(abandonné) Don't you dare disappear [Greg & Rebecca]

Don't you dare disappear

feat. Greg

Ce n’est pas raisonnable de revoir Greg. C’est la chose la moins raisonnable qu’elle puisse faire. Elle ne peut pas faire son grand retour en fanfare dans sa vie et espérer que ça se passe bien. Elle n’est pas suffisamment… stable pour faire subir à Greg ses incertitudes, le chaos de ses décisions, de ses choix, de ses insécurités. Oui… mais Greg est là, et depuis qu’elle l’a revu, Rebecca n’arrive pas à penser à autre chose qu’à lui. Elle a réfléchi à tous les scénarios les plus alambiqués afin d’attirer son attention, afin de le pousser à venir chez elle, ou pour justifier sa présence chez lui. Elle a tenté d’étudier son emploi du temps via les réseaux sociaux, mais Greg n’est pas du genre à se répandre sur son quotidien, si bien que tomber sur lui « comme par hasard » se révèle une tâche ardue… d’autant plus que le plus clair de son temps, il le passe dans restaurant.

Alors quoi ? Se contenter d’affirmer qu’elle a faim et qu’elle mourrait pour des cannelloni ? – pas que ce soit faux, maintenant qu’elle y pense… Non, non, non… elle peut trouver une meilleure excuse que celle-ci. Rebecca pousse un profond soupir et referme rageusement son ordinateur portable. Bon. Elle n’a pas le choix. Elle doit prendre le taureau par les cornes... Tant pis, elle va improviser. Elle aime le théâtre, pas vrai ? Ce sera comme dans cette scène d’Un violon sur le toit… Tout ira bien… Oh, comme elle aurait besoin de Paula, là, tout de suite ! Tout serait plus simple si elle pouvait ne serait-ce qu’en parler avec elle… que ce soit pour être encouragée dans son entreprise délirante ou pour le retenir de reparler à Greg – probablement l’option deux, puisque c’est de Greg qu’on parle.

La voilà devant le restaurant. Elle a eu tout le trajet en taxi pour réfléchir à ce qu’elle allait dire, et la réponse est simple, si simple évidemment que son esprit toujours à la recherche des plans les plus alambiqués n’avait pas été capable de l’envisager. Elle dira qu’elle a perdu quelque chose quand elle était venue la dernière fois et voilà, fin de l’histoire. Et ensuite ? Ensuite… elle verra bien. Impro, impro, impro.

Quand elle arrivait au niveau du restaurant, elle le repère immédiatement, en train de nettoyer la vitrine. Allez Rebecca, tu peux le faire. Elle se rapproche donc, répétant et rerépétant un scénario qui perd en crédibilité au moment où elle le formule.

« Hey, Greg. Je me disais, tu aurais peut-être trouvé mon portable, je  crois que je l’ai laissé l’autre jour… » Elle prononce ces mots et constate qu’elle a gardé son portable dans sa main. Malin, Rebecca, vraiment malin. « Mon autre portable, celui-là c’est celui que j’utilise pour le travail, évidemment. Pourquoi je chercherais mon portable alors que je l’ai entre les mains, pas vrai ? » reprend-t-elle, s’efforçant d’être convaincante. « Bref. » Elle se racle la gorge. « Tu vas bien ? T’as l’air bizarre. »

Don't you dare disappear

feat. Greg

Greg a le charmant mérite de ne pas pointer du doigt l’incohérence totale de son propos et d’accepter le prétexte qu’elle leur donne de passer du temps ensemble, et ça la soulage quand même un peu… Au fond, ce n’est pas sans raison. De toutes les manigances parfaitement incongrues que la jeune femme a pu mettre en œuvre afin d’attirer l’attention de Greg, ou d’un autre, celle-ci n’est certainement pas la pire, la plus alambiquées ou la plus… inquiétante, on va dire. Alors soit, ce qui compte, c’est qu’il accepte qu’elle le suive à l’intérieur, ce qui est un premier pas. Pour ce qui est des pas suivants… c’est une autre paire de manches. Avec Greg, Rebecca a le sentiment de danser une sorte de valse maladroite, où les des se marcheraient sur les pieds constamment… bien moins élégante que toutes leurs danses imaginaires (dans l’esprit de Rebecca, Greg a une affinité particulière avec les claquettes, allez savoir pourquoi).

