Les amis de mes amis... [Edwin]

Les amis de mes amis...

feat. Edwin

La curiosité d’Eurydice la perdra probablement un jour. C’est ce qu’elle ne peut que se répéter tandis qu’elle pénètre d’un pas curieux mais néanmoins volontaire la bibliothèque dans laquelle Héraclès lui avait appris que ce jeune homme bien mystérieux qui, semble-t-il, a conquis son cœur, travaille. Peut-être devrait-elle se mêler de ses propres affaires plutôt que de fourrer constamment son nez dans celles des autres – elle s’était déjà fait cette même réflexion quand elle était allée épier Aleksander pour le compte d’Alina… Mais c’est plus fort qu’elle… Et puis, cela part d’une bonne intention. Eurydice se soucie très sincèrement du bonheur de ses amis, il lui semble par conséquent tout naturel de leur donner un coup de pouce à sa petite échelle, si elle le peut… car elle a bien compris que si Héraclès ne comptait que sur lui-même, il se pourrait fort qu’il piétine encore un petit moment…

Pour bien des raisons, Eurydice estime important de rencontrer Edwin. Pour commencer : elle est très curieuse de savoir à quoi peut ressembler celui qui fait briller des étoiles dans les yeux de son ami. Héraclès est un coureur, Eurydice le sait, elle lui a connu de nombreuses conquêtes, mais aucune qui importe réellement… Alors qu’avec Edwin… Il est évident que les choses sont très différentes en ce qui le concerne. Elle ne l’avait jamais vu se comporter de la sorte concernant qui que ce soit d’autre… Elle estime donc qu’il est de son devoir, en tant qu’amie bien trop impliquée (c’est rien de le dire), de sonder le terrain et aussi, dans le même temps, de déterminer si ce jeune homme peut bel et bien être à la hauteur de son ami… Car oui, ce n’est clairement pas à n’importe qui qu’elle laisserait le soin et l’opportunité de prendre soin du cœur d’Héraclès… ou au contraire de le briser.

Arpentant la bibliothèque de l’université Miskatonic, où elle met les pieds pour la toute première fois, elle le recherche du regard – d’après Héraclès, il s’y trouve presque toujours. Elle se rappelle avec précision la description que son ami lui en avait fait, avant de lui montrer une photographie du fameux jeune homme : sexy et hors du temps, avait-il dit pour le décrire. Quand Eurydice le trouve enfin, son fameux chapeau sur la tête, elle reconnaît qu’Héraclès ne s’y était pas trompé : ces deux termes lui conviennent à la perfection. Maintenant, qu’elle l’a trouvé, reste à savoir de quelle façon l’aborder. A ce sujet, Eurydice a envisagé plusieurs possibilités, sans s’arrêter sur une en particulier. Elle pourrait jouer les ingénues, lui demander des informations et essayer de déterminer son caractère à partir des quelques infos qu’il pourrait bien lui lâcher… Ou bien elle peut tout simplement foncer dans le tas...

Il faut croire qu’Eurydice ne se sent pas d’humeur particulièrement subtile, aujourd’hui.

« Tu dois être Edwin, c’est bien ça ? » Elle n’attend pas vraiment de réponse de sa part, elle est sûre et certaine de ne pas se tromper. « Je m’appelle Eurydice, je suis une amie d’Héraclès. Et il m’a tellement parlé de toi que j’ai eu absolument aucun mal à te reconnaître. »

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feat. Edwin

A l’évidence, l’approche très frontale et très directe d’Eurydice a le don de déstabiliser son interlocuteur. Ce n’est pas ce que voulait la jeune femme, mais parfois, son tempérament frondeur prend le dessus sur le tact. Bon… elle peut encore se raccrocher aux branches qui lui restent. Elle n’a pas envie de créer de malaise, ni mettre d’épine dans le pied d’Heracles. Elle est ici pour l’aider, elle n’a pas la moindre envie de compliquer sa situation plus que nécessaire. Elle reste à l’affut de la moindre réaction de la part de son interlocuteur afin de trouver un moyen de réagir sur cette dernière et sauver un tant soit peu les meubles… ça n’a pas l’air gagné. Héracles déplorait de ne pas savoir ce que ce beau bibliothécaire pensait de lui… Eurydice commence à comprendre pourquoi, en vérité. Finalement, le jeune homme semble ne pas envisager que leur « ami » commun ait seulement parlé de lui dans le but de l’aider dans quelques recherches.

« Oh non, non, pas du tout », dit-elle alors, s’enfonçant sans doute davantage, par la même occasion.

