L’avantage de ne pas changer est qu’on a l’habitude de ce genre de coup dur. Quand t’as senti cette présence au milieu de la nuit, les chats feulant sur les toits, t’as tout de suite compris que ton nid avait été découvert. T’as attrapé ta tenue, tes affaires, les trois chats qui étaient avec toi et sans même chercher à comprendre t’as sauté dans le vide, te rattrapant de justesse grâce à ton fouet alors que ton appartement explosait dans la nuit. T’as tout lâché dans une zone que tu savais retrouver et es partie semer tes poursuivants. Tu t’en es pas trop mal sortie, ne prenant qu’une balle non létale dans le flanc droit. T’as pansé tes blessures dans des draps où tu t’étais promis de ronronner un jour, tu t’es fait oublier et t’es désormais de retour. Rien ne t’arrête et ce n'est ni la première, ni la dernière balle que tu prends. Franchement t’as connu bien pire.
Mais tu t’étais donc renseignée. Non seulement le mec qui t’avait filé la mission avait fait exprès de t’y envoyer car il savait très bien que c’était suicidaire MAIS ne te l’avait pas dit -Ca, t'allais t’en occuper avec ton Harleen chérie pour lui expliquer qu’on se moque pas des femmes- mais en plus il t’avait envoyé chez un des parrains les plus actifs des bas fonds de cette charmante ville. Oh t’avais réussi ton vol, il était difficile que quelque chose te résiste, mais il était très vexé ce charmant monsieur et fallait que tu le calmes. Lui rendre ce que t’avais volé ? Certainement pas. Déjà tu ne l’avais plus et en plus ça ne changerait rien au fait qu’il était vexé dans son petit égo de mâle et ça… Ça fait mal quand on a que ça d’une belle taille… Et puis il n’avait rien d’un monsieur charmant après renseignement : trafic d’humains, etc… Tout ce que tu détestais.
Mais t’avais besoin de puissance et tu savais où trouver ça : Chez Bruce. T’avais deux choix… Celui que t’avais rencontré il y a peu et qui semblait toujours si perturbé en ta présence ou bien celui que t’avais découvert plus longtemps auparavant et avec qui tu t’entendais plutôt bien. Un Bruce non paladin ça te changeait clairement ! Enfin plutôt un Bruce qui le reconnaissait parce que les autres avaient tendance à jouer les justiciers, sans forcément assumer qu’ils avaient trop de sang sur les mains. Se juger bon n’est pas forcément LA raison qui fait de vous un héro, surtout que les sociopathes se jugent très bons aussi. Ouh la, tu commences à parler comme Harleen, oublions tout ça !
Mais comme tu ne fais jamais les choses comme tout le monde, c’est de nuit que tu viens chercher Bruce, attendant que la lune soit bien haute pour te glisser par une fenêtre ouverte chez lui. Oh tu te doutes qu’il a certainement des alarmes et qu’il va savoir que tu es là mais c’est loin de te déranger, glissant tes gants sur les vitrines avant de monter vers sa chambre. Tu t’appuies alors contre le chambranle de porte, souriant de voir cette forme allongée. Tu t’en approches félinement et sans un bruit avant de t’installer comme si c'était ton propre lit.
« J’adore quand tu me fais croire que je t’ai surprise mais je sais que c’est faux. »
Tu te retournes pour te mettre sur le côté, ta tête posée sur ta main et tu glisses tes ongles sur ton torse.
« Ça te dit de t’amuser un peu ? »
Tu ne parles pas du tout de rester dans ce lit car vous savez très bien ce qu’il en est pour vous deux : tu n’es pas sa Selina, il n’est pas ton Bruce. Non, tu parles d’aller jouer avec des très vilains à qui t’as bien envie de botter le postérieur.
Nuit off pour moi ce soir. A force de parcourir les rues de la ville et de dormir à moitié la journée pendant les réunions d’entreprise, j’ai tendance à négliger mon travail même si ma présence n’est pas toujours utile. Pourtant, mon majordome m’a bien fait comprendre qu’il fallait que je me repose et que j’évite des sorties nocturnes pour quelques temps afin de chasser ces vilaines valises sous mes paupières. Comme je le comprends… Mais même si j’ai veillé tard à force d’étudier certains dossiers pour l’entreprise et suis resté attentif sur les diffusions radio de la ville afin de rester aux faits de ce qui s’y passe, j’ai fini par aller me coucher. Si seulement mes insomnies me laissaient tranquille. J’ai le sommeil beaucoup trop léger pour ne pas voir la lueur rougeoyante de mon réveil relié à l’alarme du manoir. Signe qu’il y a une intrusion dans la demeure. J’éteins le réveil et me tourne vers la fenêtre. Faisant exprès de tourner le dos à la porte. Je fais semblant de dormir mais j’ai récupéré sous mon oreiller de quoi me défendre. Un genre de petit appareil qui se place sur la peau et qui envoie une décharge paralysante à la cible dans le but de mettre hors d’état de nuire tout individu cherchant à m’atteindre durant mon sommeil. Ce qui est peine perdue quand on sait que le moindre bruit ou la moindre lumière m’éveille instantanément. Je suis beaucoup trop méfiant et prudent pour dormir comme une masse et il n’y a que les morts qui ont le droit au repos. Alors malgré les pas feutrés, le mouvement dans la pièce m’indique qu’il ne semble pas s’agir d’une intrusion funeste.
