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Lucy est incapable d’expliquer comment c’est possible. Elle admet juste que ça l’est, comme elle l’a fait de toutes les impossibilités qui s’étaient dressées sur son chemin au court de son existence en apparente courte mais pourtant bien remplie. Elle a admis sans chercher à remettre cette vérité en question que des armoires pouvaient tenir lieu de passage vers des mondes merveilleux, qu’elle était destinée à devenir la reine de ce même monde, que les animaux pouvaient parler.

Elle a admis que la mort n’était pas forcément la fin et qu’un terrible accident de train qui aurait dû à coup sûr vous coûter la vie pourrait bien n’être qu’une étape vers une existence nouvelle, dans un monde plus moderne mais tout aussi étrange, où la magie se confond avec la technologie, et où parfois, elle ne sait pas vraiment quelles sont les limites de l’un et le commencement de l’autre. Alors oui, elle ne sait pas, c’est un fait, comment tout ceci est possible, mais Lucy n’a pas l’intention de s’interroger sur le comment ou le pourquoi. Elle se contente de poser un regard émerveillé sur tout ce sur quoi ses yeux se posent, sans plus savoir s’arrêter tant ces merveilles familières sont nombreuses, et à portée de main.

« Camilo… C’est Cair Paravel ! » s’exclame-t-elle tandis qu’elle observe depuis la plage, qui ne ressemble plus ou à peine à celle sur laquelle ils progressaient un peu plus tôt, alors qu’ils discutaient de tout ou de rien, profitant simplement du bonheur tout simple d’être ensemble, et d’être tous les deux.

Mais Lucy est tout à fait sûre d’elle. Ce palais gigantesque qu’elle aperçoit à quelques encablures, c’est bel et bien celui qui fut son palais. Là où elle, ses frères et sa sœur on été couronnés. Elle a le cœur battant à tout rompre à cette pensée. Elle n’a plus qu’une idée en tête, et c’est de se rendre là-bas pour en avoir le cœur net… Pourtant, elle n’en doute pas vraiment, elle ne fait que mine de douter. Ne pas prévenir tout de suite Lucy, Edmund et Peter, c’est presque une précaution inutile à ses yeux, à laquelle elle consent davantage pour la forme que parce qu’elle estimerait que cela soit vraiment nécessaire.

Tout en entraînant son petit ami par le poignet, Lucy court presque, prête à gravir les marches qui mènent au bâtiment. Elle s’interrompt d’un coup en contemplant du mouvement dans l’eau : une sirène qui vient de laisser émerger sa tête à la surface pour s’incliner avec déférence avant de replonger dans les eaux infinies de l’océan. Le regard que Lucy pose sur Camilo brille d’un éclat d’enthousiasme que rien au monde ne saurait briser. Elle est si heureuse d’être de retour chez elle, et qui plus est en compagnie de celui qu’elle aime.

« On est à Narnia », complète-t-elle comme s’il était vraiment nécessaire de le préciser, davantage pour le plaisir de pouvoir formuler cette affirmation que par nécessité d’expliquer quoi que ce soit.

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Lucy devine que pour Camilo, ça fait beaucoup de choses à intégrer d’un coup, ça a été la même chose pour elle quand elle a découvert Narnia, mais elle est convaincue que tout comme elle, il cédera bien plus rapidement à l’émerveillement qu’à la peur, et qu’il saura apprécier à sa juste valeur cet endroit qui a été si important et si fondateur pour elle. Elle a eu cette chance exceptionnelle de graviter entre trois mondes différents au cours de son existence, mais celui-ci, celui qu’ils foulent de leurs pieds en cet instant, est très probablement celui qui le touche et qui le trouble le plus. Bien sûr, elle se pose tout un tas de questions : pourquoi sont-ils ici et pour combien de temps ? Elle s’est posé la question à chacun de ses voyages à Narnia. La différence, cette fois, réside dans le fait que Cair Paravel ne semble pas avoir subi l’épreuve du temps, elle le reconnaît comme à l’époque de son règne, cette période qui sera connue comme étant l’âge d’or de Narnia.

Comment est-ce que ça peut être possible, elle n’en sait trop rien, mais cette sirène ne vient-il pas de la saluer comme sa reine ? Dans un élan d’enthousiasme, le cœur bondissant, elle pense à M. Tumnus ? Et si ici et maintenant, dans la temporalité qu’elle découvre, il était toujours là, bien en vie ? Oh, comme elle serait heureuse de le retrouver ! Comme elle serait impatiente de le présenter à Camilo, surtout ! Elle est convaincue du fait que les deux s’entendraient comme larrons en foire.

