(abandonné) In your skin [Marisa]

In your skin

feat. Marisa

Son regard fixe longuement son reflet dans le miroir, dans l’incompréhension la plus totale. Il passe une main intriguée dans sa longue chevelure brune, et sur un visage, un grain de peau familier, mais qui ne sont définitivement pas les siens. Quand cela est-il arrivé ? Asriel n’en a pas la moindre idée. Il a beau refaire le fil des événements qui ont précédé celui-ci, il n’arrive à rien isoler de tangible qui soit susceptible de justifier cette improbabilité pourtant bien tangible. Le voilà à présent affublée du corps de son ancienne maîtresse, et s’il n’y avait la présence de Stelmaria à ses côtés, le dévisageant comme si elle le découvrait pour la première fois, il n’arriverait pas à admettre que cette situation est bien réelle.

Cloitré chez lui, une part irrationnelle de lui-même, se réfugiant dans tous les ouvrages de référence à sa disposition, espère que le problème se résorbera de lui-même. Sauf que ce n’est pas le cas, bien sûr. Il faut qu’il prenne le problème à bras le corps, et la manière la plus simple d’y parvenir est de retrouver Marisa, et d’en discuter directement avec elle. Asriel a donc fait le choix de la retrouver chez elle, chose qu’il n’a pas faite depuis bien longtemps… Leurs interactions, depuis des années, se limitent à quelques conversations imposées par leurs obligations et leurs cercles respectifs, et jamais seul à seul. Mais aux grands maux les grands remèdes, vraiment.

Il s’est arrangé pour la rejoindre aussi discrètement que possible, afin de ne pas attirer l’attention, chose largement compliquée par la présence de son daemon à ses côtés, qui ne passe jamais inaperçu. Ce léopard des neiges est connu pour lui être associé, et il ne veut éveiller aucun soupçon. Les cheveux attachés en chignon sous un chapeau, engoncé dans des vêtements devenus trop larges pour lui, il marche tête baissée, contrairement à ses habitudes, d’une démarche rendue maladroite par la peine qu’il découvre à s’approprier n corps qui n’est définitivement pas le sien, et qui n’y ressemble en rien.

Asriel Belacqua parvient non sans difficulté à rejoindre Marisa en sa demeure, plus soucieux qu’il ne voudrait sembler l’être. Que pensera Marisa au moment de le voir ? de se voir elle-même ? A-t-elle été affectée d’une manière ou d’une autre de ce qui lui arrive ? En est-il responsable ? Il doit en avoir le cœur net.

Quand il se retrouve en face d’elle, il comprend. Marisa a dorénavant son visage, ses cheveux, sa carrure. Son propre daemon à ses côtés trahit également sa véritable identité. Il l’observe et s’exprime avec une voix très familière, et en même temps étrangère.

« Bonsoir Marisa. Tu me laisses entrer ? »

Elle n’a pas le choix. A l’évidence, il est important qu’ils parlent : ils vont avoir plus d’une chose à se dire… Ensemble, peut-être parviendront-ils à dénouer cette conversation une bonne fois pour toutes.

In your skin

feat. Marisa

Quelle étrange sensation que celle de se retrouver devant… soi-même. Ce n’est pas comme se regarder dans un miroir, ça non. C’est beaucoup plus étrange, beaucoup plus complexe à expliquer. Quand on contemple son reflet, on pense se voir ainsi que les autres nous perçoivent, mais on n’en a en réalité qu’une vision incomplète, biaisée, insuffisante à réellement comprendre la situation telle qu’elle est véritablement. On se voit finalement comme on ne se percevrait pas autrement, et Asriel n'est pas tout à fait certain d’apprécier la vision que son ancienne amante lui offre en cet instant, tandis qu’elle s’adresse à lui avec une voix qui devrait lui appartenir. Il a l’impression qu’elle viole son intimité tout comme il est en train de violer la sienne en cet instant, et ce n’est définitivement pas un sentiment agréable. Il ne demande qu’à voir la situation s’inverser, qu’à retrouver son état normal, mais à l’évidence, il devrait, pour cela, s’armer de patience. Une patience pourtant déjà arrivée à son terme, et à laquelle Marisa ne semble pas vouloir consentir plus que lui.

