(abandonné) Be careful what you wish for [Jaime]

Be careful what you wish for

feat. Jaime

Cersei avait d’abord cru à une farce de très mauvais goût. Une part d’elle reste absolument convaincue que c’en est une d’ailleurs. Elle avait reçu ce mystérieux colis le matin même et avait pour commencer hésité à l’ouvrir. Des colis suspects de petits plaisantins qui n’avaient rien de mieux à faire de leur vie que de l’importuner, elle en avait réceptionné plus d’un depuis qu’elle a entamé sa carrière de juge… mais il y a dans ce courrier en particulier quelque chose de différent, et qui attire naturellement son attention, au point qu’elle ne parvienne pas à l’occulter. Ce colis ne contenait rien d’autre qu’une boîte en bois sculpté et une lettre manuscrite… et le contenu de cette lettre manuscrite était troublant. Il suggérait de prendre cette boite entre ses mains à minuit pile et de formuler un vœu, n’importe lequel.

D’un ridicule consommé, oui… et pourtant, tout au long de la journée, l’attention de Cersei avait été focalisée sur cette boîte. Elle n’en avait pas parlé à Jaime, bien sûr – il trouverait ça ridicule à coup sûr, et l’ancienne reine de Westeros pourrait difficilement lui donner tort à ce sujet. Même si elle a été contrainte, par la force des choses, d’admettre de la magie l’intérêt et la puissance, ce n’est pas pour autant qu’elle compte se laisser abuser par le premier bonimenteur venu. Cela dit…

… et si ça marchait vraiment ? Elle a tourné et retourné la question en boucle dans son esprit. Si elle ne pouvait formuler qu’un seul vœu, lequel serait-il ? Bien des rêves de gloire, de puissance et de pouvoir ont traversé l’esprit de cette femme d’une violente ambition, bien sûr, mais ces rêves n’étaient pas ceux qui se distinguaient de la masse de ses aspirations… Non, une pensée, persistante, tenace, flotte au-dessus de toutes les autres, une idée fixe, qui la hante depuis un moment à présent, et qui est devenue plus obsessionnelle encore à partir du moment où elle a pu retrouver Myrcella. Sa fille est ici, alors ses fils doivent forcément l’être également. Leurs recherches conjointes, à elle comme Jaime, ont été vaines jusqu’alors. Peut-être devraient-ils accepter un petit coup de pouce du destin… ? D’accord, c’est ridicule… Mais après tout, si ça ne marche pas, elle aura au moins essayé. Si elle devait passer à côté d’une opportunité si facile, en revanche, elle ne se le pardonnerait jamais.

Vingt-trois heures cinquante-neuf. Depuis trente bonnes minutes, elle ne fait que fixer cette boîte, posée sur la table-basse du salon. La lumière du bureau de Jaime, à proximité, lui apprend que ce dernier est toujours réveillé. La décision de Cersei est prise. Elle va tenter le tout pour le tout. Minuit. Elle prend la boîte entre ses mains. Ferme les yeux. Je veux que mes fils reviennent à moi. C’est le vœu qu’elle formule, avec toute la force et toute la volonté dont elle est capable. Elle ouvre les yeux, rien ne semble s’être passé. Elle pousse un soupir résigné, agacé contre elle-même quand elle repose rageusement la boîte sur la table quand… On frappe avec insistance à la porte d’entrée.
Et si c’était eux… ?

« Jaime… ? Tu peux ouvrir ? »

Be careful what you wish for

feat. Jaime

Cersei ne répond pas aux interrogations silencieuses de Jaime, celles qu’elle sait discerner dans son regard. Elle est sur la réserve, inquiète… inquiète d’avoir tort, inquiète d’avoir raison. Elle ne veut pas quitter sa place tant qu’un geste, un mot de la part de Jaime ne lui aura pas permis de savoir plus précisément ce qui se trame de l’autre côté de cette porte. Oh, comme elle espère, de tout son cœur, de toute son âme, que Tommen et Joffrey, ou au moins l’un d’eux soit présent sur son palier… mais à trop espérer, on est forcément déçu, n’est-ce pas ? Cersei ne sait tout simplement pas quoi penser, et elle veut s’empêcher de penser quoi que ce soit tant que cette satanée porte n’aura pas été ouverte.

