I am older and I don't think I want to understand

feat. Camilo

Les festivités organisées régulièrement à Cair Paravel avaient souvent vocation à quelques desseins politiques dont Lucy n’écoutait ses frères et sa sœur évoquer les enjeux que d’une oreille distraite. Bien sûr, en tant que reine, elle sait qu’elle doit s’intéresser à la manière dont ses terres doivent être gouvernées, mais elle a toujours estimé que son rôle devait avant tout d’être à l’écoute du peuple, ce qu’elle faisait parfaitement bien. Quand on en venait à des considérations autrement plus techniques, par contre, elle laissait volontiers la tâche à Peter, Edmund et Susan.

Ce bal, elle le savait, rassemblerait le gratin du royaume de Narnia et des territoires environnants. Elle a aussi conscience du fait qu’au cours de ce dernier, on espère qu’elle trouvera un jeune homme qui saura obtenir ses faveurs. Jamais sa fratrie ne l’obligerait à épouser qui que ce soit, bien sûr, mais elle sait tout de même qu’ils espèrent tous qu’elle trouvera chaussure à son pied, pour son propre confort sentimental, et parce que tomber sous le charme d’un beau prince aurait bien sûr des avantages remarquables pour le royaume d’un point de vue purement diplomatique. Lucy le sait mais elle s’en moque un peu. Les choses de l’amour, quoi qu’il en soit, lui passent un peu au-dessus de la tête. Bien sûr, il lui arrive de flirter, de papillonner… Mais Lucy ne prend jamais rien de tout ceci très au sérieux. Elle a seulement envie de s’amuser, de danser, de bien manger, et si cette soirée doit favoriser de nouvelles rencontres, Lucy la Vaillante n’en attend rien de particulier. Et certainement pas à faire une rencontre qui s’apprête pourtant à bouleverser le cours de son existence.

Camilo n’a pas besoin de dire un mot pour attirer l’attention et éveiller l’intérêt de Lucy. Sa maladresse y suffit. Ses salutations qui ne reflètent aucune forme de noblesse – mais on loue la tentative – on quelque chose de rafraîchissante, et Lucy se permet d’y rire sincèrement, pas par moquerie mais parce qu’elle se sent, pour tout dire, charmée par l’attitude de ce jeune homme ô combien singulier, qui finit par se présenter cette fois comme étant Camilo, prince des îles solitaires.

« Enchanté, Camilo », répond Lucy en tentant de reprendre sérieux. « On peut dire que vous ne ménagez pas vos entrées », reprend-t-elle avec humour. « Je me présenterais bien, mais du coup, vous savez déjà qui je suis. » Elle l’observe un instant. Elle le trouve assez charmant, mais elle ne devine pas alors qu’elle ne le regarde pas réellement. Non, c’est le visage d’un autre à qui elle s’adresse, mais c’est bien à Camilo qu’elle parle. « En fait, vous en savez probablement déjà trop sur moi », déplore-t-elle non sans une certaine désinvolture. « Et moi pas assez sur vous. » Son sourire s’élargit. « Alors je vous écoute, prince Camilo des Îles solitaires. Que dois-je savoir sur vous ? »

La question est vaste, et c’est ce qui lui plaît. Ce qu’il décidera de répondre en dira long sur sa personnalité.

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feat. Camilo

Lucy accepte de prendre place légèrement à l’écart afin qu’ils puissent deviser tranquillement. Elle prend tout de même le temps de vérifier que tout le monde pourra constater sa présence et observer leur conversation du coin de l’œil faute de l’entendre. Elle est convaincue de sentir le regard de Susan peser sur elle, même si elle n’est pas capable de déterminer d’où ce dernier provient – une intuition, juste ça. Elle est trop curieuse pour passer à côté de cette conversation, même si elle serait bien en peine, pour le moment, de déterminer ce qu’en sera la nature.

Il lui apprend provenir d’une famille trop nombreuse, dont en cet instant, il est le seul représentant. Lucy fronce légèrement les sourcils. Elle n’est pas certaine que ceci puisse servir de justification à sa présence, mais elle accepte tout de même de l’écouter jusqu’au bout, sans savoir s’empêcher de laisser sa curiosité, toujours plus grande, s’emparer d’elle quand il doit être question de ce garçon venu des îles solitaires, et qui l’intrigue définitivement grandement.

