Il se passait beaucoup de choses d’un coup dans la vie de Penny. Récemment, elle avait découvert que celles qu’elle avait laissé bébé étaient maintenant des adultes avec des enfants, du moins, pour Piper. Prue était malheureusement décédée avant de pouvoir mettre au monde des enfants, mais elle était réapparue dans ce monde avec une nouvelle chance de vivre sa vie. C’était une chance dont Penny espérait qu’elle n’allait pas la gâcher car il était donné à peu de personnes de pouvoir retrouver la vie après l’avoir perdue. La grand-mère estimait que sa petite-fille avait eu une vie bien trop courte la première fois.

Il y avait aussi la petite Sarah que Minnie lui avait laissée. Enfin, techniquement, Minnie avait subitement disparu sans laisser de trace, et Penny avait décidé de poursuivre le but qu’elle s’était donné de construire un foyer et de donner une famille à la fillette. Elle n’en avait pas encore parlé au reste des Halliwell, mais elle était certaine que l’enfant serait accueillie avec la même bienveillance et la même gentillesse que la famille avait toujours eu envers les innocents. Et même si elle n’était pas sorcière, elle avait forcément sa place dans la famille. La matriarche n’avait pas de doute là-dessus.

Avec toutes ses pensées confuses, elle n’était plus du tout sûre de la façon dont elle avait géré la boutique. Elle avait donc décidé de profiter du calme de la journée pour faire un semblant d’inventaire. Ce n’en était pas un véritable puisqu’elle ne fermait pas boutique pour le faire, mais cela lui donnerait une idée globale de ce dont elle était sur le point de manquer. Ce ne serait déjà pas si mal, pour essayer de planifier un peu ses prochaines préparations. Elle entendit soudainement le bruit caractéristique de la clochette de l’entrée et s’approcha pour voir son nouveau client.

Quelle ne fut pas sa joie de voir apparaître Piper. C’était l’une des deux filles de Patty qu’elle connaissait d’avant, enfant peut-être bien, mais quand-même. Cela ne la dépaysait pas autant qu’avec Phoebe ou Paige dont elle devait déjà s’acclimater à la simple existence. Elle accueillit donc la jeune femme avec un grand sourire et une douce étreinte. Elle ne savait pas si ses filles avaient l’habitude de ce genre de démonstration, mais c’était ce qui lui venait naturellement. Et puis, elle tenait à montrer à Piper qu’elle était la bienvenue et que la boutique était aussi chez elle, d’une certaine façon.

« Bonjour, Piper, bienvenue dans mon apothicairerie. »

La jeune femme s’excusa d’avoir malencontreusement révélé que pour elle, Penny Halliwell était morte. La matriarche ne lui en voulut pas. Elle parlait de quelque chose qui se déroulait bien des années après ce que Penny connaissait de la réalité, et de plus, il était impossible de savoir dans quelle mesure ce futur se produirait puisqu’ils ne se trouvaient plus dans leur espace-temps. Tout était confus dans cet univers étrange et il convenait de prendre toutes les informations avec les nuances qui s’imposaient. Elle n’allait pas traiter Piper comme une enfant de trois ans et Piper ne la traiterait pas comme une mourante, c’était tout ce qu’elle avait besoin de savoir.

« Eh bien, ce n’était pas come si j’étais vraiment revenue d’entre les mortes, comme Prue, n’est-ce-pas ? Puisque là de quand je viens, j’étais bien en vie. N’en parlons plus et dis-moi plutôt ce qui t’amène ici. »

Piper avait toujours été le petit cœur de la famille. C’était celle qui semblait réagir avec le plus de difficultés quand Penny avait le malheur de se disputer avec Victor. Lorsque les larmes venaient envahir son cœur, il lui était plus difficile que Prue d'arrêter de pleurer. La grand-mère avait toujours veillé avec particulièrement d'attention sur les sentiments de la fillette afin de s'assurer que personne ne lui ferait jamais de mal. Quand elle avait quitté son époque, elle avait souvent songé à ses petites-filles et elle était heureuse de voir ce que Piper était devenue en grandissant, mais inquiète de constater à quel point elle pouvait toujours être aussi facilement troublée par des choses que son émotionnel n'arrivait pas à gérer.