Elle suit donc son époux du regard tandis que ce dernier se dirige vers l’entrée, et elle retient son souffle, elle a l’impression d’être restée en apnée de longues minutes sans que rien ne se passe… pourquoi ne se passe-t-il rien ? Jaime reste planté là, de l’autre côté de la porte. Cersei ne saurait dire s’il est choqué, sonné… mais s’il l’est, il ne semble pas agréablement surpris. N’y tenant plus, l’ancienne reine de Westeros décide de rejoindre Jaime, le tout pour découvrir la silhouette de ses deux fils sur le palier.

« Joffrey ! Tommen, je savais que vous… »

Elle s’interrompt dans son geste en même temps que dans son impulsion première, celle de prendre ses enfants dans ses bras, car il est évident que ses enfants ne sont plus… exactement ses enfants. Joffrey est pâle, si pâle. La blancheur de son teint la ramène ignoblement à ce terrible jour… Ses yeux son vitreux, et une tache verdâtre colore sa joue… quelque chose qu’elle assimilerait presque à de la moisissure. Il avance vers elle un bras décharné, dont la peau s’est arraché en certains endroits, et bien malgré elle, Cersei a un mouvement de recul. Tommen n’est pas en meilleur état non plus, sa chemise arrachée laisse apercevoir sa chair à vif… ses enfants sont là, sous ses yeux, mais en même temps, ce ne sont pas eux.

« Jaime… » Cersei a le réflexe de s’agripper au bras de son frère comme si ce dernier serait capable de répondre aux questions dont elle dispose pourtant plus que lui des réponses. Car toute cette situation, elle en est la seule et unique responsable. Pour autant, elle n’a certainement pas voulu que les choses se passent ainsi. « Je ne comprends pas », ajoute-t-elle d’une voix blanche. Elle n’ose plus regarder ses enfants. A cette seule pensée, elle a le cœur au bord des lèvres. « Je ne comprends pas… », répète-t-elle, choquée.

Be careful what you wish for

feat. Jaime

Cersei est tiraillée. Elle ne proteste pas quand Jaime l’invite à se barricader dans une pièce à l’étage afin de mettre le plus de distance possible entre eux et leurs enfants, qui ne sont plus à présent que l’ombre d’eux-mêmes, une ombre putréfiée et en lambeaux. Mais en même temps, elle ne veut pas s’éloigner d’eux, elle ne veut pas leur fermer la porte. C’est à cause d’elle qu’ils sont là, c’est à cause d’elle qu’ils se retrouvent dans cet état… Et si, en dépit de leur misérable état, ils étaient tout de même doté de confiance ? Et s’ils recherchaient désespérément leur mère. Une mère qui, au lieu de les aider, de les prendre sous son aile, décidait de les fuir ? Elle a tant voulu les retrouver, et maintenant qu’ils sont là… Elle met le plus d’espace possible entre eux.

A présent seule avec Jaime dans leur chambre, elle découvre qu’elle tremble de tous ses membres, dépassée par le caractère violent, abrupt et incompréhensible de toute cette situation. Elle n’arrive pas à comprendre ce qui s’est passé, elle est dans l’incapacité la plus totale de déterminer ce que cela pourrait bien signifier pour eux… Elle est perdue, décontenancée, et le comportement de Jaime, qui lui peut encore moins qu’elle comprendre ce qui s’est passé, n’arrange bien évidemment rien du tout.

Jaime n’est pas dupe, bien sûr, il comprend bien qu’elle a quelque chose à voir avec cette situation, mais même si ce n’est pas entièrement faux, Cersei estime n’avoir que peu de rapport avec ce qui est en train de se produire. Tout ce qu’elle a fait, c’est espérer le retour de ses enfants chéris, ses fils qui lui manquent tant en touchant une boîte en bois qui ne paie pas de mine.

« Je n’ai rien fait », se défend Cersei, avant de tout de même accepter de donner plus d’information. « On a reçu cette… boîte, au courrier ce matin. Et une lettre qui recommandait de faire un vœu en touchant la boite. Evidemment, c’est ridicule, je n’ai jamais pensé que ça marcherait vraiment… »

Mais elle l’a tout de même fait, ce qui prouve bien qu’une part d’elle a envisagé d’y croire, ne serait-ce qu’un tout petit peu. Un court instant, soit… mais un instant suffisant pour qu’il se retrouve dans cette situation.

« Je n’ai pas voulu ça… », ajoute-t-elle comme si ce n’était pas la chose la plus évidente à faire.

Cersei réfléchit à toute vitesse. Elle ne veut pas entendre les réprimandes de son frère sur la légèreté de son action, à la place, elle s’efforce de trouver une solution, et la plus évidente s’impose à elle très rapidement.