Elle essaie de trouver un sujet de conversation digne de ce nom, peut-être essayer de creuser tous ces sujets qu’elle n’avait pas encore eu l’occasion de creuser jusqu’ici. Greg n’est pas du genre à se répandre en détails sur sa vie personnelle sur les réseaux sociaux, Rebecca n’a pas obtenu grand-chose de sa part en s’orientant sur cette voie. Alors elle doit probablement faire les choses à l’ancienne – en lui posant directement les questions dont elle veut connaître directement les réponses. Un parcours du combattant pour elle… Non, dans le fond, ce serait probablement plus simple de l’espionner et d’attendre de voir ce que ça donne. Elle oublie bien vite, cependant, les questions qu’elle aurait éventuellement pu envisager de lui poser au moment de constater les airs égarés de Greg… Il a vraiment l’air… bizarre… et ça ne s’arrange pas du tout à mesure que les secondes progressent.

« Qu’est-ce que t’as ? » Elle se rapproche et examine ses pupilles comme si elle serait capable d’en constater une quelconque dilatation ou une connerie du genre. « T’as bu ? Tu peux me le dire si t’as bu, je te… OH MON DIEU ! »

Dans le dos de Greg, Rebecca vient littéralement de voir une table. UNE TABLE. Disparaître. Finalement, c’est peut-être elle qui n’est pas tout à fait sobre… même si elle n’a pas le souvenir d’avoir bu quoi que ce soit – ce qui est d’autant plus alarmant au passage, on peut le dire. Elle ne comprend pas. Elle ne comprend définitivement pas ce qui est en train de se passer.

« Il y avait une table. Juste là. Je l’ai pas inventée. Je l’ai pas inventée, hein, Greg ? »

Elle a à tout prix besoin d’entendre que tout ceci n’est pas le fruit de son imagination souvent trop féconde.

Don't you dare disappear

feat. Greg

Rebecca ne sait pas ce qui vaut le mieux : qu’elle apprenne nager en plein délire, au point d’admettre qu’elle est définitivement, résolument, incurablement folle, ou découvrir que tout ceci est bien réel… La réponse de Greg ne l’aide pas à y voir plus clair, à vrai dire. A présent, elle doit se faire à l’idée que oui, des objets disparaissent aléatoirement sous leurs yeux pour une raison des plus inexplicables… Ou bien pour une raison explicable, mais que Rebecca n’a pas particulièrement envie de s’expliquer. Que des choses disparaissent, c’est perturbant, que des gens disparaissent, là, c’est putain d’alarmant… Et même si ça a l’air complètement insensé, il faut bien qu’ils se fassent une raison. Ça peut-être sembler stupide et irrationnelle, mais cette situation en elle-même a déjà quelque chose de stupide et d’irrationnelle, alors… Peut-être qu’il faut qu’ils acceptent la réalité de leur situation, même si ça n’a clairement rien de simple, bien au contraire.

« Qu’est-ce que tu racontes, bien sûr que ce n’est pas de ta faute », répond immédiatement Rebecca, qui est davantage habituée à jouer les coupables (et les accusées, elle aime jouer tous les rôles en même temps, en fait) que ne l’est Greg.

Elle ne sait pas ce qui se passe ici, mais aux yeux de Rebecca, il est évident que s’il faut pointer du doigt un coupable, il ne peut s’agir de Greg. Ce n’est pas comme s’il s’était réveillé du jour au lendemain avec des superpouvoirs, pas vrai. La jeune femme veut ne pas céder à la paranoïa, mais dans l’état où elle se trouve, c’est quasiment impossible. L’angoisse affleure doucement en même temps qu’elle réalise la situation chaotique dans laquelle ils se trouvent à l’heure actuelle.

Rebecca regarde sans comprendre Greg fouiller ses poches à la recherche du bout de papier sur lequel est notée la formule qu’il a semble-t-il lu à voix haute, du latin – c’est toujours du latin. Rebecca observe, circonspecte, le morceau de papier. L’écriture n’est pas celle de Greg, elle en est sûre et certaine, et Rebecca ne saurait absolument pas dire à qui elle serait supposée appartenir. A l’évidence, cette situation échappe complètement à sa compréhension, et elle est positivement incapable de savoir de quoi il retourne, ici et maintenant. Elle ne réussit pas à comprendre cette situation, elle ne réussit pas à trouver de connecteur logique entre Greg, ce mot, et ces choses qui disparaissent.

