Depuis quelques temps, Françoise ne pouvait s'empêcher de se demander si les rues qui entouraient le lycée étaient toujours aussi sûres qu'elles l'avaient été. Elle n'avait pas constaté de disparition, mais elle avait l'impression que de plus en plus de gens louches traînaient dans le coin. Elle avait évidemment alerté la jeune fille dont elle savait qu'elle avait été laissée à cet endroit pour protéger les lieux. Mais elle protégeait principalement les abords de l'école et Françoise avait l'intuition que c'était un peu plus loin que se poser le problème. Elle ne savait pas exactement de quoi il était question et c'était plus une sensation qu'une réelle compréhension de la situation.

Par chance, elle se savait avoir un air vulnérable et elle avait dans l'idée qui lui serait peut-être possible de piéger les responsables d'une manière ou d'une autre. Dans un premier temps, elle décida de se contenter de prendre un peu plus son temps pour rentrer à la maison et de voir ce qui allait se passer si elle s'éloignait un peu des routes littéralement adjacentes aux bâtiments scolaires. Elle n'avait pas vraiment peur, étant donné qu'elle était parfaitement capable de se défendre, mais elle n'avait pas spécialement envie qu'il se passe quelque chose. À dire vrai, le contraire serait plus rassurant.

S’il n'y avait pas eu les rumeurs, elle ne se serait même pas sentie en danger dans les rues où elle se trouvait, même s'il fallait reconnaître qu'elles étaient un peu moins passantes que celle qu'elle venait de quitter. Pourtant, après quelques minutes, elle eut cette impression que quelqu'un la suivait. Espérant se tromper, elle se tint encore davantage sur ses gardes à juste raison. Une main se plaqua soudain sur son épaule et un bras chercha à la maintenir tandis que quelqu'un défaisait la lanière du sac de son dos. Françoise réagit rapidement. S’esquivant d'une roulade, elle fit glisser son sac qu’elle dissimula dans un coin avant d'affronter ses agresseurs dans une position de combat assez franche.

L’un des hommes tenta de venir la frapper de son poing, et elle réagit en l'esquivant et en frappant son dos de son coude pour le faire basculer sur le sol. Ce ne fut pas si difficile qu'elle aurait pu s'y attendre, mais c'était probablement seulement parce que lui-même ne s'était pas attendu à autant de résistance de la part d'une adolescente. Un autre se précipita pour l’envelopper et l’immobiliser de ses bras, et elle se dégagea en écrasant son pied et enfonçant son coude dans l'estomac de l'homme pour le faire lâcher prise. Elle le regarda malicieusement alors qu'il tombait par terre. Lui non plus, il ne s'était pas attendu à autant de résistance.

« Désolée, c'est pas que j'aime pas les câlins, mais ce serait quand même mieux d'être un peu moins familier », lança-t-elle sur le ton moqueur qu’elle employait toujours lorsqu'elle se confrontait à des malfaiteurs.

Mais très vite, la situation perdit de son équilibre. Ils étaient soudainement un nombre important à l'entourer et à la menacer. Elle pourrait se défaire de la moitié d'entre eux sans trop de difficultés, mais probablement pas de tous. Courageuse, elle ne montra pas sa peur et se tint prête à tous les affronter, même si elle était persuadée qu’elle avait vu trop grand, cette fois, et qu'elle aurait de la chance si elle s’en sortait en un seul morceau.

Même si elle était sportive et entraînée, les muscles de Françoise n’étaient jamais que ceux d’une adolescente de quinze ans et elle ne pouvait pas triompher seule de plusieurs hommes solides. Elle se défendait de son mieux, mais elle demeurait à la limite de ses capacités, même si elle se poussait au maximum de son potentiel. Et quand les adversaires étaient trop nombreux pour espérer pouvoir les vaincre, même si elle savait que c’était peine perdue, elle savait aussi qu’elle essaierait quand-même. Elle était en garde, les pensées assez préoccupées, mais elle ne le montrait pas, agissant comme elle agissait d’ordinaire.

« Tout ça pour moi ? Fallait pas, les gars, c’est trop ! » lança-t-elle avec malice tout en se demandant comment elle allait s’en sortir en vie.

