(TERMINE) INTRIGUE N°2, chapitre II ▿ Luke & Din

« REVEILLE-TOI. » Un rêve. Voix étouffée et lointaine du Mandalorien pour t’ancrer dans le réel alors que tu te perdais dans des cauchemars atroces. Tu revoyais ton école prendre feu. L’odeur de brûlé emplissait désagréablement tes narines. Grogu… ! Ben… ! L’obscurité de tes songes était l’unique ennemi contre lequel tu te débattais. Pour te tromper et te perdre, elle accentuait malicieusement l’irréalisme typique du monde onirique en allongeant le chemin avalé par la noirceur menant à ton temple en proie aux flammes. BEN ! Totalement essoufflé, tu trébuchais sur une branche cachée dans la torpeur de la pénombre. « REVEILLE-TOI. » Ah, parlons-en de Ben. Te voilà en train de vouloir le sauver des flammes alors que tu as voulu l’abattre d’un coup de sabre quelques instants plus tôt. Que d’hypocrisie pour celui censé cultiver la vertu. Torture inlassable, les événements qui t’avaient conduit au bord du précipice se répétaient en boucle dans ton esprit. Tu criais « Grogu ! Ben ! » à en perdre haleine dans ton rêve, courant encore à travers ce dédale brumeux. Aucune réponse. Seul un silence macabre t’enveloppait. Ben n’était plus et tu le savais. Il n’y avait que la solitude et les regrets pour combler ton cœur. Tu sanglotais, fouillant comme une âme en peine les débris de l’école sans cesser d’appeler douloureusement ceux que tu considérais comme tes fils Kylo Ren est plus puissant et plus fort que toi. Folie s’agrippait à tes côtes ; poison insidieux qui se propageait en toi prenant forme de Voix spectrale. Tu étais réduit à l’état de supplicié de ce chant qui pénétrait ta cervelle à coup de marteau. Le Chevalier de Ren avait tué Ben. Une vie contre une vie. Le Côté Obscur était gouverné ainsi : Anakin Skywalker en échange de Dark Vador. Ben Solo en échange de Kylo Ren. Et Luke Skywalker en échange du prochain Seigneur Sith à la hauteur de celui que les cendres d’Anakin avaient engendré. Lutter était ta seule porte de sortie. Jamais tu ne laisserais ton double maléfique s’installer en toi alors tu te prémunirais de toutes les armes pour le chasser de ton corps. Crois-en la Force, Luke. Malgré ton songe informe qui berçait ton cerveau d’illusions, la peur naissait dans le creux de ton ventre. Tu refis le même cauchemar que sur Dagobah lors de ta formation aux côtés de Maître Yoda : c’était toi qui te trouvais sous le masque de Dark Vador. Issue improbable, trop irréelle pour toi qui baignais dans la Lumière. Crois-en la Force, Luke. Crois en Elle. « REVEILLE-TOI. »Tu étais un Jedi. L’un des rares avec le titre de Grand Maître Jedi que tu partageais avec feu Yoda. « REVEILLE-TOI. » Le Côté Obscur ne pouvait pas te dévorer aussi facilement. Pas toi. Pas la Légende. Le feu s’estompait. La voix de Din devenait plus claire, trouvant son chemin dans ton monde éthéré. Tu émergeais enfin. Réveille-toi.

Ta tête était incroyablement lourde, comme prise dans un étau. Tu étais même obligé de la tenir quand tu te redressais. « Merde… » Étais-tu tombé de ton lit au beau milieu de la nuit ? Possible. Ça t’était déjà arrivé. Tu t’asseyais sur le sol. Tu regardais le monde qui t’entourait avec une curiosité pleine d’inquiétude et de méfiance. Décor dépouillé se présentait à toi : une pièce plongée dans la pénombre à l’exception de cette ampoule dénudée qui offrait un faible halo de lumière. Chemin de Paradis au Royaume des Enfers. Ton mal de crâne terrible t’empêcha de remarquer — et sentir — la présence de Kylo Ren encore tapi dans l’ombre. Une deuxième chose te surprit : tu n’avais plus tes habits de civil, mais ta robe et cape de Maître Jedi. « Qu’est-ce que… ? » Tu fronçais les sourcils en plissant avec ta main le tissu immaculé. Bien longtemps que tu ne t’étais pas vu vêtu de la sorte, depuis ton arrivée ici en réalité. Tu notais que ton sabre laser manquait à l’appel au niveau de ta ceinture. Ça sent mauvais… Ce n’est que lorsque tu balayais la pièce du regard que tu remarquais cette fameuse vitre… et Din derrière. Tu le scrutais, complètement éberlué. Récupérant la raison, tu plaquais tes mains contre la vitre, l’appelant pour la première fois de ta vie par son prénom. « Din ?! » Tu n’étais pas censé connaître son identité, mais il ne fallait pas en vouloir à Grogu : la chose lui avait échappé il y a fort longtemps déjà, lors de vos conversations méditatives. Par respect pour son credo, tu avais toujours tenu à ne jamais le dévoiler. Les circonstances étaient particulières. Tu ne pouvais pas être autant dans le contrôle que d’habitude. « Qu’est-ce que vous faites ici ?! On est où ?! » Ton premier réflexe fut de chercher s’il était blessé ou non juste en l’observant. Il paraissait tout aussi engourdi et perdu que toi. Tu eus d’ailleurs le même automatisme que lui en donnant de grands coups contre la vitre pour trouver une faille. En vain. Tu voyais mal. Tu lançais : « Din, vous allez… ? » Pas le temps d’en dire davantage. Une voix légèrement déformée par un casque t’interpelait. Tu la reconnaitrais entre mille. « Skywalker. »  Kylo Ren te toisait de toute sa hauteur.

