Je m'étais habitué à l'absurdité des situations, mais celle-ci dépassait l'entendement. Se tenir là, échangeant des plaisanteries sur des cookies brûlés tout en flirtant avec la mort, avait quelque chose d'étrangement réconfortant. Françoise, avec son esprit vif et son regard espiègle, apportait une touche de légèreté dans ce monde autrement sombre et impitoyable. Son commentaire sur l'armure me fit sourire, un sourire tordu par l'amusement et l'ironie de notre réalité.

« Une armure, hein ? » dis-je en m'approchant d'elle, l'air pensif. « Peut-être pas une armure médiévale, mais il existe des gilets pare-balles plus... pratiques. Cela dit, je doute qu'ils permettent de faire la roue. »

La remarque de Françoise sur le barbarisme de mon ancien employeur me fit hocher la tête en signe d'acquiescement.
« Barbarisme, c'est le mot. Mais dans notre monde, les Prud'hommes ne sont pas vraiment une option. On règle nos comptes différemment, et rarement devant un tribunal. »

Je pris un instant pour réfléchir à sa demande d'une solution contre les balles. Je ne portais pas souvent ce genre de protection, d’ailleurs, mon corps en avait plusieurs fois fait les frais. Pourtant…
« J'ai peut-être quelque chose pour vous. » Fouillant dans un vieux coffre, je sortis un gilet pare-balles léger, conçu pour la mobilité. « Ça ne stoppera pas un missile, mais ça devrait vous donner une chance contre les balles perdues. » e lui tendis le gilet, mes yeux plongés dans les siens. « Vous pouvez esquiver avant de tirer, mais soyez tout de même prête à tout. Ces gars-là ne font pas dans la dentelle. »

Ils étaient plutôt du genre à faire de la dentelle avec leurs cibles, à l’aide de mitrailleuses.
Je me dirigeai ensuite vers la porte, prêt à mettre notre plan à exécution.
« Suivez mon rythme et restez à couvert autant que possible. Nous allons leur tendre une embuscade. Ils ne s'attendent pas à ce que nous attaquions en premier. »

Sortant dans la nuit noire, je me faufilai entre les ombres, Françoise sur mes talons. Le silence était notre allié, masquant nos mouvements alors que nous nous positionnions autour de l'endroit où nous attendions nos adversaires. Le froid mordant n'entamait pas ma détermination. J'avais survécu à bien pire.

L'attente était insupportable, chaque seconde étirant le temps comme une éternité. Puis, les premiers signes de nos ennemis apparurent. Des bruits de pas, faibles mais distincts, trahissaient leur approche. Mon pouls s'accéléra, non pas par peur, mais par anticipation. L'adrénaline commençait à couler, aiguisant mes sens.

« Prête ? » murmurai-je à Françoise, mon regard fixé sur la noirceur devant nous. Sans attendre sa réponse, je savais qu'elle l'était. Nous avions partagé assez de moments tendus pour que je comprenne son courage.

Lorsque les silhouettes des hommes de Blut émergèrent de l'obscurité, nous avons frappé avec une précision mortelle. Mon tir fut le premier à briser le silence de la nuit, suivi rapidement par les mouvements agiles de Françoise. Elle esquivait et ripostait avec une grâce qui contrastait violemment avec la brutalité de la situation.

Nous avions l'avantage de la surprise, mais ils étaient nombreux. Chaque coup que nous portions devait compter. Ma concentration était totale, chaque mouvement calculé pour maximiser l'efficacité tout en protégeant Françoise et moi-même.

Après ce qui sembla une éternité, le calme revint. Les corps de nos ennemis gisaient autour de nous, témoins silencieux de la violence de notre confrontation. Je vérifiais que Françoise allait bien, un regard interrogateur dans ses yeux fatigués mais toujours vifs.

« Bien joué, » dis-je, en reprenant mon souffle. « Mais nous ne sommes pas encore en sécurité. Ils en enverront d'autres. Nous devons continuer à bouger, à rester un pas devant eux. »

Je savais que notre lutte était loin d'être terminée. Mais à cet instant, aux côtés de Françoise, je sentais que nous pouvions affronter n'importe quelle tempête. Ensemble, nous étions plus forts, unis par un but commun et une détermination à survivre, quel que soit le coût.

Je levai les yeux vers le ciel sombre, où les étoiles luttaient pour percer à travers le voile de pollution lumineuse qui recouvrait la ville. J'expirai lentement, laissant la question de Françoise infuser dans l'air froid de la nuit. Sa voix portait un mélange de fatigue et d'espoir, un reflet des sentiments qui s'agitaient dans mon propre cœur.