« Mais non, on ne va pas se perdre, je connais Narnia comme ma poche », le rassure-t-elle en découvrant un Camilo tout intimidé, et qu’elle trouve plus attendrissant que jamais. « On a dû ouvrir un passage sans s’en rendre compte. T’en fais pas, on réussira à rentrer chez nous. » Toutes les fois où elle s’est retrouvée à Narnia, elle l’attendait, le cherchait, mais elle n’en avait pas été responsable pour autant. « Si on est ici, je suis sûre que c’est pour une bonne raison. » Elle songe à Aslan, qui sait s’il n’est pas responsable de cette situation ? « On aura les réponses qu’on cherche en temps voulu. »

Elle hoche la tête quand il lui demande si elle avait vécu là. Oui… Et elle avait oublié combien c’était grand et majestueux. Cair Paravel lui semble encore plus merveilleux que dans ses souvenirs, et elle a envie de tout faire découvrir à Camilo.

« Il faut absolument que je te montre la salle de bal, et les jardins ! Oh - et la salle du trône, évidemment ! Tu veux commencer par quoi ? » demande-t-elle, toujours folle d’enthousiasme et pas alarmée pour un sou.

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Peut-être est-ce de l’égoïsme de la part de Lucy que de ne pas prendre en considération les inquiétudes de Camilo, mais elle ne pense pas à mal le moins du monde. La jeune femme est transportée d’un enthousiasme tel qu’elle oublie tout naturellement les conséquences que cela pourrait avoir sur son petit ami si son instinct devait la tromper. Après tout, pour bien des raisons, Camilo a sans doute des raisons de se mettre dans ses états : s’ils sont passés par un portail, Lucy serait bien en mal de dire lequel, ni combien de temps tout ceci durera, et même si le temps à Narnia ne s’écoule pas de la même manière dans d’autres mondes, elle ne saurait dire si ce sera le cas pour le monde duquel ils viennent.

Qui sait si quelques secondes passées à Narnia ne reviendraient pas à plusieurs années sur l’île ? Qui sait aussi s’ils ne vont pas être coincés indéfiniment ici, loin de leurs familles respectives ? Oui, si Lucy consentait à faire preuve de plus de prudence, elle admettrait tout cela. Mais elle en est incapable. L’excitation et l’enthousiaste prennent le pas sur tout le reste, et sa seule préoccupation est de faire découvrir à Camilo cet endroit qui compte tant pour elle. Sans Narnia, elle ne serait que la moitié, non, le dixième de la personne qu’elle est aujourd’hui. Ses aventures ici ont absolument tout changé pour elle. Peut-être que si cette situation dure trop longtemps, une fois son enthousiasme passé, Lucy réussira à se mettre à la place de Camilo… mais en attendant, elle a envie de lui faire voir son monde à travers ses yeux, en espérant sérieusement qu’il l’apprécie autant qu’elle… parce que pour elle, oui, c’est clairement important.

Elle aime sentir que peu à peu, Camilo se détend, elle voit même un sourire se déposer sur son visage qui lui fait penser à l’émerveillement qu’elle ressent elle-même. Alors, quand il fait le choix de la salle du trône, elle décide immédiatement de l’entraîner à l’intérieur. Sur leur chemin, on s’incline en signe de respect. Elle voit bien passer quelques regards curieux concernant Camilo, mais personne ne pose de question, et nul ne leur fait obstacle au moment de rejoindre finalement la salle du trône. Une part d’elle espérait y trouver une silhouette familière, mais en fin de compte, la pièce est vide. Ce n’est en soi pas si mal, pour la peine, ils n’ont pas à la partager avec qui que ce soit.

« Alors, qu’est-ce que tu en penses ? » elle fait en se précipitant vers son trône pour s’y installer confortablement avant de tapoter la place à côté de toi. « C’est celui d’Edmund. Je lui dirai rien si tu dis rien », ajoute-t-elle dans un clin d’œil.

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Lucy devrait peut-être considérer la situation avec plus de gravité, avec la gravité que cette situation mériterait. La jeune femme le sait, au fond, mais elle n’a pas la moindre envie de réduire sa joie de vivre au silence. Paniquer ne mènera nulle part dans tous les cas, alors à quoi bon ? Lucy est de retour chez elle, et comme à chaque fois que le hasard l’a conduite à Narnia, elle veut croire que c’est pour une bonne raison, et que tout trouvera une explication en temps et en heure, il faut seulement savoir faire preuve de patience. Alors elle est contente de voir Camilo se détendre à côté d’elle. A mesure qu’il laisse parler sa curiosité et jette son regard un peu partout, elle devine qu’il est plus serein vis-à-vis de cette situation. Oui, il est sans doute encore un peu inquiet, mais il a aussi l’air émerveillé, et c’est cet émerveillement qu’elle avait espéré trouver chez lui.