Brusquement, tu te tournais brusquement vers lui. Proie face au prédateur, tu tentais de te faire encore plus petit que tu ne l’étais en te rassemblant dans un coin du mur. Difficile de contenir ton anxiété quand ton regard azuré te trahissait. Tu étais comme ce lapin pris dans les phares d’une voiture, apeuré. Comment être assuré quand ton ennemi avait son sabre dégainé ? Tu dois payer tes crimes Luke. La voilà la main de Dieu, la Justice céleste dont tu avais réussi à t’échapper pendant six ans. Six longues années où tu infligeas ton cruel silence à Din à cause de cet exil si soudain. Et les dieux ne pouvaient plus attendre, tu les avais trop blasphémés. Némésis, cruelle et aveugle, abattit sans aucune hésitation son courroux — Kylo Ren fondait sur toi, vif et rapide comme un rapace qui se jetait sur sa proie. Une roulade sur le côté te permit de l’esquiver. Tu contrattaquais en tendant immédiatement ta main vers lui avec pour souhait celui de l’étrangler. Incapable de contrôler ta peur, tu tombais dans les mêmes travers que ton père. Le geste fut naturel, se présentant à toi comme l’unique solution à ton problème. Tu en avais honte, mais pas plus que cela. Ren avait senti ton trouble, il allait en tirer un avantage, et la Force obscure ne semblait avoir eu aucun effet sur lui. Il avait tout de suite contrecarré ton attaque en te soulevant à plusieurs centimètres du sol sans hésiter à t’étrangler à l’aide de la Force. Tes pieds pendaient dans le vide. « Vous n’apprenez donc pas de vos erreurs, Maître. » Il appuyait son ironie en modulant le ton de sa voix quand il mentionnait ton titre. De ton côté, tu te débattais comme un beau diable contre ce démon invisible et vengeur qui comprimait ta gorge. Tes yeux injectés de sang, plein de désespoir, se tournaient vers Din, seule note d’espoir dans ce chaos. « Pardon… » semblaient-ils lui murmurer. Tant de choses à lui dire et c’est la seule parole qui transpirait… Manquant d’air, ta tête tournait. Aucun crime ne peut rester impuni. La Voix suspendue du suppôt jouissait de ce qu’elle voyait et prenait un plus grand plaisir encore en te rappelant l’assassin en devenir que tu es. Tes os craquaient sous la griffe du Sith. Tu toussais maladroitement. Ta vue se brouillait. Pourtant, tu remarquais un détail pendant que tu profitais de tes probables derniers instants pour contempler Din et imprimer son image sur ta rétine. Le vacillement de l’ampoule dénudée permettait de faire scintiller le métal de ton sabre, caché dans l’ombre du côté de la vitre où se trouvait le Mandalorien. La voilà ta porte de sortie, Skywalker. Tu voulais tendre le bras pour lui montrer, mais trop tard. Kylo Ren, assez galvanisé par le mal qu’il t’infligeait, te rejetait avec violence contre la vitre comme si tu n’étais qu’un vulgaire déchet. Tu t’éclatais contre le sol dans un bruit sourd — fort probable que ce soit tes os qui se brisent — geignant de douleur. Du sang coulait le long de ta nuque à cause d’une plaie qui s’était ouverte sur ton crâne. Tu rampais pour fuir ton ennemi et pour tenter vainement de te relever. « Din…Le sab… » Tu toussais à cause de cet air que tu peinais à retrouver. Tu pointais discrètement ton doigt dans le vague pour espérer que le Mandalorien remarque cette pathétique tentative pour attirer son attention. Néanmoins, Ren l’accaparait en lui adressant la parole éclipsant totalement ta présence. « Saviez-vous que vous êtes loin d’être le premier qu’il essaie de tuer ? Moi, puis vous. Il n’est pas aussi vertueux qu’il le prétend. Il rejette cette part de lui, violente, sanguinaire, alors qu’il a ça dans le sang. Mon grand-père est à l’origine de cette bénédiction ou perversion selon le point de vue. » Rictus bref dissimuler sous le casque. Tu tentais une nouvellement fois de te relever. En vain. Cette fois-ci, la panique était à l’origine de cette paralysie. Tu étais terrorisé à l’idée que Din apprenne que tu n’étais rien d’autre que le fils de Dark Vador — toi qui avais fait tant d’effort pour préserver ton image et pour rester du bon côté de la barrière toute ta vie. « TAIS-TOI ! » criais-tu avec cette voix peu naturelle qui ressemblait presque à un grognement, car déformée par la haine et la colère. Kylo Ren te faisait alors face. « Pourquoi ? Vous préférez donc montrer au Mandalorien que vous excellez dans l’art du mensonge et de la cachoterie. Alors qu’il serait si simple de lui dire que vous êtes le fils de — TAIS-TOI ! »  Tu tentais de le faire taire en te servant de la Force contre lui. Tu restais impuissant face au Chevalier qui te rendait chaque coup, plus violent que jamais, sacrifiant ton corps de la plus horrible des manières. La situation te laissait incrédule : la Force t’avait-elle abandonné pour que tu sois incapable de te défendre ? Même contre Dark Vador, le combat fut moins ardu. Les murs ainsi que ta robe immaculée se retrouvaient tâchés de ton sang et imprégnés de tes cris. La pièce prenait doucement des allures de salle de torture de ton côté de la vitre. Un vrai massacre. Le chaos. Et alors que la Mort vorace t’attirait lentement vers elle, tu ne pensais qu’à une seule chose : à Din et à la terreur que tu ressentais rien qu’à l’idée qu’il sache qui était réellement ton père. Il aurait pu s’en foutre comme à son habitude, si Dark Vador n’avait pas été à l’origine des traumatismes de Grogu. Dès qu’il le saurait, tu savais que jamais il ne pourrait passer outre. Et tu le perdrais. Inévitablement. La barbarie de Kylo Ren n’était que douceur face à ton cœur qui implosait en t’imaginant définitivement sans lui. Voilà pourquoi tu t’étais refusé d’aimer jusqu’ici : tu savais que ça te rendrait dingue, comme ton père l’avait été face à l’inévitable, si jamais tu perdais le Mandalorien. Tout, mais pas ça, par pitié.