C’est non sans un fond d’agressivité qu’elle l’interroge sur les circonstances d’une situation qu’il n’a définitivement pas décidée. S’entendre… réprimander, en quelque sorte, par lui-même, voilà qu’il ne manque pas de trouver particulièrement étrange, à tout point de vue, mais il n’en dit rien, il se contente de planter son regard dans celui de son interlocutrice, sans aucune idée de l’effet que cela aura sur elle, comme une manière de lui faire lire dans des yeux qui autrefois avaient été les siens, l’ampleur de sa sincérité. Ils perdront trop de temps à se rejeter mutuellement la faute alors qu’il devient des plus évidents que ni l’un ni l’autre n’a été décisionnaire de ce qui leur est arrivé en fin de compte.

« J’espérais que tu serais plus informée que moi sur la question, mais à l’évidence il n’en est rien », observe-t-il alors sans chercher à déployer davantage d’arguments – il n’estime pas que ceci les mènera où que ce soit à l’heure actuelle. « Nous pouvons donc rejeter d’emblée l’hypothèse que toi ou moi soyons responsables de cette situation, du moins consciemment, aussi est-il préférable que nous creusions d’autres pistes ensemble », observe-t-il de ce ton posé qui lui semble étrange à ses oreilles, résonnant d’une voix qu’il n’est pas la sienne. La voix de Marisa lui semble différente quand c’est lui qui a le contrôle de ses cordes vocales. « J’imagine que tu n’as informé personne de cette situation. » Il n’attend pas sa réponse, il sait que c’est le cas. Il reprend presque aussitôt. « J’ignore combien de temps il nous faudra avant de retrouver notre apparence, mais dans l’attente… » Asriel jette un regard à Stelmaria et Ozymandias. « … nos daemons risquent fort de nous trahir. »

Même si cela reste en soi une chose rassurante aux yeux d’Asriel qui aurait été autrement plus alarmé encore si leurs daemons eux aussi s’étaient retrouvés interchangés.

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feat. Marisa

Oui, s’ils doivent aller où que ce soit, il faudra qu’ils le fassent ensemble, sans quoi ils seront nécessairement trahis par leurs daemons respectifs… mais comment aller où que ce soit côte à côte sans attirer l’attention plus que nécessaire ? Non, à l’évidence, il est préférable qu’ils ne quittent pas cette pièce tant qu’ils n’auront pas tiré toute cette affaire au clair… mais est-ce forcément mieux ? Asriel est loin d’en être pleinement convaincu, à vrai dire, à plus forte raison que l’un et l’autre trop longtemps sous le même toit, cela ne mène jamais à quoi que ce soit de bon – ou en tout cas, ça a cessé de mener à quoi que ce soit d’enviable depuis bien longtemps déjà.

Le problème qui se pose avec cette possibilité, c’est qu’il semble impossible de résoudre la situation depuis la demeure de Marisa… Ils doivent s’informer, tenter de mener des recherches, essayer de découvrir si d’autres cas similaires ont déjà pu se présenter ou non, autant de démarches qu’ils ne pourront exécuter que d’une seule manière. Marisa lui ôte les mots de la bouche – assez littéralement, au final, compte tenu du fait que c’est bien de sa bouche à lui et avec sa propre voix que sont formulées ces paroles qu’il aurait tout à fait pu prononcer lui-même si Marisa n’avait pas immédiatement pris les devants.

En effet, s’ils veulent trouver la réponse à leurs questions, sans doute faut-il qu’ils se rendent au Magisterius… ou qu’ils aillent quêter cette réponse auprès des Erudits. Le terme de « poison » n’est pas de trop, en l’occurrence, pour évoquer ce que l’une et l’autre de ces options lui inspirent.

