ceux qui ont pensés ce monde, sûrement; en même temps, on peut dire que je ne ressemble en rien à mon essence d’origine, alors vraiment, on est pas à ça prêt. « Euh, le médecin, j’sais bien pas c’que j’lui raconterais. On va commencer par le repos j’suppose » que je finis par dire, hochant doucement des épaules parce que vraiment – j’ai jamais eu à aller voir le médecin et j’ai pas envie de commencer maintenant, et je doute qu’il y ait des médecins qui, spécifiquement, puissent traiter les douleurs liés à la transformation des Djinns. On doit pas être tant que ça en ville, pas vrai? Et ce problème est plutôt gênant pour moi, je dois l’avouer. Enfin; avouer, mais pas à voix haute. Quand même. « Merci » dis-je simplement lorsque tu acceptes gracieusement de me porter. À vrai dire je n’avais même pas considéré que tu me dises non, c’est pas trop le genre de relation qu’on a.

« Ça fait drôle de te voir sourire » dis-je sans te ménager, mais je me reprends légèrement par la suite; « parce que ta pas de dents et le ratio bouche-grosseur-de-face est pas tout à fait le même que les humains. Mais les humains sont moches selon mes critères de toute manière, alors t’en fais pas avec ça » bon, après, c’est pas comme si mon opinion de la chose comptais vraiment, je crois, mais je ne veux pas trop t’embêter avec mon flot de parole non plus. Parler m’aide à ne pas penser à la douleur. « Oula » dis-je en levant quelque peu ma main pour t’arrêter, clignant des yeux comme si j’avais du mal à suivre alors que, bon, je n’ai franchement aucun mal (parce que je peux penser sur plusieurs plans de toute manière, c’est facile de compartimenter). « Par où commencer… » dis-je d’abord, frottant un point entre mes yeux, au-dessus de mon nez. « J’aurais pu demander, oui. Mais c’était bien plus drôle de me dresser un portrait mental tout seul, morceau par morceau » un aveux facile à faire, je suis de nature curieuse et j’aurais bien fini par te demander un jour. « J’sais pas si je peux dire que je suis intéressé ou pas, t’es toi peut importe ta forme » finis-je par dire sagement; c’était là la stricte vérité, mais mon ton se fait un peu plus doux, moins tranchant, alors que j’ajoute : « Et depuis quand ta vie ne m’intéresse pas? Elle est quand même bien plus palpitante que la mienne. Si je peux pas vivre ma vie par procuration de la tienne, vraiment, où s’en va le monde? »

Je grimace alors que tu prends quelques pas vers l’avant; je m’attendais à ce que ça fasse mal, mais tu es étonnement délicat. Je dis étonnement, parce que j’entends très bien le genre de boucan que tu peux faire dans ta chambre quand tu es en train d’inventer des trucs. « Je pensais pas que tu venais avec des amortisseurs » dis-je, me retenant tout juste de rire. J’ai la tête qui tourne et l’arrière des yeux qui fait mal – indication d’une possible migraine, je suppose, ce ne serait pas ma première. Habituellement elles ne viennent pas parce que j’ai tenté de frimer… quoique. « Prend la droite. Je dis pas non pour un thé, mais vu l’état des choses, probablement que je me ferai plutôt couler un bain chaud pour commencer. Ça me rappelle la fois où j’ai été… appelé à travailler en Sibérie. Ça c’était une région assez froide sur la terre de ma dimension. Je te dis pas ce que le vent glacial peut faire à l’âme d’un être de feu comme moi. Rien de bon en tout cas. J’ai passé le mois suivant avec une moitié d’essence gelée. Ce qui en soit était très désagréable, mais très drôle. J’étais incapable de me transformer correctement, et ça a foutu la trouille à un sorcier plutôt culoté. Eh. » ouais, je suis pas peu content en y repensant bien.