(Abandonné) I want all that is not mine. [Marisa & Asriel]

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I want all that is not mine.

Marisa & Asriel ▬ "Grown-ups are infected so deeply it's too late for them, condemned to a life of sin, guilt and regret."

Les résolutions de Mrs Coulter ne tenaient jamais bien longtemps lorsqu'elles étaient confrontées à son inquiétude et à ses doutes. Elle se remémorait l'instant où elle avait averti Asriel et lui avait demandé de ne plus l'approcher. Son ancien amant avait obéi, sans doute un peu trop bien au goût de la femme pleine de contradictions qu'était Marisa. Car même si la présence d'Asriel était dangereuse pour sa volonté et sa sérénité d'esprit, Marisa n'était pas non plus satisfaite d'un silence complet. Elle préférait connaître les agissements d'Asriel, contrôler son existence comme elle avait eu la volonté de le faire lorsqu'elle l'avait fait garder prisonnier par Iofur Raknison.

Mais dans ce monde, elle devait se rendre à l'évidence : elle ne connaissait que lui, et s'il serait toujours un peu son ennemi, il était aussi le seul homme qu'elle ait un jour considéré comme un allié. Comme un égal. En ces temps incertains où l'angoisse et le désespoir de ne pas retrouver Lyra prenaient possession de son esprit, Marisa avait la faiblesse de désirer une présence connue et fiable. Or, la défiance d'Asriel et son impétuosité, même si elles l'agaçaient, étaient fiables.

Marisa prit une inspiration qu'elle expira aussitôt, longuement, avant d'ouvrir la porte de l'appartement d'Asriel - à présent qu'elle connaissait l'adresse, il aurait été dommage de se priver du plaisir mesquin d'envahir son espace personnel.

Sans prendre la peine de s'annoncer, Marisa s'avança, sa présence révélée par le son de ses talons frappant le sol. Lorsqu'elle trouva Asriel, ce ne fut pas vers lui que son attention se porta, mais sur le léopard des neiges qui se trouvait à ses côtés. Stelmaria, son daemon. Stupéfaite, Marisa entrouvrit les lèvres, d'abord silencieusement. Elle s'exprima enfin, d'une voix à la fois songeuse et surprise.

- Toi aussi...

Ozymandias, qui s'était hissé sur son épaule, tenta de se précipiter sur Stelmaria, rayonnant de bonheur. Marisa le retint par la force, saisissant sévèrement une poignée de son pelage doré, ce qui le fit geindre de douleur - et la fit crisper la mâchoire pour contenir sa propre douleur. Il était cependant hors de question que son daemon la trahisse d'une si grossière façon. Asriel était un adversaire des plus redoutables, et ils ne devaient pas l'oublier.

Marisa relâcha son daemon après lui avoir jeté un regard d'avertissement. Il quitta son épaule et bondit au sol, se réfugiant néanmoins derrière ses chevilles tout en continuant de guetter les mouvements de Stelmaria.

- Quel heureux hasard. C'est précisément de nos daemons que je souhaitais te parler, poursuivit-elle d'une voix qui avait retrouvé son assurance habituelle.

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feat. Marisa

Asriel avait-il véritablement pensé, au moment de voir Marisa quitter son appartement après leur échange pour le moins… animé… qu’elle tiendrait parole et ne reviendrait pas, tôt ou tard ? Non, il n’y avait pas cru. Si elle avait trop tardé à revenir dans son sillage, il est fort à parier qu’il aurait fini de lui-même par revenir dans le sien, comme une douce et violente habitude, à la fois lointaine et proche, à laquelle on ne peut se soustraire qu’en tronquant une part de soi-même. Il n’avait pas laissé partir Marisa à regret, la dernière fois, car tout avait été dit, exprimé, à leur manière bien à eux. Mais il avait su, oui, qu’il la reverrait. Et alors que lui-même avait retrouvé la trace de leur fille, il s’était même attendu à la revoir plus rapidement que cela.

Mais donc, la voilà de retour dans ses appartements, conquérante comme à son habitude. Elle n’attend pas d’être invitée à l’intérieur, elle n’attend pas d’être la bienvenue. Elle prend parce qu’elle le peut, et tandis qu’il entend ses talons marteler le sol, Asriel daigne négliger un temps ses recherches pour aller trouver celle que, dans le fond, il s’était impatienté de revoir. Stelmaria sur ses talons, il la rejoint donc, et le premier constat qu’il fait est le même que le sien tandis qu’il découvre Ozymandias, le daemon de Marisa, fiché sur une de ses épaules. Ce que les deux ne disent pas, leurs daemons l’expriment pour eux. Marisa doit retenir le singe doré de se précipiter vers Stelmaria, de même qu’Asriel oblige cette dernier à demeurer à son pied. Oui, lui aussi.

« Si tu espères une explication pertinente à leur réapparition soudaine, je n’en ai aucune à fournir », observe sincèrement Asriel en baissant le regard sur Stemaria.

Elle lui était revenu une nuit, durant son sommeil. A son réveil, elle était là, comme si elle n’était jamais partie. Leurs conversations n’avaient révélé dès lors qu’un désarroi commun, rien d’autre. Asriel, une fois n’est pas coutume, n’avait tout simplement pas d’explications, ce qui doit le passer face à une émotion de plus en plus familière et qui l’insupporte, quelque chose qui tient à la fois de la frustration et de l’incompréhension.

« A moins que tu n’en aies toi-même ? » suggère-t-il sans savoir s’il le souhaite vraiment.

Il voudrait obtenir les réponses aux questions qui le taraudent, c’est un fait, mais par orgueil pur, il n’est pas tout à fait certain de vouloir les obtenir de Marisa, quand bien même il veut bien admettre qu’elle est sans doute la mieux disposée à en fournir de pertinentes.

« Tu boiras quelque chose ? »

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Le daemon de Marisa, qui portait bien un nom mais qu'elle se refusait à nommer de vive voix, l'implorait du regard. Et Marisa, imperturbable d'apparence, soutenait froidement son regard. Elle finit par le détourner pour reporter son attention sur Asriel après que celui-ci se soit exprimé au sujet de leur daemon respectif. Elle n'était pas surprise par son manque d'explication. Asriel était un homme brillant, mais dans ce monde, il était tout aussi limité qu'elle par les moyens techniques et les financements. Il était peu probable que l'un comme l'autre ait une trop haute longueur d'avance en ce qui concernait leur domaine de prédilection.

Néanmoins, Marisa ne résista pas à la tentation constante de le défier et répondit posément :

- Les conséquences de nos péchés et vices, sans doute.