« D’où tu sors ça ? Qui te l’as donné ? Greg, qu’est-ce que ça veut dire ? »

Les questions s’enchaînent, et Rebecca a conscience du fait qu’elle parle beaucoup trop vite. Elle n’arrive pas à faire autrement : les mots s’enchaînent sans ordre cohérent dans son esprit. Elle ne comprend pas, et elle est plus angoissée encore par son incapacité à comprendre. Tout ceci n’a, à ses yeux, absolument aucun sens. Alors ça lui fait peur. Pour elle, pour eux, pour Greg. Elle ne sait pas quoi en penser.

Don't you dare disappear

feat. Greg

« Donc toi, tu reçois des colis suspects avec des formules bizarres et tu les récites pour le plaisir ? » demande Rebecca dans un léger rire nerveux.

Contrairement à ce que les apparences peuvent laisser croire, ce n’est pas du tout un reproche de sa part, loin de là, elle est juste beaucoup trop perturbée par cette situation. Dans certaines circonstances très spécifiques, qui ont toujours affaire avec son état mental, Rebecca est capable de fouler au pied son esprit rationnel pour ne se focaliser uniquement sur les théories les moins crédibles ou les plus improbables. Dans une situation comme celle-ci, alors que, en plus de tout le reste, les faits, bien concrets, tendent à prouver qu’un phénomène surnaturel est bel et bien en train de se produire. Ce n’est pas une hallucination collective : tous les deux voient bien que tout autour d’eux disparaît… Pas seulement les choses, mais aussi les gens, ce qui peut tout naturellement leur laisser présager le pire.

« Qu’est-ce qu’on peut faire exactement, c’est pas comme si toi et moi on… »

Elle ne finit pas sa phrase, car soudainement, Greg semble aboutir à une idée, et suggère qu’il s’en aille. Il n’a pas tort. Dans pas mal de circonstances – pas toutes mais un certain nombre quand même –, la fuite reste la meilleure des options… Et à ce stade de la vie de Rebecca, quoi qu’il en soit, prendre la fuite en n’importe quelle circonstance est devenu un réflexe naturel à ses yeux.

« D’accord, on se tire d’ici », confirme Rebecca en hochant la tête avant de serrer, par réflexe, sa main dans la sienne avant de l’entraîner le plus loin possible, à distance de cette rue maudite…

A mesure qu’ils marchent, le regard de Rebecca est irrésistiblement attiré par les anomalies qui se produisent en temps réel sous son regard apeuré. Oui, c’est terrifiant, et quand elle voit des objets disparaître dans des vitrines, ou des passants disparaître sous son regard, elle sent la panique prendre toute la place. Elle a de plus en plus de mal à respirer, elle a de plus en plus de mal à l’accepter.

« On va courir combien de temps comme ça, tu penses ? » demande-t-elle d’une voix hachée.

Elle a peur de connaître la réponse, parce que, dans le fond, elle la connaît déjà, ils auront beau courir, ça ne changera rien, surtout si cette malédiction doit accompagner Greg où ils qu’ils aillent. Rebecca s’arrête, le souffle court, c’est beaucoup trop de sport pour elle. La main posée sur sa côte, elle adresse un signe à Greg afin de lui faire comprendre qu’elle a vraiment besoin de reprendre son souffle.

« J’ai des picotements dans les jambes, tu crois que c’est fini pour moi ? Oui, ça doit être fini pour moi. »

Non, elle a juste couru mal et trop vite.

Don't you dare disappear

feat. Greg

« T’en as d’autres, des réflexions réconfortantes du même genre ? » demande Rebecca, sous pression, quand Greg lui fait remarquer que la sensation qu’elle éprouve a au moins le mérite de la faire se sentir vivante, non sans rire franchement de sa remarque pourtant très sérieuse. « Je suis ravie que ma détresse émotionnelle te fasse autant rire, au passage », ajoute-t-elle, incapable de faire autrement que d’en faire des caisses.

D’un autre côté, vu les circonstances… autant réussir à en rire, ne serait-ce qu’un peu, en effet. Tirer des têtes de six pieds de long, ce n’est définitivement pas ce qui va arranger la situation, et ce à plus d’un niveau. Alors clairement, mieux vaut en rire qu’en pleurer. Même si, sous pression, Rebecca a vraiment du mal à gérer… D’autant plus que Greg a beau affirmer qu’il leur suffira de reprendre leur souffle et de continuer de plus belle… Le fait est que Rebecca et sa hantise profonde pour toute activité physique (qui ne soit pas une de ses danses imaginaires) n’est pas totalement de cet avis. Passé un certain état d’épuisement, elle serait probablement capable de préférer se laisser disparaître plutôt que de courir sur quelques mètres supplémentaires.