« La boîte ! Elle est encore dans le salon. Si tu parviens à la récupérer, si tu formules un autre vœu, si tu demandes de rendre nos garçons à leur état normal, je suis sûre que ça peut fonctionner. »

Be careful what you wish for

feat. Jaime

« On ne peut faire qu’un seul vœu. Ça ne sert à rien que j’y aille moi-même. Mais si tu ne veux pas au moins te rendre un peu utile », s’agace Cersei, retrouvant au moins un peu de son aplomb sous l’effet de la colère, quand Jaime lui reproche de l’envoyer au front, comme à son habitude.

Est-ce qu’il a tort de penser ainsi, ceci dit ? Pas vraiment, pour être honnête, car c’est après tout précisément ce qu’elle fait en effet. Cersei envoie littéralement son frère affronter la menace potentielle à sa place… Mais elle n’a pas l’intention de s’en excuser, pas le moins du monde, même. Cersei ne saurait supporter la vision de ses enfants, en état de décomposition avancée… Elle n’est pas capable d’accepter l’idée que Joffrey et Tommen sont bel et bien là, et qu’ils ne sont pourtant que l’ombre d’eux-mêmes…

Cersei est pétrifiée à l’idée de ce que cela peut plus profondément signifier par ailleurs : avec le retour de Myrcella, elle a caressé des espoirs qu’elle doit à présent enfouir profondément et reléguer au rang du pur et simple fantasme. Si c’est ainsi que ses deux autres enfants lui sont rendus, alors cela signifie sans doute qu’ils sont bel et bien mort, et qu’elle ne pourra plus jamais les retrouver… Cette pensée lui fait si mal qu’elle lui donne l’impression qu’on lui a arraché le cœur… Ou ce qu’il en reste, rétorquerait sans doute Jaime.

Oui, c’est vrai, elle l’envoie au front, comme elle l’a toujours fait, mais elle estime qu’il ne devrait pas le lui reprocher. N’est-ce pas son rôle, après tout, que de la protéger ? N’est-ce pas normal que ce soit lui qui prenne les risques pour elle ? Ne lui a-t-il pas plus d’une fois juré par le passé qu’il ferait absolument tout pour elle ? Non, elle n’a pas la moindre intention de s’excuser pour un comportement qu’elle estime tout à fait acceptable, elle ne considère pas exiger de son époux autre chose que ce qu’il doit accepter… Et qu’elle ne pourrait tolérer pour elle-même. Cersei est incapable de s’imaginer faire face à ses propres enfants, cette seule pensée la fait frémir de terreur… Elle compte sur le fait que, quoi qu’il en soit, Jaime ne sera jamais capable de lui refuser quoi que ce soit, et elle se sent soulagée de constater que, une fois encore, elle a eu raison de le penser. Elle a obtenu gain de cause.

Cersei suit Jaime des yeux tandis que ce dernier se saisit d’une épée et quitte finalement la pièce en suggérant qu’elle ne fasse rien de stupide. Cersei ne répond rien, elle se contente de lui adresser son regard le plus sombre avant de le regarder quitter la pièce, souffle retenu, oreille tendue… En espérant que rien ne lui arrive… en espérant qu’il n’ait pas à les affronter… Même sous cette apparence, elle ne saurait l’endurer.

Be careful what you wish for

feat. Jaime

Cersei attend avec appréhension, et les secondes lui paraissent durer de longues minutes. Elle n’aime pas l’idée que Jaime soit retourné dans le salon armé de son épée. Quand bien même cela serait dans l’unique but de se défendre, cette pensée lui déplaît. Elle a vu dans quel état étaient leurs enfants, elle a bien vu qu’ils étaient plus vivants que morts, elle sait qu’ils seraient probablement capables de s’attaquer à leur propre père. Mais même dans cet état, elle refuse que quoi que ce soit leur arrive. En les regardant dans le blanc des yeux, Cersei a dû affronter sa propre culpabilité. S’ils sont dans cet état, si elle n’a pu les retrouver autrement que sous cette apparence, c’est par sa faute. Ils ont été les victimes de ses ambitions, de ses choix, de ses erreurs.

En les retrouvant dans ce monde, en formulant ce vœu, elle s’était convaincue de pouvoir réparer ses erreurs… mais elle n’en est plus si certaine, à présent. Non, elle aurait même davantage tendance à se convaincre du contraire. Il n’y a rien qu’elle puisse faire pour réparer ses erreurs, elle en prend doucement et tristement conscience. Elle ne sera pas en mesure de sauver ses enfants. Et jamais elle ne les retrouvera… Ce triste constant se fait une place de plus en plus prégnante dans son esprit, mais elle ne se sent pas encore totalement capable d’y souscrire. Non, elle ne le peut pas.