Elle avait prononcé ces mots si délicatement qu'il était difficile de penser qu'elle y croyait réellement. Pourtant, c'était très certainement l'explication que lui aurait fourni son éducation stricte et religieuse. Mais là où Marisa s'était autrefois laissée aller aux dogmes confortables de l'Eglise, elle n'était plus dupe à présent. Sa haine d'elle-même n'était pas tant due à la Poussière qu'à ses regrets et remords.

Marisa aimait l'idée de savoir rester suffisamment insensible pour se permettre de jouer avec les nerfs d'Asriel au point de sous-entendre qu'elle regrettait leur liaison et leurs ébats. Elle se doutait qu'il n'était pas dupe. Mais elle aimait le prétendre, là aussi par confort. Egalement et surtout pour le plaisir effronté d'observer chacune des réactions de son ancien amant.

- Whisky, si tu as, accepta-t-elle cependant en continuant de s'avancer chez lui.

Comme chaque fois qu'elle se risquait à se trouver seule à seul avec lui, elle avait conscience de jouer avec le feu. Asriel était tout autant dangereux à cause de son impétuosité qu'à cause de ce qu'il savait éveiller chez elle. La vulnérabilité qu'elle avait à ses côtés ne lui plaisait pas. Elle était une preuve trop importante de l'existence de ces sentiments trop forts dont la flamme ne s'éteindrait jamais complètement.

Consciente du risque trop important de se laisser aller à d'anciennes habitudes trop domestiques, Marisa revêtit son masque de froideur et se tourna vers lui, mains jointes, pour s'exprimer doucereusement :

- Si tu ne peux rien m'apprendre sur eux, peut-être pourras-tu m'en apprendre davantage sur Lyra.

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feat. Marisa

« Tu ne le crois pas vraiment », réplique Asriel avec un sourire cynique quand Marisa suggère que cette situation inexplicable serait la conséquence de leurs péchés et de leurs vices.

C’est bien sûr le genre d’explications faciles dont leur société avait cherché à les abreuver à la moindre occasion, et qu’Asriel avait toujours réfuté avec un aplomb qui lui avait très tôt valu de ne pas se trouver exactement dans les petits papiers du Magisterium. Non, bien sûr que Marisa ne peut complètement y croire. Elle pourrait bien faire mine, vaguement, de le penser au nom d’une sorte de réconfort de façade qui lui passera sans doute bien vite, mais ils savent tous les deux ce qu’il en est, n'est-ce pas ? Bien sûr qu’ils le savent. Tout ceci, cette situation dans son entier, n’est définitivement pas à imputer à leurs vices ou à leurs vertus, mais à quelque chose d’entièrement indépendant d’eux-mêmes, un mystère qu’ils n’ont pas su percer – pour l’instant.

Car oui, si Asriel a pu se laisser décourager par l’absence de progrès de recherches qui par ailleurs ne savaient trouver les financements tant escomptés, le retour de Stelmaria lui avait donné un regain d’énergie qui lui avait manqué jusqu’alors. Il lui semble soudainement plus envisageable d’être efficace à présent qu’elle est à ses côtés. Ce n’est pas pour autant que ses recherches ont pourtant évolué depuis son retour, vraiment pas, mais c’est ainsi qu’il le perçoit néanmoins.

Il hoche simplement la tête quand Marisa suggère qu’elle prendra un whisky. Dans ces circonstances, c’est de mise, en effet, et ça ne lui fera sans doute pas de mal, même si, en réalité, boire quelque boisson susceptible de les deshiniber l’un et l’autre n’est pas forcément à considérer comme une bonne chose, mais passons. Alors il cherche dans un placard deux verres, et dans un autre une bouteille de whisky déjà bien entamée. Leurs deux verres remplit, il en tend un à Marisa et ne fait pas mine de trinquer avec elle avant de porter sa propre boisson à ses lèvres. Et bien sûr, le premier sujet qu’il lui faut aborder est celui de Lyra.

Asriel ne réagit pas vraiment au moment d’entendre ce nom être prononcé. Stelmaria, de son côté, s’est légèrement redressée, l’oreille tendue. C’était inévitable, et si elle ne sait peut-être pas à coup sûr qu’il a revu sa fille, leur fille… elle doit forcément deviner qu’il l’a revue, un fait qu’il ne cherche pas à nier directement.

« Eh bien, Lyra ? Que voudrais-tu savoir à son sujet que tu ne saches déjà ? » reprend-il en déposant précautionneusement son verre devant lui, regard plongé dans celui de Marisa.

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Marisa tenait le verre entre ses mains, en traçant le contour du bout de l'index. La fraîcheur de ce contact la distrayait suffisamment pour qu'elle renonce à l'envie, infiniment plus violente, de serrer sa prise jusqu'à briser ce verre et se blesser au passage. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'était plus réfractaire à l'idée de s'infliger des souffrances certaines si cela lui permettait de mieux contrôler ses pensées et ce qu'elle ressentait. Son daemon en était la preuve la plus certaine. Chaque fois qu'elle le brutalisait, c'était elle-même qu'elle martyrisait. Et chaque fois qu'elle s'infligeait le supplice d'une séparation prolongée avec lui, c'était pour elle une nouvelle victoire qui lui permettait de continuer à se bercer d'illusions. Elle était forte, bien plus forte que la moindre souffrance physique ou émotionnelle. C'était ce à quoi elle aspirait, en tout cas.

La réponse d'Asriel lui déplut. Ozymandias en parut le premier courroucé, son poil se hérissant pendant qu'il se redressait vivement. Mais Marisa, elle, resta imperturbable. Elle continua de fixer le liquide ambré durant quelques instants avant de relever les yeux vers ce qui restait sa plus grande source de souffrance : Asriel. Il avait bien fallu un certain masochisme, déjà à l'époque, pour se risquer à se laisser abuser par les regards et sourires qu'il lui adressait. Pour se risquer à s'offrir à lui sans dissimuler une seule seconde la profondeur de ses sentiments pour lui.

Mais cette époque était révolue et ancienne. Buvant une première gorgée, elle laissa le liquide brûler délicieusement sa gorge. Son silence n'était pas une reddition, bien au contraire. En le prolongeant, Marisa préparait ses meilleures attaques, pesait le pour et le contre quant à ce qu'elle acceptait de lui révéler de son état d'esprit. Tout en ayant tristement conscience qu'il était celui qui la connaissait le mieux.

- J'aimerais savoir ce que toi, tu sais, Asriel.

Elle marqua une pause, prenant une nouvelle gorgée de whisky avant de reprendre avec tout autant de calme et de tromperie :

- Je te déconseille de me mentir. Ma patience est déjà mise à rude épreuve.