« Grossier n’est pas le terme que j’aurais employé. Maladroit, à la limite », répond Lucy avec un sourire amusé quand Camilo confesse ne pas avoir l’habitude de ce genre de soirées et ne pas savoir s’y prendre comme il faut par conséquent.

Divertissant serait un autre terme, mais bien sûr, elle prend soin de ne pas formuler cette pensée à voix haute, au risque de heurter la sensibilité de son interlocuteur, et ce n’est pas ce qu’elle veut. Oui, on peut effectivement sentir le fait que Camilo Madrigal ne se sent pas exactement à sa place, ici et maintenant, mais elle ne se verrait pas le lui reprocher. Elle trouve plus d’attrait à sa compagnie cela dit qu’auprès de toutes ces personnes trop distinguées qui surveillent le moindre geste et la moindre parole en sa présence. Quant à ces soirées et au protocole qui les entoure, Lucy elle-même a dû apprendre sur le tas, après tout… elle était peut-être destinée à devenir reine de Narnia depuis toujours, elle n’était pas née pour autant avec une cuillère en argent dans la bouche. Elle était devenue reine, c’est un fait, mais elle n’avait pas été élevée en princesse.

« Vous savez, je ne me suis jamais sentie totalement à ma place au cours des soirées de la sorte, et pourtant j’en suis l’une des hôtesses, je me verrais mal vous blâmer à ce sujet », affirme-t-elle avec de la douceur et de la compréhension dans le regard. Elle veut que Camilo se sente suffisamment en confiance pour parler avec son cœur : c’est véritablement quelque chose d’important à ses yeux. « Vous ne m’avez parlé que de votre famille, pas réellement de vous. J’attends toujours d’en apprendre plus à votre sujet. »

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feat. Camilo

« Je suis tenue de ne pas m’en plaindre », répond Lucy sur le ton de l’aimable confidence quand Camilo remarque qu’elle doit subir beaucoup de pression, souffrant probablement de l’injonction à la perfection dont elle doit faire les frais. Pas qu’elle soit toujours très rigoureuse ou très obéissante, cela dit, mais ça, c’est une autre affaire. « Mais oui, je vous confirme que ce n’est pas simple tous les jours », confirme-t-elle avec un fin sourire.

Il n’y a pas à dire, même si elle ne sait rien ou presque de ce jeune homme, il lui est très sympathique. Peut-être qu’il cherche seulement à se faire une place dans ses petits papiers, ce serait loin d’être impossible, mais elle ressent une réelle sincérité dans sa démarche malgré tout, elle sent vraiment qu’il veut la connaître et que l’attention qu’il lui porte et sincère. Et puis, il y a ce quelque chose, aussi, quand leurs regards se croisent, ce quelque chose qui la trouble et qu’elle n’est pas en mesure d’ignorer. Ce qui finit par détourner son attention de ses beaux yeux sombres, se sont la texture et la couleur que prennent soudainement et sans prévenir ses cheveux, jusqu’ici lisses et disciplinées, à présent entremêlement de boucles brunes. Lucy fronce les sourcils. Camilo semble n’avoir rien remarqué, mais ce n’est certainement pas son cas.

Si bien qu’elle peine à se concentrer sur ses affirmations suivantes quand il lui assure qu’il n’y a pas grand-chose à découvrir sur lui, qui reste cantonné à ses chères îles et ne les quitte jamais. Sans cette perturbation, sans ce changement manifeste dans son apparence, au moment d’entendre Camilo lui demander ce qu’elle voudrait savoir au juste, elle aurait trouvé des dizaines de questions à lui poser. Ces questions auraient toutes été innocentes, mais importantes à ses yeux.

Elle se serait renseignées sur ses passions, lui auraient parlé de ses éventuels amis, de ses endroits préférés, de ce pourquoi il s’estimait doué ou des domaines dans lesquels il se considérait médiocre. Elle l’aurait probablement, aussi, interrogé sur des choses aussi banales que sa couleur ou son plat préféré, parce qu’elle aurait voulu en apprendre le plus possible sur lui le plus rapidement possible, mais elle doit accepter que les choses ne se passeront pas ainsi. Parce qu’au moment de lui répondre, il n’y a définitivement qu’une seule question qu’elle souhaite poser, et qui a tôt fait d’éclipser absolument toutes les autres.