« Impossible que notre présence côte à côte passe inaperçu auprès des uns comme des autres. Selon les questions que nous poserons, cette situation sera mise à jour en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, et si ce doit être le cas, il est à parier que certains tenteront de l’exploiter à notre désavantage. » Il pousse un soupir. « Je pencherais tout de même en premier lieu pour le Magistérium », reprend-il ensuite, consentant à se montrer tout de même plus précis, moins évasif dans sa réponse qui pour le moment évoquer seulement les « contre » pour n’avancer aucun pour.

Magisterium ou Erudits, qu’importe, Lord Asriel préférerait largement n’avoir affaire ni aux uns, ni aux autres. Mais bien sûr, il est soumis aux circonstances, il n’a pas d’autre choix que de faire avec, voilà tout.

« Mais avant toute chose, sers-moi un verre, tu veux bien ? Je pense que tu en as besoin autant que moi. »

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feat. Marisa

« Tu manques vraiment de galanterie, Marisa », s’amuse Asriel comme il le peut de cette situation qui le dépasse, quand Marisa, non sans afficher son agacement (et Asriel le sait car il sait comment il peut être quand il est agacé), accepte de lui servir un verre. « C’est vrai qu’en temps qu’hôtesse, j’aurais peut-être pu nous servir, mais je ne me sens plus réellement maître en mon domaine », ajoute-t-il sans s’excuser outre mesure de ses propos et de son comportement, avant de porter le verre à ses lèvres et d’en savourer une première gorgée.

En effet, ce n’est pas vraiment du luxe. Alors qu’il contemple le fond de son verre, il se demande ce que serait l’effet d’expérimenter l’ivresse telle que peut la vivre Marisa, mais c’est une chose qu’il s’épargnera de découvrir, ici et maintenant, car il vaut mieux qu’ils gardent l’esprit le plus clair possible s’ils veulent démêler cette histoire et retrouver enfin leur corps d’origine.

D’ailleurs, il est plus que temps de revenir dans le vif du sujet. Et Marisa – qu’il est toujours aussi perturbant de voir et d’écouter sous ses traits – a raison de suggérer que leur meiilleure option est probablement de mettre la main sur l’aléthiomètre détenu par le Magisterium. Bien sûr, le posséder ne signifie pas qu’ils seront capables dans l’immédiat de faire la lumière sur les réponses que l’objet pourra leur apporter, mais ils doivent néanmoins essayer. C’est dans leur intérêt que de tenter le tout pour le tout, et Asriel le sait très bien. Il estime que, même si l’affaire peut s’avérer délicate, elle vaut le coup d’être tentée.

« Qui devons-nous nous attendre à trouver sur place ? » demande-t-il alors, reprenant le fil de la conversation comme s’il ne l’avait pas lui-même interrompue en se montrant particulièrement irrévérencieux envers celle qui se trouve pourtant dans la même situation que lui. La vérité, c’est que cette situation le rend plus nerveux qu’il ne veut bien l’admettre.

Se réconfortant en songeant à la possibilité qu’une solution existe forcément leur permet d’occulter une autre option qui n’est pourtant pas négligeable du tout : il se peut également que rien ne change du tout en fin de compte, et qu’ils se retrouvent coincés avec ces apparences pour de bon… et dans ce cas, il faudra qu’ils révisent toute leur stratégie… Et au-delà du fait de se retrouver dans le corps de l’autre, ce qui l’accapare davantage est l’idée que leurs daemons respectifs les obligeraient naturellement à passer tout leur temps ensemble afin de tromper la vigilance de tout un chacun… ce qui a contrario pourra probablement susciter une grande défiance. Cette idée lui déplaît à première vue… mais pas entièrement… Celle de la compagnie de Marisa, même dans ces circonstances déplaisantes, lui est par certains aspects… agréable.

