Pour l'amour de Nesquick [PV Wall-e Earth]

Après sa discussion avec Jo, Eve n’avait pas l’impression d’avoir retenu énormément de choses. Ou plus exactement, elle avait le sentiment que, quoi qu’elle ait pu retenir, ce n’était pas assez. Elle ne comprenait que très peu la logique des humains, et surtout la logique relationnelle. Pourquoi dire bonjour tous les jours à des personnes qui ne représentaient rien pour vous ? Simplement parce que vous travaillez avec elles ? Eve avait travaillé aux côtés de bien des sondes qui lui étaient identiques en tous points et de robots tous différents. Pour autant, elle ne leur témoignait aucun signe de reconnaissance, jamais.

Cela dit, il y avait eu Wall-e, et il avait un peu changé les choses. Wall-e ressemblait plus aux humains que n’importe quel autre robot. Il était plein de douceur et d’émotion. Avant de le rencontrer, Eve n’avait jamais compris ce que représentait réellement d’avoir des émotions, mais avec Wall-e, elle avait appris à apprécier la danse ou même des plaisirs tout simples comme celui d’un papier à bulle qui explose. Il lui manquait. Elle se disait toujours qu’elle ne le reverrait jamais. Ils étaient là depuis quatre ans. Si elle avait dû le croiser, ce serait sûrement déjà fait. Cela dit, aussi difficile que ce soit de l’accepter, cela avait au moins le mérite de lui enseigner une nouvelle émotion : la tristesse.

Elle pensait à cela quand elle perçut quelque chose de son œil aiguisé, au ras du sol. Eve n’avait plus l’acuité visuelle et la précision de la sonde qu’elle avait été, mais elle avait encore son sens aiguisé de l’observation et elle l’avait approfondi ces dernières années en devant être attentive à tout pour protéger les clients. Mais ce qu’elle voyait là n’était pas un client. C’était un petit cafard qui filait vers une feuille qui trempait dans un liquide que la petite créature devait sûrement trouver très appétissant. Il filait vers elle sans remarquer la botte qui allait s’écraser sur lui. Eve se précipita sur lui, et une innocente fillette se retrouva le pied en l’air, maintenu par une femme inconnue et la regardant avec stupéfaction.

« Tu as failli cette petite créature », lui expliqua Eve en montrant le cafard. « Il faut faire attention. Personne ne mérite de finir sous le dessous de ta botte, d’accord ? »

Elle parlait avec étonnamment de douceur pour une ancienne sonde. Malgré ce qu’elle pensait, elle s’était mieux adaptée qu’on pourrait le penser, assez pour faire attention à ne pas traumatiser une enfant innocente. La mère de celle-ci, après que l’enfant eut hoché la tête en souriant, attrapa sa main et l’entraîna de nouveau dans la foule. Du moins, Eve supposait qu’elle était sa mère, native ou adoptive. Oubliant le duo, elle s’agenouilla vers le cafard et tendit sa main dans sa direction. Il lui rappelait ce petit être qui avait survécu sur la Terre quand elle était venue la sonder.

« Bonjour, toi. N’aie pas peur, je ne te ferai pas de mal. »

Le cafard vint dans sa main avec curiosité et elle le souleva. Il se promena sur sa main et son bras et elle rit doucement. Il lui rappelait de jolis souvenirs.

« Tu me rappelles de bien jolis souvenirs, mon petit. J’ai connu un ami, un jour, qui t’aimerait sûrement beaucoup. »

Eve se sentait nostalgique devant le petit cafard. Il devait y avoir bien peu de personnes qui pouvaient regarder ces créatures avec ce regard plein de douceur et d’affection. Mais elle ne pouvait s’empêcher de penser à ce petit être qui avait survécu sur la Terre, celui qui démontrait que la vie était possible, même quand on n’y croyait plus. Il y avait des miracles qui s’étaient produits dans le monde de Eve, il pouvait s’en produire ici aussi. Elle ne savait pas ce que c’était que de se gorger d’espoirs, mais c’était pourtant ce qu’elle était en train de faire avec lui.

Elle fut sortie de sa torpeur par un jeune homme assez étonnant. Il avait l’air aussi dangereux qu’une mouche sur le rebord d’une chaise et son regard dénotait une inquiétude certaine pour elle, non pas pour elle, pour la petite créature qu’elle avait dans la main et qu’il réprimanda assez innocemment. Le cafard ne devait pas être très impressionné. Eve tendit la main vers le jeune homme sur lequel le cafard grimpa, restant quand-même en vue d’elle. Elle pouffa. Ils étaient mignons tous les deux. Elle était encore plus contente d’avoir sauvé ce petit être, compte-tenu du fait que son humain semblait tant tenir à lui.

