Fringale nocturne ( Chance & Alucard )

Ils sont plutôt cool les mecs de la mafia quand on y pense, si on ne s'arrête pas au fait qu'ils pètent les genoux des gens et offrent des cours gratuits de plongée avec des palmes en ciment à leurs amis les plus spéciaux. Il faut juste savoir comment les prendre. Vous leur payez leur petite "taxe commerciale" histoire de leur montrer un peu de respect et ils vous laissent installer votre foodtruck en plein milieu de leur quartier où vous vendez ensuite des kilotonnes de malbouffe préparées avec amour et bienveillance par l'étudiante-entrepreneuse la plus géniale de la Ville. Ils deviennent même des clients réguliers et pas chiches sur les pourboires. Et vous savez la meilleure ... ? Ils payent qu'en cash. Et ca c'est chouette. La seule chose à retenir c'est qu'il faut éviter de poser des questions idiotes du genre "C'est quoi ces pelles que vous portez dans votre coffre à côté des sacs plastiques ?" ou "C'est marrant tous ces étuis à violons que vous portez, vous êtes un genre d'orchestre ?", Vous voyez le tableau ?

C'est ainsi que, une fois n'est pas coutume, le fameux Succube Pizza, un foodtruck étudiant à la carte très épicée s'est posé en plein milieu d'un des coins les plus pourris de Lockwood Hill. Un endroit où bizarrement, des tas de mecs en costards et belles berlines patrouillent, là où les patrons de minuscules blanchisseries arborent des dents en or et des costards Cucci et où l'industrie du bâtiment semble florissante sans que franchement on voit de nouveaux bâtiments s'élever.

C'est un quartier en or quand il s'agit de faire des affaires tardives ! Vous ne croiriez pas le nombre de gens qui passent ici en pleine nuit, pris d'une petite fringale. Chance a passé sa soirée et une partie de sa nuit à vendre à des clients enthousiastes ses Sand-witchs, ses Pizza Al-porno et ses tartes-catins et autres Escsalopes panées au poulet sauce bikini.

Alors que sa toute dernière carte d'infidélité est tamponnée et que le dernier client s'en va heureux, une boite à pizza entre les mains, Chance sait qu'elle a fait ce soir une excellente soirée. C'était du boulot, mais du sacré bon boulot ! Divertissant, honnête et surtout honteusement lucratif. Les gars du coin y vont pas de main morte sur les pourboires, la jarre de service déborde littéralement de billet. Il y a largement de quoi payer son loyer du mois et envisager quelques beaux extras au cours du mois.   Elle va pouvoir fermer, faire l'inventaire de ce qui a été utilisé, lister ce qu'elle doit racheter et garder le meilleur pour la fin : Compter la masse de cashflouze sonnante et trébuchante qu'elle s'est faite ce soir !

Alors qu'elle est là, accroupie sous le comptoir, en train de ranger et compter le nombre de paquets de peppéronis qui lui reste, elle croit entendre une présence dehors, quelque part dans le noir. Sans prendre la peine, de se relever immédiatement, elle lance d'un ton joyeux.

- Désolée, mais on est en train de fermer !

En langage commerçant, ca veut dire "Oui je peux encore te faire un sandwich vite fait comme ca au milieu de la nuit mais il va falloir me convaincre avec un sacré bon pourboire mon copain !" mais encore faut il être assez subtil pour le comprendre. Elle se redresse d'un bond joyeux, des traces de farines maculant encore le bout de son nez (qu'elle a fort joli d'ailleurs, légèrement en trompette) et vêtue d'un tablier ajusté qui porte le logo Succube Pizza quelque peu maculé de sauce bolognaise.

Les deux mains posées à plat sur le comptoir du food truck, elle regarde alentours, un peu surprise de ne voir personne.

- Ah ... ? Y'a personne ... ?

Quelques secondes de silence se passent et elle conclut en haussant les épaules.

- Bon ben. Bonne nouvelle, tu deviens folle. Tu parles toute seule. Ca s'arrange pas pour toi ma vieille !

Avec bonne humeur, elle se saisit d'un part de tarte, dernière rescapée de sa fameuse Cream Pie et mord dedans à belles dents, prête à se détourner de l'ouverture qui mène vers l'extérieur. Elle ne sent clairement pas menacée dans ce quartier où un "ordre supérieur" règne et ne laisserait certainement pas leur foodtruck nocturne préféré se faire braquer.

Avec la satisfaction du devoir accompli, Chance mord dans sa part de tarte et soudain VLAN. La secousse brutale qui secoue son camion lui colle le nez sur la tarte qui l'éclabousse de trainées blanches.

- PUTAIN MAIS MERDE, SA MERE.