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feat. Marisa

Asriel peut deviner la requête de Marisa avant même que cette dernière ne la formule. En même temps, cette dernière tombe sous le sens. Elle veut savoir ce qu’il sait. Et lui pourrait prétendre qu’il ne sait rien, mais à quoi bon ? Il ne trouve aucun intérêt dans le fait de mentir frontalement à Marisa. Si certaines vérités ne doivent surtout pas être dites – il est catégorique à ce sujet, il considère néanmoins que tout dissimuler à Marisa serait plus dangereux pour eux tous, y compris pour Marisa elle-même, que de lui servir une version de la vérité complètement déformée. Elle est intelligente, elle n’est pas dupe, et surtout, elle le connaît.

Elle sait pertinemment que dès l’instant où il a su que Lyra était ici, il l’a cherchée autant qu’elle… bien sûr, puisqu’elle-même ne l’a pas trouvée (mais en est-il certain ?), il pourrait prétendre avoir joué de malchance, mais il est une nette différence entre eux, qui justifie de très loin qu’il l’ait retrouvée avant lui. En dépit de la manière dont les choses se sont achevées entre eux, Lyra peut accepter d’être retrouvée par son père. Elle refusera forcément, en revanche, que sa mère la retrouve, et cela, Asriel l’a parfaitement compris… Et il ne fait aucun doute que c’est également le cas de Marisa.

« Je l’ai revue », répond-il finalement en ne la quittant pas du regard, tentant de décrypter chacune des émotions, dangereuses autant que nuancées, qu’il est capable de lire dans son regard.

Il sait quelles réactions proches d’épidermiques est susceptible de provoquer une telle révélation chez Marisa… même si ce n’en sera peut-être pas tant une que cela, tout compte fait, la connaissant. Elle doit se douter, elle doit savoir, même. Dans le cas contraire, elle ne se serait pas embarrassé à venir la voir.

« Elle va bien. »

Au-delà de tout ce que Marisa peut laisser suggérer, Asriel a tout de même intimement conscience de cela. C’est une chose que Marisa veut et doit savoir : que leur fille est en bonne santé… Et c’est le cas. Le seul danger qui puisse peser sur ses épaules à l’heure actuelle est le danger qu’elle représente elle-même, sans en avoir conscience, manifestement, et comme à chaque fois.

« Tu n’en sauras pas davantage… » Il l’observe un instant, attentivement. « Mais peut-être que tu le sais déjà. Peut-être que tu l’as revue, toi aussi », suggère-t-il sans aucune certitude, mais en cet instant, il prêche surtout le faux pour savoir le vrai en espérant que cela parviendra à l’éclairer, d’une manière ou d’une autre.

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Marisa contracta la mâchoire. Asriel venait enfin d'admettre la vérité et déjà, elle était prête à bondir sur lui pour lui faire payer une telle traîtrise. Mais cette information n'était pas suffisante. Fort heureusement, elle le connaissait au point où elle savait anticiper ses prises de parole, au point où elle savait combien il aimait ménager son effet. Relevant vers lui un regard assassin, elle le laissa poursuivre.

Une part d'elle fut soulagée d'apprendre que Lyra était en bonne santé. Asriel était insupportable de certitudes et de désillusions, mais elle devait lui reconnaître ceci : il savait comment apaiser une partie de son âme tourmentée.

Hélas, ce ne fut pas une raison suffisante pour permettre à Marisa de contenir l'intensité de sa colère. Elle voulut précipiter son verre contre le mur mais s'abstint, se contentant d'en prendre une longue gorgée avant que de le déposer prudemment sur la première surface venue. Puis, avec une douceur trompeuse, elle s'exprima enfin :

- Es-tu soudainement déterminé à jouer les pères idéaux, Asriel ? J'ai bien peur qu'il soit trop tard pour cela. Tu n'as jamais rempli ce rôle, tu n'as même jamais voulu remplir ce rôle. Pourquoi maintenant, hm ? Tu as toujours été un piètre père, Asriel, et tu ne peux pas te permettre de sciemment me priver de ma fille.

Sa colère était réelle mais bien sûr, rien n'était simple, chez Marisa. Il était plus facile, pour elle, de rebondir avec agressivité sur les informations délivrées par Asriel que d'admettre que contrairement à lui, elle n'avait pas retrouvé leur fille. Que contrairement à lui, Lyra ne souhaitait pas sa présence. C'était un constat qu'elle avait déjà fait par le passé et qui continuait de serrer son cœur chaque fois qu'elle en obtenait la confirmation. Pour une raison qui lui échappait, Lyra préférait Asriel, lui qui avait pourtant été distant et parfois cruel avec Lyra, là où Marisa n'avait pas été moins cruelle mais avait essayé avec sincérité de véritablement se rapprocher de sa fille. De la préserver des dangers d'un monde trop brutal pour une jeune femme, plus encore pour une jeune fille.

Emportée dans sa spirale infernale de rage et de peine, elle continua de laisser éclater sa colère :

- Je suis allée chercher Lyra, j'ai traversé les mondes pour la retrouver et pour la protéger. Qu'as-tu fait, toi ? Mes fautes sont miennes, Lyra mérite des réponses, et c'est la seule qui en recevra, tu m'entends ? Mais tes fautes à toi sont au moins aussi importantes, si ce n'est plus graves. De quel droit décides-tu de ce qui est le mieux pour elle, toi qui ne t'en es jamais soucié auparavant ?

Sa voix avait gagné en amplitude à mesure qu'elle déversait son venin, si bien qu'à la fin de sa tirade, elle vociférait.

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feat. Marisa

« Je doute fort qu’un père idéal empêcherait sa fille de voir sa mère, n’est-ce pas ? Alors si cela peut te consoler, dis-toi que je continue d’être un piètre père pour Lyra », réplique-t-il simplement, avec plus de froideur qu’il n’avait voulu en afficher au moment de tenir ces propos.

Se peut-îl qu’il se sente blessé par les insinuations de son interlocutrice ? Peut-être bien. Pourtant, elles sont, à bien y regarder, plus que fondées. En effet, Asriel ne s’est jamais comporté comme un père à l’adresse de Lyra. L’excuse du secret pouvait justifier en partie la distance qu’il avait installée entre eux, mais elle était insuffisante à expliquer sa négligence. Se faisant passer pour l’oncle de Lyra, il aurait tout à fait pu lui consacrer de ce temps et de cette attention qu’un enfant recherchera naturellement vis-à-vis d’une figure parentale.