« Il ne m’a pas dérangée. J’ai seulement eu peur qu’il ne se fasse écraser. La rue est dangereuse pour votre ami. »

Il semblait avoir oublié que l’usage était de dire bonjour et de se présenter. Eve s’en fichait. Elle n’aimait pas les protocoles humains, elle avait du mal à s’y faire. Elle préférait les protocoles dignes du robot qu’elle avait été. Mais quand il se présenta tout-de-même, son nom la fit sursauter intérieurement, bien qu’elle ne dise rien, ni ne montre rien. Pendant un instant, elle eut le singulier espoir que ce soit lui, son vieil ami. Mais c’était impossible, ce serait véritablement un cadeau merveilleux du destin. Elle se rendit soudain compte qu’elle était restée silencieuse un long moment, un peu trop pour la plus naturelle politesse.

« Je m’excuse. J’ai connu autrefois quelqu’un qui s’appelait comme vous. Je m’appelle Eve. »

Même si elle n'était pas vraiment familière avec le corps d'un humain quand elle l'avait découvert, quatre ans auparavant, elle avait pris le temps de l'apprivoiser et maintenant, ça se passait plutôt bien. Avec l'aide de Jo, elle essayait d'appréhender les critères humains et elles se rendit compte que selon ces critères, l'apparence de Wall-e avait quelque chose de mignon. Mais pour elle, il avait toujours été mignon et il l’était toujours. Elle ne se souvenait tout-de-même pas d'avoir eu autant envie de lui faire des câlins sous sa forme de sonde. Elle n'en faisait quasiment pas aux humains ici. Elle avait donc du mal à comprendre pour quelle raison une part d'elle-même avait envie de cela.

Il y avait quelque chose de très pratique à ne pas devoir poser ses deux pieds sur le sol. Elle avait déjà remarqué que cela lui avait permis d'éviter des obstacles qu'elle n'était plus capable d'éviter maintenant. C’était peut-être ennuyeux mais grâce à Artemis, elle avait développé d'autres compétences qui lui avaient permis de s'adapter à son nouvel état. Elle était extrêmement reconnaissante à cette femme pour ce qu'elle avait fait pour elle. Elle ne se serait sans-doute jamais autant adapté en si peu de temps sans son entraînement rigide qui lui rappelaient le comportement qu'elle avait en tant que robot et qui lui était donc familier.

« Oui, c'est assez déroutant. J'ai dû apprendre plein de choses en arrivant ici. Mais on m'a aidée. Je travaille pour une déesse maintenant, et pour un lièvre aussi. Mais ils ne ressemblent pas à une déesse et à un lièvre. Pourtant, je sais qu'ils le sont. Le lièvre comprend les objets et je crois qu’il ne me comprend mieux que les gens ici. C'est plus facile avec des gens comme ça. Tu n'es pas tout seul, toi, j'espère ? »

Il n'y aurait rien eu de plus cruel aux yeux d'Eve que Wall-e tout seul. Il avait passé tellement de temps complètement seul que ce serait très méchant de continuer à lui infliger ça. Eve se moquait bien de la solitude, pour sa part. ça ne lui avait jamais pesé, en dehors du manque de son cher robot. Mais lui, il était différent. Et elle n'aurait rien pu entendre de plus réconfortant que de savoir que le destin ne l'avait pas torturée de cette façon dans cette ville. il méritait de rencontrer de gentilles personnes et d'avoir une foule d'amis. C'était ainsi que son petit robot préféré pouvait être heureux.

Elle se laissa entraîner en direction de chez lui. Il avait donc une maison et un jardin. En théorie, Eve aurait pu dire qu'elle n'avait pas ce luxe puisqu'elle n'habitait qu'une petite chambre de la société d'Artemis Security. Mais elle y avait tout le nécessaire, et elle n’avait pas besoin de plus. En plus, la société disposait d'un jardin intérieur et elle pouvait en profiter. Quand son ami lui proposa une boisson chaude, elle prit un air un peu rêveur en se souvenant d'une certaine personne et en se disant qu'il y avait quelque chose de logique à répondre, qu'elle ne pouvait pas faire autrement.

« Je vais boire du thé. Le lièvre pour qui je travaille imagine plein de thés différents. Il est doué pour ça et il m'a fait découvrir plein de saveurs différentes. Tu devrais venir un jour. Je suis sûre que tu les trouverais délicieux. Je suis contente que ton ami Nesquick ne soient pas blessés. Ce n'est pas un monde idéal pour ces petites créatures, n'est ce pas ? Il y a tellement de personnes qui Marsh sans faire attention où ils mettent les pieds. Il semblerait que ça ne les inquiète pas de les écraser. »

Eve trouvait ça très moche. Mais elle supposait que ce n'était pas le cas du nouvel ami de Wall-e, sinon il ne se serait pas installé avec lui. Elle était donc très curieuse de faire sa connaissance. Elle avait envie de voir qui s'occupait de son petit robot depuis qu'ils étaient séparés. En tout cas, la maison était vraiment jolie et il l'avait bien choisi. Elle ne pouvait s'empêcher de se demander de quelle façon ils avaient fait leur choix, mais elle n'allait pas le bombarder de questions pour le moment. Elle se contenta de le suivre à l'intérieur et de regarder autour d'elle.