« Cessez de résister. » L’homme qui avait dévoré ton neveu te regardait à travers son masque comme si tu n’étais qu’immondice. Il ne ressentait ni pitié ni compassion à ton égard en te voyant te tordre de douleur et peiner à te relever. « Laisse Din… en dehors de… cette histoire… » Au tour du sang qui s’agglutinait dans ta gorge de t’étouffer. Tu toussais, vomissais pour l’évacuer, mais il restait là. Comme un parasite. Comme un prolongement de l’arme létale qu’était Kylo Ren. « Laisse-le… » Ton attitude intriguait le Sith. Tu étais quelqu’un de dur, secret, mystérieux. Pas le genre à s’épancher. Et voilà que tu lâchais un peu de lest en tentant de lui arracher une larme. Pathétique. « En quoi son sort vous importe-t-il ? » Silence. Avec les maigres forces qu’il te restait, tu l’affrontais du regard. Regarde-le, Kylo Ren est plus puissant et plus fort que toi. Tu ne pouvais pas donner tort à la Voix fantomatique pour le coup. Et c’était cela qui t’avait toujours le plus effrayé chez lui — sa puissance qui supplantait la tienne et celle de ton père. Et tu le connaissais assez pour savoir qu’il ne te lâcherait pas maintenant qu’il tenait quelque chose pour te faire craquer. Ta mort physique n’était pas la seule chose qui l’importait : il voulait aussi le trépas de ton âme pour qu’elle ne vogue dans aucun plan, qu’elle ne soit propice à aucune réincarnation. Il voulait que le nom de Luke Skywalker évoque le néant, un murmure que tout le monde oubliera. Il souhaitait ton anéantissement pur et dur et il arriverait à te soutirer ce qu’il souhaitait pour mieux te détruire. « Bien, vous ne me laissez donc pas le choix. » Kylo rappelle la lame de son sabre. Tremblant, faible, le sang se déversant sur ton visage à cause de tes diverses plaies, tu l’observais te contourner avec terreur avant qu’il ne disparaisse dans cette partie de la pièce complètement plongée dans les ténèbres. Tu sentais la mort. Elle puait, infestait le peu d’air que tu avais d’une odeur innommable et indigeste. Celle qu’on offrait au mortel n’était pas aussi douce que celle promise aux Jedi. Elle était bien plus crue, chirurgicale et violente. Pas de différence entre les bons et les mauvais dans cette mort-là. Pas de Paradis ni d’Enfer, juste le néant éternel. Tu dois payer tes crimes Luke. C’était le moment. Tu eus le temps de te mettre sur le ventre et de crier : « DIN ! LE SABRE ! DERRIÈRE TOI ! » avant que Kylo ne t’attire à lui dans son coin ténébreux. Une épaisse trainée de sang ocre te suivait. L’ampoule dénudée ne bougeait plus. Silence total. De mort. Plusieurs longues secondes s’écoulaient. Un hurlement effroyable émanant du supplicié fendait l’obscurité.

