Tu pourrais écrire un livre sur tous les restaurants de la ville et les traiteurs qui font de la vente a emporter. Tu as perdu la mémoire en arrivant ici, mais une des choses que tu sais avoir ramené de ton ancienne vie est que tu ne sais pas cuisiner. En quatre ans, tu avais eu le temps de goûter a beaucoup de cuisines différentes et à te faire ta propre idée sur les cuisines qui te plaisaient plus que d’autres. Tu t’étais découvert un amour particulier pour la cuisine grecque et méditerranéenne ainsi que pour les sucreries. Tu ne pouvais que te réjouir d’être aussi accroc au sport pour éliminer tout ce que tu pouvais engloutir dans la journée. Tu t’arrêtes au traiteur italien avant de te rendre à la pâtisserie d’à coté pour y prendre 4 gateaux différents et de quoi boire avant de partir rejoindre Edwin.

Tu avais découvert l’université Miskatonic dans le cadre de tes recherches sur ton amnésie. Pousser les portes de cet endroit si mystérieux faisait partie des multiples recherches que tu avais entrepris ces derniers temps. Tu avais passé pas mal de temps à lire des ouvrages plus classiques, pour essayer de trouver une raison médicale à ta perte de mémoire et lorsque cette voie s’était révélée sans issue, tu t’étais tourné vers l’occulte. Tu n'aurais jamais pu imaginer qu’une fois poussée la lourde porte en bois de l’entrée, tu y rencontrerais et que tu t’attacherais à un homme aussi mystérieux qu’Edwin. Quel mal tu avais eu pour attirer son attention et lui faire comprendre qu’il te plaisait. Toi qui, habituellement, attirait les regards en rentrant dans une pièce, tu t’étais senti invisible à ses yeux et cela t’avais séduit bien plus que tu n’osais le penser. Tu ne sais pas vraiment comment tu pouvais qualifier votre relation, peut-être que le temps aiderait à trouver une réponse à cette question, pour le moment, vous viviez les choses au jour le jour, profitant de chaque instant pour apprendre à vous connaître et à vous découvrir.

Ton sac de victuailles à la main, tu salues les rares personnes que tu croises en rentrant dans l’édifice et te diriges droit vers le bureau où s’installe généralement Edwin pour travailler. Étonné, tu ne le trouves pas, comme à son habitude, un livre à la main, le regard caché sous un grand chapeau. « Edwin ! » Appelles tu sans trop hausser la voix. Sans réponse, tu pars vers son appartement, y rentres après avoir frappé et constates qu’il n’est pas là, non plus. Tu poses tes achats dans la cuisine pour repartir le chercher dans les différents rayonnages de la bibliothèque. Après plusieurs minutes de recherche, inquiet, tu l’aperçois enfin au loin, de dos dans un des rayons où il ne t’a jamais emmené pour tes recherches. « Hey ! Edwin. Je te cherche depuis si longtemps. »Sans réponse, tu te rapproches et le voit face à l’étagère, psalmodiant des mots sans aucun sens pour toi, le regard dans le vide. « Edwin, c’est moi »Préviens-tu avant de poser la main sur son épaule comme tu sais qu’il ne supporte pas qu’on le touche sans le prévenir. Toujours pas de réponse, tu es de plus en plus inquiet. Il n’arrête pas de répéter en boucle des mots sans queue comme s'il était en transe et tu ne sais pas quoi faire.

Qui aurais pu croire que cet homme, si diffèrent de toi, aurais pris tant d’importance dans ta vie. Tu ne le comprenais pas tout le temps, mais tu ne pouvais rester loin de lui trop longtemps. Tu avais développé pour lui, des sentiments comme tu ne l’avais jamais fait avec personne. Le voir ainsi te trouble. Ta main se pose, en vain, sur son épaule pour attirer son attention. Il ne réagit pas à ta présence. Il ne cesse de psalmodier ces mots sans fin. « Tekeli li… Tekeli li.. » mais que cherche-t-il à dire ? De quoi parle-t-il ? Tu le fais tourner vers toi, toujours doux avec lui. Il est si fragile. Physiquement, mais aussi psychologiquement et tu refuses de lui faire mal de quelques manières que ce soit. Malgré l’obscurité qui règne dans ce coin de la bibliothèque, tu vois son visage si pâle, presque blafard. Son regard n’accroche pas le tien. Ce regard qui t’avait tant fasciné quand tu l’avais rencontré et qu’il avait daigné le porter sur toi. C’était la première chose qui t’avait attiré chez lui lors de votre rencontre. Et maintenant, il n’y avait plus rien dans ce regard. Tu n’y voyais que du vide et cela commençait a t’affolait.