Si l'objectif premier était de faire peur à la demoiselle, visiblement c'est raté. Elle râle, constatant les dégats sur elle et autour. Il y a de la crème partout. Sur ses doigts, son tablier et même par terre.

- Si j'avais voulu m'en foutre plein la tronche j'aurais appelé ca une tarte Bukkake.

Idée à retenir pour plus tard d'ailleurs. Elle attrape un torchon qui traine et commence à s'essuyer les doigts et la figure avec. Persuadée d'avoir affaire à un mec bourré qui fait le con dehors,  elle s'arme d'un balais-serpillère et ouvre la porte à la volée. Incarnation de la divine l'infernale fureur vengeresse de la patronne de fast food outragée, ses yeux brillent d'un éclat coléreux alors que tombe le bonnet de service et que ses deux petites cornes se découpent dans sa silhouette plongée à contrejour. Elle est prête à passer un savon eau grasse au gros malin qui s'amuse à mettre le dawa dans SON gagne pain.

- C'est pas parce qu'il est moche et pourri que t'as le droit de le cabosser ! Ramènes voir ta tronche si tu l'oses !

Elle sort, commence à faire le tour du véhicule d'un air agacé.

- Le premier qui pisse ou gerbe sur mon camion, je l'envoie direct à l'hosto avec mon balais enfoncé dans l'cul !

Son mouvement l'amène à arriver pile là où une longue trace de sang macule le flanc de son camion. C'est beau l'écarlate, elle a rien contre. MAIS BORDEL DE MERDE PAS SUR SON BEAU CAMION.

- Rah mais je rêve. Y'a un mec qui est venu crever sur mon camion ... ?

Fallait s'y attendre dans ce quartier. Les règlements de compte doivent être nombreux. Elle s'attendait quand même à un peu plus de professionalisme de la part des tueurs du coin, qu'ils laissent pas déambuler des mecs en train de saigner à mort et importuner les honnêtes commerçants.

- Déso mais pas déso, je me mêle pas de vos histoires.

Surtout si l'hurlu berlu se barre plutôt que d'attendre de l'aide. Agacée, Chance retourne dans son camion, chercher le seau d'eau à la propreté douteuse qui lui sert à nettoyer les sols. (Rassurez vous, la vaisselle n'est pas faite avec cette eau là. Elle respecte les normes en vigueur, Chance ! Suffisamment en tout cas pour pas avoir d'ennuis ou empoisonner ses clients).

Chance se tape le plus grand bond de sa vie, sursautant au point de trébucher et renverser son seau d'eau savonneuse et de manquer de foutre la serpillère dans sa tronche et dans celle de son visiteur impromptu.

- HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAh j'veux pas mourir vierge !

Main sur le coeur, elle regarde avec un air effaré l'individu sinistre et louche qui est venu se coller juste derrière elle avant de rompre le silence nocturne en lui faisant faire le jumpscare du siècle.

- Fouah ... houuu ... Vous voulez m'tuer ou quoi !?

Clairement, ca lui a fait un choc. Heureusement qu'elle est pas cardiaque, la gamine. Parce que ca tambourine à sang à l'heure sous le logo "Succube Pizza" du tablier. Il faut quelques instants pour que tout ce qui vient de se passer monte jusqu'aux neurones et que les paroles du visiteur traversent à sa petite cervelle. Ainsi que ses propres propos, dont son cri spontané né sous l'effet combiné de la surprise et de la peur. Et bizarrement, à choisir entre réagir à propos de la menace implicite, s'alarmer de la présence d'un mec aussi peu amène près d'elle, s'inquiéter de l'existence de canines pointues au milieu de ce sourire ou revenir sur sa réaction, elle choisit cette dernière option.

- Heu .. je déconnais au fait hein.  

Elle fronce les sourcils et se tient appuyée sur son balais éponge avec la même assurance qu'un soldat s'appuierai à sa hallebarde.

- Comment ça, vous décevoir ... ?  C'est vous qui avez salopé mon camion ? Ben je vous félicite pas !

Tant que l'individu ne se montre pas agressif, elle joue les fières à bras. Faut pas se laisser intimider quand on fricote avec des mafieux ! En revanche à l'instant où les choses commenceront à mal tourner, vous pouvez être sûrs que Chance filera ventre à terre sans demander son reste. Elle se carapatera à toutes jambes, prête à jeter toute dignité aux sorties et sauvant si possible sa précieuse caisse des recettes. Et tant pis pour son beau camion, prunelle de ses yeux. Sauve qui peut avant tout.  Mieux vaut finir  borgne que décédée.

Que l'homme ait demandé ce qu'elle est lui fait fronce encore plus les sourcils. Qu'il donne son propre nom semble en effet peser dans sa décision de répondre favorablement à l'interrogation du visiteur. Alucard donc.