Eurydice aurait pu jouer le jeu, faire mine d’avoir en effet des recherches à faire, et profiter du temps qu’il lui consacrerait pour tâter le terrain, mais à nouveau, il semble qu’elle soit partie pour adopter une méthode autrement moins élégante et autrement plus bourrine. Ce n’est pas très malin, certes, mais est-ce si surprenant ? Sans doute pas, non… Au point où elle en est, et puisqu’elle a amorcé les choses en mettant les deux pieds dans le plat… Autant aller jusqu’au bout, pas vrai ? Oui, tout à fait.

« Bon, je vais être honnête avec vous. »

Trop honnête, sans doute, et Héraclès le lui reprocherait peut-être une fois qu’elle lui aura fait le compte rendu détaillé de cette rencontre, mais tant pis, elle n’est plus vraiment à ça près, après tout. Oui, elle va être honnête… Ou aussi honnête qu’elle puisse être, en tout cas, car elle veut tout de même éviter de répéter certaines choses… Même si elle a de bonnes chances d’en dire déjà trop dans tous les cas.

« Quand Héraclès m’a parlé de vous il avait l’air tellement… » Elle cherche le mot juste. « Enthousiaste ? Heureux ? » Elle sourit. « Vous lui avez fait une très forte impression », ajoute-t-elle d’un ton qu’elle veut complice. « Je pense sincèrement que vous lui plaisez, et je voulais voir de mes propres yeux l’homme qui était parvenu à un tel exploit », se justifie-t-elle d’un ton agréable et léger.

Voilà, pour ce qui est d’être honnête, on peut le dire, elle a été on ne peut plus honnête…. Beaucoup trop, même. Mais elle ne le regrette certainement pas. Au moins, elle saura bien vite si l’intérêt d’Edwin est réciproque ou non. Et c’est le but de la manœuvre, pas vrai ?

« Ne lui répétez pas que je vous ai dit ça, s’il vous plaît », ajoute-t-elle sur le ton de l’excuse.

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Eurydice se mord l’intérieur de la joue. La réaction d’Edwin est rude, mais totalement compréhensible. A la place de ce bibliothécaire qui lui reste sympathique en dépit des circonstances, elle aussi se méfierait au regard des multiples conquêtes d’Heracles. Elle a beau apprécier son ami de tout son cœur, elle admet que ce dernier n’est pas forcément… le moins séducteur. Mais justement, parce qu’elle l’a souvent entendu parler de ses multiples conquêtes, elle est d’autant mieux placée pour savoir que cette fois est différente.

Quand Heracles lui parle d’Edwin, il ne le fait pas comme il le ferait pour la majorité des personnes qui auraient fait un passage express dans son lit… Il aime vraiment ce garçon, Eurydice en est convaincue, et puisqu’elle-même est une grande amoureuse de l’amour, elle veut favoriser cette relation, et l’encourager de toutes les manières possibles, quitte à oublier de rester à sa place comme elle le devrait peut-être. Alors oui, l’entrée en matière était peut-être un peu abrupte et maladroite, mais au moins, ça lui laisse une voie d’entrée pavée d’or, si l’on veut, car justement, puisqu’elle a été capable de voir que son ami n’était pas le même avec le libraire, elle devrait aussi réussir à en convaincre Edwin, pas vrai ? Ou pas, elle n’est pas forcément la personne la plus persuasive qui existe – même si Orpheus, qui a de longue date oublié toute objectivité, affirmerait sans doute autre chose.

« Vous n’êtes pas comme tous les autres », répond-t-elle alors de but en blanc. « Il n’a jamais parlé d’aucun d’eux comme il parle de vous. »

Edwin est spécial, mais daignera-t-il seulement l’admettre ou l’accepter ? Elle ignore de quelle façon abattre ses barrières. Il faut dire qu’elle ne sait pratiquement rien sur lui, en dehors de ce que son ami a bien voulu lui raconter. Elle navigue en territoire complètement inconnu, et ce n’est peut-être pas l’idéal, il faut le reconnaître. Quoi qu’il en soit, sa détermination est, elle, intacte, et Eurydice n’a pas l’intention de lâcher quoi que ce soit. Le bibliothécaire la prend quelque peu au dépourvu au moment de lui demander ce qu’elle serait supposée ne pas lui dire. Elle est assez déstabilisée par la situation. Elle avait foncé droit dans le tas, sans savoir précisément à quoi s’attendre. Sa question est directe, et elle ne sait trop si elle apprécie sa franchise ou si, bien au contraire, cette dernière la plonge dans le plus vif embarras. Sans doute un pas si subtile mélange des deux, en réalité.