Elle fut donc extrêmement soulagée de voir débarqué un jeune homme, bien musclé et qui n’avait pas ses poings dans ses poches. Il serait sûrement un allié des plus solides pour se débarrasser de cette populace hostile. Il n’était pas en train de la reléguer au rang de jeune fille en détresse, pourtant. Il parla d’être à deux contre la foule, l’incluant dans la bagarre. Il eut même la délicatesse de lui demander l’autorisation d’intervenir. Ce gars savait ménager la sensibilité de ses alliés. Décidément, il lui faisait une forte première impression. Elle lui adressa un sourire enjoué, légèrement teinté de malice.

« Mais je vous en prie ! Je m’en voudrais de m’amuser toute seule sans vous en laisser un peu » lui dit-elle avec un léger salut de la main.

Positionné dos à dos, ils se lancèrent à l’assaut. Françoise ne surveilla pas ce qu’il faisait mais son propre poing atterrit aussitôt dans l’estomac de celui qui se tenait devant lui. Quand on l’agrippa par derrière alors qu’un poing se dirigeait vers son visage, elle l’évita habilement et le poing finit dans le visage de celui qui la tenait et qui s’écroula au sol. Françoise regarda l’homme avec un sourire étonné et réjoui.

« Woh, merci, c’était cool, vieux ! »

Furieux, il tenta de la frapper mais s’avança en déséquilibre. Elle posa son pied habilement et le fit trébucher. Sa tête heurta le sol et elle fit un petit geste malicieux, la langue un peu tirée.

« Whoops, c’est ballot. »

Repérant de sa vision périphérique un homme qui l’attaquait de l’arrière, elle recula son coude pour le frapper à un endroit stratégique et abattit son bras sur le dos de l’individu qui s’effondra sur le sol. Il ne fallait pas tenter de l’attaquer en traître.

« Encore un adepte de la châtaigne ? »

Elle n’avait pas la même façon de se battre que le jeune homme qui lui était venu en elle. Elle reprenait ses habitudes de justicière, taquinant les adversaires et jouant avec eux, tout en se battant. Elle utilisait aussi la force des uns pour vaincre les autres. Lui se battait en silence, mais pas moins efficacement. Il savait porter son poing et il avait une certaine force et une certaine maîtrise qui lui faisait dire qu’il n’en était pas à son premier affrontement. Elle était soulagée de l’avoir comme appui car elle n’était pas assez forte pour affronter tout un groupe à elle toute seule.

Une fois qu’il lui sembla que tous les assaillants étaient à terre, elle apostropha avec humour dans le vide en demandant si quelqu’un d’autre voulait les affronter. Au petit commentaire humoristique de son partenaire du jour, elle tourna légèrement la tête vers lui et sourit doucement. Le compliment ne lui était pas indifférent et elle le savait mérité. Elle avait fait tout ce qu’elle pouvait pour se défendre et elle était ravie de constater que son sac était intact et qu’ils n’avaient rien pu lui prendre. Ils avaient assuré, tous les deux. Il se présenta et elle lui offrir un sincère sourire amical.

« Sympa le surnom. Sinon, tu peux m’appeler Françoise. Merci pour le compliment, mais tu te débrouilles bien aussi. Tu t’es entraîné ? Moi je fais de la self-defense depuis l’école primaire. Ils sont mal tombés. »

Elle enfila son sac sur son dos et commença à s’éloigner de la zone en invitant Hercule à en faire autant. Il valait mieux ne pas rester dans le coin, sachant ce qui venait de se passer. Elle savait que la vengeance était le propre de ces individus, et il ne faisait aucun doute que Fantômette viendrait leur rendre visite. Elle ne savait pas encore si elle aurait suffisamment de preuves pour les livrer à la police, mais elle allait essayer. Il n’était pas question que ses camarades soient en danger. Et beaucoup passaient par ici le soir pour rentrer chez eux.