« Françoise, » commençai-je, ma voix basse mais ferme, « dans ce monde, la paix est un luxe que peu peuvent se permettre. Mais ça ne signifie pas qu'elle est hors de portée. » Je marquai une pause, mes pensées se tournant vers les nombreuses batailles que j'avais livrées, les visages de ceux que j'avais perdu en chemin.

Je me tournai vers elle, captant son regard dans le mien. « Nous sommes des survivants, vous et moi. Nous avons traversé des tempêtes, affronté des adversaires que beaucoup n'oseraient même pas imaginer. Et pourtant, nous sommes là, debout. C'est notre force, notre volonté de continuer à se battre qui nous définit, pas les combats eux-mêmes. »

Je fis quelques pas, ramassant un caillou au sol avant de le lancer dans l'obscurité. « Vivre en paix… même pour un instant… Je crois que ces moments existent, même ici. Ce sont les instants volés au chaos, les respirations profondes entre deux coups de feu, les rires partagés dans l'ombre de la mort. »

Je me rapprochai d'elle, baissant ma voix à un murmure. « Nous ne pouvons choisir quand ou comment ces moments viendront, mais nous pouvons choisir de les apprécier quand ils se présentent. Et parfois, c'est tout ce qu'il faut pour rendre la lutte supportable. »

Je scrutai l'horizon, là où la ville s'étalait sous nous comme un tableau vivant de lumière et d'ombre. « Quant à savoir si nous sommes voués à nous battre jusqu'à la fin... » Je marquai une pause, cherchant les mots justes. « Peut-être. Mais si c'est le cas, je préfère me battre aux côtés de quelqu'un qui partage mes convictions, quelqu'un qui, malgré la peur et le doute, choisit de rester debout et de faire face à l'adversité.»

Je posai ma main sur son épaule, un geste de réconfort autant qu'une affirmation de notre alliance. « Nous trouverons des moments de paix, Françoise. Peut-être pas aujourd'hui, ni demain, mais ils viendront. Et jusqu'à ce qu'ils arrivent, nous continuerons à nous battre, à protéger ce qui compte pour nous, à chercher notre place dans ce monde chaotique. »

Je retirai ma main, croisant les bras sur ma poitrine. « Alors oui, nous sommes peut-être destinés à nous battre, mais nous sommes aussi destinés à trouver ces instants de paix. Et je vous promets, Françoise, que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que nous trouvions ces instants, pour que vous trouviez ces instants. »

Je lui offris un sourire, un mélange d'assurance et de défi. « Maintenant, reprenons notre marche. Chaque pas que nous faisons est un pas vers cette paix, même s'il nous faut combattre pour l'atteindre. Et qui sait ? Peut-être que notre prochaine victoire nous offrira ce moment de répit que vous désirez tant. »

Nous nous remîmes en route, laissant derrière nous les corps de nos ennemis et les souvenirs de la bataille. Devant nous s'étendait l'inconnu, avec ses dangers et ses promesses. Mais ensemble, nous avancions, un pas après l'autre, vers l'espoir d'une paix, même éphémère, dans ce monde impitoyable qui était le mien…

La brise froide de la nuit en Alaska caressait nos visages, emportant avec elle le souvenir des épreuves traversées. Loin de la ville, en lisière de cette forêt dense qui bordait mon chalet, le monde semblait suspendu, comme si le temps lui-même retenait son souffle. Françoise et moi, nous nous tenions là, deux âmes errantes à la recherche d'un instant de paix dans un monde autrement impitoyable.

« En fait… » dis-je en tournant mon regard vers les arbres dont les silhouettes se découpaient contre le ciel nocturne, « dans la forêt, on devrait trouver un abri pratique. » La forêt, avec ses mystères et ses dangers, était pourtant le seul endroit où je me sentais véritablement en paix, loin du tumulte du passé.
Je contemplai les étoiles, brillant avec une intensité que seul le ciel alaskain pouvait offrir.

« Cette tranquillité, c'est ce que j'ai choisi en venant ici. Un refuge loin des batailles, des conflits, un havre pour les esprits fatigués comme le nôtre. »

Françoise, à mes côtés, semblait absorber le calme de la nuit, son regard perdu dans l'infini étoilé.
« La solitude de ces lieux nous offre un répit, un moment pour respirer, pour être véritablement nous-mêmes, sans masque, sans armure. »

Je laissai mes mots flotter dans l'air, emportés par le vent qui murmurait à travers les branches.
« Mais cette paix, elle est aussi en nous. C'est pas seulement le lieu qui l'apporte, mais ce que nous décidons d'en faire, comment nous choisissons de voir le monde qui nous entoure. »

Je marchai lentement vers un arbre, posant ma main sur son écorce rugueuse.
« Tout comme cet arbre, nous avons nos racines, nos épreuves qui nous façonnent. Mais nous avons aussi la force de tenir debout, face aux tempêtes, face à l'adversité. »