« Lui dire que je suis venue vous voir… mais en fait… » Elle hausse les épaules. « Vous faites ce que vous voulez. »

Au fond, est-ce qu’il est nécessaire que ce soit un genre de secret d’Etat ? Pas réellement. Inutile de rendre cette situation plus bizarre qu’elle ne l’est déjà… et autant de le dire, elle est quand même déjà franchement étrange.

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« La folie n’est jamais qu’une affaire de perspective », remarque Eurydice tout en posant sur son interlocuteur un regard des plus attentifs.

Il ignore si elle sera capable de comprendre, le temps d’une simple conversation, ce jeune homme intrigant, mais une chose devient néanmoins tout à fait certaine, et c’est qu’il n’est absolument pas difficile de comprendre ce qui, chez le bibliothécaire, a fasciné Heracles au point que ce dernier ne semble pas capable de penser à quelqu’un d’autre que lui. « Et la folie est une heureuse affliction que tous les raisonnables envient aux fous », ajoute-t-elle avec un ton assuré. Rien ne lui garantit d’être vraiment capable de s’attirer la sympathie ou l’intérêt de son interlocuteur en prononçant ces mots.

Ce qu’elle comprend en revanche, c’est qu’elle s’y prend très mal, et qu’elle ne fait pas grand-chose si ce n’est s’attirer la défiance de son interlocuteur. Ce n’est pas ce qu’elle voulait – bien au contraire, même, mais elle n’avait jamais prétendu être une remarquable entremetteuse… C’est même un exercice dans lequel elle s’avère particulièrement peu douée. Elle le regrette, mais elle ne peut tout de même pas nier que c’est effectivement le cas. Que c’est même très largement le cas.

Elle fronce les sourcils et s’efforce de ne pas l’interrompre alors que son interlocuteur affirme avoir du mal avec tout cela, même s’il est heureux de savoir qu’Heracles apprécie sa compagnie… D’accord, elle s’y est vraiment mal prise.. et maintenant, Eurydice se sent aussi ridicule que mal à l’aise. Elle n’aurait définitivement pas dû se mêler de toutes ces histoires. Elle se permet cependant de rebondir sur les dernières paroles qu’il lui adresse, car ces dernières lui paraissent avoir leur importance.

« Je pense que cela lui ferait du bien de savoir que vous vous inquiétez pour lui », dit-elle doucement. « Mais oui, je prendrai soin de lui. Je le fais déjà. »

C’est le cas. Avec ses amis, Eurydice se montre particulièrement douce et attentive, et elle ne ferait jamais rien qui puisse en quoi que ce soit les blesser ou leur faire du mal. C’est même hors de question. Elle compte bien veiller sur son ami et faire en sorte qu’aucun mal ne lui arrive pas… dans la mesure de ses possibilités, bien sûr… et malheureusement, de telles possibilités sont bien souvent limitées.

« Je veux m’excuser… de vous avoir mis mal à l’aise, ce n’était pas du tout mon intention. J’ai tendance à être trop franche et trop directe, je me rends compte que je vous ai embarrassé… » Elle baisse doucement les yeux. « Bref… je suis vraiment désolée. »

Et elle l’est sincèrement. Elle n’avait absolument pas voulu que les choses se passent ainsi… Malheureusement, elle n’avait pas contrôlé la situation… ou l’avait très mal contrôlée, disons.

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Eurydice ne cherche pas à contredire son interlocuteur. A quoi bon ? Elle ne le connaît pas, c’est un fait. Et elle ignore comment se manifeste sa présumée folie et quels en sont les effets… ce n’est pas à elle d’en juger ou de le remettre en question. Elle-même a été poussée jusqu’aux confins de la pure folie, quand elle était prisonnière des Enfers et avait fini par oublier jusqu’à son propre nom, mais il n’st pas nécessaire d’en parler, ou même de s’évertuer à comparer leurs expériences : l’exercice serait naturellement vain autant qu’inutile. Alors, Eurydice préfère se taire. D’autant plus qu’elle a tout à fait conscience du fait, à ce stade, qu’elle a déjà fait bien assez de dégâts comme cela.