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feat. Marisa

C’est avec attention qu’Asriel écoute Marisa – en ayant l’impression de s’écouter lui-même, ce qui n’est pas un moindre choc – lui parler des différents individus qu’ils sont susceptibles de rencontrer au sein du Magistérium. Chaque information est à considérer avec le plus grand sérieux, et pour cause, ils n’auront pas le droit à l’erreur. Avant même que d’envisager de s’exposer publiquement afin de trouver une réponse à leur épineux problème, il est primordial qu’ils fassent le maximum afin de ne pas se laisser trahir trop aisément. Savoir de qui se méfier, et comment se comporter en présence des uns et des autres n’est pas seulement une concession déplaisante, c’est un effort nécessaire, auquel ils ont tout intérêt à se plier s’ils ne veulent pas que la situation dégénère dans des proportions qu’ils ne seront plus en mesure de gérer pour leur part.

Se méfier du père McPhail, qui n’hésitera pas un seul instant à les interpeller, c’est bien noter. L’idéal semble donc être de l’éviter un maximum… Pour le reste, s’ils peuvent compter sur la peur et la couardise des membres du Magisterium, autant ne pas s’en priver, elles pourraient bien lui sauver la vie… dans une moyenne mesure. Lui et Lord Boreal. Asriel réprime un léger soupir, il n’a pas la moindre envie de se frotter à ces individus, il s’épargnerait bien leur présence et les regards qu’ils porteront sur celle qu’ils penseront qu’il est, mais ils n’ont évidemment pas le choix.

« Tout dépend de la définition que l’on choisit de donner au terme « utile » », réplique Asriel sans savoir s’en empêcher quand Marisa le prévient de ne commettre aucun impair.

Il sait, bien sûr, qu’il faudra faire preuve de discrétion et ne commettre aucun impair. Il le sait, mais en réalité, Marisa a de très bonnes raisons de le prévenir, et pour cause – elle le connaît. Elle sait bien comment il est, comment il a pour habitude de réagir, et combien il lui sera difficile d’interagir avec les grands pontes du Magisterium sans que ne l’effleure l’envie de mettre son grain de sel partout et de donner son opinion où cette dernière n’est absolument pas attendue.

Asriel vide son verre à la hâte quand Marisa lui suggère finalement d’y aller. Il ne s’attendait pas à ce qu’ils y aillent sur le champ, mais elle n’a certainement pas tort malgré tout. Plus tôt ils auront élucidé ce mystère, plus tôt ils retrouveront leurs corps respectifs, et cela ne peut être que leur priorité à l’heure actuelle. Rien d’autre ne peut dépasser ce constat spécifique. Il se lève donc, lisse les plis de sa tenue à laquelle il n’est pas sûr de savoir s’habituer, pas plus qu’à ces talons hauts de plusieurs centimètres.

« Nous devrions peut-être inventer en chemin une excuse appropriée à la présence de Lord Asriel aux côtés de Marisa Coulter, au sein même du Magisterium, qui plus est. Je doute fort que la chose passe inaperçue », s’entend-t-il dire avec la voix de Marisa.

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feat. Marisa

Un léger rire s’échappe des lèvres d’Asriel – non, de celles de Marisa, et c’est étrange pour lui de s’entendre ainsi rire d’une voix qui n’est définitivement pas la sienne – quand Marisa suggère que pour justifier sa présence à ses côtés, ils pourraient prétexter qu’elle l’aurait pris en pitié et aurait décidé de le guider sur le droit chemin. La suggestion de Marisa est évidemment hautement cynique, cela ne fait aucun doute. Asriel sait pertinemment que cette pensée l’amuse plus qu’elle n’est susceptible de réellement la convaincre.

« Il n’y a aucun de mes « péchés » dont tu ne te sois rendue toi-même coupable, Marisa », soutient-il en la regardant droit dans les yeux.