En la serrant dans ses bras, elle pouvait ressentir pleinement le trouble de sa petite fille et ce besoin qu'elle avait de se pelotonner au creux de ses bras comme elle le faisait déjà quand elle était toute petite. Qu’il s'agisse de son père, de sa mère ou de sa grand-mère, Piper avait toujours recherché la proximité des adultes en qui elle avait confiance et leur tendresse pour pallier ses angoisses et à ses chagrins. Penny était heureuse de constater à quel point la jeune femme se reposait encore sur elle à l'âge adulte et lui faisait confiance.

« Prends ton temps, il n'y a rien qui presse. »

S'il y avait quelqu'un qui pouvait comprendre la notion de deuil difficile à faire, c'était bien la matriarche des Halliwell. Le décès de son premier mari avait transformé la sorcière qu'elle était alors au point de lui faire changer complètement de vision de la vie. Lorsqu’on vivait un tel traumatisme, il était difficile de s'en remettre c'était forcément un deuil difficile à passer. Y arriver signifiait d'être parvenu à passer une étape qui demandait un lourd travail. Constater que tout ce travail n'était finalement qu'une illusion tout en que sachant que, sur le moment, c'avait été nécessaire, avait de quoi être franchement perturbant et il était logique que Piper ne sache plus où elle en était.

« Tu avais réussi à faire le deuil d'une sœur qui t'a demandé beaucoup de difficultés et on te la rend maintenant, c'est normal que cela te perturbe. Tout ce qui se passe ici est perturbant et créer des situations que la magie n'avait pas prévu au départ. Mais tu aurais pu retomber sur un démon que tu avais vaincu ou un ennemi. Il est tout de même agréable de se dire que c'est une sœur que tu as retrouvée. »

Penny pouvait d'autant plus comprendre le second élément de perturbation de sa petite fille, qu'elle ressentait exactement la même chose. Elle avait quitté Prue et Piper fillettes et les retrouvait à l'âge adulte et, pour ce qui était de la jeune femme en face d'elle, mères de famille. Elle pouvait parfaitement comprendre ce qu'il y avait de perturbant dans l'affaire. Encore une fois, Penny était plus du genre à se réjouir du nombre de Halliwell qu’elle pouvait avoir auprès d'elle mais si elle ne se laissait pas perturber pas grand-chose, il n'en allait pas de même de sa cadette.

« J'en suis au même point que toi. La dernière fois que je vous ai vues, toi et ta sœur, vous étiez des petites filles, et vous voilà adulte et toi maman. Je comprends ce que tu ressens et ce que ça a de perturbant. As-tu déjà eu des expériences de voyage dans le temps ? »

Même si elle ne les avait connues que petites filles, Penny s’était toujours promis qu’elle serait là pour ses petites-filles, chacune d’entre elles. Elle avait formé sa propre fille à son destin de sorcière et il appartenait à Patty de forger le destin des fillettes qu’elle avait mises au monde, mais elle serait là pour la seconder et leur apprendre ce qu’elle savait. Le fait que Piper ait besoin d’elle en ce moment précis réveillait ses plus grands instincts protecteurs. Elle se refusait à laisser la jeune femme en souci alors qu’elle pouvait l’aider. Piper avait toujours été la plus raisonnable, mais aussi celle que son cœur guidait le plus.

Penny comprenait la pensée moins déstabilisante de voir revenir des démons déjà vaincus. Plusieurs démons n’étaient pas destructibles, on pouvait seulement les bannir ou les réduire temporairement à l’impuissance. La magie était capricieuse et ne tolérait pas une trop grande balance de l’équilibre des forces. Mais voir revenir des proches avait tout de déstabilisant pour quelqu’un comme Piper. Penny était plus désinvolte, prenant ce genre de miracle à la légère. Elle était ainsi et cela lui permettait de profiter de chaque instant comme si c’était un cadeau qu’on lui offrait. Une bonne compensation.