« Qu’est-ce qui arrive à vos cheveux ? »

Elle se rapproche d’un pas. Elle a envie de pousser la curiosité plus loin encore et de passer une main dans ces cheveux pour en constater la douceur ou la texture, mais elle retient ce geste qui passerait pour naturellement déplacé.

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feat. Camilo

Lucy ne saurait plus être surprise de grand-chose. Impossible de l’être quand on occupe le trône de Narnia, un royaume qui brille par toute la magie qu’il recèle. Alors au fond, que les cheveux de Camilo se mettent à changer du tout au tout, ce n’est pas entièrement une surprise à ses yeux, mais cela prête tout de même à un certain nombre de questionnements auxquels la jeune femme espère bien que son interlocuteur saura apporter une réponse au moins un peu satisfaisante. Elle reste confuse et se demande ce qui aura pu pousser ce garçon à mentir sur ce qui n’est peut-être qu’un détail de son apparence.

Et qu’est-ce que cela veut dire, plus précisément ? est-ce que son interlocuteur serait une sorte de magicien ? Camilo s’imagine peut-être qu’en cet instant, Lucy n’a plus envie de lui dire quoi que ce soit, mais c’est tout l’inverse qui se produit : Lucy a des dizaines et des dizaines de questions à poser à son interlocuteur, là, tout de suite… si elle reste un instant muette et circonspecte, c’est surtout parce qu’elle ne saurait même pas par où commencer. Fort heureusement, Camilo fait de lui-même le choix de lui donner les explications qu’elle n’a pas encore eu le temps de réclamer.

Des explications qui commencent par « Je peux tout vous expliquer, je vous le promets » sont rarement bon signe. Lucy fait souvent preuve d’une telle candeur qu’on peut l’imaginer totalement naïve et crédule – ce n’est pas le cas. Ou plus exactement, ce n’est pas entièrement le cas. Elle est tout de même capable de voir les choses pour ce qu’elles sont. En donner l’interprétation la plus positive possible, c’est encore autre chose, en revanche. Elle hésite un peu quand il lui fait part du fait d’avoir emprunté le visage d’un autre, ou en tout cas un visage qui ne lui ressemble pas. Elle fronce les sourcils. Doit-elle lui épargner une humiliation publique.

Ses frères et sa sœur estimeraient sans doute que Camilo doit répondre de ses actes et les assumer publiquement, mais de son côté, la Vaillante décide de faire preuve de plus de douceur et d’autant de capacité de compréhension qu’elle le peut. Lucy est quelqu’un d’indulgent et de clément, qui estime que personne au monde n’est à l’abri de faire des erreurs, et que le pardon est un indispensable à la vie de chacun. Elle hoche donc la tête, un peu gravement. Elle n’aime pas l’idée d’avoir été abusée, mais dans une moyenne mesure, elle est tout de même en mesure de comprendre.

« Très bien, suivez-moi. »

Lucy engage le pas hors de la grande salle de bal pour le conduire jusqu’aux jardins de Cair Paravdel. Tout ceci n’a rien de bien protocolaire, et Susan n’apprécierait sans doute pas, mais qu’importe. Ce n’est qu’après s’être assurée qu’ils soient effectivement seuls qu’elle l’invite à poursuivre.

« Montrez-moi. Et expliquez-moi. »

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feat. Camilo

Lucy voit le jeune homme se métamorphoser sous ses yeux. Le prince avec qui elle pensait avoir une agréable conversation jusqu’alors se change sous ses yeux à un jeune homme à l’apparence très différente… Pourtant, cette apparence, loin de déplaire à Lucy, lui apparaît comme… charmante. Oui, c’est le mot. Lucy ne peut s’empêcher de trouver son interlocuteur charmant, même si elle sait pertinemment que ce n’est pas là une chose qu’elle devrait dire, et encore moins penser, c’est évident. Camilo se présente donc enfin tel qu’il est, et Lucy estime que cette apparence sied bien mieux à la personnalité qu’elle devine à son interlocuteur.