Une fois dans la salle du trône, Lucy guide Camilo jusqu’à l’extrémité de la pièce et jusque, bien sûr, les quatre sièges royaux qui avaient autrefois accueilli les Pevensie. Elle sourit avec un mélange d’amusement et de nostalgie au moment de s’installer sur son propre trône. Elle avait pris son rôle de reine très à cœur, mais elle ne pourrait pas dire qu’elle le regrette aujourd’hui. Elle vit bien sans toutes ces responsabilités. Mais elle aura toujours l’impression que sa place sera ici… Peut-être parce que c’était prophétique, ou peut-être juste pour le plaisir.

Camilo, de son côté, fait mine d’hésiter mais il ne tarde pas à s’installer à la place qui devrait être celle de son frère Edmund. Elle s’amuse à le voir à cette place. A le regarder ainsi, elle trouve que ça ne lui va pas si mal, et elle est aussi convaincu qu’il aurait facilement trouvé sa place à Narnia. Il souffle que c’est magnifique, et elle sait qu’il en pense absolument chaque mot.

« Tu as la carrure d’un roi, comme ça », remarque Lucy avec un mélange de douceur et d’admiration – car en vérité, elle le pense effectivement. « Tu penses qu’on t’aurait donné quel nom ? On m’appelait Lucy la Vaillante. Edmund le Juste, Susan la Douce et Peter… le Magnifique. Étonnant qu’il ait pas eu un melon magistral après ça, pas vrai ? » rit-elle doucement avant de laisser passer un temps de réflexion. « Camilo… Camilo le Solaire ? Mmm… je ne sais pas. » Elle laisse passer un temps de silence avant de s’enfoncer davantage dans son trône. « Ce qui me perturbe… c’est le fait qu’on semble être revenus à l’âge d’or de Narnia… comme si on était dans un de mes souvenirs, tu vois ? » Elle marque une pause. « Enfin, je préfère que tu vois Narnia ainsi. »

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« Non, ça ne colle pas », se contente de répondre Lucy avec une légère grimace quand Camilo suggère que son titre pourrait être « le Métamorphe ». Bien sûr que, par la force des choses, c’est au contraire un surnom qui collerait à la perfection, et qui semble ne coller qu’à lui parmi toutes les personnes de sa connaissance, mais métamorphe, ce n’est pas vraiment une qualité, c’est juste… ce qu’il est. « Trop impersonnel », se contente-t-elle de compléter sans donner pour autant plus de motivations à son discours.

Elle continue de réfléchir à d’autres options, mais ses pensées se mêlent à d’autres, notamment la pensée que tout ceci pourrait bien n’être qu’un souvenir, le fruit de sa plus stricte imagination, et rien d’autre. Alors forcément, elle se pose de nombreuses questions… mais Camilo accepte de se montrer aussi serein qu’elle arrive à l’être elle-même malgré tout en admettant que toutes les possibilités sont admises, il faut seulement l’accepter et savoir ne pas prendre peur face à leur nombre conséquent et assez déstabilisant – c’est logique.

« Si on n’était dans ma tête, je crois qu’on ne trouverait rien d’aussi précis, il y a plein de détails dans cette pièce dont j’aurais été incapable de me rappeler si on n’était pas ici », remarque Lucy qui n’est pas totalement certaine que cela soit une excuse.

Elle a du mal à savoir et à comprendre de quelle façon la mémoire fonctionne. Pas plus qu’elle ne sait véritablement comment ce monde fonctionne non plus, ce monde qui, par bien des aspects, la déstabilise complètement autant de par sa complexité que de par son caractère inattendu, même si elle a appris à y prendre goût malgré tout.

Elle fait doucement « non » quand Camilo lui demande si Narnia n’a pas toujours été ainsi.

« Quand j’ai découvert Narnia pour la première fois, le territoire tout entier était plongé dans un univers qu’on pensait éternel. Je ne voudrais pas me la raconter mais… » Elle sourit, éloquente. « Narnia n’a jamais été aussi prospère que quand nous étions sur le trône. Seulement… » Elle grimace. « Je t’ai déjà dit que le temps ne s’écoulait pas de la même manière à Narnia que chez nous, pas vrai ? » Elle marque une pause. On est revenus chez nous, les années qu’on avaient passé à Narnia n’étaient que quelques minutes à notre échelle. Alors… les choses ont dégénéré de nouveau. Quand on est revenus à Narnia, plus rien n’était pareil… »

Elle se sent une responsabilité vis-à-vis de ces terres qui resteront à tout jamais son royaume, malheureusement, son pouvoir demeure limité. Encore plus en cet instant, où elle pourrait tout aussi bien être seulement victime d’un illusion, rien d’autre.