« Je comprends. »

La présence de Paige, la petite dernière, était aussi déroutante parce que Piper semblait avoir mis du temps à accepter le fait que le pouvoir des trois pouvait être reformé, de ce que Penny comprenait. Et maintenant, les deux éléments constituant la troisième sœur étaient réunies et Piper ne savait pas quoi faire de tout cela. Penny savait mieux que quiconque quoi en faire, mais ce n’était pas le moment de parler de chasse aux démons avec le cher cœur troublé qu’elle essayait de rassurer. Il valait mieux essayer de lui faire voir les choses d’un autre point de vue.

« Tu n’as jamais aimé les disputes, ma chérie. Je le sais bien. Mais ce sont à tes sœurs de trouver leur chemin dans cette relation compliquée que cette ville leur impose. Toi, tu peux juste leur donner ton affection à chacune comme tu l’as toujours fait. Et leur parler si nécessaire. Tu es douée pour ça. »

Piper évoqua quelques expériences de voyages dans le temps. Étonnamment, l’un d’eux s’était produit à son époque. Penny ne s’en souvenait pas du tout. Deux options lui venaient en tête. Soit cela n’était pas encore arrivé dans sa propre timeline, soit elle s’était arrangée pour ne pas s’en souvenir, ce qui serait le comportement le plus sage à observer pour ne pas entraver le futur et le mettre en péril. Dans tous les cas, elle ne s’en rappelait pas, mais ce ne serait pas nécessaire pour ce qu’elle voulait faire pour Piper. Elle comptait se servir de ça pour lui contextualiser la déroute qu’elle éprouver.

« Te souviens-tu du sentiment de déroute que tu as ressenti au moment où tu t’es retrouvée dans une situation dont tu ne maitrisais presque aucun des rouages ? Pourtant, tu as surmonté ces épreuves avec force et courage, j’en suis sûre, et grâce à tes sœurs et à ta famille. Nous sommes tous là autour de toi pour t’épauler et tu peux compter sur nous. Tu ne seras pas seule face à ce nouveau défi. »

Le souci principal de Piper, il n’avait pas fallu longtemps à Grams pour le comprendre, c’était qu’elle prenait sur elle la responsabilité des réactions que devaient avoir la plupart des autres personnes. Si la relation entre ces sœurs la concernait un peu effectivement, ça ne changeait pas le fait que la façon dont elles s’entendraient dépendait exclusivement de chacune d'elles et de ce qu'elles feraient l'une vis-à-vis de l'autre. Ce n'était pas à Piper de le faire à leur place. Elle l’admettait elle-même, mais il demeurait qu'elle ne parvenait pas à rester à distance autant qu'il l'aurait fallu.

De ce que Penny connaissait de la fillette à l'époque où elle était toute petite, elle n'était pas tellement surprise qu’elle ait développé cette envie de maîtriser les relations entre ses sœurs et de veiller à ce que la paix règne dans la maison. Au départ, c'était évidemment entre Prue et Phoebe qu’elle s'était retrouvée. Et maintenant qu'il y avait une nouvelle sœur dans la balance, elle essayait toujours de se retrouver entre l'aînée et la benjamine. C’était toujours la même histoire et elle était toujours entre les deux.

« Si tu as réussi à faire tampon entre tes sœurs, c'est que tu es, toi aussi, douée pour les émotions. Si tu penses le contraire, c'est uniquement parce que ces émotions sont difficiles à supporter au quotidien et que tu as l'impression que tu te débrouilles mal, mais ce n'est pas forcément le cas. »

Elle avait pourtant reproduit le schéma de l'aînée et de la benjamine tout en hostilité avec Paige, au départ. Mais d'après Penny, ce n'était pas parce qu'elle était incapable d'accepter une nouvelle petite sœur dans la famille. Il s'agissait de tout autre chose et principalement du fait que la mort de Prue avait été extrêmement difficile à vivre car elle n'avait plus personne sur qui se reposer. Piper avait simultanément rejeté une partie de son héritage, tout en assimilant le fait qu'elle devait le porter sur ses épaules. Ces deux aspects opposés avaient pourtant comme effet similaire de vouloir mettre une distance avec la jeune femme qui rendait les choses inéluctables.