Peut-être qu’elle se trompe, mais elle ne le croit pas le moins du monde, elle estime que, bien que le jeune homme ait voulu la berner dans les grandes largeurs, elle est tout de même parvenue à le comprendre et à le cerner, du moins dans une certaine mesure. Il lui promet que c’est bien lui qui lui fait face, et c’est une chose qu’elle accepte effectivement d’entendre, même si elle attend à présent de sa part de sérieuses explications… et elle espère qu’il les lui donnera. Lucy ne peut s’empêcher d’apprécier ce garçon. Elle veut entendre qu’elle ne l’apprécie pas en vain.

Il n’est donc pas vraiment prince. Il se présente finalement sous le nom de Camilo Madrigal, et son but avait été de rencontrer la famille royale, le plus rapidement possible. Soit, mais pourquoi ? Si Camilo avait une requête à lui formuler, à elle ou à ses frères et sœur, pourquoi ne pas en être passé par les voies traditionnelles. Certes, cela aurait pris naturellement plus de temps, mais cela aurait aussi été nettement préférable, n’est-ce pas. Malgré tout, elle s’épargne tout questionnement et commentaire pour l’instant. C’est à Camilo de la convaincre. A lui et à lui seul.

« Comment espériez-vous donc obtenir des solutions en mentant sur vos origines ? » s’étonne Lucy, qui n’est toujours pas convaincue du fait que son interlocuteur lui dise tout.

Si son but avait été d’aider les siens, ainsi que son village à l’approche de l’hiver, alors ses intentions étaient des plus louables, mais elles ne méritaient pas tant de supercheries, n’est-ce pas ? Lucy ne comprend pas, mais elle sait qu’une information lui échappe, et elle aimerait être en mesure de mieux comprendre de quoi il retourne.

« Que se serait-il passé si je n’avais pas découvert la supercherie ? » demande Lucy avec un mélange de défiance et de curiosité. « Qu’auriez-vous fait ? »

Les réponses à ces questions l’intéressent grandement. Elle a définitivement besoin de comprendre, afin de prendre ses propres décisions en conséquence.

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feat. Camilo

Au fond, Lucy trouve charmante la manière dont les joues de Camilo rougissent à mesure que l’embarras le gagne. En dépit de la singularité de la situation, et de toute la défiance qu’elle devrait probablement afficher à l’adresse du jeune homme, la reine de Narnia se révèle bien incapable d’en vouloir à ce garçon qu’elle trouve touchant à sa matière… Les émotions qu’il affiche en sa présence lui paraissent totalement sincère, elle ne pense pas qu’il lui mente le moins du monde. Il s’est laissé surprendre par les circonstances, mais elle doute fort qu’il ait voulu, quoi qu’il en soit, nuire à la famille royale, bien au contraire.

« Vous apprendrez, Camilo Madrigal, que je parle à tout le monde de la même manière, qu’ils soient prince ou simples paysans », affirme-t-elle avec un fin sourire.

C’est le cas. Lucy n’a jamais fait la moindre distinction en fonction du rang social de ses interlocuteurs. Certes, elle avait appris le protocole, et elle essayait de le respecter – même si c’était loin d’être toujours une réussite, en ce qui la concernait, mais elle n’estimait pas que l’on mérite plus de déférence sous prétexte que l’on était une tête couronnée. Elle était habituée aux courbettes et aux marques de respect sur son visage, certaines l’intimidaient même assez, mais Lucy est restée, avant tout, une jeune fille très simple, ni plus ni moins que cela, et absolument ravie de pouvoir s’enrichir de nouvelles rencontres. Même si la démarche de Camilo a été… particulière… il l’a rendu curieuse de son histoire, c’est un fait, et le fait qu’il semble aussi impulsif qu’elle l’est bien souvent elle-même a également le don de l’amuser.

« Une chance alors que je vous ai démasqué la première. Mes frères et sœur auraient probablement fait preuve de moins de clémence que moi. »

Sans pouvoir réellement s’avancer sur le sujet, elle en est à peu près certaine. Et elle ne peut leur reprocher ce qui tient du bon sens. Lucy elle-même devrait se tenir à l’écart. Elle ne doit tenir pour vraie aucune de ses paroles. Ce serait forcément dangereux, beaucoup trop dangereux. Seulement voilà, Lucy en semble bien incapable. Elle a envie de passer plus de temps avec Camilo. Non seulement il l’intrigue, mais elle a le sentiment qu’il est terriblement simple de l’apprécier. Elle se reconnaît en lui d’une manière qu’elle ne sait pas totalement décrire, et elle n’a pas envie de passer côté de leur conversation au nom de ses erreurs.