« J’avais entendu dire que des gens bizarres traînaient dans le coin. Je crois qu’on est servis. »

Il semblerait que le jeune homme soit disposé à faire un bout de chemin avec elle. Ça ne la dérangeait pas. Après ce qu'ils venaient de partager, elle était même plutôt curieuse d’en apprendre plus sur lui. Il était plutôt fortiche et pratiquait de toute évidence les arts martiaux. Elle était curieuse de cette tactique et de la façon dont il avait appris à se battre. Elle savait qu'il y avait un nombre certain de super-héros dans le coin et il n'était pas impossible qu'il soit tout simplement l'un d'entre eux. Mais cela n'avait peut-être rien à voir et il ne l'avouerait sans-doute pas d'entrée de jeu. Ce n’étaient pas des secrets que l'on confiait facilement à des inconnus.

En tout cas, il était observateur. La jeune justicière espérait qu'il se trouvait dans le bon camp parce que s'il comprenait qui elle était réellement, elle préférait sincèrement qu’il ne se positionne pas en ennemi. Elle savait qu'il y avait peu de chances que ce soit le cas, mais elle ne pouvait pas en être complètement sûre. Il avait déjà compris que le combat était un réflexe chez elle et qu'elle n'avait pas besoin d'y réfléchir à deux fois. À force d'affronter toutes sortes de voyous avec des niveaux différents, elle avait acquis un instinct de combat qu'elle savait que tous, même ceux qui pratiquent l'autodéfense n'avaient pas forcément.

« C'est venu avec le temps, mais je n'ai pas vraiment eu de professeur. Et j'ai étudié ça en autodidacte. Je pratique pas mal de sports, mais je n'ai jamais fait partie d'aucun club. Ça ne m'intéresse pas. C’est pour me maintenir en forme et pas pour le plaisir de casser la figure à quelqu'un. Finalement, ce qui m'a entraîné le plus, c'est de me battre contre des individus mal intentionnés. Je dois reconnaître que j'en ai affronté plus souvent qu’à mon tour et qu'il m'a fallu une bonne dose de volonté pour en venir à bout. »

Elle lui en disait peut-être un peu plus qu'elle ne l'aurait dû, mais ça ne voulait pas dire grand-chose. Après tout, Ficelle et Boulotte s'étaient retrouvées dans les ennuis à peu près aussi souvent qu'elle, la seule différence étant qu'elles ne savaient pas se défendre de la même manière. Cela dit, il y avait une information qu'elle avait vraiment envie de lui partager, cela concernait plutôt les soucis qu'il y avait par moment dans le coin. C'était quelque chose de récent et cela donnait l'impression à Françoise que le banditisme gagnait du terrain. Elle devait bien avouer que ce genre de constat ne lui plaisait pas. Son âme de justicière ne pouvait que se rebeller contre cet état de fait.

« J'ai entendu quelques-unes de mes camarades qui se sont fait suivre par ici. Une fille m'a même dit que son portefeuille avait disparu. mais au moins, a priori, ce n'était que des vols à l'arrachée, et pas de vraies agressions. Et c'est récent. »

Françoise était parfaitement consciente que cela pouvait en surprendre plus d'un de voir sa capacité à combattre en tant que jeune écolière. c'était déjà étonnant pour une lycéenne, mais ça l'était encore plus du temps où elle était encore à l'école primaire. Elle évitait alors de faire montre de ses capacités à l'excès afin de ne pas être démasquée, ce qui lui avait valu des commentaires assez amusants dans ce contexte de la part de son amie Ficelle, qui la comparait à son alter ego en affirmant qu'elle ne serait jamais capable d'en faire autant. Connaissant ses propres capacités, Françoise accueillait ses remarques avec un simple sourire mystérieux. Elle préférait que la grande blonde voit les choses de cette façon, même si cela signifiait qu'elle n'avait pas une très haute opinion d'elle.

Elle ne se disait pas que les propos du jeune homme étaient inappropriés. Elle n’avait pas envie de lui démontrer un intérêt trop prononcé, toujours à cause de ce secret qu’elle ne voulait pas éventer. Mais en tant que Fantômette, peut-être qu’un professeur avisé pourrait l’aider à s’améliorer et à affronter plus facilement un plus grand nombre d’adversaires. Elle était intéressée sur ce point et elle ne pouvait s’empêcher de se demander si elle ne devrait pas revenir le voir vêtue de son costume. Elle devrait pourtant faire attention.