Mais non, il a été le grand absent de sa relation avec Lyra. En caresse-t-il des regrets ou des scrupules ? Pas vraiment. Pour tout ce qu’il a fait, y compris de pire, il estime avoir agi en son âme et conscience, et au nom de ce qui était le plus juste. Il n’a pas vraiment de regret à ce sujet, et pourtant, le sentiment qu’il ressent quand il est question de Lyra n’est pas de ceux que l’on peut assimiler à de l’indifférence. Asriel, à sa manière bien particulière, tient réellement à sa fille.

Le numéro que lui sert Marisa, et qui n’a rien de surprenant de sa part n’a bien sûr pour effet que de le convaincre de l’impérieuse nécessité d’éloigner la fille de sa mère pour le moment. Marisa est dangereuse pour Lyra, trop dangereuse pour véritablement se rendre compte du fait qu’elle l’est bel et bien. Il l’écoute néanmoins répéter ce qu’il sait déjà, tout ce qu’elle aurait fait pour leur fille quand lui-même n’avait jamais servi que ses propres objectifs et rien d’autre.

« Je n’ai pas décidé de ce qui était le mieux pour elle, elle l’a décidé d’elle-même. Elle ne m’a donné aucune information sur l’endroit où elle vit et m’a expressément interdit de t’en parler, je ne fais que respecter ses choix. » Il marque une pause. « Par ailleurs je te demanderais de cesser de dire ça. Lyra est ma fille autant que la tienne. Et je tiens à elle autant que toi. »

Et il tient à Lyra autant qu’à elle. Ce qui, quand on sait la nature infiniment complexe et chaotique de leur relation, en dit long, très long même, sur ce que cela peut bien impliquer pour lui.

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En contraste avec son coup d'éclat, Marisa se sentit soudainement investie d'un grand calme. Les différences d'opinion entre elle et Asriel étaient trop évidentes et Marisa était trop perspicace pour penser un seul instant qu'Asriel se rangerait de son côté. Son avis était arrêté. Celui de Marisa également. C'était un conflit qui commençait à devenir lassant pour la femme au caractère tempétueux qu'elle était.

Mâchoire contractée, elle commença par se taire. Son regard belliqueux ne cessait de dévisager Asriel. Puis, après quelques secondes passées à contempler l'idée de s'en prendre physiquement à lui et de lui faire regretter chaque année passée sans lui et avec un cœur brisé, elle reprit calmement la parole, quoiqu'avec une once d'arrogance :

- Si tu tenais réellement à elle, tu saurais qu'elle doit impérativement être protégée. Notre fille est exceptionnelle, Asriel. Imagine que nous ne soyons pas les seuls de notre monde à se trouver ici. Imagine qu'ils la retrouvent.

Ses lèvres se relevèrent en un sourire qui ressemblait davantage à un défi. Ou à une preuve de l'amertume qu'elle ne parvenait pas à contenir. Elle aurait dû s'en douter. Asriel était trop fier pour accepter, sciemment, de lui venir en aide. Elle aurait dû le savoir dès l'instant où il lui avait proposé de le suivre à travers la brèche qu'il avait réussi à créer, dès l'instant où il lui avait proposé d'abandonner leur fille dans un monde trop brutal pour elle.

Sa vision retrouvait de sa clarté à présent qu'elle avait réussi à écarter sa colère. A la place, elle se concentrait sur cette forme paradoxale de dégoût et de méfiance qu'elle ressentait à l'égard de son ancien amant et père de sa fille. Pour la manière dont il refusait constamment de lui obéir, elle le haïssait. Mais pour la manière dont il continuait de la surprendre et de l'envoûter, elle l'adorait rageusement.

- Il y a une prophétie sur elle. Une prophétie qui la place en grand danger. Lyra l'ignore et ne doit pas l'apprendre. Mais imagine que des membres du Magisterium le sachent. Nous devons protéger notre fille, Asriel. Si tu estimes que la sûreté de Lyra n'est pas une priorité, laisse-moi en faire la mienne.

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feat. Marisa

Marisa aura beau suggérer le contraire, Asriel continuera d’affirmer tenir à Lyra. Parce que c’est le cas. Jamais il n’a su le montrer ou l’exprimer de la bonne manière, mais c’est malgré tout bel et bien le cas. Il tien à Lyra, et c’est justement parce qu’il veut la protéger qu’il cherche à l’éloigner de sa mère. Cette dernière a beau dire, elle ne saurait incarner ce qui pourrait être bon pour leur fille. Elle est trop instable, trop fragile, et leur fille a le plus grand besoin de pouvoir se reposer sur des socles véritablement solides : ce qu’ils ne sont ni l’un ni l’autre à l’heure actuelle, il ne faut pas se leurrer à ce sujet. Oui, Lyra est exceptionnelle, et peut-être qu’elle a raison sur ce point, et que d’autres pourront la convoiter, autrement plus dangereux qu’eux, mais Asriel accepte d’en faire son affaire pour peu que Marisa ne soit pas en mesure d’exercer quelque emprise que ce soit sur leur fille.

« Je tiens autant que toi à protéger Lyra, et je le ferai. Je la protégerai des membres du Magisterium, et je la protégerai de toi… et de moi-même également si cela doit être nécessaire », réplique Asriel, piqué dans son orgueil alors que Marisa ne cesse de répéter qu’il n’aurait que faire de Lyra et de la nécessité de la protéger.

Peut-il pourtant affirmer que c’est entièrement faux ? A bien y regarder, il n’a jamais fait de la sécurité de sa fille une priorité absolue. Il a veillé sur elle, à sa manière, c’est dont il se convainc, du moins. Mais loin de lui avoir épargné les plus grands dangers ou les plus grandes désillusions, il a parfois été parmi les acteurs les plus actifs de sa douleur : il ne pourrait prétendre le contraire sans faire preuve de la plus remarquable des mauvaises fois.

« Qu’est-ce que tu comptes faire, exactement, pour la mettre à l’abri ? L’enfermer à quatre tours ? » reprend-il en la toisant.

En comptant sur elle-même plutôt que sur elle-même, Lyra a bien plus de chances de s’en sortir, en réalité. Lyra a plus d’une fois démontré la force de sa ténacité, son courage et son intelligence. Certes, elle n’est jamais qu’une enfant livré à elle-même – même si elle est en possession de l’Aléthiomètre (information qu’Asriel se garde bien d’apprendre à Marisa) –, mais il ne saurait être convaincu de ce que Marisa pense être le mieux pour elle.

« Avant de vouloir préserver Lyra des autres, préservons-la de nous-même », reprend Asriel d’un ton convaincu.

Il pense chaque mot qu’il prononce, même s’ils ne sont pas simples à formuler.