Il y a quelque chose d’étrange à constater l’effet que sa propre présence peut avoir sur le corps, si ce n’est sur l’esprit, de celle qu’il a si profondément aimer – n’a jamais cessé d’aimer, en réalité. Bien sûr, il est infiniment narcissique que de ressentir un semblant de tension et d’attirance dans l’air quand on sait que des yeux sombres de Marisa, c’est bien son propre regard qu’il contemple… Ils sont chacun le miroir de l’autre, et qu’ils le veuillent ou non, cela doit probablement les forcer également à reconnaître qu’ils se ressemblent probablement bien plus que ce qu’ils voudraient bien affirmer.

« Si tout se passe bien », répète Asriel avec un léger sourire, quand elle suggère que cela ne durera probablement que le temps d’une journée.

Est-ce qu’elle y croit ? Peut-être bien. Et lui, est-ce qu’il y croit ? Il n’en est pas certain. Pour une raison qui lui échappe, il ne pense pas voir cette situation s’éterniser, et dans le même temps, en dépit de l’inconfort relatif que cette situation lui inspire, il n’a pas vraiment envie que cette dernière prenne fin – pas le moins du monde. Il y a quelque chose d’inconfortable à cette situation, mais cela ne tient certainement pas de l’obligation qu’ils ont l’un et l’autre de supporter la présence l’un de l’autre. Ce prétexte en or, qui les oblige à une collaboration en apparence impossible ne lui déplaît pas, loin de là. Asriel aura beau courir le monde – les mondes – et prendre toute la distance possible avec Marisa, comme deux aimants s’attirent irrésistiblement (ou se repoussent), il recherchera toujours son sillage. Bien sûr, ce prétexte ci est à la fois improbable et partiellement inconfortable, mais ça, c’est encore autre chose.

« Je te laisse ouvrir la marche, dans ce cas », suggère-t-il tout en baissant les yeux sur Ozymandias, qui comme bien souvent exprime des émotions qu’il ne peut espérer obtenir de la part de celle qui se tient à ses côtés sous son apparence.

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feat. Marisa

Un léger rire cynique, sans rapport avec celui qu’Asriel aurait poussé d’ordinaire, s’échappe des lèvres de Marisa plutôt que des siennes quand son interlocutrice lui fait remarquer, à juste titre, que le Magisterium la considère comme un élément fidèle et dévoué quand lui-même est un hérétique de grand renom… Asriel en fait un objet de vantardise, à vrai dire. Cela lui convient parfaitement bien que d’avoir une telle image auprès d’une Eglise qu’il avait toujours profondément désavouée.

« Mais je suis l’incarnation du plus grand péché que tu aies jamais commis selon leurs dogmes rétrogrades et tu le sais. Nous voir ensemble ne passera pas pour une chose anodine, et tu le sais pertinemment. »

A quoi bon insister, cependant, si ce n’est pour le plaisir de placer Marisa face à ses contradictions. Dans les faits, rien ne change. Dans les faits, Asriel Belacqua reste qui il est, et Marisa Coulter n’aura probablement pas changé d’une once après cette expérience. Leurs chemins se sépareront de nouveau, et ils n’auront probablement pas leur pareil pour prétendre que rien de tout ceci n’a jamais eu lieu, et ce en dépit de la plus stricte évidence.

« C’est ce que je fais de mieux », prétend Asriel avec un fin sourire quand Marisa lui intime de se tenir tranquille tandis qu’ils se retrouvent tous deux au Magisterium, avançant sous le regard d’un groupe d’hommes qui, sans les interpeler, les regardent d’une manière telle quel leur pensée ne saurait être plus transparente en réalité. Ils ne sont néanmoins pas interrompus. Asriel tient parole, il ne prononce aucun mot et se contente de progresser silencieusement au sein du bâtiment. Dans le regard de certains hommes, au-delà d’un courroux évident, il distingue autre chose, quelque chose qui ressemblerait à s’y méprendre à de la concupiscence. Asriel, sous l’apparence de Marisa, fait mine de n’avoir rien remarqué, mais cette pensée le fait bouillonner intérieurement.