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Lucy cherche à se montrer aussi rassurante que possible. Si une part d’elle se montre beaucoup trop heureuse d’être de retour à Narnia, si elle a vraiment envie de profiter de ce moment, elle ne doit pas oublier à quel point cela peut être déstabilisant pour Camilo, d’autant qu’il doit se poser tout un tas de questions dont elle n’a pas la réponse… Elle ne sait pas, par exemple, de quelle manière ils rentreront chez eux et surtout quand… elle ne sait pas quand Camilo aura l’occasion de retrouver sa famille. Elle veut se montrer totalement encourageante, bien sûr, mais elle ne peut pas pour autant négliger cet état de fait, clairement pas, et elle doit le prendre en considération.

« Quelques secondes, même », confirme Lucy avec un léger sourire quand Camilo déduit de ce qu’elle lui apprend le fait que quand bien même ils devaient rester là un long moment, il se pourrait qu’en ville, personne n’ait constaté leur absence. « Et même si on devait devenir de vieux croutons toi et moi, on reviendrait en ville frais et pimpants », reprend-t-elle avec un fin sourire.

Ce qui n’a pas l’air si mal sur le papier, surtout du haut de leur petite vingtaine, mais qui avait été bien plus perturbant pour Lucy qui avait eu le temps d’entrer dans l’âge adulte avant de devoir retrouver le passage jusqu’à chez eux et retourner à son apparence d’enfant. Elle avait réussi à vivre la chose avec philosophie, probablement parce que d’enfant, elle avait conservé l’âme quoi qu’il en soit, mais elle sait que la chose avait été bien plus difficile à vivre pour ses deux frères notamment. Il faut dire que passer de roi adulte à adolescent sans histoire, ça aurait probablement le don de bouleverser absolument n’importe qui.

Face à la curiosité de Camilo, Lucy répond avec la plus grande bienveillance. Et pour cause, elle trouve cette curiosité plus que légitime. Même si elle ne s’était jamais cachée de son histoire auprès de son petit ami, il y avait des points de détails qu’elle ne lui avait jamais confiés. Elle reconnaît que c’est très probablement le moment ou jamais de rattraper ça et de lui en apprendre davantage. Il lui demande ce qui s’était passé lors de leur retour à Narnia. Lucy fait au mieux pour lui répondre le plus précisément possible.

« Ça faisait un an qu’on avait quitté Narnia… on commençait à se faire à l’idée qu’on y retournerait jamais. C’est arrivé sans qu’on s’y attende. On s’est retrouvé à Cair Paravel, sauf qu’on ne reconnaissait à rien. Le palais était en ruines… Depuis notre départ, il s’était écoulé 1300 ans », lui apprend-t-elle en essayant d’être synthétique sans oublier les éléments les plus importants. « On a découvert que Narnia avait été envahie par des anciens pirates, arrivés à Narnia par hasard, les Telmariens… La magie avait presque disparu… elle ne pouvait être rétablie qu’au moment de remettre sur le trône le prince légitime, Caspian. Il plaisait beaucoup à Susan, d’ailleurs… », reprend-t-elle avec un sourire en coin. « Bref, l’oncle de Caspian, le roi Miraz, avait pris le contrôle du royaume et sous son égide, la communauté magique devait se cacher… »

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Un regard en direction de Camilo suffit à rassurer Lucy, elle constate qu’elle est parvenue à apaiser ses craintes en peu de mots. Il y a de quoi être anxieux dans la situation qu’est la leur, c’est un fait – un fait que la jeune femme occulte avec aisance, mais qui n’en est pas moins réel, et il est plus que compréhensible que Camilo ait besoin de la garantie que tout ira bien, une garantie que Lucy lui concède sans même réfléchir. D’accord, ce n’est pas l’idéal, mais c’est eux, après tout, et ce n’est pas comme s’ils se trouvaient en territoire hostile non plus. Non, ce n’est pas le cas du tout, même. Ils sont à Narnia, et à Narnia durant son âge d’or, qui plus est. Il n’est définitivement rien qui puisse leur causer du tort ici. Pas à Cair Paravel, pas à Narnia.

C’est avec légèreté, mais tout de même un certain sérieux, que Lucy confie à Camilo l’histoire qu’elle a vécu, toutes ces choses qu’elle n’avait pas encore eu l’occasion de lui apprendre sur sa vie. Elle lui avait parlé plus d’une fois de Narnia, oui, mais elle n’était jamais rentrée dans le détail de son règne, ou de toutes les aventures qu’elle et ses frères et sœur – puis son cousin Eustache – avaient vécu dans cet autre monde dans lequel ils se retrouvent à présent. Elle hoche la tête, l’air grave, quand Camilo lui demande s’il leur a fallu affronter ce Miraz.