Elle a affaire à un homme brisé, c’est ce qu’elle comprend, et elle a rencontré au cours de sa vie, si courte soit-elle, bien assez d’âmes égarées pour comprendre combien celle-ci sera probablement difficile à récupérer et à sauver. La chose l’attriste, dans le fond, pour une raison évidente, c’est qu’au moment de retrouver Heracles, elle n’est pas tout à fait sûre de ce qu’elle devra dire à son amie. Elle aimerait penser qu’il pourra avoir sur ce bibliothécaire si particulier une influence des plus positives, mais cela pourrait le broyer au passage. Des personnalités telles que celle d’Edwin ne sont faciles ni à appréhender, ni à gérer… et s’il est une chose entre nombreuses autres que l’expérience lui ait tristement apprises, c’est que l’amour peut bien être fort, puissant, transcendant, nous remuer l’être et l’âme… ce n’est pas pour autant qu’il pourra être qualifié de suffisant. Au fond, le plus simple sera probablement qu’elle exprime son ressenti et lui fasse le résumé détaillé de cette interaction sans détour. Son ami pourra bien décider d’en faire ce qu’il voudra.

« Je peux comprendre ça », elle répond avec plus de douceur quand son interlocuteur lui fait comprendre sa difficulté à communiquer avec autrui – chose qu’elle avait effectivement pu constater pour commencer. En bref, ils pourraient probablement passer des heures et des heures à se confondre respectivement en excuses, et cela n’aurait probablement qu’un moindre intérêt. « Je veux bien un thé, oui », ajoute-t-elle ajours, ravie de le voir faire cet effort alors même qu’ils ont tous les deux commencé sur le pire pied possible, et qui ne laissait définitivement pas présumer que leur conversation se poursuivrait. « Si cela ne vous dérange pas. Je comprendrais, si vous préfériez que je vous laisse seule, et je le dis sincèrement. » Elle sourit. « Moi c’est tout l’inverse, j’ai du mal à rester seule, ça me terrifie. »

Et c’est absolument pas le problème d’Edwin. Eurydice ne sait définitivement pas pourquoi elle a pris la peine de lui adresser cette précision.

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Eurydice adresse à son interlocuteur un léger sourire contrit. Elle a définitivement du mal à savoir sur quel pied danser avec lui, mais cela dit, elle veut bien croire, en effet, qu’il aurait très probablement eu l’honnêteté de le lui dire s’il avait voulu rester seul. Depuis les débuts de leur conversation, il lui a largement prouvé qu’il n’est pas dans sa nature ni dans ses habitudes de mâcher ses mots, loin s’en faut.

Elle décide donc de le prendre au pied de la lettre, ce qui au fond l’arrange aussi, parce que même si elle reste incapable de définir cette conversation, elle sait qu’elle n’a pas envie qu’elle s’arrête à ce point abruptement – là-dessus, elle n’a absolument aucun doute. Alors soit, elle restera encore un peu, en espérant qu’ils parviendront à trouver tous les deux un terrain de conciliation où le malaise n’aura plus sa place. Ce n’est pas franchement gagné, mais.. après tout, il y a quand même un minimum de progrès : le fait de boire un thé ensemble, tous les deux, ce n’est quand même pas si mal, il faut bien en convenir.

Elle est étonnée de sa curiosité quand il te demande les raisons pour lesquelles le fait de rester seule la terrifie, mais au fond, ça ne devrait pas la surprendre. La solitude colle à certaines personnes comme une seconde peau, et elle les envie. Elle aimerait être aussi confortable avec cette notion, sans avoir le sentiment d’être abandonnée, sans avoir l’impression qu’ainsi livrée elle-même, elle perd complètement de son sens et de sa juste appréhension des choses.

« J’ai été seule pendant longtemps », dit-elle doucement, sur le ton de la confidence, peut-être un peu trop sérieusement pour une situation qui n’avait pas nécessairement vocation à l’être.

Elle a connu ce vide, d’abord lorsqu’elle errait, livrée à elle-même, dans un monde qui ne lui épargnait rien, ni la faim, ni les froids extrêmes, ni les chaleurs insoutenables. Orpheus était parvenu à combler ce vide, un peu… pas assez pour qu’elle ne soit pas tentée de se rendre en Hadestown, et alors… Cette émotion l’avait transpercée comme une lame des plus aiguisées.

« Je ne sais pas si c’est forcément sain ou malsain d’être seul… j’imagine que ça dépend… » Elle hésite. « Je pense aussi que certains fardeaux sont moins lourds à porter quand on est deux, et que c’est dommage de se priver de ce soulagement, par peur ou bien… parce qu’on craint d’être égoïste », suggère-t-elle avant de consentir à mordre dans une pâtisserie.