Elle fronce les sourcils au moment de voir Greg commencer une phrase qu’il ne finit pas immédiatement… Si ça continue… si ça continue quoi, exactement ? Ses yeux deviennent ronds comme des soucoupes quand Greg ose terminer sa phrase précisément comme Rebecca redoutait qu’il la termine. La laisser partir, hein ? Continuer sans lui ?

« Ah non non non, déjà tu me laisses pas toute seule, et ensuite… Je verrais pas l’intérêt d’avoir mal aux jambes loin de toi. J’aime te voir jouer les héros, et je dois avouer que ça te donne un petit côté téméraire et sexy, mais c’est pas le moment. Tu seras téméraire et sexy plus tard, Greg, d’accord ? »

Elle serre instinctivement sa main dans la sienne. Elle la serre si fort qu’elle est très probablement en train de lui broyer les os des mains. Elle a besoin de se convaincre du fait qu’il restera à ses côtés quoi qu’il arrive, même dans ces circonstances désastreuses. Elle ne sait pas ce qui leur arrive, mais ce dont elle est sûre et certaine, en tout cas, c’est qu’elle n’a pas envie d’aller où que ce soit sans lui. Elle refuse de le perdre. Quand bien même il serait indirectement responsable de tout ça, elle ne veut clairement pas le voir se « sacrifier »… Vraiment pas. Elle veut s’en sortir. Elle veut qu’ils s’en sortent.

« Je reste avec toi. »

Ces paroles sont prononcées du ton le plus ferme et le plus volontaire qui puisse être.

Don't you dare disappear

feat. Greg

« Ah, donc maintenant je suis stupide ? » fait mine de se plaindre Rebecca en croisant les bras sur sa poitrine.

Ça lui apprendra à agir de manière désintéressée, pour une fois. Ceci dit, il n’a pas tort… C’est probablement stupide, en effet, Rebecca ne peut pas prétendre avoir très longuement réfléchi à la question, ce n’est absolument pas le cas, loin, très loin de là… Mais elle sait qu’elle ne veut pas rester seule et abandonner Greg face à un danger éventuel. Et s’il devait disparaître et elle non, et après quoi ? Elle avait déjà dû supporter une fois de le voir disparaître de son existence, et au moins, cette fois-là, elle savait qu’il était bien vivant quelque part – elle n’a vraiment aucune envie de réitérer l’expérience.

Elle ne réfléchit pas. Elle ne veut pas réfléchir. Elle ne comprend absolument rien à cette situation dans tous les cas. Elle la subit, c’est absolument tout ce qu’elle fait, elle la subit, et elle ne veut pas la subir encore davantage en regardant Greg disparaître sous ses yeux.

« Arrête de jouer les héros, Greg, bordel ! »

La voix de Rebecca est de plus en plus paniquée, elle a de plus en plus de mal à faire avec ces très déplaisantes circonstances. Elle ne veut qu’une chose, et c’est se tirer de ce putain de merdier, avec lui. Elle a envie de le prendre dans ses bras, elle a envie de se blottir entre les siens, elle a envie de fermer les yeux, de les rouvrir, et de réaliser que tout ça n’était qu’une absurde connerie… parce que qu’est-ce que ça pourrait être d’autre, pas vrai ? ça ne peut pas être vrai, ça ne peut pas être réel. Ils vont se réveiller et réaliser que ce n’est jamais rien d’autre qu’un putain de cauchemar… il ne peut pas en être autrement… pas vrai ? Non, c’est impossible, elle refuse de croire que ça puisse être le cas.

« Je veux pas rester seule ici sans toi… S’il te plaît », ajoute-t-elle en lui serrant fermement le bras.

Il y a quelque chose d’étrangement égoïste dans la manière dont elle se montre altruiste et généreuse… à sa manière. Oui, elle ne veut pas être laissée seule, elle ne veut pas devoir endurer l’étrangeté de cette situation par elle-même, c’est un fait, elle ne le veut définitivement pas. Elle fait de son mieux pour tolérer cette situation qu’elle ne supporte définitivement pas.