Ça a été le cas, oui, ils se sont retrouvés malgré eux mêlés à un conflit qui avait eu lieu bien longtemps après leur règne. Ce n’est pas un épisode très heureux. La guerre et les conflits armés ne le sont jamais, et c’est pour cette raison bien précise que Lucy ne s’épanche pas plus en détails. Lucy Pevensie n’en donne pas forcément l’air, mais elle s’est battue plus de fois qu’on ne le devrait au cours de sa vie. Elle l’avait toujours fait avec la plus grande conviction, parce que c’était une chose nécessaire, et parce qu’elle croyait dur comme fer à ce pour quoi elle se battait, mais la nostalgie qu’elle a toujours eu de Narnia n’a jamais résidé dans ces combats épiques, comme elle soupçonne que ça a parfois été le cas pour le reste de sa fratrie.

« Et on a gagné », résume-t-elle avec un large sourire. « Caspian a récupéré le trône – et volé le cœur de ma sœur au passage. En bref, tout est bien qui finit bien. »

Enfin, aux dernières nouvelles. Quand les âges se succèdent si rapidement, on ne peut en fin de compte jamais être sûr de rien, malheureusement.

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Lucy n’a jamais eu de difficulté à raconter son histoire. Elle n’en a jamais fait un secret, d’ailleurs, même si la plupart des gens n’y croyaient pas, la plupart du temps. Raconter son histoire, c’était s’assurer qu’elle ne sombre pas dans l’oubli, c’était respecter la mémoire d’Aslan, de Tumnus, de tous les acteurs de sa vie passée qui lui manquent terriblement. Raconter son histoire, c’est inviter les autres à l’émerveillement, et quand elle voit briller dans le regard de Camilo un intérêt et un enthousiasme sincère, elle l’aime plus encore, mais elle n’est pas surprise… Il a la même capacité d’émerveillement qu’elle, et c’est une des choses qu’elle aime définitivement le plus chez lui… L’idée de pouvoir lui faire découvrir Narnia et Cair Paravel, c’est une véritable opportunité.

« Exactement », confirme Lucy avec un grand sourire quand Camilo résume cette histoire comme un véritable conte de fées.

C’est vrai. Dans les contes de fées, il y a des rois et des reines, des guerres dont on ne parle pas, des animaux dotés de parole… et tout ne finit pas toujours bien… dans leur cas, la conclusion n’a pas été si malheureuse, même si Susan a été séparée de Caspian, ce qui l’a à l’évidence rendue très malheureuse. Certes, dans les contes de fée, on meurt rarement d’un accident de train, également, mais ça, c’est bien sûr une autre affaire.

« Oh mais évidemment !! »

Lucy se relève d’un bond, enthousiaste, quand Camilo lui affirme vouloir explorer les environs. Oh non, elle ne risque pas d’y trouver le moindre inconvénient, bien au contraire ! Et elle est plus qu’impatiente de tout montrer à Camilo, absolument tout. Elle se sent également soulagée, rassurée, de constater que Camilo semble à présent s’être calmé et être capable d’apprécier cette situation à sa juste valeur. Peut-être redoute-t-il encore un peu d’être coincé ici, mais si tel est le cas, il le dissimule bien. Il le dissimule bien assez, tout du moins, pour qu’ils relèguent à plus tard la nécessité de rentrer chez eux. Ils rentreront quand il sera temps de rentrer, voilà tout.

« Tu as déjà fait du cheval, Camilo ? » demande-t-elle en tendant la main dans sa direction afin de l’inviter à la prendre dans la sienne et à entrelacer ses doigts aux siens. « On explorera plus vite les lieux, comme ça », suggère-t-elle. « Même si tu ne sais pas, ça se passera bien, tu verras. Moi aussi j’ai appris sur le tas. Tu emprunteras Philippe à Edmund. Il a son petit caractère mais je suis sûre que vous allez bien vous entendre. »

Si tant est que la monture de son frère soit toujours présente à Narnia… C’est une chose à laquelle elle ne s’autorise à penser qu’avec prudence. Il y a tant de personnes, de créatures, d’animaux qu’elle aimerait revoir, mais elle préfère minimiser ses attentes.

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« C’est presque pareil, tu verras », fait Lucy en toute confiance quand Camilo lui fait comprendre ses réticences quant au voyage à cheval qui les attend, ce qui est compréhensible, mais la jeune femme, de son côté, ne s’inquiète pas le moins du monde, bien au contraire. Elle affiche même une confiance inébranlable, et à toute épreuve.