« Et garde-toi, s’il te plaît, de présumer de ce que peut être ou non ma priorité », reprend-il sur le ton de l’avertissement.

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Une lueur de moquerie basse et vile passa dans le regard de Marisa, qui observa son ancien amant d'un air profondément mauvais. C'était ainsi qu'elle traitait quiconque refusait de lui obéir. Et dans le cas d'Asriel, elle mettait plus d'application encore à afficher son dédain.

- Et tu comptes faire tout cela... Dans le refuge confortable d'une distance calculée, je suppose ? Bien sûr. Se soucier, de loin, de la sûreté de sa fille... C'est la solution idéale pour toi.

Chacun des rictus qu'elle lui adressait était teinté de mépris. Sa voix avait pris les intonations doucereuses d'une fausse légèreté, de celles qui étaient à la fois menaçantes et hautaines.

Pour protéger Lyra... Marisa n'était effectivement pas contre l'idée de l'enfermer à quatre tours. Au moins le temps que la période de danger soit passée. Le temps que chacun de leurs ennemis périsse. Et puisqu'il avait raison sur ce point, elle ne se donna pas la peine de répondre, sachant déjà pertinemment qu'il ne comprenait pas la nécessité d'une telle action. Certes, c'était extrême. Mais Marisa n'était pas femme à avoir froid aux yeux. Ce n'était pas une décision qu'elle prenait de gaieté de coeur. C'était, en revanche, la solution la plus efficace pour préserver Lyra. Elle avait déjà failli la perdre une fois... Et ce souvenir la hantait encore. Il était hors de question que Marisa laisse quiconque ou quoi que ce soit reproduire une telle menace pour sa fille.

- C'est une enfant, Asriel. Comment peux-tu penser qu'elle est en sécurité, livrée à elle-même ?

Elle continuait de lui adresser des regards assassins. Elle savait, en revanche, que c'était peine perdue. Sur ce point comme sur tant d'autres, ils ne se mettraient pas d'accord. Cela ne faisait rien. Marisa n'avait pas besoin d'Asriel, encore moins s'il persistait à faire preuve d'une telle faiblesse.

Le ton d'avertissement employé par son ancien amant retint son attention. Les lèvres de Marisa se retroussèrent cruellement. Un ricanement froid et condescendant s'échappa d'entre ses lèvres, tant cette attitude soudaine semblait l'amuser. Elle n'avait jamais su résister à la tentation d'attiser la colère de cet homme-là, dont le regard s'assombrissait d'une manière si fascinante lorsqu'il cédait à ses émotions les plus sombres. Celles qu'elle lui préférait.

- Sinon quoi, Asriel ? l'interrogea-t-elle avec une provocation cruelle.

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feat. Marisa

Marisa a raison sur ce point : si Asriel compte garder un œil sur Lyra, il a bel et bien l’intention ferme de ne le faire qu’à distance, chose qu’il a en définitive toujours fait. Asriel a toujours aimé sa fille et a toujours veillé sur elle à distance raisonnable, cette situation ne doit rien changer à sa manière de procéder. Asriel ne saurait tenir pour sa fille le rôle de père qui vient intuitivement à d’autres, et ce n’est pas son intention le moins du monde. Asriel ne prétend pas être le meilleur père qui puisse être, ce n’est pas un titre qu’il a voulu gagner un jour, pas le moins du monde, même, mais en revanche, il estime que son comportement n’est pas moins à blâmer que celui de Marisa. Il s’assurera, à sa manière, que rien de mal ne lui arrivera et il est déterminé à tenir cet engagement, n’en déplaise à celle qui voudrait avoir l’ascendant total sur la chair de leur chair.

« C’est ce qu’elle a toujours été, livrée à elle-même. Et je doute fort qu’elle soit seul », réplique simplement Asriel aux réflexions de Marisa.

Bien sûr, Marisa a raison : Lyra n’est jamais qu’une enfant, une adolescente pleine de ressources, certes, mais une enfant tout de même, mais Asriel gage malgré tout qu’elle saura se montrer plus débrouillarde et volontaire que ne sauraient le faire nombre de jeunes filles de son âge. Elle a déjà témoigné par le passé de l’ampleur de sa ténacité, qui avait tout naturellement forcé l’admiration d’Asriel. Il a de l’estime pour sa fille, oui, une estime profonde et impérissable, qui l’engage à penser qu’elle sera certainement capable de soustraire à plus d’obstacles qu’on ne le soupçonnerait. Est-ce pour autant qu’il est acceptable de la négliger à ce point ? Probablement que non. Il reste convaincu néanmoins de ce que doit être sa position dans cette situation. Et il est convaincu également de ce que devrait être la position de son interlocutrice, quand bien même cette dernière a l’air moins que convaincue à ce sujet.

« Je ne te menaçais pas, Marisa, mais s’il te faut cela pour te dissuader, soit », fait-il en toisant Marisa avec froideur quand celle qu’il avait tant aimée, et pour qui il nourrit aujourd’hui des sentiments aussi forts que complexes et contrariés, lui demande ce qui se passera si elle devait présumer de ce que peut être ou non sa priorité. Il est vrai que le ton qu’il avait employé était celui de l’avertissement, contrairement à ce qu’il prétend. « Je te connais Marisa, je te connais sans doute même plus que tu ne te connais toi-même. S’il faut t’arrêter, je saurais précisément sur quels leviers appuyer pour te faire céder, je saurais exactement quoi faire pour te dissuader. »

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Une ombre passa sur le visage de Marisa. Il était vrai que Lyra avait passé la majeure partie de son existence, seule, sans savoir qui étaient réellement ses parents ou pourquoi elle avait été condamnée à être élevée par les Erudits. Laisser Asriel emmener Lyra, autrefois, avait été une grave erreur. Dès que Marisa avait pu poser les yeux sur sa fille, devenue pré-adolescente, elle avait su que toutes ces années de séparation avaient été une cruelle erreur de jugement. Depuis, elle n'avait eu de cesse de rattraper le temps perdu et de reprendre les choses en mains. Le plus grand problème étant qu'elle l'avait fait... A sa manière. Elle reconnaissait qu'elle avait pu se montrer brutale avec Lyra. Elle avait d'ailleurs profité de chaque occasion où elle avait revu Lyra, par la suite, pour présenter ses excuses à la jeune fille. Mais cela n'avait pas suffi, et c'était bien cet aspect de la relation qu'elle avait sa fille qui la frustrait tout particulièrement. Oui, Lyra avait été livrée à elle-même. Mais...

- Elle ne l'a pas toujours été.