L’oreille tendue, Cersei est attentive au moindre mouvement extérieur, mais elle n’entend pas grand-chose, jusqu’au moment de finalement entendre du mouvement. Jaime retrouve Cersei, la boîte entre ses mains, et Cersei ne peut ignorer la tristesse sur son visage. Cersei a mille questions à lui poser, pourtant, elle ne lui demande rien, elle se concentre bien davantage sur la réalité concrète de leur échange… C’est plus simple.

« Toucher la boîte et formuler un nouveau vœu. »

Celui d’annuler son propre vœu, probablement, c’est en tout cas le vœu que Jaime voudra probablement formuler, et Cersei ne pourra probablement pas le retenir. Ce serait normal de seulement effacer ce qu’elle a fait… Mais en même temps… Même s’ils ne sont que le centième d’eux-mêmes, Tommen et Joffrey sont tout de même là, en bas… ce n’est peut-être qu’une version lointaine d’eux, mais c’est eux… Est-ce qu’il ne pourrait pas y avoir une solution alternative.

« Je n’ai pas suffisamment réfléchi au mien. Je ne pensais pas que ça fonctionnerait vraiment », reprend-t-elle, ce qui est pour elle un déplaisant aveu d’échec. « Mais en réfléchissant mieux à la manière de le formuler… »

Ils pourraient peut-être retrouver leurs enfants malgré tout.

Be careful what you wish for

feat. Jaime

Cersei sait avoir une certaine autorité sur Jaime. Elle en a souvent joué d’ailleurs, pour ne pas dire qu’elle en a nettement abusé. Peut-elle être sûre pour autant de ce que Jaime décidera de faire ? Pas le moins du monde, elle devine qu’il pourrait bien décider de rester sourd et indifférent à ses suggestions qui sont presque des directives pour décider de ce qui vaut le mieux, y compris pour elle-même. Jaime a toujours été plus à même de juger qu’elle de ce qui était susceptible ou non de la servir ou desservir. C’est une chose dont Cersei a conscience sans totalement l’accepter. Elle veut croire être maîtresse de ses décisions, et la meilleure juge pour ce qui doit être de décider ce qu’il y a de mieux ou non… Mais tout ceci comporte tout naturellement une marge d’erreur certaine, et qu’elle ne peut nier, ne lui en déplaise. Si Jaime réfléchit mieux qu’elle à ce vœu, qui sait ce qui se passera ? Si vraiment cette boîte a vocation à les rendre fous ou malheureux, tous les souhaits que Jaime pourra éventuellement formuler se retourneront tout naturellement contre eux.

Cersei se sent pourtant soulagée en entendant le vœu formulé par Jaime. En dépit des risques et en toute connaissance de cause, il a fait le choix de l’écouter, et elle ne saurait que trop lui être reconnaissante pour cela. Peut-être ne le restera-t-elle pas longtemps, certes, quand elle constatera de nouveaux effets néfastes sur une décision naturellement hâtive, car prise dans l’urgence, mais en cet instant précis, l’ancienne reine s’autorise à espérer, et c’est là une chose infiniment précieuse. Son vœu est plus précis, il pourrait bien fonctionner… Où pourrait être le piège, en l’occurrence ? Tant que leurs enfants sont vivants et en bonne santé, tous les risques sont évités, n’est-ce pas ? C’est ce que Cersei veut croire, de toutes ses forces…

Elle accompagne Jaime jusqu’à l’étage inférieur, pour constater que Tommen et Joffrey semblent ne plus être là… Ne plus être là du tout… Cersei ne dit rien, mais elle se précipite directement vers la porte d’entrée, le tout pour constater que ses précieux enfants ne l’attendent pas, tout sourire, heureux et en bonne santé, sur son palier. Dans ce même silence plombant, elle fouille la maison de fond en comble, comme s’il pouvait être possible d’y découvrir soudainement une pièce secrète où Joffrey et Tommen les auraient attendus tout ce temps. Rien ne se passe. Il n’y a rien. Rien d’autre que le silence.

C’est après plusieurs longues minutes d’une fouille des plus insistantes qu’elle abandonne finalement, admettant avec amertume sa défaite. Dans le plus grand silence, elle s’assied sur le canapé du salon sans rien dire, le dos droit comme un i, fixant un point inexistant au mur, supportant dans un élan de douleur silencieuse la perte définitive de ses fils.