- Si vous parlez du tablier, je suis la super justicière des fringales nocturnes. Chance d'Estaing. Etudiante le jour, PATRONNE de ce superbe hommage à la gastronomie urbaine la nuit. Je combat les petits creux et suis la terreur des frigos vides. Le tout pour une somme modique.

Mais elle n'est pas idiote, elle comprend bien que c'est l'autre partie qui va intéresser alors elle finit par enchainer.

- Et si vous parlez des cornes, j'sais pas.

Sur cette partie là elle hausse les épaules et prend un ton détaché, comme si ca méritait assez peu d'attention.

- Mes parents m'ont trouvée dans un panier, alors allez savoir ? P'têtre que je suis la fille de Satan. Ou p'têtre que papa faisait partie de la légion étrangère et se sentait un peu seul dans le désert.

Une autodérision dont elle est coutumière. En attendant, elle fait un pas en arrière pour détailler des pieds à la tête le drôle d'oiseau Nocturne qui est venu jouer avec elle. Son regard s'éclaire d'un éclat appréciateur alors qu'un semblant de sourire effleure son visage.

- Classe le costard. Vous êtes de la mafia ... ? Vous êtes un tueur ... ?

La perspective d'avoir affaire à un homicidaire au milieu de la nuit a l'air de lui faire ni chaud ni froid. (De toutes façons s'il avait voulu la tuer, il l'aurait déjà fait depuis longtemps, n'est-ce pas ?).

L'inconsciente continue son inspection et commente.

- Les lunettes teintées c'est stylé de ouf aussi. Mais vous arrivez à y voir quelque chose de nuit comme ça ... ? Elles sont classes aussi vos dents longues. On dirait que vous êtes le genre de gars à vouloir commander un "menu cannibale" quand vous en avez l'occasion, non ?

Souriant sous l'effet de sa propre blague, elle semble décidée à reprendre sa tâche précédente, à savoir nettoyer le flanc du camion. Beaucoup moins ronchon qu'avant la rencontre, elle s'arrête un instant en constatant que c'est bien du sang qu'elle est en train de finir d'essuyer. Elle jette un regard en coin à son visiteur qui n'a pas l'air blessé ni tâché.

- Franchement si vous avez un machabée, c'est pas cool d'être venu le frotter sur mon camion.

Qui a envie d'avoir l'ADN d'un mec mort partout sur son véhicule et son lieu de le travail ?? Elle a suffisamment regardé les experts à Niou Iork City pour savoir que les méchants qui laissent des traces de sang partout se font chopper à la fin de l'épisode. Elle est trop jeune pour finir en prison ! (Et puis en plus elle serait innocente pour le coups ...).

- Encore plus si c'était un client.

Il allait falloir qu'elle sorte des bidons d'elle sait pas trop quoi chimique pour faire disparaître tout ça maintenant ... et p'têtre foutre à la blanchisserie sa tenue complète. La flemme, elle aurait préféré faire la grasse mat' le lendemain plutôt que se taper tout ce nettoyage.

@Alucard Hellsing

Chance confirme d'un hochement de tête. Essayer de la tuer ne sera effectivement pas très fun. Pour elle au moins c'est une certitude.

Mais passées les premières émotions, elle ne semble plus vraiment considérer Alucard comme un danger immédiat. Bien sûr qu'il est sans doutes capable de la trucider nuitamment sans que personne aux alentours ne réagisse. Et alors ? Des tas de gens ont la capacité de tuer au quotidien sans que ca nous inquiète plus que ça. La moindre voiture qui frôle un trottoir est un homicidaire en puissance, chaque cuisinier qui assaisonne un plat pourrait brutalement de le pimenter à la mort au rat. Mais ils le font pas. Parce que les gens se zigouillent rarement sans raisons valables. Du coups, suivant cette logique, elle ne semble effectivement pas plus effrayée par le quartier dans lequel elle travaille que par le tueur hématophage qui lui fait face.

- Ah, mais le quartier est très bien ! Juste des business men qui font du business, vous voyez ? Exactement comme vous. Et c'est très bien. Et puis c'est rare de voir des travailleurs du BTP porter du Armani, un peu d'égalité sociale ne fait pas de mal.  

Pour le coups, elle ne se fait pas d'illusion sur ce que trafiquent les gens dans le voisinage. C'est bien parce que le quartier est infréquentable que ca devient une opportunité de business en or, aucun autre foodtruck n'oserait se poser ici.

- Je me suis arrangée avec les patrons du coin, vous pensez bien ! Je suis en règle. Plus réglotte que moi y'a pas. On me fout une paix royale ici du coups.

