Imbu de lui-même, ce vampire marque toutefois un point. Adrian se serait parfaitement souvenu d’un tel énergumène s’il l’avait déjà rencontré par le passé. Seulement, ce n’est pas le cas. Pourtant, il ressent toujours une drôle d’impression en sa présence. Il est bien certain de ne l’avoir jamais vu de sa vie, alors comment expliquer ce sentiment ? Il l’ignore. De toute façon, son comportement est déjà suffisamment tape à l’œil comme cela pour qu’il se concentre vraiment et essaie de déterminer où est-ce qu’il l’aurait bien pu le voir. Si sa personnalité extravagante n’a rien à voir avec son père, Adrian ne peut en revanche s’empêcher de lui trouver des ressemblances physiques. C’est idiot, il le sait, mais cette allure, ce charisme, ce regard, ces longs cheveux noirs font tout pour lui rappeler son père. Et autant admettre tout de suite que cela ne le réjouit absolument pas. Dans son enfance, il s’entendait bien avec lui, il est vrai, cependant il avait toujours préféré sa mère. Sans doute parce qu’elle passait plus de temps avec lui et qu’il s’était senti dans sa nature profonde davantage humain que vampire. Cependant, il admet volontiers que la frontière entre les deux espèces avait toujours été délicate pour lui, si bien que souvent il se demandait qui il était réellement. Un humain ? Un vampire ? Accepter qu’il soit un parfait mélange entre les deux espèces est très difficile à accepter. Il faut dire qu’il est particulièrement rare voir exceptionnel qu’un vampire se marie avec une mortelle. Dans son monde, il n’avait ainsi jamais rencontré d’autres hybrides comme lui et c’est pour cela qu’il a toujours ressenti et connu une solitude que personne ne pouvait réellement comprendre.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le jeune homme s’attendait un peu près à toutes sortes de noms qu’il ne connaitrait pas, tous sauf celui de son père. D’abord, il crut avoir mal entendu, parce que ça ne se pouvait pas. Mais ensuite, il dut admettre que non. Alors naturellement, il songe que le gaillard se moque de lui. Après tout, Dracula est sans aucun doute le vampire le plus célèbre, que ce soit dans son monde ou dans celui-ci. Alors usurper son nom pour se faire une renommée et effrayer les gens, ce ne serait pas très surprenant pour un vampire d’un certain niveau comme lui. Ainsi, Adrian ne peut s’empêcher de le dévisager. Mais à lui, on ne l’a lui fait pas.

Croisant les bras sur sa poitrine, il pousse un petit soupire. Il n’a pas spécialement envie de reprendre son ancienne activité, à savoir chasser les démons, mais il sent qu’il va devoir surveiller ce vampire qu’il le veuille ou non. Il s’est promis de protéger l’humanité pour honorer la mémoire de sa mère et pour cela, il lui faudra bien à nouveau se confronter aux créatures surnaturelles.

Bon, ce n’est peut-être pas très malin de le provoquer et de lui répondre ainsi, mais Adrian n’aime pas qu’on se moque de lui. Il ne comprend pas grand-chose à l’humour, que cela vienne des humains ou des démons. Il ignore que l’homme en face de lui, lui dit bien la vérité. Comment pourrait-il s’imaginer un seul instant que son père dans un autre monde soit totalement son opposé niveau caractère ? Et ce n’est pas parce qu’il lui ressemble physiquement qu’il va se laisser prendre au jeu. Sans compter qu’Adrian n’a pas envie de le revoir. Tous les deux ont atteint le point de non-retour dans leur relation. Il veut anéantir l’humanité et lui souhaites la protéger parce que c’est qu’aurait voulu sa mère. Il est le mal incarné et un danger permanent, pour les humains avant tout mais aussi pour les autres espèces. Il a beau être son père, Adrian estime que tout le monde se porte mieux sans lui.