« Tu n’étais pas prête à porter le poids qui avait été mis depuis toujours sur le dos de Prue. Il était trop lourd à porter pour toi. Si Paige a réagi comme je l'imagine et a eu du mal à accepter ce que la vie lui apportait, ta responsabilité a été encore plus lourde à porter. Le résultat, c'est que tu lui as reproché cette charge mentale qui était trop dur à supporter pour toi. C’est bien normal. »

Penny ne pouvait que conseiller à sa petite fille de prendre patience et lui rappeler qu'elle pensait tout naturellement au bien-être de ses sœurs et qu'elle ne devait pas se juger trop cruellement. L’utilisation des souvenirs de voyage dans le temps avec des enfants d'un autre âge que ceux qu'elle avait connue était un outil. Penny avait vécu sensiblement la même chose et elle pouvait comprendre la désorientation de Piper. Il n'y avait pas énormément de solutions à lui proposer, mais la difficulté de se rappeler les souvenirs du passé exerçaient une influence certaine sur la façon dont elle gérait de la situation. La vieille dame ne put que hocher la tête avec compréhension face à la perte de ses souvenirs. C'était quelque chose de très difficile.

Dans ce monde, avoir des pouvoirs n'était pas simple. La plupart des gens ayant des capacités en avaient été privés et ne les avaient toujours pas retrouvés. C’était le cas de la matriarche des Halliwell qui commençait tout juste avoir quelques manifestations de son pouvoir. Elle s’efforça de rester compréhensive et de ne pas manifester un trop gros choc en apprenant que Piper n'avait pas vraiment regretté ses pouvoirs. Elle ne s'attendait pas à ce qu'une de ses petites-filles rejette ses pouvoirs magiques. Mais elle ne pouvait pas se résoudre à lui en vouloir. Elle avait juste très envie de la faire changer d'avis.

« Tu voulais être normale ? Mais qu’y a-t-il de plus merveilleux que de protéger le monde avec sa magie et de pouvoir accomplir des merveilles ? Tu ne vois donc pas tout ce que cela à de magnifique de posséder un héritage comme le nôtre ? Tu peux ainsi protéger les tiens. Mais je conçois qu’il soit difficile de les voir réapparaître sans pouvoir les contrôler. Je suis certaine qu'avec un peu d'entraînement, tu finiras par les maîtriser à nouveau. Il te suffit de reprendre confiance en toi. »

Penny comprit rapidement que ce que Piper entendait par un meilleur contrôle des émotions n'était en fait que l'expression d'un pouvoir. C'était comme si le fait que le pouvoir de Phoebe était un rapport avec les émotions des autres témoignait de sa capacité à les comprendre et à les analyser. En réalité, tous les pouvoirs magiques des sorcières étaient basés sur le contrôle de leurs émotions. Ce n'était pas parce que ceux de Phoebe y étaient spontanément davantage liés qu’elle était forcément la meilleure dans ce domaine. Par ailleurs, il existait différents types d'émotions et les personnes pouvaient ne pas être sensibles exactement aux mêmes. Ce genre de choses était compliquée mais la grand-mère savait que Piper faisait partie des deux petites filles qu'elle connaissait le mieux, puisqu'elle l'avait connue enfant, ce qui n'était pas le cas pour Phoebe et Paige.

Elle avait l'habitude de la voir réagir et de la façon dont elle se comportait avec ses sœurs. Pour autant, elle savait aussi que sa confiance en elle était fragile et qu'il était tout à fait possible qu'elle se sente déficiente à cause de cela. Elle avait toujours essayé de faire comprendre à la cadette de la force qu'il y avait en elle et notamment la bonté naturelle qui émanait de sa personne. Aujourd’hui encore, tout ce qu'elle voulait, c'était faire comprendre à sa petite fille à quel point elle avait de la valeur. Elle ne pensait pas que sa petite sœur soit mauvaise dans l'art de contrôler ses émotions mais à dire vrai, elle ne connaissait pas assez Phoebe pour pouvoir avoir des certitudes à ce sujet.