Les quelques semaines qu'elles avaient passé ensemble, quand Lyra ignorait encore tout des manigances de Marisa, avaient été les semaines les plus heureuses de son existence. Car même sa liaison avec Asriel avait toujours été teintée de risques et de secrets qui avaient rendu l'expérience exaltante, mais douloureuse chaque fois que la séparation s'imposait.

Les dernières paroles d'Asriel l'extirpèrent de ses songes. Marisa arqua un sourcil et le fixa avec scepticisme.

- J'en doute.

Le mal que pouvait bien lui faire Asriel avait atteint son paroxysme, bien des années plus tôt. Néanmoins, Marisa accepta, pour le moment, de mettre ce sujet de côté. Elle faisait inconsciemment passer le bout de son index sur le bord de son verre, contemplant le liquide qui reposait au fond plutôt que d'affronter le regard de cet homme qui lui inspirait des émotions trop complexes et trop contradictoires.

- Bien. Si tu ne comptes pas m'aider, tu ne m'es d'aucune utilité.

Et pourtant, Marisa n'esquissa pas un seul mouvement pour quitter cet appartement. Si elle avait été d'humeur à exprimer plus de sincérité, elle aurait admis qu'elle se sentait à présent démunie. Incapable de compter sur le soutien d'un homme dont elle était toujours éperdument amoureuse et qu'elle haïssait pourtant avec la même ferveur, et incapable d'obtenir la confiance de leur fille. C'étaient des constats dont le poids était trop lourd pour qu'elle se résigne à les emporter chez elle. Pas immédiatement.

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feat. Marisa

« Je ne crois pas que Lyra en garde le meilleur des souvenirs », observe Asriel en soutenant le regard de son interlocutrice avec l’ombre d’un défi dans les prunelles, quand Marisa évoque le fait que leur fille n’aurait pas toujours été livrée à elle-même.

Elle n’a pas besoin d’être plus explicite à ce sujet pour qu’Asriel sache précisément à quoi elle fait référence, en l’occurrence – à savoir, bien sûr, cette période certes courte mais bien réelle au cours de laquelle Marisa avait accueilli Lyra sans que cette dernière ait conscience de ce qui se tramait dans son dos. Quand bien même elle pouvait prétendre avoir veillé sur elle dans cette période, et quand bien même c’était, quelque part, une vérité, il était évident que Lyra aura passé davantage de temps à fuir sa mère qu’à solliciter sa présence, et ce constat en dit long.

Pour ce qui est d’affirmer qu’il serait bel et bien capable d’arrêter Marisa dans ses projets, c’est bien évidemment s’avancer beaucoup trop sur une situation qui ne manque pas d’être beaucoup plus complexe en réalité. Asriel est loin de pouvoir véritablement prétendre savoir sur quels leviers appuyer en toutes circonstances pour faire céder son interlocutrice. Il pense cependant être capable de comprendre d’elle des traits qui échapperaient à de nombreux autres, et quand bien même Marisa a sans doute toutes les raisons de douter, il reste campé sur ses positions. Et il en a toujours été ainsi : l’un et l’autre trop fiers, trop orgueilleux, pour faire un pas de côté même lorsque leurs intérêts pourraient éventuellement se rejoindre, comme si une telle possibilité leur était positivement insoutenable.

« Ne prétends pas que tu pensais obtenir mon aide aussi facilement », répond Asriel en fixant Marisa sans ciller ou presque.

Il la connaît malgré tout, il a bien constaté qu’elle n’avait pas esquissé le moindre mouvement pour quitter cette pièce, il est capable d’entrevoir ce quie son attitude ne montre pas vraiment, pourtant. Marisa est démunie, et sans doute estime-t-elle avoir fait le tour de toutes les options qui pouvaient bien être envisageables.

« Si tu es venue ici, ce n’est certainement pas parce que tu espérais que je cède à tes exigences », observe-t-il alors sans lui donner un seul instant l’occasion de se dérober à son regard toujours plus insistant. « Tu n’es pas ici pour Lyra, tu savais très bien que je ne t’aiderais pas à la retrouver. » Il avance d’un pas dans sa direction, sans l’ombre de la moindre hésitation dans les yeux. « Alors dis-moi, Marisa, pourquoi est-ce que tu es ici réellement ? »

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Asriel n'est jamais tant l'image du prédateur attentif et dangereux que suggère Stelmaria que lorsqu'il parvient à cerner, avec une aisance des plus frustrantes, ce que Marisa entend pourtant refouler avec entêtement. Elle sent son regard sur elle, et elle en devine l'intensité. Ce n'est qu'au moment de le voir se rapprocher du coin de l'œil que Marisa daigne cependant se tourner vers lui et soutenir son regard du sien, profondément méfiant. Et défiant.

- Tout se passait bien, très bien même... Au début, prend-elle tout de même le temps de préciser au sujet de sa cohabitation passagère avec Lyra.

Mais Asriel a raison. Lyra était le prétexte parfait pour justifier sa présence ici. A présent qu'elle a obtenu la certitude qu'Asriel ne lui donnerait pas son aide, Marisa n'a plus qu'à quitter cet endroit. Ce serait infiniment plus simple. Pourtant, Marisa continue de se tenir là, guettant l'approche d'Asriel avec un mélange d'appréhension et de fascination. Il est le seul qui parvienne à voir aussi clair dans son jeu. Le seul qui soit suffisamment cruel pour exprimer à sa place ce qu'elle tient tant à taire.

Après un instant de silence, Marisa expire et reprend à voix basse :

- Ces derniers temps... Je repense, de plus en plus fréquemment, à ce que tu m'as dit à Svalbard. Un nouveau départ. Toi et moi, luttant ensemble.

Contre l'Autorité. L'association de leurs esprits brillants, de leur volonté, en une arme redoutable et puissante pour défier tout dogme, pour comprendre, enfin, le véritable sens de la Poussière et de son implication dans leur libre-arbitre. Des fantasmes d'intellectuels. Un jeu dangereux qui, dans leur monde, les aurait très certainement condamnés. Mais tout est différent dans cette Ville, et Marisa en vient donc à reconsidérer... Non pas ses priorités, mais ses possibilités.

- A quel point étais-tu sérieux, Asriel ?

Elle ne franchit pas l'espace qui les sépare, mais elle soutient désormais son regard avec la même intensité qu'il lui renvoie. Elle repense à leur baiser, devant cette Brèche où ils auraient pu s'aventurer tous les deux, unis mais qui avait finalement été le témoin de leur énième séparation.