« Je ne vous dénoncerai pas… mais il va vous falloir me prouver votre bonne foi. Parlez-moi de votre village et de ce que je peux faire pour vous. »

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feat. Camilo

Lucy ne peut pas totalement reprocher à Camilo d’avoir présumé du fait qu’en tant que reine, elle ne serait pas nécessairement clémente envers lui, sous le prétexte qu’ils étaient tous deux issus de milieux sociaux différents… Beaucoup auraient réagi de la sorte, sans doute, et le fait que Lucy Pevensie n’était pas née princesse jouait naturellement dans la manière qu’elle avait d’appréhender de telle situations. Ça ne justifiait pas tout, bien évidemment, et son attitude restait douteuse, d’autant plus que le jeune homme avait osé lui mentir… Mais, par faiblesse peut-être, Lucy a du mal à lui en vouloir et à l’accabler de reproches. Elle est convaincue du fait que ce jeune homme n’a rien d’un mauvais bougre, bien au contraire… Il a juste pris une décision dangereuse – et peu légale… Et il sait très bien se faire pardonner à présent.

Alors certes, Lucy est peut-être naïve (Susan lui ferait probablement remarquer qu’elle se laissait flatter beaucoup trop aisément), mais la jeune femme estime qu’en n’adressant sa confiance à personne, on finit par décevoir beaucoup de personnes que l’on n’aurait pas forcément déçues en d’autres circonstances. Elle lui laisse le bénéfice du doute, donc. Non, elle ne le dénoncera pas, et à présent, elle veut tout savoir de ses revendications et de son histoire, sa véritable histoire. Dans un coin de sa tête, elle doit garder à l’esprit le fait qu’elle pourrait bien faire le choix de la duper effrontément, bien sûr, mais si cela doit être le cas, elle le découvrira bien assez tôt. En attendant, il ne fait rien de mal, après tout. Et elle… force lui est de constater qu’elle passe un excellent moment en sa compagnie.

Camilo lui parle donc de leur village très isolé, qui les coupe du monde et empêche l’accès à certains produits et matière première. Sur le principe, c’est navrant, effectivement… Ouvrir des voies maritimes commerciales, ce n’est pas une chose que Lucy peut décider seule, elle peut en revanche tenter d’en toucher deux mots à ses frères et sœur. Elle doute qu’ils soient faciles à convaincre. Mais en utilisant les mots justes, elle pourrait bien plaider sa cause.

« Je vois… En l’état, accéder à votre requête apparaît délicat… Le plus logique, dans un premier temps, serait d’organiser un voyage diplomatique jusque sur votre île », dit-elle, réfléchissant à voix haute à la fois à des solutions qui lui semblent probantes, et à la manière dont sa fratrie réagira, alors qu’elle se permet de faire une promesse d’une telle ampleur. « Je peux tenter de négocier un tel voyage. Mais je ne peux rien vous promettre. »

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feat. Camilo

Lucy ne devrait pas faire de promesses au nom de Narnia alors qu’elle n’a pas encore consulté ses frères et soeur. Mais elle est comme ça, Lucy, elle a le cœur tendre et le besoin d’aider tout le monde. Les manœuvres de Camilo ne sont pas très heureuses, et il n’y a définitivement pas de quoi en être fier, mais elle ne voulait pas s’arrêter à cette considération. Les actions les plus désespérées sont bien souvent motivées par des intentions plus complexes et profondes qu’il n’y paraît, et les personnes ne peuvent pas être jugées sur un seul de leurs actes.

Un faune qui décidera de vous endormir dans l’intention initiale de vous offrir en pâture à une odieuse sorcière blanche peut avoir de vraies motivations et ne pas du tout être une mauvaise personne, loin de là même. Alors oui, même si Camilo a mal agi sur le moment, Lucy ne peut pas croire qu’il soit quelqu’un de mauvais. La plus jeune reine de Narnia veut croire avoir un don, celui de lire dans l’âme des gens. Ce n’est pas un vrai pouvoir à proprement parler, mais jusqu’alors, elle a toujours eu raison de se fier à son intuition. Et elle ne cessera jamais, ô grand jamais, de se fier à cette même intuition.