« Tu as vraiment une très jolie maison. Et j'ai hâte de connaître ton ami. Lui aussi, il aime les animaux ? Et les plantes ? Ça te va très bien de t'occuper des plantes. Moi, je ne t'ai pas dit, mon métier on appelle ça garde du corps. Je protège des gens. Mon patron le lièvre, je protège son salon de thé contre les intrus. »

Eve n'aurait pas dû être surprise que Wall-e se soit fait autant d'amis et soient entrés en contact avec autant de personnes, probablement beaucoup plus qu'elle, mais encore une fois, cela ne la surprenait pas. Il avait toujours été le plus social des deux et avec sa petite mine touchante et inoffensive, il avait certainement dû en attendrir plus d'un. Eve ne s'était pas tournée vers des médecins et elle avait appris l'essentiel de son quotidien avec les personnes qui l'avaient trouvée au départ, puis avec Artemis et ses collègues. Mais elle n'était pas encore opérationnelle en ce qui concernait les relations sociales.

Bien entendu, c'était différent avec Wall-e. Tout était toujours différent avec lui. Elle pouvait faire des choses et s'adapter à des situations à cause de son attachement pour lui. Mais ça ne rendait pas forcément les choses évidentes ou faciles, elle s'y attelait seulement avec un peu plus de tranquillité. Elle se demandait qui était toutes ces personnes qui lui étaient venues en aide mais elle finirait sûrement par les rencontrer parce qu'il n'était pas question qu'il en soit autrement. Elle ferait désormais partie de sa vie et elle chercherait à connaître tous ceux de qui il était vraiment proche.

« Tu sembles avoir trouvé beaucoup de personnes capables de te donner un coup de main. J'espère que tu voudras bien me les présenter. Moi, je ne pourrais pas vraiment t’emmener à l'endroit où j'habite. C'est interdit aux garçons. Mais je pourrais te présenter certaines de mes collègues si tu veux. »

Évidemment, il ne voulait pas simplement lui raconter ce qui lui était arrivé à lui. Il voulait tout savoir à son sujet et l'écouter parler de tout ce qu'elle avait vécu pendant toutes ces années loin de lui. Il s'intéressa à son client et elle le comprenait parce qu'il était vraiment fascinant. Elle se promit de l'emmener au salon de thé le plus rapidement possible afin qu'il puisse faire connaissance. Elle était certaine qu'ils s'entendraient bien, même si ce n'était pas un trop grand pari à faire parce que Wall-e s'entendait à peu près avec tout le monde.

« Je lui ai parlé de toi et il m'a toujours dit qu'il aurait voulu aussi te connaître, alors je t’emmènerai là-bas à l'occasion. Il s'appelle Harry, Harry Marsh. »

Même si elle se doutait bien que ça ne devait pas être facile pour lui de gérer tous les animaux, elle ne voyait pas comment il aurait pu agir autrement. Il était du genre à prendre sous sa protection un grand nombre de créatures. Elle l'écouta raconter doucement ses difficultés pour gérer les animaux et s'assurer qu'il n'y ait pas de danger. Elle avait l'impression qu'il avait la tête sur les épaules à ce niveau-là, ou peut-être était-ce l'influence de son ami. Mais elle trouvait ça appréciable. Elle était heureuse de se rendre compte qu'il avait mûri et progressé.

« Tu es très responsable, je suis impressionnée ! Oh mon Dieu, tu t'es fait mal ? »

Elle se précipita vers lui, n'ayant même pas vraiment perçu le compliment qui lui avait fait. Elle était trop inquiète de savoir s'il s'était blessé. Quand il apparut que ce n'était pas grave, elle retrouva un peu de calme, mais pas complètement de sérénité. Il allait falloir qu'elle continue à le surveiller. Ses pensées changèrent brusquement de sujet lorsqu'il lui demanda où elle habitait. Elle sourit doucement, même si ce n'était pas vraiment une bonne nouvelle pour lui.

« La personne qui m'emploie, Artemis, elle me donne un logement dans les locaux de l'entreprise. Nous sommes plusieurs employées à habiter là et il y a même une petite fille qui va encore à l'école, mais qui habite là pour sa protection. Malheureusement, c'est interdit pour tous les garçons. »