Et pour cause, déjà, il a fait de l’équitation, ce qui n’est pas si mal, même si c’était très rapide. Lucy, de son côté, n’avait jamais fait de cheval avant de se retrouver obligée d’en faire à Narnia. Et ça s’était finalement bien passé. Être agréable et conciliant avec sa monture aide beaucoup, il faut dire, ensuite, la monture fait tout le reste. L’image fugace d’un Camilo adolescent s’amusant à parcourir l’Encanto (qu’elle croit connaître à force d’en entendre parler) à dos d’âne la fait au passage sourire, mais elle garde cette pensée pour elle. Ce n’est pas le plus important, le plus important, c’est la découverte, et il leur reste tant de choses à voir et à apprécier ! Ils sont loin, très loin d’en avoir fait le tour.

« J’ai pas fait de cheval depuis super longtemps, mais j’étais une bonne cavalière… en même temps, c’était l’habitude », fait-elle en espérant ne pas avoir tout perdu, en l’occurrence, car Lucy a bien envie de parvenir à impressionner son petit ami avec ses talents de cavalière. Pas dit qu’elle y parvienne, mais en tout cas, elle en a très envie. « Et non, c’est le nom que Philippe s’est donné lui-même… ou que ses parents lui ont donné, probablement… », fait Lucy, l’air songeuse, quand Camilo s’amuse du nom donné au cheval d’Edmund.

Ici, alors que les animaux sont dotés de parole, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de nier leur volonté propre. C’est une chose que Lucy apprécie, à vrai dire… et quelque chose qui lui manque, sur l’île, où elle ne peut que se fier à son expérience pour se faire une idée de ce que les bestioles qu’elle veut soigner pensent et ressentent. A ce titre, le don d’Antonio, le petit frère de Camilo, lui serait clairement de la plus grande utilité, ça ne fait aucun doute.

« Je te promets rien, ce sera Philippe qui décidera », fait-elle quand Camilo lui demande tout de même de l’attendre, en entraînant Camilo à travers la cour extérieur de Cair Paravel jusqu’aux écuries royales. Elle se sent soulagé de constater que les chevaux sont toujours là. « Camilo, je te présente Philippe, Philippe, Camilo », fait-elle à l’adresse du cheval concerné, qu’elle gratifie d’une caresse le long de sa crinière.
« Sire Edmund est au courant de tout ceci, reine Lucy ? » demande le cheval. Oh, comme ça lui avait manqué d’entendre les animaux parler !
« Mais bien sûr que oui, pour qui me prends-tu ? » fait mine de s’offusquer Lucy avant d’adresser un clin d’œil à Camilo.

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Lucy n’a aucun mal à comprendre que tout ceci doit être particulièrement complexe à appréhender pour Camilo, mais elle devine également qu’il prend un certain plaisir à cette aventure qu’ils vivent ensemble. Ils sont à Narnia tous les deux, le fait de ne pas en comprendre la raison ne signifie pas pour autant qu’ils ne doivent pas en profiter un maximum, bien au contraire… Passées les quelques singularités qui font également le charme de son royaume, la jeune femme est convaincue du fait que Camilo saura rapidement trouver ses marques. Après tout, il l’a déjà plus d’une fois impressionné de par sa capacité d’adaptation et sa propension à s’émerveiller. Sur ce point, ils se sont clairement bien trouvés, tous les deux, même s’ils peuvent parfois redouter l’idée même de l’inconnu, quand ils y sont confrontés, ils savent en retirer le meilleur malgré tout, le tout avec un enthousiasme toujours débordant.

Lucy laisse à Philippe et à Camilo l’opportunité de faire connaissance tandis qu’elle retrouve son propre cheval, qu’elle gratifie de caresses, ravie de l’avoir retrouvé après tout ce temps. Philippe est réticent pour commencer : c’est un cheval intelligent, il doit se douter du fait que cette situation n’est pas complètement normale, même, que quelque chose cloche et détonne sérieusement dans tout ceci… Mais il accepte malgré tout de faire confiance à Camilo, sans doute parce qu’il constate que Lucy, de son côté, lui adresse en retour une confiance aveugle, et qu’elle se fie à son jugement.

« Prêt ? » elle lui demande une fois en selle.

