(abandonné) Can you help me? | Rin

Tu aurais pu recommencer une vie tranquille, ici, mais ignorer la souffrance d’autrui allait à l’encontre de ta nature profonde. Sans amis pour t’aider à planifier tes cambriolages, sans pouvoirs pour assurer ta sécurité, il était aisé d’être blessé lorsque tu jouais les justiciers nocturnes. Depuis que quelques clients curieux avaient posé trop de questions, au café où tu travaillais, tu avais pris l’habitude de cacher les ecchymoses sous du fond de teint ; ce qui commençait à devenir un budget conséquent, au vu du nombre de flacons utilisés. Tant que tu n’étais pas mort, ce n’était pas si grave – ou plutôt : tant que tu n’étais pas mort et que tes gardiens légaux ne réalisent pas ce que tu tramais, car tu ne savais pas encore s’ils approuveraient.

Tu ne pouvais donc pas aller voir Missy et Twelve pour leur demander si la plaie béante à ton flanc nécessitait des points. Cadeau d’un criminel armé d’un couteau, que tu n’avais pas vu venir, puisqu’il n’y avait personne pour t’avertir, et que tu ne voyais pas à travers les murs – et si seulement au moins cette capacité pouvait te revenir, tu serais heureux. Puisque tu ne pouvais aller aux urgences dans ton costume, tu avais dû te trainer jusqu’à chez toi afin de changer de vêtement. Tu n’étais pas mort en chemin, donc cela ne devait pas être si grave. Ou bien était-ce le déni. Ou bien survivais-tu par dépit. Après tout, ton talent était de prouver que les autres avaient tort à ton sujet. Donc dans les dents, criminel inconnu qui aura oublié cette altercation d’ici une semaine.

Néanmoins, une fois installé dans la salle d’attente des urgences, en ayant simplement annoncer à la secrétaire de l’accueil que tu avais une douleur sur le côté, tu n’étais plus si confiant. Ton t-shirt sombre collait à ta peau, et ton blazer cachait la tache d’un éventuel regard un peu trop perspicace. Ce fût quelque part dans cette soirée – ou matinée, vu l’heure -, entre l’arrivée d’un homme alcoolisé et le départ de quelqu’un avec une rage de dents, que vint enfin ton tour. Tu usas de tes dernières forces pour te lever et te rendre dans la salle d’auscultation, trainant des pieds.  

- Bonjour… Désolé de vous déranger mais je…

« Je quoi ? » Tu réalisais que tu ne pouvais lui dire que tu venais de te faire attaquer. Déjà, car tu ne l’avais pas dit à la secrétaire, ensuite, car on allait te conseiller de prévenir la police, enfin, et non pas des moindres faits : ton t-shirt n’avait aucun trou, ce qui rendait la vérité impossible. Et tu n’avais aucun mensonge crédible à donner à l’infirmière qui attendait la suite. Qui se blessait à cet endroit, de cette manière ? Tu t’éclaircis la gorge, espérant sonner convaincant.

- J’ai une douleur qui… Je ne sais pas… Enfin je crois que je me suis blessé.

Ta main alla à l’arrière de ta tête, pour gratter l’endroit nerveusement. Il ne manquerait plus que des bleus aient apparu entre temps – avec la douleur du couteau, tu n’avais rien sentit.

Tu pouvais sentir une goutte de sueur rouler le long de ta nuque, soudainement trop conscient que ton mensonge n’allait pas te mener bien loin. Être habitué à ne jamais demander de l’aide à quiconque n’arrangeait en rien la situation – c’était toi, qui tendait la main vers les autres, pas l’inverse. Après quelques balbutiements, tu décidas d’obéir et t’assoir sur le lit, avant de lentement retirer ta veste. Tu ouvris avec les mêmes gestes ta chemise tachée de rouge, ton esprit essayant tant bien que mal de trouver une excuse potable à lui donner.

-  Euh…

Fis-tu, incertain de la manière dont tu devais continuer cette phrase. La plaie, pas si profonde mais qu’il valait mieux désinfecter, parler pour elle-même. L’infirmière était au moins gentille, ce qui te rassurait un peu. Différente de celle que tu côtoyais dans ton ancien monde, qui appréciait de t’utiliser comme cobaye pour tester des médicaments... Faits-maisons.

-  J’ai glissé. Et je me suis retrouvé avec une blessure. J’ai changé de chemise car l’autre était troué.

Plutôt que raconter un bobard, tu t’étais finalement décidé pour du factuel – si on oubliait le fait que c’était le couteau qui avait glissé vers toi. Tu levas une main pour jouer distraitement avec une mèche de ta frange, bienheureux d’avoir pensé à porter tes lunettes, qui cachait une partie de ton expression.

Tu te sentais bien trop observé sans ta chemise ; ce qui était normal puisque son regard était dirigé vers la blessure. Tu réalisas rapidement que ton bras risquait de déranger, alors tu lâchas à contre-cœur les mèches de tes cheveux et posa la main sur le matelas. Au moins, elle était gentille, et ne t’avait pas – encore - jugé.

- D’accord. Merci.

Peu éloquent avec des personnes que tu ne connaissais pas, et sans le masque qui cachait ton visage lorsque tu allais cambrioler les criminels avec panache. Lèvres pincées, tu ne fis aucun bruit lorsqu’elle appliqua le coton à la plaie afin de la nettoyer, ressentant le picotement désagréable du produit. Elle était bien plus délicate que la docteure qui pratiquait illégalement, dans une ruelle un peu perdue, dans ton monde. Cette infirmière n’utiliserait jamais ses patients comme cobaye pour tester des nouveaux médicaments, et ne t’appellerait pas « mon petit cochon d’inde »…

-  Oui j’ai… J’ai glissé. Et je suis tombée sur… Euh… Le couteau de… De mon lave-vaisselle ! Vous savez j’ai oublié qu’il faut d’abord mettre la pointe vers l’intérieur, dans le panier…

Ce n’était pas trop mauvais, comme mensonge ; il y avait une part de vérité. Tu espérais qu’elle prendrait ton hésitation pour un sentiment de honte quant à l’origine de la blessure.

Tu regardas son rougissement et la façon dont elle secoua la tête avec curiosité, mais ne fis aucun commentaire à ce sujet. Elle était douce dans ses gestes, et rapidement la plaie arrêta de saigner – tu notas que tu t’y étais très mal pris… Des cours de premiers secours s’imposaient, bien que tu préférerais ne pas te blesser à nouveau. Il fallait être plus habile que les criminels, plutôt.  

Elle paraissait presque aussi gênée que toi de ton (mauvais) mensonge. Tu étais impatient de prendre la fuite et ne plus jamais penser à ce moment – et tes parents adoptifs ne doivent jamais entendre parler de cette histoire. Une fois les soins terminés, tu remis ta chemise et la suivie jusqu’à son bureau. Debout, tu repris ton habituel posture avachis, les mains dans les poches. Tu retins de justesse une moue quand tu appris que cet événement sera enregistré dans sa base de données. C’était assez honteux.

- Amamiya Ren, vingt-et-un an, douze juin deux mille vingt-deux.

Tu la remercias ensuite pour ses conseils, tu t’inclinas respectueusement – elle était japonaise, c’était un réflexe inconscient -, puis tu pris la fuite comme un voleur hors de l’hôpital. Tu n’oublieras cependant pas sa gentillesse… Si jamais tu devais être à nouveau soigné, tu saurais à qui demander de l’aide.