Tes hurlements de douleurs prirent forme de Marche Funèbre. L’horreur s’ancrait dans les murs quand l’écho de ta voix s’incrustait dans ce médium de pierre. Tu aurais mille fois préféré te retrouver bloquer dans une boucle temporelle dans laquelle Dark Vador te coupe la main à l’infini sur Bespin ou Sidious, son maître, t’attaque de ses éclairs obscurs plutôt que de subir cette torture mentale d’une cruauté innommable. Ren forait ton crâne et ton cerveau à la perceuse, c’est la sensation que tu avais quand il usait des pouvoirs obscurs sur toi. Il creusait à la recherche du moindre souvenir ou indice qu’il pourrait retourner contre toi pour te détruire. Plus tu luttais, plus son sadisme empirait. Tu avais tellement mal que tu parvenais même plus à crier ta souffrance. Tes doigts raclaient contre le sol froid et bétonné. Ta peau s’ouvrait par endroit sans que tu sentes quoi que ce soit — cette douleur n’était que caresse subtile comparée à la torture que tu recevais. Tu tendais de te raccrocher à quelque chose pour ramper et t’échapper, mais le ciel était contre toi aujourd’hui. Kylo Ren est plus puissant et plus fort que toi. Kylo Ren est plus puissant et plus fort que toi. Kylo Ren est plus puissant et plus fort que toi. « Ça suffit… ! » soufflais-tu avec peine, étouffé par ton propre sang. D’aucuns ne pouvaient savoir si tu adressais ces supplications pathétiques au chevalier ou à la voix qui n’ajoutait que plus de tourments dans ta tête. Peut-être ton corps te lâchait-il, mais ton mental restait fort face à cette foreuse qui tentait par bien des moyens de le détruire. Elle se trouvait actuellement dans les tréfonds de ta cervelle, non loin de tes trésors mémoriels les mieux gardés. Kylo Ren s’énervait en constatant qu’aucune de tes barrières mentales ne sautait malgré toute la barbarie dont il usait. Sa voix, encore plus effrayante à cause de son casque qui la modifiait en accentuant les tons graves de son timbre, était remplie de rage et de haine « Cessez donc de vous dresser contre moi et embrasser votre vraie nature ! Donnez-moi ce que je veux et la mort sera plus douce pour vous. DONNEZ LE-MOI ! » Mensonge. L’apôtre des Sith ne cherchait qu’à engendrer plus de douleur en toi, car à affres puissantes, seigneur sith omnipotent émergera des cendres du Jedi légendaire que tu fus. Luke Skywalker devait mourir pour laisser place à son jumeau mortifère qui tentais de conquérir toujours plus de territoire en toi pendant que Ren déchargeait sa violence extrême sur toi. Foreuse mentale devenait tronçonneuse et lacérait ton cerveau avec une telle barbarie qu’on se demandait comment tu arrivais à tenir. Hurlements d’outre-tombe, déformés par la torture que tu subissais depuis de longues minutes et qui faisaient froid dans le dos, fendaient à nouveau l’air avec une violence telle qu’il était impossible de la décrire. Ton cerveau subissait une telle pression que plusieurs de tes vaisseaux éclataient, teintant tes yeux bleus d’un rouge lugubre. Ceux de ton nez n’étaient pas non plus épargnés. Tout ton corps disjonctait. Kylo Ren était à deux doigts d’accéder à tes rêves fantasmés parmi lesquels tu révélais entre autres tes sentiments au Mandalorien ou alors ceux où tu songeais au baiser que tu lui donnerais un jour… Et un millier d’autres, plus intimes encore sans qu’ils soient d’ordre sexuel, peuplaient ce coffre-fort secret. Tu te servais de tes dernières forces pour qu’il n’accède pas à ce jardin si privé et dieu merci Din te sauva des abysses de la Mort en se servant avec bravoure et courage de ton sabre contre le diable qui prétendait être ton neveu.

Kylo Ren est plus puissant et plus fort que toi ! Kylo Ren est plus puissant et plus fort que toi ! La voix ricanait. Elle agissait comme un marteau piqueur sur le peu de cerveau qui te restait. Plus fort que toi, le Maître Jedi. Plus fort que le Mandalorien. Plus fort que vous deux réunis. Le combat perdu d’avance entre Din et Ren résonnait à ton oreille comme un bruit de fond. Tu étais à bout de force, incapable de reprendre ta respiration alors que tu geignais de douleur, lessivé par cette séance de torture barbare. Tu te trainais avec lenteur au sol pour t’échapper. Ton voyage était souvent interrompu par des acouphènes terribles qui te paralysaient. Tu plissais les yeux pour t’en débarrasser, mais tes tortionnaires persistaient. Kylo Ren est plus puissant et plus fort que toi ! Choqué, ton corps vomissait des rivières de sang opaque, tout droit sorti de tes entrailles comme si le démon en toi voulait évacuer ton âme. Luke Skywalker doit mourir pour laisser l’héritier de Dark Vador se lever. Cette pièce-là, c’était ton Mustafar à toi. Tes côtes cassées sur ton flanc gauche te lançaient douloureusement. Tu stagnais, tu t’énervais. Tu n’avais même pas réussi à parcourir un mètre — bien pathétiques furent tes quelques centimètres de fuite parcourus. Tu t’allongeais sur le dos. C’est la seule chose que tu arrivas à faire avant de t’évanouir ; unique moyen de survie que ton corps avait trouvé pour t’éloigner de ces souffrances insupportables. Tu n’entendras même pas la fin du duel entre celui que tu aimais et Ren, ni quand il choira au sol.

Quand tu te réveillais difficilement quelques minutes plus tard, tu constatais en premier lieu la tentative compliquée de Din pour te rejoindre ainsi que ton sabre qui trônait à tes pieds. Mais tu remarquais aussi dans ses yeux l’éclat rouge de celui de Ren. Tu eus juste le temps d’appeler ton sabre avec la Force et de le dégainer dans ta position allongée pour contrer le coup de lame du Seigneur qui te surplombait. Tu aggravais tes blessures, mais tu arrivais enfin à contrer à ton faible niveau ton adversaire. Quand le sabre n’était plus suffisant, tu l’envoyais avec perte et fracas dans le décor à l’aide de la Force, usant d’une brutalité qui t’était jusqu’alors inconnue, la paume tendue vers lui. Étrange chose qui se passait ici : tu avais bien entendu Ren se fracasser contre le mur, et pourtant, plus aucune trace de lui dans la pièce. Comme si Elle l’avait fait exprès. Comme si Elle en avait eu assez de jouer avec Din et toi. Tu ne saurais dire combien de temps s’était écoulé depuis que vous étiez là. C’était le cadet de tes soucis, tu n’arrivais plus à réfléchir. Tu étais arrivé au bout. Tu laissais tes bras blessés retomber lourdement au sol, regardant, hagard, le plafond faiblement éclairé par cette ampoule intacte malgré les brutalités échangées depuis une éternité dans ce lieu morbide.