Toutes tes tentatives, pour le ramener à toi restent sans effet. Qu’est-ce qui peux donc le mettre dans un tel état ? Des gens, ont-ils usé de magie dans ces rayons pour le mettre sur leur contrôle ? Avec tous ces dons qui se révèlent autour de vous, cela ne t’étonnerait pas. Tu sens l’énervement monté, bien plus que cela ne devrait. Tu commences à fouiller autour de lui, a chercher si quelqu’un se cache. Tu hurles en remontant les allées dans l’obscurité.

« Qui que vous soyez, laissez le tranquille. Montrez-vous et attaquez-vous à quelqu’un qui a du répondant ! »

Tu accélères le pas et fouilles du regard tout autour de toi, ton énervement est à son comble, tu perds le contrôle en revenant vers Edwin qui n’a pas bougé et continue de murmurer ce mot sans fin. Tu hurles contre cet ennemi invisible et tapes un grand coup dans l’étagère face au bibliothécaire, tu ne contrôles plus rien et sans comprendre comment tu vois deux des étagères en chêne massif se briser sous ton coup de poing comme s’il s’agissait d’un simple contreplaqué. Les livres qui repoussaient sous les étagères, tombent lourdement sur le sol. Tu as juste le temps de prendre Edwin dans tes bras et de présenter ton dos aux ouvrages qui étaient en hauteur et vous tombent dessus, te blessant au passage. Tu murmures à l’oreille de ton homme des mots rassurants que tu espères qu’il entendra au milieu du vacarme des livres qui tombent.

Tu te sens si impuissant face au comportement d’Edwin. Tu ne sens pas comment réagir. Dois-tu le secouer pour qu’il revienne à lui et cesse de psalmodier comme il le fait depuis ton arrivée ? Ou dois-tu le laisser revenir de lui-même ? Tu sais qu’il n’aime pas que l’on le touche sans le prévenir et pourtant là, même ton contact ne l’a pas fait réagir. Il est là sans être là. Tu cherches qui aurait pu l’avoir ensorcelé, car pour toi, il n’y a pas d’autres explications à son comportement. Tu sais, tu sens, que tu es un combattant dans l’âme, mais tu ne peux rien faire face à des personnes qui se cachent ou agissent à distance. Tu cherches, tu cours entre les allées de la bibliothèque pour trouver le coupable de ce comportement. Tu ne trouves rien, ton énervement est à son comble quand tu reviens vers le bibliothécaire, la frustration te gagne et tu ne peux t’empêcher de taper un grand coup dans les rayonnages de livre proche de vous, faisant s’écrouler un pan de la bibliothèque et des livres qui sont dessus. Tes réflexes prennent le dessus lorsque tout chute sur vous. Tu attrapes Edwin pour le prendre dans tes bras et faire barrière de ton corps. Tu encaisses les chocs sans broncher. Tu le sens se figer dans tes bras, puis se débattre pour s’échapper, tu sens la peur qui le saisie et desserre l’étau de tes bras quand le dernier livre fini sa course au sol.

Son regard revient enfin dans le monde réel. Le choc a dû arrêter le sort ou quoi que ce soit qui la mis dans cet état. Tu saignes légèrement au niveau du cou et des mains, là où des coins de livres sont venus te blesser dans leur chute. Tu sens qu’Edwin, n’a pas pris conscience de ce qui vient de se passer et tu te rapproches doucement, de lui pour ne pas l’affoler. Tu plies les genoux pour te mettre à sa hauteur, l’arrêter avec douceur dans son rangement et venir caresser son visage d’une main si heureux de le voir revenir à toi.

« Je vais bien, ne t’inquiète pas. Je suis désolé, mais c’est moi qui ai créé tout ce désordre. Mon Dieu Sexy, j’ai eu si peur. Je suis si heureux de te retrouver.»

Tu es vraiment soulagé de pouvoir le retrouver.

« Je suis là pour toi, Edwin, pas pour les recherches. J’ai ramené des pâtisseries, juste pour le plaisir de passer du temps en ta compagnie et tu n’étais pas à ton bureau. Je t’ai retrouvé ici, les yeux dans le vide, répétant sans t’arrêter des phrases sans queue ni tête. Je me suis affolé, je ne pouvais pas te faire revenir à moi et cela m’a fait perdre le contrôle. Je suis désolé d’avoir tout cassé. »

Tu es sincère, tu aurais tant aimé ne pas en arriver là. Tu viens prendre sa main qui saigne pour regarder la blessure de près.