« C’est gentil. C’est que, vois-tu, je ne suis qu’une personne ordinaire. Je ne vois pas l’intérêt d’en apprendre plus. Mais ce genre de choses me préoccupent. Je n’aime pas l’idée que mes camarades tombent entre les griffes de ce genre de personnes. »

Le jeune homme lui proposa d’aller boire quelque chose de frais ensemble et elle lui sourit. Elle aimait bien ce garçon. Il était courageux et il avait l’air de bonne compagnie. Elle serait ravie de discuter un peu avec lui et d’en apprendre plus sur lui. Il lui proposa de prévenir Ted qu’elle allait rentrer un peu plus tard et elle songea qu’elle n’avait même pas pensé à lui dire qu’elle se lançait sur une piste. Heureusement que ce jeune homme était intervenu, sinon il n’aurait pas aimé cela du tout. Elle tapota quelques mots sur son téléphone, et sourit à Héraclès.

« Avec plaisir. Je viens justement d’envoyer un message à mon père. Il va râler quand il saura que j’ai été vérifier cette rumeur toute seule. Il est un peu protecteur. »

Elle sourit avec tendresse. Elle savait qu’elle pouvait compter sur Ted quoi qu’il advienne et cela lui faisait chaud au cœur. Alors qu’ils se mettaient en route, elle lui expliqua ce qui avait motivé sa venue ce soir. Ce n’était pas beaucoup de monde encore qui l’avait alertée, mais une personne aurait suffi pour qu’elle vérifie. Et de toute façon, il valait mieux que ce soit elle, qui savait se défendre, que n’importe qui d’autre. Heureusement, ils ne se montraient pas brutaux si la personne cédait et ne se défendait pas.

« Apparemment, personne n’a été sévèrement blessé, pour ce que j’en sais. Ils ont obéi et ça a suffi pour qu’il ne leur arrive rien, mais je ne pense quand-même pas qu’il faille laisser faire. Tu surveilles ce coin ? Comme tu dis que tu ne t’en étais pas rendu compte… Je n’ai eu de retours que de quelques personnes, mais je ne connais pas tous les collégiens et lycéens. »

Elle ne pouvait pas le nier. Lorsqu'on ne voyait que la jeune lycéenne sans aucun pouvoir particulier, bien frêle et finalement assez quelconque, étant donné l'image qu'elle s'efforçait de montrer, il était naturel de se dire que son attitude était désinvolte et peut-être un peu dangereuse pour sa sécurité. Mais accepter de se faire coacher, c'était en révéler plus sur ses capacités qu'elle n'avait vraiment envie de le montrer. Pour le moment, c'était hors de question. Cela dit, elle était reconnaissante au jeune homme de vouloir lui venir en aide à ce sujet et elle trouvait que c'était un comportement plutôt responsable. C’était le genre de personne qui gagnait à être connu.

« Entendu. On fait comme ça », accepta-t-elle finalement comme un compromis.

Après tout, cela ne l'engageait à rien. Après avoir averti son père afin qu'il sache qu'elle était en toute sécurité, la jeune fille suivie son jeune sauveur pour aller boire un verre quelque part. Cela la toucha qu'il décide de payer aussi pour elle. C’était vraiment généreux de sa part. Il comprenait parfaitement que Ted ait besoin de savoir où elle se trouvait et d'être sûr que tout allait bien pour elle. C’était le lot de tous les pères mais il était vrai que la situation était encore plus spécifique pour lui, étant donné les activités peu orthodoxes de sa protégée.

« Disons que je m'occupe suffisamment souvent de situations pouvant devenir problématiques pour qu'il s'inquiète que j’aie à en souffrir. Je n'aime pas tellement les personnes qui s'en prennent à des gens innocents, tu vois ? Merci pour la boisson. »

S'il y avait bien une chose sur laquelle on ne pouvait pas dire que la jeune fille manquait de vigilance, c'était sur le fait d'inclure les autorités dans ce qu'elle découvrait. Fantômette livrait systématiquement ceux qu'elle capturait à la police, et Françoise mettait régulièrement ses contacts au courant à propos de ce qu'elle pouvait entendre à l'école. Mais elle était rassurée que ce garçon la pousse également à le faire. Cela lui prouvait qu'il était de bon conseil et qui n'était pas du genre à foncer sans réfléchir dans les ennuis. Elle n'avait pas besoin d'amis supplémentaires de ce genre.

