Perdue dans un ranch (Malon)

Ça avait été un matin comme les autres aujourd'hui. Malon s'était levée, elle avait sorti les chevaux dans la plaine, trait les vaches et envoyé en livraison le lait aux habitués, par l'intermédiaire du même laitier qui venait les chercher tous les jours et payer en gros. Elle avait mis le reste de côté pour le vendre au marché quant elle en aurait suffisamment. Une fois toutes les tâches de la ferme effectuées, la rouquine avait pu se reposer avec les chevaux en chantant dans la plaine. Elle adorait passer tout son temps libre dans la plaine des chevaux, à les regarder courir et à les cajoler. Elle ne voyait pas pourquoi elle se priverait de ce plaisir en sachant que tout ce qui devait être fait l'était.

Elle repassait dans la journée à l'intérieur pour manger et pour les tâches courantes de la journée. Mais dès qu'elle le pouvait, elle allait se promener où elle s'installait avec les chevaux, parfois avec un bon livre et parfois seulement en leur compagnie. Ce soir-là, quand elle ramena les chevaux à leur box, elle ressentit donc cette sensation de plénitude qu'elle avait en ayant passé la journée à prendre soin des animaux et à passer du temps agréablement avec eux. C'est alors qu'elle aperçut cette femme dont on aurait dit qu'elle n'avait aucune place dans un tel endroit. Rien que sa vision troubla fortement Malon qui avait l'impression de voir devant elle une personne avec un charisme naturel difficilement descriptible.

Elle resta un instant muette à la regarder avant de se rendre compte que son trouble la faisait attendre et qu’elle était donc en dessous de toute politesse la plus élémentaire. Il était probable que la femme ne pouvait même pas l'apercevoir avec l'obscurité que ce coin du ranch possédait et elle devait se demander si quelqu'un allait enfin daigner lui répondre. La jeune femme s'avançait donc timidement, son saut de nourriture pour les chevaux vide à la main. Plus elle s'approchait, plus elle avait le sentiment d'avoir devant elle une personne d'une prestance inhabituelle. Il ne faisait aucun doute que Malon et elle n'étaient pas du même monde.

« Bonjour », dit-elle en s’efforçant d'être la plus douce et la moins campagnarde possible. « Est-ce que je peux vous aider ? »

Malon ne pouvait pas dire qu'elle n'avait jamais reçu de personnes riches dans ce ranch. Certaines personnes possédaient un cheval mais n'avaient pas forcément un endroit pour le garder et s'en occuper et elles louaient un box à la petite rousse. Certains venaient régulièrement s'occuper eux-mêmes de nourrir et de panser leurs chevaux. D'autres préféraient la laisser faire et ne venir que pour le monter. Cela diminuait le lien de confiance et rendait les choses plus difficiles pour eux, mais la demoiselle ne se posait pas de questions et se contentait de faire ce qu'on lui demandait. Après tout, chacun faisait comme il en avait envie.

Mais il était évident que cette femme n'était pas là pour les chevaux. Rien qu’à la voir, la jeune fille constata qu'elle détonnait dans le paysage. Non pas qu'elle trouva désagréable de l'avoir devant elle, elle était vraiment belle et toute l'assurance qu'elle dégageait impressionnait la jeune demoiselle. Elle avait la certitude que cette femme obtenait ce qu'elle voulait sans même sourciller du regard. Pour ce qui concernait la jeune palefrenière, c'était encore différent. Elle avait toujours eu à cœur de rendre service et il était évident qu’elle allait lui venir en aide. Il n'était pas difficile d'obtenir quelque chose d'aussi simple de Malon.

« Oh mais bien sûr, par ici s'il vous plaît. Ce n'est pas très loin. Faites attention, cela dit. Il ne faudrait pas que vous tâchiez votre beau manteau. »

Malheureusement, dans un endroit comme celui-là, il était extrêmement facile de se tâcher ou de s'abîmer quelque chose. Malon avait elle-même repriser tant d'accrocs à la main qu'elle ne les comptait même plus. Mais il serait triste qu'il arrive un sort à ce joli manteau qui devait être bien précieux pour la jeune femme qui le portait. Elle devait être vraiment quelqu'un de très important pour avoir cette prestance et cette allure et il n'était pas question que la jeune fille fasse quoi que ce soit pour lui causer le moindre problème. Au contraire, elle ne voulait que l'aider à sortir de sa situation. Elle pénétra dans la pièce principale de vie, qui était décorée avec beaucoup de goût et beaucoup plus jolie que le sol boueux de l'extérieur.

« Le téléphone est par ici. Prenez votre temps. Je serai dehors si vous avez besoin de moi. »