[MUSIQUE]

Tu te sentais partir. Tu ne pouvais pas le nier, ni même l’éviter, car tu ressentais la même sérénité que celle vécue en tailleurs sur ton rocher sur Ahch-To lors de ton sacrifice. Au pied du mur, tu te résignais. En voyant Din s’approcher péniblement de toi, en laissant ce flot d’émotions t’envahir à la vue de ton soupirant dans un état presque aussi pitoyable que le tien, tu concédais à ouvrir ta boite à secrets. Au moins une fois. Pour lui. Tu voulais qu’il sache. Qu’il ait un aperçu de ce Luke qui se cachait derrière le Jedi. Affaibli par son combat avec Kylo Ren, mais pas encore défait, il se trouvait là, penché au-dessus de toi. Tu le voyais parler, mais seul le silence habitait tes tympans. Ce monde où le bruit était absent ou étouffé pouvait être effrayant, mais pas pour toi. Tu étais trop occupé à imprimer cette image de lui dans ton esprit encore en ruines. Tu te concentrais sur tes dires futurs, sur les mots que tu choisirais pour t’exprimer. Tu avais peur au bord de cette falaise — tu n’avais plus le choix, Luke. Tu dois te jeter dans le vide. Tu prenais le temps, cependant, comme Ren semblait s’être évaporé pour le moment après l’unique coup que tu lui avais asséné. Le visage de Din, si fermé et stoïque d’habitude, fut frappé d’un air inquiet alors que toi, tu souriais. La douceur de ton rictus contrastait nettement avec les vestiges de violences disséminés sur visage — il était bardé de trainées de sang pourpre, noyé sous des plaies trop nombreuses pour être comptées. Et pourtant, tu gardais cet angélisme, cette délicatesse propre à ta jeunesse dans tes traits. Ta respiration était cahoteuse à cause de tes côtes qui te malmenaient, et malgré tout, tu paraissais apaisé en admirant les traits de celui que tu aimais.

Au bord du gouffre qui t’appelait, aucun mot ne sortait. Pas encore. Tu voulais profiter un peu chérir chacune de ces secondes d’accalmie offertes par ce silence éloquent qu’il y avait entre vous pour le scruter à la limite de l’admiration et pour le rassurer grâce à cette sérénité qui voilait tes yeux. Tu dois payer tes crimes Luke. Tu acceptais ce sort. Les choses étaient ainsi. Tu ne te plaignais plus de cette voix qui répétait en boucle les mêmes horreurs depuis tout à l’heure, non. Tu arrivais même à les ignorer, trop happé par Din toujours penché au-dessus de toi, incapable de te lever. Ça te convenait. Tu pouvais ainsi hisser — lentement, mais sûrement — l’un de tes bras endoloris pour tendre la main vers son visage. Bien que timide, bien qu’animé par cette peur du rejet, tu osais tendre ton index pour caresser avec subtilité et curiosité sa joue. Douleur fut remplacée par Félicité quand ta peau rentrait en contact avec la sienne pour la toute première fois de vos existences mutuelles. Les frissons trahissaient ta vive émotion en recouvrant chaque parcelle de ton épiderme — douce violence qui égaillait d’amour ton corps meurtri. Quand la confiance repeuplait ton âme, le restant de tes doigts se joignait à ton index pour couvrir ainsi sa joue d’une caresse à l’aide du revers de ta main. Au bord de la mort, prêt à succomber à ses blessures, tout ton être se réanimait grâce à chaleur que tu lui apportais. Combien de fois avais-tu rêvé de cet instant, même si tu aurais aimé le vivre dans un environnement moins funeste ? Tu aurais adoré qu’il se tienne sur Naboo, dans la sublime et paisible Contrée des Lacs qui avait accueilli les premières amours de tes parents. Plus tes caresses s’avançaient sur sa peau, plus tu étais prêt. Pas à mourir, mais à lui dire ce que tu taisais depuis toujours. Tu avais l’impression d’avoir ton cœur coincé dans la gorge tant il battait, mais il ne freinait en rien ton initiative.