« J'en avais bien l'intention, mais je voulais vérifier par moi-même d'abord. Ce n'est peut-être pas la meilleure chose à faire, mais j'ai tendance à vérifier moi-même une rumeur avant de la rapporter à qui de droit. Ça m'évite de déranger les autorités inutilement. »

Elle savait bien qu’il n'était pas courant que des élèves de son âge se soucient autant de la sécurité de leurs camarades. Mais Françoise n'était pas comme les autres. Sa nature de justicière faisait qu'elle ne pouvait faire autrement que de défendre tous ceux qui en avaient besoin. Évidemment, elle limitait ses actions quand elle n'était pas derrière un justaucorps parce qu'elle ne voulait pas qu'on sache qui elle était réellement. Mais malgré tout, elle pouvait faire un minimum de choses sans être sous le masque de Fantômette et elle n’hésitait pas à les faire.

Elle pouvait entendre que son nouvel ami soit admiratif de la chose mais ce n'était vraiment rien que de très naturel pour elle et elle ne voyait pas pourquoi elle en ferait toute une histoire. Il valait mieux ne pas insister afin qu'il n'aille pas chercher plus loin et qu’il ne se dise pas qu'une personne de son style avait de grandes chances d'être une justicière masquée. C’était peut-être aller un peu loin, mais elle savait combien il pouvait être important de préserver ce genre de secret. Elle aimait autant ne pas donner envie d'aller fouiner un peu plus loin dans les secrets qu'elle pourrait cacher.

« Ce n'est pas grand-chose. Je m'occupe beaucoup des plus petites que moi qui ont tendance à se comporter avec moi comme avec une grande sœur. Si je veux être à la hauteur de leur considération, ça me paraît normal de veiller à leur sécurité dans la mesure de mes moyens. »

Mais elle comprenait qu'il s'inquiète pour elle et elle trouvait ça touchant. Évidemment, sa première question était de savoir si elle avait des adultes qui étaient au courant de ses activités. C'était probablement la meilleure solution pour s'assurer qu'elle savait ce qu'elle faisait et qu'elle ne se mettait pas gratuitement en danger. Elle aurait très bien pu le faire sans le moindre adulte à disposition et en soi, elle l'aurait fait si Ted ne l'avait pas trouvée, mais c'était évidemment plus simple de l'avoir sous la main.

« Mes parents biologiques ne sont pas ici, comme pour beaucoup d'enfants en fait. mais j'ai eu beaucoup de chance. Je suis tombée sur un journaliste en arrivant et il a décidé de me garder avec lui. Il connaît ma tendance à vouloir démasquer les bandits, évidemment. La plupart du temps, c'est lui que je préviens si je fais quelque chose de vraiment dangereux. »

La façon dont il mentionna les pouvoirs magiques la fit sourire. La question n'était pas vraiment posée de manière très adroite et si elle avait été méfiante avec lui, elle aurait pu penser qu'il essayait de lui faire dévoiler ses secrets. Mais comme elle n'en avait pas vraiment à révéler en réalité, du moins sur le chapitre de la magie, elle le prit à l'amusement et secoua la tête. Elle devait admettre qu'elle avait parfois un comportement insouciant mais cela faisait partie de ce qu'elle était, et ça ne l'avait jamais empêché de réussir à s'en sortir même in extremis. Elle devait le reconnaître, elle avait parfois une chance insolente.

« Non, je n'ai aucun pouvoir en dehors de la simple force de ma petite caboche. Mais ça, la plupart des gens en seraient capables avec un minimum d'effort. Comme tu l'as vu, j'ai quelques compétences en self-défense, et je n'en fais pas assez pour vraiment craindre d'être blessée. Mais c'est gentil de t'en faire pour moi. »

Sa façon de la mettre en garde et presque de lui reprocher de se mettre en danger avait un côté fraternelle qu’elle trouvait plutôt gentil. Elle n'allait pas lui en vouloir de se montrer protecteur avec elle. Cela montrait, quelque part, qu'il était plein de bienveillance et qu'il n'avait pas envie de voir une adolescente se blesser. Elle lui sourit gentiment quand il s'excusa en lui suggérant de parler plutôt de ce qu'elle savait. Il ne voulait pas l'infantiliser mais il ne pouvait pas s'empêcher de se montrer protecteur. C'était vraiment attendrissant.