Elle n’attend pas vraiment la réponse, pas plus que les chevaux ne les attendent non plus. Une fois les deux parfaitement installés sur leurs montures respectives, les animaux filent bon train sans que la jeune femme n’ait besoin de leur indiquer la moindre direction. Bientôt, les deux canassons filent à travers les bois sous les rires enjoués de Lucy, absolument ravie de sentir le vent printanier fouetter son visage, avec le sentiment plus profond que jamais d’être bel et bien chez elle. Elle peut le ressentir ailleurs, ce sentiment, elle le ressent toujours quand Camilo est à ses côtés, mais c’est encore différent, ici. C’est son foyer, c’est son royaume. Souvent, elle jette des regards à la dérobée à Camilo, afin de s’assurer que l’expédition lui plaît tout autant qu’à elle – elle tient à ce que le bonheur qu’elle ressent en se trouvant ici ne soit rien d’autre que communicatif.

Après plusieurs longues minutes de galop entre les arbres, les chevaux ralentissent au niveau d’une clairière. Lucy fronce les sourcils, incapable tout d’abord de comprendre où elle se trouve, jusqu’à poser les yeux sur un lampadaire, placé au milieu de la clairière.

« La lande du lampadaire… », souffle-t-elle, émerveillée. « C’est ici que j’ai découvert Narnia, la toute première fois. »

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Lucy ne peut s’empêcher de garder les yeux rivés au lampadaire dont la seule présence réveille en elle une multitude de souvenirs pour elle. Cet endroit a une valeur symbolique pour elle, c’est ici qu’elle a fait la rencontre de Monsieur Tumnus pour la toute première fois, c’est ici qu’elle a découvert Narnia, c’est ici également qu’elle et ses frères et sœur ont fini par quitter leur royaume, sans comprendre que c’était ce qu’ils étaient en train de faire.

Elle ne sait pas si le fait qu’ils se retrouvent ici doit être considéré comme une bonne ou une mauvaise chose… Une bonne chose, probablement, car elle ne veut rien considérer de négatif dans l’expérience qu’ils sont en train de vivre tous les deux, mais curieuse néanmoins… Est-ce qu’ils devraient repasser par ce passage qui lui avait permis d’entrer dans Narnia et de le quitter la première fois ? Peut-être bien, mais la jeune femme ne se sent pas encore le cœur à quitter ces lieux, même si ce sera peut-être pour mieux les retrouver plus tard. Elle y est bien trop attachée.

« Non, je n’en ai pas la moindre idée », observe Lucy au sujet du lampadaire.

C’est vrai que cet objet tranche complètement avec tout ce qui occupe Narnia… Sans oublier qu’il est perdu au milieu de nulle part… Que serait-il supposé éclairer, dès lors ? Lucy comprend la curiosité de Camilo, elle a bien souvent la même, mais elle doit reconnaître en cet instant qu’il l’invite à se poser des questions qu’elle ne s’était jamais posées.

« Tu sais quoi ? Je ne m’étais jamais vraiment posé la question », confesse-t-elle avec un léger rire. Quand elle y pense, c’est assez improbable, quand même. Mais la jeune femme considère qu’elle a tout de même une bonne excuse à ce sujet. « Pour ma défense, j’étais plus intéressée par le faune qui me dévisageait à ce moment-là », ajoute-t-elle avec humour.

Ah, monsieur Tumnus ! Lucy y pense souvent, et à combien son ami lui manque… Elle est loin de savoir encore que leurs chemins finiront par se recroiser dans ce monde où tout est possible, et qui lui a offert le bonheur incomparable de faire la connaissance du beau et parfait Camilo Madrigal.

« Je ne pense pas qu’on soit arrivés ici par hasard. C’est peut-être le signe qu’on doit rentrer », observe Lucy d’un ton un peu déçu tout en observant attentivement le lampadaire comme si elle serait capable d’y découvrir tout à coup quelque chose qu’elle n’y avait jamais perçu jusqu’à présent. « Je t’avoue que je n’en ai pas très envie… Pas toi ? »

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« Monsieur Tumnus, oui », confirme Lucy avec un grand sourire quand Camilo s’efforce de joindre les deux bouts de son histoire. Lucy comprend très bien, évidemment, car elle lui en a tant appris sur ses aventures narniennes qu’elle n’est pas forcément étonnée qu’il ait du mal à retenir certaines informations… En même temps, elle apprécie quand même de remarquer qu’il fait beaucoup d’efforts pour tout retenir, et qu’il a toujours l’air particulièrement intéressée par tout ce qu’elle lui a raconté. Elle aime le savoir aussi passionné par son histoire… Tout comme elle-même est réellement passionnée par l’histoire de Camilo. « Oui, c’était effectivement plus passionnant qu’un lampadaire », reconnaît-elle avec un léger rire. « J’espère que tu auras l’occasion de le rencontrer un jour. »

Après tout, pourquoi pas ? Si ce monde leur a bien appris quelque chose, c’est qu’il ne fallait jamais se reposer sur ses seuls acquis, et que tout pouvait arriver. Ça, c’est une chose que Lucy avait compris au moment de découvrir Narnia, mais elle aime à en avoir la confirmation, encore et encore, constamment… ça a le don de la rassurer, en plus de lui plaire. Elle s’attendrait presque à le vour surgir soudainement de derrière ce fameux lampadaire, mais autour d’eux, il n’y a personne. Rien d’autre que l’endroit par où tout a commencé, et l’endroit par où l’âge d’or de Narnia avait touché à son terme, en l’absence soudaine et inexplicable de ses souverains.