Ces gens là sont tatillons sur les questions de territoire mais justement. Chance n'appartient à aucun cartel, aucune bande, elle n'est soumise à aucun boss. Elle vend de la bouffe à des gens qui ont faim, en toute simplicité. Et c'est bien parce qu'elle dérange personne et a fait preuve d'audace tout en respectant les traditions locales qu'elle s'est assurée une place tranquille ici.

Dites à un homme qu'un mur est couvert de peinture fraiche, il s'empressera d'y mettre le doigt pour vérifier. Suivant cette même logique, elle déclare qu'elle est un démone ou une demi-chèvre et paf, le voilà qui tend un index ganté en direction de sa corne. Elle fait un pas de côté, penchant la tête de côté pour éviter le contact non sollicité.

- Hey, monsieur je touche sans le consentement des gens ! Non c'est pas du plastique.

Elle interpose l'embout mouillé du balais-serpillère pour dissuader l'homme de poursuivre son geste.  C'est comme lécher sans prévenir la main du frère reloud qui tente de vous bâillonner ou planter un doigt mouillé dans l'oreille de quelqu'un. C'est très désagréable. Du coups le reste du discours passe un peu à côté d'elle, quels que soient les bons conseils offerts sur un plateau par l'oiseau de nuit.

- Si la légende est meilleure que l'Histoire, racontes la légende ouais.

Un adage que Chance a presque complètement adopté déjà.

- Mais je t'arrêtes sur un truc : je SUIS unique ! Trouves m'en une qui me ressemble et je te ferais un rabais à vie chez moi.

Non pas que sur le principe Chance tienne absolument à être unique. Pas plus qu'elle cherche à rentrer dans le rang. Elle est et c'est déjà pas mal ! Et parlant de choses uniques, elle avait complimenté le style du mec et eu large sourire en entendant la confirmation de tous ses soupçons. Et puis il ya un instant de réalisation. C'est à son tour de faire preuve d'impolitesse et de tendre un index vers la bouche pour en détailler les canines proéminentes.

- Attends, mais t'es vraiment un vampire ou t'as juste poussé la phase émo jusqu'à ses derniers retranchement ?

Si la majorité des gens s'en seraient affolé devant un tel constat, Chance parait au contraire ravie par la rencontre.

- Délire ! Si tu montres tes pecs, tu te mets à briller dans la nuit ou c'est juste des mièvreries pour faire mouiller les culottes et vendre des bouquins ?

Une étincelle de pure malice brille au fond du regard de Chance. Et puis elle se hâte quand même de rajouter à toute fin utile.

- Je précise : je suis pas au menu.  

A moins que peut-être pour un petit morceau vite fait ? Non ce serait étrange quand même à ajouter sur un menu : "Cuvée spéciale de la Patronne. Quantité limitée, pas plus d'une gorgée. Offre réservée aux beaux gosses ténébreux".

Quant à la suite des propos du prédateur nocturne, que dire ... ?  Vous voyez ce truc là haut, qui passe 200 mètres au dessus de la tête de Chance sans même la froler ? C'est la compréhension de la référence que fait Alucard à sa très supposée virginité. La tête de linotte cornue a déjà changé au moins trois fois de sujets dans sa tête depuis le moment où le vampire a fait son apparition et a eu son exclamation de demoiselle en détresse et maintenant. Quand il affirme que le client qu'il a zigouillé n'aurait pas réalisé ce qu'elle desirait avant de mourir, Chance réplique sans l'ombre d'un doute dans la voix.

- Ah, c'est parce que t'as jamais goûté à ma cuisine que tu penses ça.

Et aussi parce que l'endroit manque cruellement de concurrence chez qui aller pour combler les petites faims nocturnes.

- Mais quand même faire ça sur mon camion, c'est un manque de savoir v... mourrir.

Il y a cette fois une nette note de reproche dans la voix. Elle regarde son camion avec quand même une note de nostalgie avec le regard.

- Au moins il sera mort le ventre plein.

Chance aime bien ses clients, même quand se sont de vils mafieux qui ont parfois l'espérance de vie d'un donut dans un commissariat. S'il avait su que c'était son dernier repas, est-ce qu'il se serait laissé tenter par la dernière part de cream-pie, celle que Chance s'est tartinée sur la tronche quand un vampire facétieux est venu remuer son camion ? Elle termine son lessivage et se retrouve avec un seau rempli d'eau vraiment dégueulasse sur les bras. D'ordinaire elle jette ça dans la première flaque qui passe mais au vu de toutes les preuves génétiques qu'il convient, elle se fend d'un petit détour par la case "égout le plus proche".

- Vous allez me regarder nettoyer le bazar que vous avez mis sans me donner de coups de main, j'imagine ?

Demande t'elle alors qu'elle revient et sort de son camion plusieurs bidons au contenu chimique indéterminé prévus précisément pour ce petit cas de nettoyage post-mortem et qu'elle porte maintenant une paire de gants jetables