« Il faut qu’on soigne ta blessure. Il a y a une trousse de secours ici ? »

Fais-tu inquiet pour lui sans tenir compte de tes propres blessures qui vont se refermer toutes seules.

« Peur pour toi Edwin »

Avoues-tu doucement pendant qu’il se vient poser son visage sur ta main. Tu l’as rarement vu faire cela de lui-même. Tu es celui qui initie les gestes doux entre vous en temps normal. Non pas qu’il n’y soit pas sensible, mais cela ne semble pas lui être naturel de faire cela et toi, tu adores toucher sa peau, sentir son corps contre le tien.

« J’ai eu peur de ne jamais pouvoir te faire revenir vers moi. »

Et tu viens de réaliser que tu ne l’aurais pas supporté. Tu as perdu le contrôle si rapidement en le pensant en danger, tu as senti que tu étais prêt à tuer pour lui ce que tu n’avais jamais ressenti pour personne jusqu’ici. Il ne semblait pas comprendre, ni vraiment voir l’attachement que tu lui portais, mais tu refuses de baisser les bras, tu vas te battre pour lui, lui montrer combien il compte pour toi. Qu’importe le temps que cela prendra, tu trouveras comment lui faire comprendre que pour toi, il est différent, important. Tu le laisses se lever et ranger les livres qui sont au sol. Tu sens que cela ne sert à rien de tenter de l’arrêter ou de discuter de ce qui s’est passé avant qu’il ne se soit occupé de cela. Tu le suis jusqu’à la salle de repos et tends ta main en lui montrant bien que ta blessure est vraiment bénine, tu vas te laver les mains à ton tour et le soigner quand il fait mine de le faire lui-même. Tu as besoin de te rassurer et de prendre soin de lui.

« Je n’ai quasiment rien eu. Laisse-moi regarder ta blessure et te soigner. S’il te plaît »

On sent dans ton « s’il te plaît » que tu en as besoin, qu’il faut que tu fasses cela pour te rassurer. Tu sors les bandages et de quoi désinfecter avant de prendre sa main avec toute la délicatesse dont tu peux faire preuve. Tu bandes sa main de telle manière qu’il puisse toujours l’utiliser malgré le pansement.

« J’étais venu pour te voir et passer un moment avec toi. J’ai posé des pâtisseries sur la table de ton appartement. Viens allons en manger. Le sucre nous fera du bien. Tu pourras faire tes demandes de réparation de ton appartement. »

Tu l’entraînes avec toi pour qu’il puisse se resucrer et se faire plaisir après ce moment hors norme. Tu t’installes dans son canapé après avoir déposé les pâtisseries sur la table basse, lui laissant une place à tes côtés s’il veut s’y installer.  

« Tu as parlé d’une ombre. Je n’en ai pas vu. Et ces livres sur les cauchemars existent vraiment ? »

Tu poses la question pour être sûr, car après ce que tu as découvert sur toi, ce genre de livre ne t’étonnerais pas plus que cela.

«Parce que cela ressembler à un cauchemar de mon point de vue, mais je ne sais pas ce que c’était pour toi. Je n’arrivais plus à te ramener à moi. Tu psalmodiais des trucs que je ne comprenais pas. Cela t’est déjà arrivé de perdre conscience de cette manière ? »

Les battements de cœur se calment quand il accepte sans sourciller de te laisser le soigner. Cela te rassure de voir l’état de sa blessure et de réaliser qu’il est de retour auprès de toi. Il te rend même le sourire avec sa réponse si terre-à-terre, tu ne t’es pas encore fait à l’idée qu’il prenait tout au pied de la lettre et avait du mal avec les expressions imagées. Tu prends le temps pour le soigner, car les gestes que tu fais l’aide, mais t’aides aussi à faire retomber la pression qui s’est emparée de toi et ton fait perdre la tête dans la bibliothèque.