Elle n’a pas envie de rentrer, non… Elle n’a pas envie de rester éternellement ici non plus, bien sûr… Si elle a toujours considéré Narnia comme son foyer, ce n’est plus l’endroit auquel elle appartient, à présent… Mais elle n’a pas encore envie de se soustraire à ces lieux… Ce serait terriblement injuste. Par conséquent, Lucy se sent un peu rassurée quand Camilo lui affirme qu’ils ne sont pas pressés, et qu’ils peuvent toujours décider de flâner encore un peu.

« C’est une idée qui me plaît », confirme Lucy en se saisissant la main de son petit ami avec douceur, tout en lui adressant le plus tendre et le plus sincère des sourires. Oui, c’est une idée qui lui plaît, une idée qui lui plaît vraiment terriblement. Elle aime le fait que Camilo semble sincèrement vouloir rester encore un peu, presque autant qu’elle. Il ne demande pas à partir tout de suite, il apprécie de prolonger le moment, et il le rend encore plus précieux. « La maison de Monsieur Tumnus ne doit pas être loin… je doute qu’il soit dans le coin, mais on sait jamais ? » suggère-t-elle en lui adressant son regard le plus sincère et le plus doux.

Elle cherche seulement un prétexte, une occasion de profiter encore et encore de ce moment. Elle est à Narnia, elle est avec Camilo… C’est une chose qui lui plaît absolument terrivblement

I am older and I don't think I want to understand

feat. Camilo

« Pas du tout », répond Lucy avec humour et légèreté quand Camilo suggère que Mr Tumnus pourrait très probablement lui apprendre beaucoup de choses à son sujet. Ce n’est peut-être pas totalement faux, il se trouverait probablement de nombreuses anecdotes, toujours douces, admiratives et respectueuses à partager, ce probablement autour d’une bonne tasse de thé, mais ce n’est pas là que Lucy veut en venir. « Tu sais déjà tout sur moi », ajoute-t-elle avec un sourire malicieux.

Ce n’est pas totalement vrai, bien sûr, on ne peut jamais complètement connaître la vie de l’autre, mais cela n’empêche pas Lucy pour autant de le penser, elle connaît Camilo, elle connaît ses goûts, ses envies, ses inquiétudes et ses rêves, et c’est la même de son côté. Ils ont toujours été très transparents sur ce qu’ils ressentaient et sur ce qu’ils avaient vécu. C’était d’ailleurs une chose que Lucy avait toujours aimé dans sa relation avec Camilo… tout paraît si évident, si simple.

A l’évocation de son ami, Lucy est naturellement tentée d’aller lui rendre visite. Elle sait, bien sûr, que ce n’est pas la meilleure des idées, loin de là, même, mais il ne peut s’empêcher de songer, malgré tout, à l’idée qu’il pourrait bien être là… et elle a vraiment beaucoup trop envie de le retrouver… Après tout… ça ne coûte rien d’essayer, n’est-ce pas.

« Promis… je ne m’inquiéterai pas », dit-elle en espérant ne pas mentir, avant de déposer un baiser sur la joue de Camilo. Elle espère vraiment ne pas se tromper, mais comment le savoir… elle ne peut avoir aucune certitude à ce sujet, en réalité… Parce qu’elle sent déjà que son estomac se serre à mesure qu’ils se rapprochent de la masure de Mr Tumnus. Pour preuve, son visage se ferme et sa main broierait presque celle de Camilo alors qu’ils approchent l’entrée de la petite cabane qui lui tient lieu de maison.

Lucy frappe à la porte, plusieurs coups répétés, sans obtenir de réponse.

« Monsieur Tumnus… ? » Un coup de plus entrouvre la porte, permettant à Lucy de découvrir l’intérieur… Il n’y a personne. « C’est drôle, rien n’a bougé. C’est comme s’il avait été interrompu dans sa vie quotidienne », elle commente d’une voix blanche en considérant la tasse à un tiers vide posée sur la petite table en bois.

Lucy a un mauvais pressentiment, mais elle préfère ne rien en dire, elle a promis de ne pas être déçue et de ne pas s’inquiéter inutilement, alors c’est ce qu’elle s’efforce de faire.