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feat. Marisa

Asriel ne commente rien, mais le regard qu’il adresse à Marisa en dit particulièrement long, quand cette dernière cherche à la convaincre du fait que tout se passait bien, et même très bien, pour commencer. Est-ce que, de son côté, la version des faits de Lyra serait la même si on lui demandait ce qu’il en avait été ? Asriel se permet d’en douter, mais admettons… Le fait est que chaque mot compte dans une conversation, et plus encore avec Marisa, qui ne s’exprime jamais ou rarement à la légère. Ce « Au début » veut tout dire. Oui, tout se passait bien, au début, puis tout a dégénéré, pas vrai ? Et ce n’est probablement la faute de Lyra, et plus probablement celle de la femme qui se tient sous ses yeux. La cohabitation entre la mère et la fille n’avait été que passagère – elle n’avait eu aucune chance de fonctionner sur la durée, c’était – purement et simplement – impossible.

Il ne fait aucun commentaire, on, parce qu’il sait dans tous les cas, comme il l’avait avancé précédemment, que Marisa n’était pas véritablement sérieuse au moment d’espérer de sa part qu’il la mène à leur fille. Ils savent bien, l’un comme l’autre, qu’Asriel ne lui cèdera pas du terrain, pas sur ce sujet-là. Marisa pouvait bien chercher à l’intimider, à l’interroger de toutes les manières possibles et imaginables, cela ne change rien au fait qu’il n’entraînera pas Lyra dans les filets de Marisa – pas s’il peut l’empêcher, c’est certain.

Asriel ne sait pas à quoi s’attendre exactement. De la part de Marisa, il peut s’attendre à tout. Elle pourrait décider de nier, sur toute la ligne, elle pourrait faire le choix d’insister, mais elle ne fait rien de tout cela, à la place, et à sa manière, elle semble admettre qu’elle n’est pas en effet ici pour les raisons qu’elle peut avancer.

Alors, finalement, elle y revient, aux paroles qu’il avait prononcées à Svalbard, au moment de lui proposer de la suivre, au moment de l’embrasser avec passion, comme si sa vie en dépendait. Il n’avait pas réfléchi à sa proposition. Ce n’était pas quelque chose de prémédité, à peine quelque chose de réfléchi, et de sa part, l’on ne peut que s’en étonner tant ceci semble contraire à ses habitudes et à son mode de réflexion. Il l’a vue, et les mots lui sont venus spontanément. Pas par jeu, pas par manipulation, mais parce qu’au fond de lui, c’est ce qu’il voulait : profondément, viscéralement, il n’était pas prêt à renoncer à ses ambitions, ça non, mais il était prêt, en revanche, à tout partager avec elle.

« Quelle importance cela peut-il bien te faire, Marisa ? » fait-il en soutenant son regard, alors que de moins en moins d’espace ne les sépare. « Tu as refusé, quoi qu’il en soit… alors… savoir si j’étais véritablement sérieux n’a plus grande importance. »

Bien au contraire, c’est important. Et il avait été terriblement sérieux.

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Rien n'est facile, dans leur relation, et encore moins dans leurs interactions. Comme si chaque face à face n'était qu'un prétexte à une cruauté plus sournoise encore qu'un œil extérieur ne pourrait le soupçonner. Une cruauté d'anciens amants, séparés par les circonstances et par l'orgueil mais qui n'ont jamais véritablement permis à leurs sentiments, si forts et contradictoires soient-ils, de disparaître. Ce sont ces sentiments qui empêchent Marisa de fuir l'appartement d'Asriel. Ce sont eux, également, qui l'enjoignent au contraire à se rapprocher de lui en même temps que lui-même réduit la distance qui les sépare. Les questions d'Asriel ne servent qu'à en dissimuler d'autres, elle le sait, et ce sont ces questions silencieuses que Marisa privilégie au moment de poser les mains sur le torse de son ancien amant et de saisir le tissu de son vêtement. Avec moins de brusquerie qu'elle ne le soupçonnait.

Refusant néanmoins de croiser son regard, Marisa pose les yeux sur le tissu qu'elle est en train de malmener. Semblant se rendre compte de la force presque trop désespérée qui l'anime, elle déplie lentement les doigts et lisse le vêtement qu'elle vient de froisser avec si peu de ménagement. Pour se donner du temps.

C'est en continuant de fixer un point imaginaire sur le buste d'Asriel qu'elle reprend, à voix basse, comme si ces mots lui étaient trop douloureux pour les articuler :

- Ça a toute son importance. C'était un autre monde... un autre contexte. Je suis restée pour Lyra, et Lyra est ici, maintenant. Dans le même monde que toi. Alors je suppose que...

Ce qu'elle s'apprête à admettre lui déplaît. Sans la passion d'un baiser, sans le doux vertige qui accompagne la manière dont Asriel l'embrasse et saisit son corps, chaque aveu de faiblesse semble bien dérisoire. Et chaque proposition lui donne la sensation de creuser sa propre tombe. Saisie néanmoins d'un bref sursaut de courage, Marisa relève les yeux sur le seul qui sache tout comprendre d'elle et reprend, avec plus de clarté :

- Ici... Rien ne m'empêche de joindre mes forces aux tiennes. Rien si ce n'est nos péchés respectifs.

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feat. Marisa

Asriel fait mine d’ignorer le frisson qui se propage dans tout son être au moment de sentir le contact de ses doigts tout contre le tissu de sa chemise. Trois fois rien, un geste qui signifie pourtant autant sa présence que sa possessivité, ou du moins qu’Asriel décide d’interpréter comme tel, incapable qu’il est de le considérer autrement, désireux surtout de ne pas briser ce contact qui, si infime soit-il, se révèle déjà dangereux dans les circonstances présentes, tant un rien est susceptible, dans leur cas, de les faire basculer. De le faire basculer. Sur le fil, constamment, quand il est question de Marisa, Asriel sait qu’il suffirait qu’elle daigne le regarder enfin dans le blanc des yeux pour qu’il perde tout sens commun, mais son regard évite obstinément le sien, ce qui a le don de le rassurer et de l’agacer tout en même temps. Il baisse les yeux sur elle, à ses risques et périls, en même temps qu’elle reprend la parole.

Elle a tout à fait raison, bien sûr. Ça avait de l’importance. Ça en avait nécessairement pour Asriel, qui ne se serait certainement pas hasardé à faire à Marisa une proposition à ce point radicale mais aussi à ce point spontanée (et la spontanéité n’a jamais été entièrement son fort) à la femme qui lui fait face. C’était un autre monde et un autre contexte, certes, mais cette proposition, et ce qui aurait pu en résulter si la réponse de Marisa avait été différente, importe encore, ici et maintenant, dans ce monde et dans ce contexte bien précis.