Tu l’entraînes vers son appartement pour y passer la soirée et vous remettre de ce qui vient de se passer. Tu t’installes dans le canapé après avoir posé les pâtisseries sur la table basse, laissant ton esprit vagabondé pendant qu’Edwin prépare un thé. Tu as tant de questions qui t’envahissent et pourtant si peu de réponses. Tu sens qu’Edwin ne veut pas se confier. Il esquive trop toutes tes demandes. Il te cache quelque chose d’important, mais tu comprends que cela ne sert à rien d’insister, que tu ne feras que le bloquer. Sur le coup, cela te met en rage, mais tu réalises qu’il y a peu de temps que vous vous êtes rencontré et que si pour toi, être à ses côtés est une évidence, cela ne l’est pas pour lui. Tu sers donc les dents, prends une grande respiration avant son retour et tu attends son retour un sourire aux lèvres.

« Ces travaux seront bientôt finis ? Quand je t’écoute, je trouve que tu fais un métier bien risqué. »

Et tu n’aimes pas le savoir prendre autant de risque. Tu tends ta main pour venir prendre la sienne quand il a fini de servir le thé et l’attire contre toi pour l’embrasser et l’inviter à venir s’asseoir à tes côtés.

« Cela ne doit pas être facile à vivre ce genre d’absence.»

Tu n’insistes pas plus, car tu ne veux pas qu’il se ferme complétement et change de sujet en rebondissant sur sa question.

«J’avance doucement. J’ai demandé à un ami, détective privé de mener l’enquête. Je ne sais pas si cela va donner quelque chose. Il veut suivre la piste de mon prénom. Pour lui, cela devrait être la clef de mon passé. Il a bloqué sur la mythologie grecque, je vais bien voir ce que cela va donner. Mon amie Eurydice m’a conseillée d’aller voir un psychologue ou un hypnothérapeute, mais je dois avouer que j’ai un peu de mal à me faire à l’idée de laisser quelqu’un que je ne connais pas accéder à mes pensées cachées. Tu le ferais toi ? »

Callé contre toi, tu sens le frisson qui traverse le corps d’Edwin et passes ton bras autour de ses épaules pour le protéger d’un danger que tu n’arrives pas à voir, ni à comprendre. Tu vois bien qu’il te cache des tas de choses. Qu’il ne te dit pas ce qu’il ressent et cela te mine un peu même si tu le comprends. Qui es-tu pour lui ? Pourquoi te ferait-il confiance ? Tu ne lui révèles pas tes propres secrets, tes découvertes récentes, tu as trop peur de le faire fuir s’il apprenait tes capacités. Tu te contentes d’accepter ses explications sans un mot et de le protéger comme tu le peux dans ce cas en restant juste à ses côtés et en changeant de sujet. Tu lui expliques ce que tu as découvert et ce que tu comptes faire. Tu as déjà évoqué tout cela avec Eurydice et cela te fais sourire de l’entendre te répondre quasiment la même chose que ton amie.

« Oui, c’est la théorie qu’il semble vouloir suivre. Se baser sur mon prénom et suivre la piste divine. J’ai du mal à accepter cela, mais je vais le laisser aller au bout de son idée. Cela ne m’empêche pas de suivre d’autres voies. »

Tu ne rebondis pas sur les capacités divines. Tu n’es pas prêt à lui révéler. Non que tu ne le veuille pas, mais après ce que tu viens de voir, cette absence dont tu as eu tant de mal à le faire sortir et cette fuite en avant dès que le questionne sur ce qui vient de se passer, te font penser qu’il n’est pas près à entendre que tu sembles immortelle et que tu arrives à te régénérer. Tu ne parles même pas des dégâts que tu viens de faire dans la bibliothèque sous le coup de l’émotion. Ton entraînement fait que tu as beaucoup de force, mais aujourd’hui tu as détruit les étagères en bois massif comme s’il s’agissait de petit-bois. Aucun humain ne peut faire cela de manière naturelle et tu en as bien conscience. Il va falloir que tu testes cette nouvelle capacité. Pourquoi ne pas recontacter Alucard et faire de nouveaux tests avec lui ou bien aller en discuter avec Ben. Tu n’as pas l’esprit assez clair pour prendre ce genre de décision pour l’instant.

«Je n’ai pas encore décidé si j’allais essayer la voie de la psychothérapie. Je prends tous les conseils que l’on peut me donner. Mon ami Eurydice est comme toi, elle ne me conseille pas l’hypnose. Je vais vous écouter. »

Tu t’enfonces dans le canapé, le temps de laisser Edwin boire son thé et poser sa tasse. Quand il a enfin les mains libres, tu viens le soulever pour le poser sur tes genoux et l’embrasser longuement avant de lui répondre.

« Je n’ai aucune intention de partir. Je suis venu pour toi, je ne vais pas partir comme cela Sexy. »