Aaaaah la plage… C’était un endroit agréable et très bien considéré dans la région. J’avais tant entendu parler de cette plage que j’avais fini par m’y rendre. Le sable était plutôt fin, mais pas autant que sur les inoubliables plages de Gallifrey… D’ailleurs, ici, l’atmosphère était moins quiète et plus bruyante. Nettement plus bruyante…
Je m’étais couché sur le sable, sur l’une de ces serviettes multicolores dont seuls les humains avaient le secret, et je cherchais à comprendre ce qui rendait l’endroit et l’ambiance aussi intéressants pour les humains.
Le paysage ? Oui, c’était beau, vraiment.
Le calme ? Hum… non, ça, ça laissait un peu à désirer.
Les gens ? Oui, peut-être, puisqu’il y avait du monde et que les humains se regroupaient toujours.
La nature ? Hum… non, pour ça, il allait falloir repasser, il y avait des déchets qui trainaient, malgré la présence de poubelles à intervalles réguliers le long de la plage.
Quand on était un Seigneur du Temps, le problème, dans les situations de la vie quotidienne des êtres humains, c’était qu’il était toujours un peu difficile de se faire passer pour un humain… parce que mes cœurs ne battaient pas au même rythme que le leur, parce que j’étais issu d’une autre planète, d’un autre monde… Compliqué, tout cela.
Je me débrouillais pour me comporter comme un parfait petit humain, je mangeais même des œufs brouillés le matin, pour vous dire… Et quand j’étais en route pour le travail, je le faisais avec zèle et efficacité. Je n’aurais pas pu faire autrement, de toute façon, j’étais assez perfectionniste pour que l’on ne me prenne pas pour ce que je n’étais pas.
Au bout de quelques minutes ou dizaines de minutes à être couché là, comme ça, je me redressai pour me mettre en position assise et je n’y tins plus.
« EST-CE QUE QUELQU’UN PEUT ME DIRE CE QU’IL Y A D’INTÉRESSANT ICI ? » Quand je criais, ma voix était forte et claire, j’avais toujours eu la chance d’avoir une voix qui portait à merveille. Cette fois, ça avait de nouveau été le cas.
Des gens me regardèrent comme si j’étais fou, puis je me mis debout et roulais la serviette de plage. Je sentis que dans mes baskets s’étaient glissés des grains de sable. Je retirai ma chaussure et, clopinant à cloche-pied, je la secouais pour essayer d’en faire sortir tout le sable qui s’y trouvait.
« Saperlipopette ! » Je continuais ce petit manège durant quelques instants, puis je remis ma Converse bordeaux, en espérant secrètement qu’elle ne se remplirait pas de sitôt.
Les poings sur les hanches, je me sentis victorieux l’espace d’une seconde, puis je regardais à nouveau autour de moi. Les humains vaquaient à leurs occupations. Comme bien souvent. Beaucoup d’entre eux ignoraient et ignoreraient toujours toutes les catastrophes que la Terre avait évitées. Dont certaines grâce à moi.
Alors, ce fut cette cannette de trop, jetée par un gros humain en maillot de bain moulant. Il avait visé la poubelle, mais il visait mal. Beaucoup trop mal. Alors la cannette atterrit tout simplement dans le sable, au pied de la poubelle. Je me tournais vers l’homme et lui lançais aussitôt :
« C’était lamentable ! » Mais il n’allait même pas se lever pour aller ramasser son déchet et le jeter correctement… c’était sans doute beaucoup trop demander.
Parfois, les êtres humains avaient le don d’éveiller en moi des sentiments contradictoires. C’était dérangeant. Je voulais croire en eux, mais comment avoir foi en des personnes qui se comportaient parfois comme des imbéciles ? Je continuais à espérer, mais j'avais été déçu à plusieurs reprises... et je risquais de l'être encore.
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