Le duo finit par retrouver Fra Pavel, qui accepte avec réticence de leur accorder un entretien. Asriel tourne son regard vers Marisa, c’est-à-dire vers lui-même. Il ne s’exprime qu’en peu de mots, mais avec le charisme que l’on a l’habitude d’imputer à Marisa Coulter, afin d’exiger de Fra Pavel qu’il les éclaire sur leur situation sans pour autant expliciter cette dernière. Qu’importe les questionnements du moment que l’homme s’exécute. Ils doivent comprendre leur situation et trouver un moyen de s’en dépétrer, peu importe lequel : c’est d’une importance des plus primordiales, quand bien même il y a, dans la nécessité que lui et Marisa ont de devoir rester ensemble en cet instant, quelque chose de relativement plaisant, et qu’Asriel serait bien en peine de nier.

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feat. Marisa

Alors qu’Asriel pose sur Marisa un regard attentif – qui l’abstient de prêter attention aux œillades déplacées de tous les hommes qui se trouvent dans son sillage –, il ne peut que constater qu’elle fait parfaitement illusion, ainsi affublée de son corps. Elle sait, à la perfection, adopter sa démarche, ses airs fiers et assurées… Au fond, c’est une certitude – une certitude qui n’avait pas attendu ces circonstances pour se faire jour : si Marisa Coulter était née homme, elle aurait eu le monde à ses pieds, sans l’ombre de la moindre hésitation. Mais cette situation, complexe et inédite, ne doit durer qu’un temps très court. Tant mieux, d’ailleurs. Après quelques heures seulement dans la peau de Marisa, Asriel ne peut que comprendre combien de par sa naissance même, Marisa a probablement dû lutter cent fois plus que lui.

Asriel, sur place, fait de son mieux pour endosser le rôle qui est à présent le sien et obtenir précisément ce qu’il veut. Il est bien évidemment hors de question que la situation s’ébruite. Il faut compter sur la résilience de Fra Pavel, et fort heureusement, ce dernier, certainement habitué à l’autorité de Marisa Coulter, ne leur complique pas la tâche plus que nécessaire au moment opportun. La réponse est néanmoins des plus insatisfaisante, alors qu’il promet d’interroger l’aléthiomètre, non sans ajouter presque aussitôt que déchiffrer ce qu’il contient pourrait bien prendre des jours et des semaines. Des jours et des semaines sous l’apparence de Marisa Coulter. Non, ce n’est évidemment pas envisageable. Ils ont besoin de réponses, et ils en ont besoin immédiatement.

Asriel n’a pas le temps de répondre quoi que ce soit que déjà, Marisa, sous ses traits et avec sa voix, ce ton autoritaire qu’il emploie bien souvent sous le coup de la colère. Asriel garde le visage fermé, pour sa part, mais son regard, insistant et assassin, cautionne totalement le propos de sa camarade d’infortune. La situation ne se déroule vraiment pas sous les meilleures hospices… Mais quel choix leur reste-t-il, s’ils ne peuvent pas obtenir les réponses dont ils ont désespérément besoin. Le regard que Marisa pose sur elle est de ceux qu’il ne reconnaîtrait ni chez elle, ni chez lui, il le découvre sur son visage en cet instant précis. Il y a comme de la détresse, un besoin désespéré d’obtenir du soutien, peu importe la nature dudit soutien. Et il le comprend. A situation désespérée, attitude et mesures désespérées. Mais ils ne peuvent certainement pas se le permettre.

« Nous n’avons pas ce temps. Il va falloir être plus rapide que ça. Ce doit être votre priorité la plus absolue », complète-t-elle d’un ton ferme, sans être franchement sûr que cela servira à quoi que ce soit. Il est même assez certain que cela ne saurait servir à rien du tout.