« Je t’aime. »
Le temps se suspendait. Tu en oubliais l’environnement pour t’enfermer dans cette bulle avec lui. Tu oubliais ta condition lamentable pour profiter de ces instants précieux. Tu aurais pu lui faire un long discours, exposer les raisons qui te poussaient à éprouver un tel sentiment à son égard, dérouler mille et un mots plus beaux que les précédents pour exprimer la profondeur de cet amour et expliquer depuis combien de temps tu l’éprouvais. Tu aurais pu t’étaler pendant de longues minutes sur les motifs à l’origine de ce silence pendant des années, mais pour une fois, tu préférais l’économie des mots et la sobriété que Din chérissait tant à ton talent oratoire typique des Jedi. Tu pleurais. En silence, sans aucun trémolo dans ta voix ou sur tes lèvres. Seul le sang qui dévalait tes joues révéla l’existence de ces larmes pleines de regrets. Tu t’en voulais d’avoir mis tes principes Jedi au-dessus de lui, de l’avoir fait passer après et d’avoir perdu tant de temps pour des broutilles. À ce stade, tu t’en fichais de savoir si cet amour était réciproque ou non. Tu réalisais juste ton rêve d’une vie : essayer de lui dire. Et ton sourire éclatant, radieux au point de faire de l’ombre aux ténèbres, était toujours là, installé sur tes lèvres. Tu luttais pour que tes yeux ne se ferment point. Tu craignais le coma qui t’attendait en sachant ce qu’il y avait au bout. « Ne me laisse pas tout seul. S’il te plaît. » soufflais-tu péniblement et de façon peu inaudible à son adresse. Tu avais tant à lui dire. À rattraper. Tant d’amour à donner et d’excuses à faire. Ta main quittait sa joue pour aller quérir sa main que tu serrais, fébrile. La douleur était plus forte, tu n’arrivais plus à tenir. La lutte acharnée que tu menais contre ton corps se terminait sur tes yeux en train de se clore. Il y avait toujours un sursaut de combat avec ta risette gravée sur ce visage d’ange. Sans trop comprendre pourquoi, au crépuscule de ta vie, tu revis un souvenir qui te serrait le cœur d’un peu plus de bonheur malgré l’horreur : tu entendis le rire cristallin de Ben, enfant, ainsi que celui de Grogu qui lui courait après. Il riait lui aussi. « Regarde oncle Luke, le papillon s’est mis sur mon nez ! » Ben avait le sourire de Han. C’était une chose dont tu te souvenais très bien. Un sourire qui ne pouvait laisser personne de marbre. Un sourire qui avait toujours su attendrir l'être rigide que tu étais. C’était cette image de lui que tu voulais garder. Tu espérais que Din se souviendrait de ce Ben qu’il avait entraperçu au cours des années, plutôt que de ce monstre qui vous avait attaqués. Tu aurais aimé dire à Ben que lui aussi que tu l’aimais. Ta main se faisait plus molle dans celle de Din. Froide. Aucun crime ne peut rester impuni.

Mais pas de mort ici. Juste un saṃsāra éternel pour toutes les âmes vagabondes de ce monde. Kylo Ren avait tué Luke Skywalker aujourd’hui sans savoir quel être nouveau émergerait de ses cendres.

Les mots néroniens se turent en même temps que ta conscience. Le couple pernicieux que vous formiez s’envolait dans l’éther, dans l’impalpable. Enfin… C’est ce que tu crus.