« Je ne t'en veux pas du tout. Je ne vais pas te reprocher de vouloir prendre soin d'une innocente jeune fille. Que j'estime en avoir besoin ou pas, c'est une autre histoire. Pour en revenir à celle qui nous occupe, je ne sais pas grand-chose. Comme je te l'ai dit, j'ai eu vent de quelques-uns de mes amis qui se sont fait racketter, mais rien de plus. Je ne sais même pas si ceux que nous avons affrontés sont seuls ou s'ils font partie de quelque chose de plus conséquent. Cela ne laisse pas grand-chose pour la police », reconnut-elle avec un sourire d'excuse.

La jeune fille n'avait jamais voulu recevoir un quelconque honneur du fait d'aider les autres. Elle se satisfaisait simplement de rendre la vie des gens un peu meilleure. En soi, elle savait qu'elle faisait quelque chose d'important, mais ce n'était pas pour ça qu'elle était contente de le faire. Elle était surtout contente de rendre le monde un peu moins dangereux pour les personnes à qui elle tenait. Elle n'avait jamais recherché les compliments pour ses actes et préférait largement se rendre compte que les conséquences étaient à la hauteur de ses espoirs.

« Merci. J’espère bien changer les choses et que mes actes ne soient pas minimes, mais je n'éprouve pas le besoin que l'on me félicite pour autant. Et je ne pense pas que ce soit en cherchant la reconnaissance que l'on peut vraiment rendre le monde meilleur. »

Françoise n'était pas vraiment triste d'être arrivée ici toute seule parce qu'elle n'avait, de toute façon, jamais eu beaucoup de contacts avec sa famille, même dans son monde. Mais elle était triste pour tous ceux à qui leurs parents manquaient. Elle savait qu'il y en avait beaucoup et plusieurs étaient de ses amis. Pour sa part, elle était simplement contente d'avoir trouvé quelqu'un qui lui permette de ne pas aller à l'orphelinat où il aurait été plus difficile d'être ce qu'elle était. De plus, le soutien de Ted lui avait permis de bénéficier des mêmes avantages qu'elle avait avec Œil-de-Lynx.

Mais elle était consciente que des bandits revenaient avec infiniment plus de pouvoir, sans compter les organisations criminelles qui étaient un peu au-delà de ce qu'elle était capable de gérer. Cette ville lui offrait des défis autrement plus compliqués que Framboisy et elle savait qu'elle devait être méfiante car elle n'était pas complètement à la hauteur. Mais il n'était pas question de laisser des bandits courir même si elle n'était pas sûre de pouvoir les attraper. En l'occurrence, elle se dit qu'une aide ne serait pas malvenue.

« je commence à me rendre compte qu'il y a des gens vraiment particuliers ici. Et je ne parle pas juste de cette histoire de pouvoir magique. C'est pour ça que je suis bien contente que tu aies eu la bonne idée de venir te mêler de cette histoire. C'est quand même plus simple de ne pas se battre seule. »

Il était encore trop tôt pour pouvoir mêler la police à ces incidents qui n'avaient pas encore vraiment de corps et dont on ne savait pas encore tous les détails. Mais elle était pourtant persuadée qu'il y avait quelque chose à voir et quelque chose à faire et qu'il ne fallait pas laisser tout cela entre les mains du seul hasard, ce qui était bien la raison pour laquelle elle en était mêlée. Le jeune homme se demandait quelle serait la suite des événements et elle devait bien admettre qu'elle n'avait aucune certitude sur la question, simplement que l'affaire était réelle et d'importance et qu'il ne fallait pas complètement renoncer en la laissant de côté.

« Je ne sais pas trop. Ce n'est pas possible de protéger tout le monde en même temps. En parlant de protéger, il y a une jeune femme qui vient d'une société de sécurité et qui surveille l'école sur ordre de sa patronne. Je pourrais peut-être lui parler de ce que j'ai vu. Elle est plutôt bien indiquée pour savoir quoi faire. »