« Je n'ai pas eu le temps de connaître ta sœur, mais je sais une chose, ma chérie. La nature des pouvoirs que l'on a n’est pas forcément en accord avec la nature profonde de notre caractère. C'est parfois le cas et parfois non. Mais je peux te dire que tu as un don avec les émotions. Ta façon de les appréhender est très naturelle, et ta façon de les vivre assez spontanée. Mais tu es capable de les écouter pour être un soutien pour tous ceux qui t'entourent. Tes émotions font de toi un pilier, ma chérie. »

La sagesse d'une sorcière venait avec l'âge et les expériences. Au point où elle en était, Penny comprenait instinctivement certaines choses. Elle se connaissait aussi et il était probable qu'elle avait préparé Prue à porter le poids de l'aînesse, surtout en envisageant le fait qu'elles avaient grandi sans leur mère. Mais elle n'avait pas pu prévoir que cette pression serait transmise à Piper, et celle-ci n'avait pas tout à fait le même caractère que sa sœur. Il était normal qu'elle se soit sentie perdue face à cette responsabilité, sans compter qu'elle avait dû prendre la responsabilité d'initier Paige, alors que celle-ci n'était sans doute pas prête à accepter les obligations d'une sorcière au sein d'une famille comme les Halliwell.

« Tu as toujours eu tendance à être trop dure envers toi-même. Je sais bien que tu veux faire ce qu'il faut pour toi et pour tes sœurs, mais tout ne repose pas sur toi, Piper, et il est tout à fait normal de se sentir un peu moins bien de temps en temps. »

Elle était tout de même étonnée par l'envie que Piper pouvait avoir d'une vie normale sans aucun pouvoir magique. Pour Penny Halliwell, la magie avait toujours été au centre de son univers, au point que lorsque Patty rêvait d'une vie normale pour ses filles, la grand-mère leur apprenait des recettes de potion. Piper ressemblait sans doute plus à sa mère et celle-ci ne viendrait pas à le lui reprocher, mais elle estimait que la magie était ce qu'il y avait de plus enrichissant pour ses petites filles et qu'il ne fallait surtout pas les en priver.

« Je comprends ma chérie. Il est difficile de vivre dans le danger constant et de se sentir seule. Fut un temps ou les sorcières avaient une certaine communauté qui pouvait les aider, et les soutenir dans leur quotidien de sorcière. Mais c'est une habitude qui s'est perdue avec la modernité de la vie. C’est bien dommage car les simples mortels ne peuvent comprendre les exigences de notre quotidien. »

Remettre de l'ordre dans ses pensées et dans sa vie était évidemment essentiel pour contrôler ses pouvoirs, mais cela était rendu plus difficile par le fait que personne ne savait exactement où ils se trouvaient ou les règles réelles de cet endroit. La conséquence logique, c'était qu'il était difficile de savoir comment gérer la réalité pour pouvoir en reprendre le contrôle. De plus, à l'arrivée dans cet endroit, certains avaient perdu une partie de leurs souvenirs mais ce manque pouvait se faire ressentir et causer des troubles qui empêcherait une sorcière de faire appel à sa magie. Tout cela ne facilitait pas les choses pour une personne qui avait tellement rêvé d'une vie normale.