Révéler son nom et sa véritable identité dans cette situation ne l’effraie pas, puisqu’il est convaincu que l’homme en face de lui se fiche de lui. Aussi, il est certain qu’il ne le croira pas davantage. Du coin de l’œil, il voit encore quelques humains cachés derrières les étagères. Il ment peut-être, mais toujours est-il que sa réputation ici n’est plus à refaire et qu’on le craint. Cela lui rappelle une fois encore son propre père. Il suffisait que son nom retentisse pour que la peur s’instaure un peu partout. Si telle est l’intention de ce gaillard également, c’est plutôt réussi pour le moment.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Adrian s’attendait un peu près à tout sauf à ce genre de réaction de la part du vampire face à lui. Il ne trouve pas ça hilarant du tout, mais bon lui et l’humour, ça fait deux. Aussi, il est loin d’être calé en la matière et peut-être bien qu’en fin de compte, cette situation est comique. Et en plus de ne rien comprendre à l’humour, il n’est guère davantage doué pour exprimer ses sentiments. Il faut dire que son père n’avait jamais été un sentimental et très clairement, il tient cela de lui. Sa mère Lisa était pourtant une femme douce, souriante et qui possédait une joie de vivre. Malheureusement, Adrian a davantage hérité des traits de caractère de son paternel. La nouvelle est tout simplement incroyable pour lui, si bien qu’il ne sait comment réagir et n’exprime sur le coup absolument rien. Il se contente de rester planter sur place, la bouche légèrement ouverte, et de fixer le vampire qui s’avère, manifestement, être son père en provenance d’un autre univers. Qui aurait pu croire que l’une des versions alternatives de Dracula soit si… extravagante ? Le blond n’a même pas les mots pour décrire la situation tant c’est inattendu et bizarre. Pour être honnête, il n’a jamais songé à ce genre de possibilité. Sa relation avec son père avait pris un tel chemin qu’il lui avait été tout simplement impossible de concevoir une réalité où il serait différent et qu’il manifesterait de la curiosité à son égard. Pourtant, c’est bien le cas. Même s’il ne sait pas trop ce qu’il ressent là tout de suite, il admet ce que sentiment s’est emparé de lui.

Il détourne aussitôt les yeux, se sentant stupide d’avoir prononcé ce simple mot. Bien que sûr que non, ce n’est pas son père. Enfin oui et en même temps non. Maintenant qu’il a bel et bien la confirmation de son identité, ce qui explique bien pourquoi tous les humains présents dans la pièce se sont écartés, il ne sait plus quoi dire, ni où se mettre. La haine qu’il éprouvait pour Dracula semble s’évaporer telle de la fumée, tandis que dans son cœur, il entrevoit enfin une autre finalité dans sa relation avec son père qu’un combat à mort.

Son malaise ne semble cependant pas atteindre le moins du monde son interlocuteur et qui lui pose immédiatement des questions sur lui. Comment peut-il prendre la chose aussi bien et facilement ? Il le croit sans la moindre hésitation qu’il est son fils alternatif et au lieu d’être un tant soit peu perturbé, il semble être au contraire encore plus joyeux qu’avant. Son père avait clairement un grain, mais alors lui c’est manifestement encore un stade au-dessus et ça le perturbe autant que ça le fascine. Néanmoins, il songe que cette aura familière qu’il a repéré rapidement en lui n’est pas pour rien. Malgré ses sentiments compliqués pour lui, il reste connecté à lui et saura toujours le reconnaître.

- Son enfant. Mon père ne transformait jamais les humains, du moins pas dans mon souvenir. Ma mère était une humaine du nom de Lisa Tepes. répond-il après une certaine hésitation.

Il ne sait pas trop ce qu’il convient de faire à présent. Peut-il seulement se fier à cette version de son père ? D’un autre côté, c’est peut-être enfin l’opportunité de se rapprocher de lui et de mieux le comprendre. Ce serait manquer une opportunité. D’un autre côté, son instinct lui murmure de se méfier de lui parce que son père reste Dracula après tout. Qui lui dit que cette version est mieux et qu’il ne souhaite pas lui aussi anéantir l’humanité ? D’autant plus qu’il a l’air encore plus instable que son père dans son monde. Adrian ne sait que faire.

Cependant, son père choisit en quelques sortes pour lui puisqu’il continue à lui poser des questions. Alors, il finit par relever le regard et croise à nouveau les yeux rouges du vampire.

- Je n’en sais rien, je ne me suis jamais intéressé à cela. J’ignore comment est décrit mon père en dehors de mon monde. dit-il avec sincérité parce qu’il a toujours désiré s’éloigner le plus possible de son père.

Adrian n’a jamais cherché à en savoir plus. Son père était déjà suffisamment célèbre comme cela, si bien qu’en débarquant dans ce monde, il ne s’est jamais demandé s’il pouvait exister d’autres versions de lui.

- Si tu le dis… se contente-t-il de répondre.