« Je ferai au mieux », dit-elle. « Mes frères et sœur ne sont pas toujours les plus simples à convaincre, mais je saurais trouver les mots nécessaires. »

Et, si besoin devait être, elle serait probablement capable d’aller à l’encontre de leurs décisions. De l’inconvénient de gouverner à quatre, surtout quand on avait des personnalités aussi fortes que les leurs… Il arrivait très souvent qu’ils soient en désaccord et qu’ils rentrent en conflit, pour une raison ou pour une autre. En bonne tête brûlée, Lucy avait envie de faire les choses comme elle le voudrait. Pourquoi ferait-elle une chose pareille ? Elle doit reconnaître que le cas de Camilo la touche tout particulièrement…

Et peut-être est-ce parce que Camilo lui-même ne lui est pas indifférent. Quand le jeune homme affirme qu’il serait ravi de la revoir, et qu’elle voit le rose lui monter aux joues, elle se sent rougir elle-même. Elle est incapable de rester insensible à une telle réflexion. Peut-être est-ce naïf de sa part… Mais elle veut croire dans sa sincérité… Elle a envie de croire qu’elle lui plaît. Et c’est quelque chose qu’elle aime immensément.

« Est-ce que vous aimez danser, Camilo ? » demande-t-elle ensuite, comme sautant du coq à l’âne, avec la plus grande légèreté.

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feat. Camilo

Il y a tant de gratitude et de joie dans le regard et sur le visage de Camilo que Lucy ne peut avoir aucun doute quant au fait qu’elle a fait le bon choix, définitivement le bon choix, en lui laissant sa chance et en ne le jugeant pas sur ses actes et ses décisions qui sont effectivement condamnables, mais compréhensibles au regard de son histoire. L’on fait des fois des choses dont on n’est pas très fier au nom de ce qui nous paraît être le plus juste. Elle ne peut définitivement pas en vouloir à ce jeune homme pour cela… et par ailleurs, elle se sent bien incapable de lui en vouloir de quoi que ce soit tant elle éprouve à son adresse une tendresse et une sympathie toutes naturelles, et qu’elle n’arrive pas à nier. Elle le sait, ses frères et sa sœur trouveront peut-être ses choix et ses décisions contestables, mais elle décide, pour sa part, de n’écouter qu’elle-même, et ce que lui dicte son cœur.

Elle préfère mettre ces considérations de côté pour le moment. Il sera toujours temps de penser aux reproches de sa fratrie au moment de les encaisser, mais pour l’heure, la jeune femme a bien autre chose en tête. Elle a envie d’apprendre à connaître ce garçon, et à le comprendre. Quand elle lui demande s’il aime danser, c’est à dessein, bien évidemment, et l’enthousiasme que le jeune homme affiche ne manque pas de lui réchauffer le cœur. Avec un sourire, elle saisit la main qu’il lui tend.

« Ce sera un très grand plaisir », confirme-t-elle en inclinant légèrement la tête.

Elle n’attend pas davantage pour entraîner le jeune homme sur la piste de danse. Elle est trop heureuse de la tournure des événements pour se soucier de se donner en spectacle ou non. Elle a juste envie de s’amuser… et avec Camilo… tout est si simple, si fluide qu’elle ne peut tout simplement pas se passer de ce moment de pur et délicieux échange… Tous les deux dansent et s’amusent. Ça n’a pas grand-chose à voir avec ce qu’ils devraient normalement faire, mais ça n’a pas grande importance. Ils passent un bon moment.

« Vous n’aviez jamais dansé dans ces circonstances avant, n’est-ce pas ? » suggère Lucy avec amusement mais aussi beaucoup de tendresse, parce que ce constat l’amuse beaucoup, bien plus qu’il ne l’importune.

Ce n’est pas un reproche, elle apprécie d’autant plus l’audace qui est la sienne, et dont elle ne s’offusque pas un seul instant. Non, cette audace l’attire, bien au contraire.