Bien que j’ai le dos tourné, l’on s’assoit au bord du lit sans aucune forme de complexité. Prêt à dégainer ce que j’ai en main sans pour autant le montrer. Mais quand la voix retenti, je reconnais bien cette dernière et je me détourne pour regarder la jeune femme qui me surplombe. Malgré la pénombre, je parviens à lire son sourire sur son visage et la lueur dans son regard semble clairement amusée. Je me retourne sur le dos, elle vient caresser mon torse du bout de ses griffes. « Et si je dormais vraiment ? » Tous ceux qui me connaissent à minima savent que je ne dors jamais vraiment. Même d’un autre univers, cette Selina est bien placée pour le savoir. Puis, on a fait un petit bout de brousse ensemble dans cette ville alors oui, elle me connait bien. Sa question me fait hausser un sourcil circonspect. C’est toujours tentant de s’amuser avec Catwoman, surtout lorsqu’on comprend par où elle veut en venir. J’esquisse un sourire torve malgré moi. « Tu as quelque chose de croustillant à me proposer ? » Toujours partant pour envoyer des bouquets de phalanges dans la tronche de quelques malfrats et faire parler les moins bavards d’entre eux pour obtenir des informations. Après tout, si je lui donne quelques contrats amusants, l’inverse peut être tout à fait vrai aussi. Je me redresse pour m'asseoir dans le lit. « Je t'écoute... »
Il ne peut pas te faire croire ça. Ce n’est pas ton Bruce -tout comme les deux autres de cette ville- mais il y a des choses qui ne changent pas malgré les mondes et sa capacité à être toujours sur le qui vive en est une. Tu ne te souviens pas de l'avoir déjà dormir de façon vraiment apaisée. Peut être parce que t’étais tout simplement là mais tu n’es même pas sûre. Bruce et toi vous connaissez depuis la maternelle, depuis que t'as mis un coup de pied à un garçon qui l’embêtait mais, à partir de l’adolescence et de ses soucis familiaux, tu ne l’as jamais vu “serein”. Il y a toujours eu dans son regard une ombre à laquelle tu ne pouvais rien faire. Tout comme celle qui se trouvait dans le tien après tout. Vous aviez chacun votre expérience et celle-ci faisait que vous ne baissiez jamais la garde face à quelqu’un. C’est ainsi.
Et tu sais qu’il sera partant pour aller s’amuser avec toi, comme tu sais aussi que t’as échappé à te faire neutraliser, mais il est assez malin pour savoir que t’es la seule à pouvoir entrer à pas feutrés dans sa chambre. Ses autres ennemis sont largement moins discrets et surtout ne prennent pas son lit pour un nid.
« J’ai fait une mauvaise rencontre et j’aimerais beaucoup qu’on lui explique qu’il faut arrêter de m’embêter… »
Un peu boudeuse tu viens frotter ton nez contre le sien avant de t’allonger de nouveau alors qu’il s’assoie quant à lui. T’es bien ainsi et tu t’étires longuement en caressant les draps du bout de tes doigts.
« Il y a une semaine, on m’a engagé pour un vol que j’ai réussi haut la main, même si c’était un piège. » Bien évidemment ! « Mais cela m’a attiré l’animosité d’un parrain de la ville qui est très très fâché. Il m’a déjà fait exploser mon nid et collé une balle alors j'aimerais beaucoup qu’on lui explique comment ça va se passer s’il continue. » Parce que c’est pas gentil gentil quand même. « Et puis il fait du trafic d’humains et comme je sais que t’aimes pas ça tout comme moi, je me suis dit que tu serais partant pour faire une descente. »
C’est aussi simple que ça. Des détails ? Quels détails ? Tu sais où le trouver et à peu près l’état de sa sécurité mais faut pas croire que t’as pris plus de renseignements que ça. Autant tu t’organises un peu pour les vols, autant t’as toujours tendance à y aller au talent le reste du temps, et surtout t’es pas capable de suivre un plan. T’as besoin de l’adrénaline de l’action que tu n’avais pas prévu, besoin de te faire voir et besoin aussi de complexifier les choses si c’est trop simple. C’est pas pour rien que t’es passée à côté de la mort tant de fois. Un peu plus et on pourra penser que t’as réellement neuf vies mais ce n’est pas du tout le cas, t’es juste solide.