Ici et maintenant, ils sont tous les trois dans le même monde. Lui, Marisa, Lyra. A bien y réfléchir, les circonstances n’ont certainement jamais été plus favorables pour eux qu’en cet instant. Ils pourraient en profiter, décider que ce moment est le leur, que ces circonstances sont leurs… Bien sûr, Asriel y a pensé. Il ne l’admettrait pas. Presque pas. Pas sérieusement. Mais il y a pensé. Seulement… il n’estime pas que la présence de Lyra ici parvienne à cimenter les restes de leur relation brisée. Au contraire, cela aura très probablement pour effet de la faire voler en plus d’éclats encore.

« Je vis en bonne entente avec mes propres péchés », répond Asriel alors que Marisa relève finalement le regard, comme il redoutait et voulait qu’il le fasse en même temps.

Bientôt, Asriel ne répondra plus de lui-même, c’est une évidence. Il répond déjà si peu de lui-même quand, dans ce regard, il peut lire tant de choses, ces mots qu’elle ne prononce pas, ou pas exactement, mais qu’il ne devine que trop bien entre les lignes, et dont il ne peut que s’imprégner afin de se les approprier, les faire siens. Il ne résiste pas à la tentation de glisser doucement ses doigts sous son menton pour s’assurer que ce regard ne quittera pas le sien, avant que ses lèvres ne viennent se déposer sur les siennes, un instant encore court, mais néanmoins nécessaire. Comme s’il reprenait un peu d’un souffle retenu au contact de ses lèvres.

« Qu’en est-il des tiens ? »

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Alors qu'Asriel glisse ses doigts sous son menton, Marisa lutte contre un mouvement de recul, ou même contre un mouvement destiné à l'empêcher, violemment, d'instaurer ce contact physique... mais ce serait bien hypocrite de sa part, elle qui continue de poser les mains à plat sur le torse d'Asriel, elle qui appréhendait tant de le regarder dans les yeux de crainte qu'il ne devine que trop bien la nature de ses tourments. Il l'empêche ainsi de détourner le regard, et pourtant, Marisa aimerait lui signifier à quel point c'est inutile. Elle ne peut plus se dérober à son inquisition silencieuse. Elle ne peut plus prétendre ne rien ressentir pour celui qui, encore en cet instant, parvient à éveiller son épiderme qui se couvre de longs frissons qu'elle ne contient plus.

Lorsque les lèvres d'Asriel se déposent sur les siennes, Marisa se tend, indécise quant à la juste manière d'agir. L'envie de fuir se mêle à l'envie, plus tentante, d'accepter ce baiser sans broncher, ce qu'elle fait finalement, prenant dans le même temps une longue inspiration, comme si elle récupérait au contact de ses lèvres un souffle qui lui manquait dès qu'elle en était séparée.

Sa question, pourtant attendue, parvient tout de même à la troubler. Marisa le dévisage, mais dans son expression, elle ne trouve pas de réponses. C'est bien en elle-même qu'elle doit chercher pour faire preuve d'un effort de sincérité. Elle s'y refuse pourtant, dans un premier temps.

- Je ne sais pas. Je ne sais plus, admet-elle doucement.

Ce qu'elle sait, en revanche, c'est que le corps d'Asriel appelle le sien, et qu'elle aimerait tout autant pouvoir le couvrir de baisers que le griffer au sang. Marisa ne veut pas réfléchir à ses péchés, pas plus qu'à ceux d'Asriel. Ce qu'elle veut, c'est réduire l'espace qui subsiste entre eux. Ce qu'elle veut, c'est s'avancer d'un pas et se hisser sur la pointe des pieds pour déposer de nouveau ses lèvres contre les siennes. Et c'est ce qu'elle fait finalement, passant les mains dans les cheveux d'Asriel, puis sur sa nuque pour le maintenir contre elle tandis qu'elle cède ouvertement et l'embrasse avec une passion qu'elle ne parvient jamais à taire totalement lorsqu'il s'agit de cet homme.

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feat. Marisa

Il est incapable de l’avoir dans son champ de vision sans céder à l’envie irrépressible de plaquer ses lèvres contre les siennes, avec envie, avec frustration, avec rage. Comme une manière facile et évidente de la dominer, comme une manière moins avouable de se laisser dominer par les sentiments bien moins avouables qu’elle lui inspire et ne cessera probablement jamais de lui inspirer quoi qu’il puisse advenir. Elle ne lui oppose aucune résistance. Elle est, dans un premier temps, interdite, avant de finalement répondre à ce baiser qui, comme tous ceux qu’ils ont déjà échangés, et tous ceux qu’ils échangeront sans doute encore, ne saurait les mener nulle part, pas plus à leur déchéance qu’à un quelconque avenir radieux. Cette passion est futile car elle ne peut rien leur apporter de bon… son seul fruit admirable aura été Lyra, et elle est maintenant un nouvel objet de discorde entre eux.

Oui, Asriel se targue de vivre en bonne entente avec ses péchés. Est-ce tout à fait vrai ? Il vit en tout cas en bonne entente avec ceux de ses péchés qu’il daigne confesser sans aucune hésitation, mais il en compte plus d’un à son actif, et certains sont probablement bien moins avouables que d’autres. Mais il ne se focalise pas sur ces derniers, non, il préfère, et de très loin – et sans franchement de surprise au passage – s’intéresser plutôt à ceux de celle qui lui fait face, et qui daigne lui répondre avec une sincérité des plus désarçonnante. De sa part, à cette question au fond très attendue, il s’était attendue à une réponse probablement bien moins honnête… une réponse à la mesure de celle qu’il lui avait lui-même adressé, en somme.

« Peut-être qu’ils n’ont pas tant d’importance que ça, tout compte fait », conclut alors Asriel en fixant Marisa avec une intensité nouvelle.

Il n’a rien le temps de dire de plus. Déjà, les lèvres de Marisa retrouvent les siennes et les embrassent avec ferveur et passion. Quand ils sont ensemble, dans la contiguïté d’une même pièce, à l’abri des yeux et des regards, faut-il croire que c’est plus fort qu’eux : ils sont tout bonnement incapables de s’en empêcher. Et l’idée même de se retenir davantage, alors que son souffle se mêle à présent au sien, lui paraît absurde avant toute chose. Il la veut… il la veut passionnément, il n’a plus que cette pensée à l’esprit alors qu’il l’attire sans jamais séparer ses lèvres des siennes jusqu’à sa chambre, s’appliquant dans le même temps à ce qu’il trouve à caresser de peau sous le tissu de son haut.

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Marisa & Asriel ▬ "Grown-ups are infected so deeply it's too late for them, condemned to a life of sin, guilt and regret."

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