« Je ne peux pas te répondre sur cela, car j'ai évidemment beaucoup moins de souvenirs que toi et contrairement à toi, je ne risque pas de les retrouver puisque je ne les ai pas vécus. Il est certain que tes sœurs auront peut-être plus de facilité pour t'apprendre ce que tu as oublié. Mais il est certain aussi que tant que tu ne sauras pas exactement de quoi il est question, il est possible que tu ne puisses pas totalement maîtriser tes émotions. Un des inconvénients de cette ville. »

Il était difficile pour Penny de voir sa petite-fille dans un tel état de détresse. Elle ne connaissait pas Piper aussi bien que la femme qui les avait élevées, même si cette femme était théoriquement son propre avenir, mais elle avait déjà remarqué à quel point elle était douce et gentille. Elle n'avait que trois ans et pourtant, Penny n'avait jamais connu de petite fille plus ardente à faire retrouver le sourire à quelqu'un qui l'avait perdu. Elle se rappelait encore le divorce après lequel elle avait tout fait pour consoler sa maman alors qu'elle-même faisait des cauchemars parce qu'elle se rendait responsable de la séparation. Elle n'y était pourtant pour rien.

« Malheureusement, quoi que je puisse avoir de commun avec la femme qui t'a élevée, je ne possède pas ses souvenirs et tous les exemples que tu as dû lui donner de tes qualités et de ton énergie bienveillante. Mais déjà, alors que tu n'avais que trois ans, tu dégageais cette énergie avec force. Tu étais beaucoup trop jeune pour pouvoir t'en rappeler, mais tu étais toujours la première à vouloir nous aider à faire le ménage ou la cuisine et tu nous aidais déjà bien plus que ne le font les enfants de cet âge. Et il suffisait qu'un membre de la famille se sente triste pour que tu fasses tout ton possible pour le consoler. Ton grand cœur a toujours été ta force, Piper »

Même si des communautés de sorcière avaient pu être fréquentes à l'époque de Penny, il était probable que celle-ci s’en serait vue écartée, à-cause de son mauvais caractère et de son envie de tout contrôler. Elle se serait sûrement vite fait jeter dehors. En soi, Penny et Patty auraient pu faire une communauté tout à fait séduisante pour Piper. Mais encore aurait-il fallu qu'elles soient encore là au bon moment. Elle aurait pu faire plus tranquillement son apprentissage en ayant une personne avec une plus grande expérience sur laquelle elle pouvait complètement se reposer.

« Le plus important, ce n'est pas ceux qui ont failli réussir, mais ceux qui ont échoué. Je reconnais que le fait qu'un démon ait pris ta mère et l'autre ta sœur rend difficile de se réjouir. Mais il faut mettre en avant les succès et oublier que parfois, parce que le danger est réel, les pertes de sont aussi. Je sais que c'est difficile, surtout pour quelqu'un comme toi qui as si peur de se retrouver seule à combattre l'adversité. »

Si la matriarche avait toujours des difficultés avec le sujet de l'amour, elle ne reprochait pas à sa petite-fille de mettre autant d'importance sur l'oubli de son mari, d'autant qu'elle se souvenait de la ferveur et de la force de ses sentiments. Aussi douloureuse qu'avait pu l'être la perte de Allen, elle n'aurait jamais voulu l'oublier. Et elle savait que si c'était le cas, elle aurait cherché les souvenirs de son homme tout autant que Piper le faisait. Sur ce point, la grand-mère ressemblait sans-doute beaucoup plus à sa petite-fille qu'elle ne voulait l'admettre.

« C'est normal. comme je viens de te le dire, tu souffres facilement des pertes que tu subis, peut-être plus que tes sœurs. En tout cas, je sais que c'est le cas en ce qui concerne Prue. Mais ce que tu dois savoir, ce dont tu dois te rappeler, c'est que cette perte précise n'est pas définitive puisque ces souvenirs sont enfouis en toi et cette ville te les as juste pris momentanément. Un jour, tu te rappelleras qui il est et peut-être même que tu le retrouveras. Il faut t’armer de patience et ne pas renoncer à l'espoir. Comme disait toujours ta mère, rien n'arrive par hasard, il y a toujours une bonne raison à tout. »

Elle demeurait persuadée que, aussi dure que la perte de son cher Allen avait pu être, cette perte avait permis de lui donner la force qu'elle avait transmise à ces petites-filles et qui avait permis que le pouvoir des trois soit aussi fort que ce que les filles lui avaient raconté. Sans la mort de Allen, il n'y aurait jamais eu de pouvoir des trois.