Thomas Bruce était juché sur les toits. A son habitude. Il observait la nuit. Il l’observait elle. Celle qui avait causé sa perte, sa dernière défaite. Elle n’avait pas été seule dans le coup. Toute la bat famille s’y était mis, sur son dos, littéralement. Il s’était relevé péniblement de cet échec pour voir qu’il ne restait plus rien de ses plans, que l’amère défaite. Seul. Terriblement seul. En laissant Poison Ivy mourir, il avait perdu sa dernière alliée. Il s’en voulait un peu à dire vrai. Ivy n’avait jamais réellement compris ce qui le motivait, pas plus qu’elle n’avait compris leur force, à ceux qui vivaient dans l’ombre, dans les regrets et l’amertume. Sur le moment, il lui en avait voulu de l’abandonner elle aussi, de le trahir, il avait l’impression de revivre la trahison de son meilleur ami d’enfance, Bruce Wayne. C’est pour cela qu’il avait mal réagit. Et à présent il s’en voulait.

Mais tout avait changé, lorsque la lune rouge était apparue. C’était comme une seconde chance et Thomas Bruce comptait bien la saisir. Ici, il pouvait se redéfinir. Tant d’univers se retrouvaient mêlés, on pouvait croisé trois fois la même tête. Et ne pas retrouver son époux ou son voisin. Il avait pu constater du phénomène, il l’avait étudié longuement avant de décider d’en profiter pleinement. Personne ici ne savait qui il était. Il n’était même pas certain que la bat famille de son univers soit ici. En tout cas, il ne l’avait pas encore croisé. Alors, profitant du chaos, il s’était bâti une nouvelle identité dont il possédait déjà les traits suite à ses derniers efforts. A présent, il était connu comme Bruce Wayne et la nuit, il enfilait le costume de Batman. Il s’était même prit au jeu en capturant des criminels. Il y avait un plaisir assez sadique dans le fait de saucissonner des gens et de les suspendre aux lampadaires devant le commissariat. Ok il avait fait ça qu’une seule fois, les autres, il avait été moins spectaculaire.

N’empêche, il aimait ça. Il se sentait vraiment être lui, être Bruce, Batman. Il se sentait assez confiant pour l’approcher elle. Son plan était simple, l’étudier sous toutes les coutures, raison pour laquelle il la suivait et l’observait durant des jours, devenus des semaines. Il l’approcherait ensuite, une fois qu’il saurait exactement comment se venger. Mais voilà, plongé dans ses pensées et ses projections, il la perdit de vue. Il s’avança, luttant contre la pluie qui s’insinuait dans ses yeux, mais ne la vit pas plus dans la rue en bas. Où se trouvait-elle à présent ? Il sentit soudainement une présence, des doigts tapotant son épaule ou des griffes ? Il se tourna, le coeur ratant un battement. Elle était là. Superbe. Toujours aussi belle. La première fois qu’il l’avait vu, il avait été immédiatement jaloux. Bruce avait cette fille à ses pieds et pourtant, il la laissait encore et encore lui échapper. Alors il avait décidé de lui voler son coeur. Sur le moment ça avait parut aussi romantique que dingue. A présent, il en restait stupéfait, laissant passer de précieuses secondes. « Selina, tu… tu m’as surpris. » tenta-t-il de se rattraper.

Le vrai Bruce ne se serait jamais fait bêtement surprendre de la sorte ! Tu n’es qu’un idiot mon fils ! La détestable voix de sa mère résonnait encore à ses oreilles.

« Tu es en vie… » ajouta-t-il, presque aussitôt, dans un réflexe idiot. Elle va penser qu’elle est morte dans ton monde, imbécile ! Et si ensuite elle croise l’autre Sélina ? Hein ? Non, il refusait de songer à cette option. Il y avait bien trop d’univers se fracassant ici, de personnages assez hétéroclite. Il avait croisé des vampires, des loup-garous et même des Aliens. Autant dire qu’il était virtuellement improbable qu’elles se croisent et de toute façon, jamais elle ne pourrait savoir qui il est vraiment. Il le savait, il avait tout prévu. Dans ses prunelles bleutées une lueur d’intelligence brilla alors que ses neurones fonctionnaient à tout allure. Le plaisir de savoir que son plan aboutira, que Sélina lui tombera toute crue dans les bras, qu’il la ravira à Bruce. Que racontait-il, il était Bruce, il lui prendrait tout, la femme qu’il était trop idiot pour reconnaitre qu’il l’aimait, sa vie, son combat et même sa famille s’il le pouvait. En attendant… « J’ai cru t’avoir perdu. » ajouta-t-il.

Ne pas en faire trop, elle pourrait comprendre, qu’il n’est pas Bruce. Jamais l’andouille serait aussi romantique. Il devait se souvenir qui il était devenu, un homme persuadé d’avoir un coeur si froid et si noir qu’il n’existait aucun espoir de bonheur dans son existence, que la seule manière d’exister et de subsister était de s’habiller de noir et de voler en toit en toit pour faire la morale à tout ce qui bouge. Il attrapa son poignet. « Tu n’es pas ma Selina mais tu lui ressembles trop pour ne pas avoir les mêmes vilaines habitudes. » Mais lorsqu’il la force à ouvrir sa patte griffue, il n’y a rien dans le gant de velours. Pas de diamants, pas d’argent, rien du tout. Il la connait trop bien, surtout, il l’a suivi durant cette nuit, il sait qu’elle est sortie inextremis d’un immeuble, toutes alarmes hurlantes, et qu’elle a délivré la moitié de son butin à quelqu’un. « Donne-moi ce que tu as pris, j’irais le rendre. » proposa-t-il, en bon gentleman.

Bruce ne se montrerait jamais aussi doux avec une fille de ce genre. C’est pas quelqu’un pour toi, ni pour Brucy. La voix de sa mère continuait à lui caser les oreilles, des années après sa mort, dont il avait été le chef d’orchestre. Il chassa d’un clignement d’oeil cette voix pour se concentrer sur le présent, sur ce visage diablement séduisant, sur ces yeux de velours, et ce sourire malicieux.