Un coup. Puis un autre. Young Skywalker ! Une sensation mouillée accompagnait la douleur du troisième horien. La pluie ! Quoi… ? « Lève-toi. Attraper froid sinon tu vas. » Dernier coup. Si rigide que tu devinasses que c’était du bois. Ce bois. De cette canne. Quand tu ouvrais les yeux — enfin, avec difficulté — tu reconnaissais les marécages de Dagobah, l’humidité qui prenait à la gorge. La pluie s’évaporait instantanément à cause de la chaleur étouffante. Yoda ! Tu le remarquais qu’après t’être redressé. Il trainait difficilement son corps minuscule comparé au tien jusqu’à cette bâtisse informe qui fut sa demeure. Tu ne comprenais pas bien ce qu’il se passait. Tu étais léger, sans douleur — ni au corps ni au cœur. La boue avait remplacé le sang sur ta robe de Maître. Yoda, à sa porte, te rabrouait une énième fois pour te sommer de te dépêcher. Tu te levais enfin, et le retrouvais à l’intérieur, au sec. « Pourquoi suis-je ici, Maître ? Autant vous que moi… on est censé être mort. » Le vieux sage riait, dodelinant sa tête verte sûrement pour accentuer la pseudohilarité de tes propos. Tu fronçais les sourcils et au moment où tu t’apprêtais à exiger des explications de sa part, il recommençait avec sa canne. « Death! Une fin en soi, ce n’est pas. Tes propres leçons que je t’ai apprises, tu as oublié, Luke. » Vous n’étiez pas des êtres de chairs et de sang. Life creates the Force, makes it grow. Its energy surrounds us and binds us. Luminous beings are we, not this crude matter. Vous n’étiez qu’un rayonnement de la Force, une énergie transformée, vouée à être recyclée, changée. Les évènements survenus dans cette pièce sans âme n’avaient pas conduit à ta mort physique, mais juste servi à marquer la fin d’un cycle. Tu compris que tu étais dans un monde créé dans ta conscience, un moyen de te raccrocher à cette existence que tu étais en train de perdre par pur abandon, par facilité. « Je ne peux pas retourner là-bas, Maître. L’obscurité… elle m’appelle. Comme avec mon père. Je lutte. Mais je sens que je vais lâcher les rênes. » La créature semblait se désintéresser du plat qu’elle préparait. Elle s’approchait de toi, alors que tu t’étais assis en tailleur comme autrefois près de sa table. « Du côté obscur de la Force, tu ne sombreras pas, Luke. Ton père… irréfléchi, aveuglé, il fut. Répondre à des impulsions, il a. Prendre conscience de ses faiblesses… Trouver un équilibre dans la Force cela nous permet. Des erreurs, tu en as fait. En prendre conscience et les accepter, du côté lumineux tu pourras rester. Comme ton père, tu ne seras jamais. Une autre partie de toi, de ton sang, tu as oublié. » Padmé. Tu avais beau te comporter comme un effroyable rustre avec elle, tu lui ressemblais pourtant bien plus que tu ne le pensais. Cette combativité, ce côté réfléchi… mais aussi cette espérance sans failles, même dans les situations les plus critiques… c’est d’elle dont tu l’avais hérité. Elle rayonnait à travers toi, de bien des manières, et tu n’étais pas sans savoir que c’était cela qui t’avait sauvé pendant que tu subissais la séance de torture orchestrée par Palpatine. Parce que Dark Vador n’avait pas seulement vu son fils, le reliquat du Jedi qu’il fut, mais également la mémoire vive et étincelante de Padmé. Et c’est également cette partie d’elle, cet espoir sans failles et cette combativité qui devaient triompher. « Mais j’ai trahi tous les préceptes enseignés… En aimant le Mandalorien. Comme mon père avec ma mère. Je ne veux pas sombrer dans la folie et basculer tout comme lui. » Ton ancien maître se tournait vers toi. Il se remettait à rire. Tu fronçais les sourcils à nouveau, mais encore une fois, Yoda t’empêchait de parler en posant le bout de sa canne contre ton torse. « Aimer tu peux, mais contrôler ta peur de le perdre tu dois. Là est la limite, young Skywalker. Sinon de toi, la Force s’éloignera. » Il se reculait avec cette lenteur caractéristique de son espèce. Tu ne pouvais pas t’empêcher d’imaginer Grogu à sa place. Serait-il devenu un maître aussi avisé et sage que lui grâce à toi ? Avait-il au moins survécu à l’incendie… ? « Ton devoir de Jedi, tu dois accomplir malgré tout. Trouver un équilibre entre ta peur et ton amour, tu dois. Les rejeter… ! (Il te donne un coup, mais étrangement, tu sentais une certaine tendresse à ton égard à travers ce geste.) Tu ne dois pas, Luke. Sinon, te posséder, elle fera. D’un jeune homme, je me souviens, en proie aux mêmes tourments qu’aujourd’hui, s’en est allé pour sauver ses amis malgré tout sur Bespin. Mais plus expérimenté que lui, désormais tu es. » Cette fois-ci, son rire fut remplacé par un sourire fin, narquois. Comme il avait été rusé de sa part de te rappeler ô combien tu étais apeuré, dans l’urgence, quand tu avais appris qu’Han et Leia courraient un grand danger sur la planète nuageuse pendant que toi tu suivais les enseignements Jedi de ton maître. Pourtant, tu étais parti sans te poser de questions, incorporant ta peur à ta témérité, à ta vigueur et à l’amour que tu leur portais pour te battre. Être Jedi n’impliquait pas la perfection, mais l’acceptation de ce qu’on était autant du côté de ses forces que de ses faiblesses et c’est la seule chose que Din avait exigée de toi depuis tout ce temps — que tu arrêtes de prétendre et que tu acceptes cette part d’ombre que tout un chacun possède. « Il faut que j’y aille. » Et pour une fois, Yoda se taisait, montrant simplement du bout de sa canne, à travers sa fenêtre, ton X-Wing qui t’attendait, à la même place qu’il y a des années de cela avant ton départ pour Bespin. À bord du vaisseau, tu partis. Avec tes peurs, tes angoisses, mais avec l’espoir, l’envie de te battre. Pour toi, pour Ben, pour Grogu, pour Din.

Tu ne saurais expliquer ce qu’il vient de se passer (dans ta tête ? Ailleurs ? Dans un plan entre la vie et la mort ?) et pourtant, cette entrevue onirique avec ton ancien Maître avait redémarré la machine. Ou était-ce grâce au baiser de Din qui servit de sortilège de guérison comme dans tous les contes de fées naïfs que l’on comptait aux enfants ? Dans les faits, la réalité était bien plus froide, crue : l’île dans laquelle tous avaient été projetés depuis trois ans se plaisait à ressusciter les cadavres à les torturer encore et encore, sans fin. La torture du mirage de Ren était en réalité plus douce que cette preuve de sadisme perfide venant d’une entité que personne ne saurait qualifier ni identifier. Les douleurs revenaient peu à peu. Les paroles mortifères aussi. Or, tu ne sentais rien. Tu n’entendais rien. Tu étais comme… protégé par cette nouvelle chaleur qui t’inondait : les bras de Din. Tu n’avais jamais ressenti une telle plénitude. La véritable douleur, tu l’as connue quand tu percevais à travers la Force la profondeur de sa tristesse. : ta « mort » l’avait ravagé. Tu t’étais toujours interdit d’analyser ses émotions par ce biais, ayant l’impression de le trahir. En cet instant, ce sentiment s’était au contraire imposé à toi en te laissant en miette, faisant corps avec sa douleur. Tu pleurais en silence dans ton réveil. Quel dommage qu’il ait fallu que vous en arriviez là, à de telles extrémités, pour comprendre la portée de vos sentiments et à quel point vous teniez l’un à l’autre — les deux grands solitaires de toujours trouvaient enfin leur moitié. Une énergie difficile à appréhender quand on a passé toute sa vie à l’ignorer autant de son côté que du tien, parce que trop destructrice, trop intense, contraire à vos dogmes.