Je me retournai vers elle, une lueur de défi dans les yeux.
« Nous ne pouvons fuir éternellement. À un moment, nous devons faire face à ce qui nous hante, l'affronter, pour pouvoir enfin avancer. »

Je pris une profonde inspiration, cherchant les mots pour atteindre son cœur.
« Vous cherchez une échappatoire, un moyen de fuir les combats. Mais parfois, c'est en affrontant nos peurs, en embrassant nos batailles, que nous trouvons la paix. Pas celle du monde, mais celle de l'âme. »

Je m'approchai, posant ma main sur son épaule dans un geste de soutien.
« Et vous n'êtes pas seule dans ce combat. Je suis là, à vos côtés, pour affronter tout ça. »

Les bruits de la forêt et de la nuit semblaient normaux, pour l’instant. Nous avions déjà éliminé quelques ennemis, mais rien ne me disait que c’était terminé.
« Faudrait pouvoir vérifier qu’il n’y en a plus un seul. Puis on s’en va. Loin. J’ai deux mots à dire à Blut. »

En disant cela, je vérifiais le chargeur de mon arme et j’y insérais de nouvelles cartouches.
« On pourrait aller manger une pizza, après, si vous voulez. Je sais pas vous, mais je crève de faim. »

La brise glaçante de l'Alaska sifflait à mes oreilles, tandis que j'écoutais Françoise exprimer son désir d'échapper au chaos incessant qui hantait nos vies. Elle parlait avec cette sincérité qui ne laissait aucune place à la confusion, ses mots empreints d'une résignation lourde, mais aussi d'une détermination farouche.

« Je comprends. » répondis-je, mon regard fixé sur les ténèbres qui engloutissaient la forêt devant nous. La lumière de la lune dessinait des ombres fantomatiques sur la neige, rendant chaque arbre sinistrement beau.

Je pris une profonde inspiration, laissant le froid remplir mes poumons, me rappelant de toutes les batailles passées, des moments où la vie et la mort dansaient sur le fil d'une lame.
« Dans ce monde, il n'y a pas de paix sans sacrifice, sans combat. Vous le savez aussi bien que moi. »

Un craquement lointain dans les bois capta mon attention, me rappelant brutalement à la réalité de notre situation.
« Nous ne pouvons pas toujours choisir nos batailles, ni les ennemis que le destin met sur notre chemin. Mais ce que nous pouvons choisir, c'est comment nous les affrontons. »

Je me tournai vers elle, mes yeux cherchant les siens dans l'obscurité.
« Vous parlez de vivre sans avoir à regarder par-dessus votre épaule, mais dites-moi, n'est-ce pas exactement ce que nous faisons maintenant ? Chaque choix que nous faisons, chaque pas que nous prenons dans cette forêt, c'est pour forger un chemin vers une vie meilleure, loin des ombres de notre passé. »

Un silence pesant s'installa entre nous, seulement troublé par le vent qui gémissait à travers les branches.
« Ce combat que vous rejetez, c'est peut-être celui qui nous mènera à la tranquillité que vous désirez tant. Et je ne parle pas de combattre pour l'amour du combat, mais pour protéger ce qui nous est cher. »

Je marchai lentement vers elle, mes bottes s'enfonçant dans la neige épaisse.
« Je ne vous demande pas d'accepter ma vision du monde, ni de prendre les armes à mes côtés si cela ne vous ressemble pas. Mais je vous demande de considérer que parfois, les plus grands changements nécessitent les plus grands sacrifices. »

Françoise restait silencieuse, ses pensées un mystère aussi profond que la nuit elle-même.
« Je serai à vos côtés aussi longtemps que vous le permettrez, pour affronter ce qui vient. Mais je ne vous forcerai jamais à choisir le chemin que je prends. »

Nous nous arrêtâmes, le seul son étant celui de notre respiration et le vent glacé.
« Et si après tout cela, vous décidez que la paix que vous cherchez n'est pas ici avec moi, je vous aiderai à trouver votre chemin, loin de la violence et du sang. C’est une promesse. »

Elle me regarda enfin, une étincelle d'espoir peut-être, ou de défi, dans ses yeux. « Après la pizza, bien sûr. » Un sourire éphémère traversa son visage, une trêve dans notre éternelle lutte pour la survie.

« Parfait,» dis-je, un sourire se formant sur mes lèvres. « La pizza d'abord, puis le reste du monde. » Et dans cet instant, malgré le froid, malgré la peur, quelque chose comme de la chaleur se fraya un chemin entre nous, fragile et précieux, comme une promesse non dite d'un avenir qui pourrait être, si seulement nous étions prêts à le combattre ensemble.