« Din. » Malgré la faiblesse de ta voix, encore en éveil, elle restait ferme. Ton devoir de Jedi, tu dois accomplir malgré tout. Tu devais retrouver de ta superbe, te montrer fort, pour toi. Pour lui. Faire abstraction de cet environnement délétère et de ta propre douleur. Un silence planait. D’une part pour lui laissait le temps d’encaisser le choc — tu venais de revenir d’entre les morts, merde ! — mais d’autre part pour arriver à te placer tel que tu le souhaitais dans ses bras en se servait de lui comme appui. Au vu de tes crispations faciales, on devinait l’effort pesant que tu étais en train d’accomplir. Tu en étais même essoufflé, le visage et les cheveux trempés de sueur à cause de cette lutte que tu menais depuis le début. Mais pour une fois devant lui, tu ne faiblissais pas. Sous aucun prétexte. « Je ne te laisse plus. Plus maintenant. » Tu te montrais sous un nouveau jour que seul Din avait eu le privilège de voir jusqu’ici. C’était bien plus que de la douceur ou de la complicité. On retrouvait dans ton regard cette balance entre j’ai terriblement peur de te perdre si je te dis tout, si on ne s’en sort pas et je t’aime bien trop pour laisser les choses pourrirent entre nous et pour ne pas nous sauver. Cette terreur viscérale qui te détruisait de l’intérieur était le moteur de cette volonté à te battre et non à sombrer. Tu avais mal interprété les choses depuis le début comme Yoda avait eu la délicatesse de te le souligner. Et c’est ce déterminisme sans faille que Din pouvait percevoir dans ton regard à nouveau possédé de sa couleur naturelle, plus étincelante encore.  Regarde-le, Kylo Ren est plus puissant et plus fort que toi. C’était faux. Si faux. Parce que tu étais indestructible depuis que tu avais la bonne personne à tes côtés — Din. Kylo Ren n’accéderait jamais à ce genre de pouvoir, trop égoïste, trop autocentré. Ta force, tu ne la puisais pas en toi ni dans tes dons si puissants dans ta famille, mais à travers ta fusion avec Din. « On va se sortir de là. Je te le jure. Sur ma vie. » Ton timbre était solennel, aussi déterminé que ton regard. Le revoilà le Général Skywalker inébranlable. Mais dans cette fermeté apparente, tu affichais également une certaine forme de tendresse. Dans ta mort, vous aviez enfin passé un cap non négligeable après tant d’années de silence. Tu n’en restais pas moins timide quand tu approchais à nouveau ta main de sa joue pour lui offrir cette fois-ci une caresse plus appuyée maintenant que tes forces ne te quittaient plus. Au moins, ce geste fébrile au départ eut le don de te galvaniser pour te jeter à corps perdu sur lui et l’embrasser sans dissimuler cet amour passionné que tu éprouvais à son endroit. Combien de fois en avais-tu rêvé ? Tu ne savais même plus tant l’envie avait été présente un nombre indéfinissable de fois. Et tu pouvais dire que la réalité était à la hauteur du fantasme cultivé pendant des années. Tu avais même bien du mal à le lâcher dans ce moment de libération. Seul ton manque de souffle te rappelait à l’ordre et te forçait à rendre la liberté au Mandalorien. L’amour avait dépassé la peur — les deux s’étaient nourris de l’un et de l’autre pour t’électriser. Tes plaies à vif et tes os brisés étaient toujours dans le même état, mais tu ne ressentais plus la douleur, les ignorant copieusement grâce à la force que Din t’avait redonnée. « On va sortir d’ici. Profitons de l’absence de Kylo Ren pour trouver une issue, une salle dans laquelle nous réfugier et réfléchir à un plan. » Tu étais faible, mais cela ne t’empêchait pas de ramper jusqu’à l’un des murs pendant que tu rappelais ton sabre à l’aide de la Force. Cette arme était réputée pour tout briser et fondre tout — sauf le précieux beskar de l’armure mandalorienne que Din portait jadis. Alors, c’est avec elle que tu allais tenter de percer un trou avec à travers le mur pour vous faire sortir — la salle était sûrement longée par un couloir, vous ne pouviez pas être au milieu de nulle part ! Tu déployais ton arme et la plantais dans le mur après avoir bataillé pour te lever. Tu geignais de douleur parce que tes muscles te lâchaient à cause de l’effort que tu leur demandais. Tes jambes ployaient, manquant de te faire tomber pendant que tu découpais une partie de cercle avec ton sabre dans le béton. « Din …! Aide-moi… ! » suppliais-tu à bout de souffle tandis que tu te retrouvais à genoux. Ton corps ne te soutenait plus malgré ton mental d’acier. Des plaies éparses s’étaient davantage ouvertes, accentuant cette souffrance physique. Mais, le changement en toi était nettement visible : jamais auparavant tu n’aurais demandé de l’aide. Tu laissais enfin ta fierté futile de côté. Tu avais enfin compris que tu ne pourrais réussir qu’avec Din et seulement lui.